Dent pour dent (2/2)
Lorsque je me réveillais le lendemain, je paniquais quelques secondes, peu habituée à cette nouvelle vision.
J'avais perdu un oeil.
Mais le sommeil que j'avais rattrapé réussi à me faire attaquer la journée plus déterminée que jamais.
Je n'avais pas perdu la guerre.
Avec une énergie nouvelle, je m'habillai en posant un cache-oeil machinalement et descendis pour manger.
- Myriel, tu es sûre que tu peux marcher ? me demanda Syfia soucieuse.
- Bien sûr que oui, je n'ai pas perdu une jambe ! rétorquai-je.
Il ne fallait pas qu'on me traite différemment sous prétexte que j'avais l'allure d'une pirate désormais. Je mangeais en silence et partis à l'arrière. Je voulais me défouler un peu, évacuer toute cette frustration.
Je frappais un premier coup dans le mannequin réservé pour s'entraîner.
Un coup.
Pour les dragonniers qui m'avaient attaqué.
Un second.
Pour cette nouvelle tête à laquelle il fallait que je m'habitue.
Un troisième.
"Tu ne sais pas tout de moi, je ne veux pas avoir à te mentir"
Une pluie de coup s'abbatit et je réussis à casser le pauvre homme désarticulé.
Je respirai de façon haché, dégoulinante de transpiration.
Ce que j'avais cru voir hier.
Ou peut-être que ça avait été réel.
Aurora.
Je l'avais vu et ça avait ravivé en moi tous ces espoirs qui avaient naquit de notre relation.
Intense mais éphémère.
Passionnée mais terminée.
Parce qu'elle avait choisi de reculer plutôt que de sauter. Et je lui en voulais. J'avais eu l'impression d'avoir été utilisée. Mais avant tout, j'étais blessée et triste.
J'avais rassemblé tout mon sang froid et fait du tri dans mes pensées avant de partir pour la mission. Aujourd'hui, c'était différent. Parce que cette mission n'avait plus aucun sens, et que revoir son visage m'avait fait retombé dans cette envie que j'avais d'elle.
De sa voix.
De ses mots.
De sa peau.
De ses confidences.
Tout.
Tout d'elle.
Je retins un grognement entre mes dents et parti chercher un autre mannequin. Je ne me sentais pas encore assez légère.
Au bout du cinquième mannequin, quelqu'un frappa à l'entrée du débarras où je me trouvais.
Je posais mon regard sur Boris, le frère de Kenyan, le futur roi.
- Je n'aurai pas aimé être à la place de tous ces hommes, se permit-il de faire comme remarque.
Je souris mais le cœur n'y était pas.
- Comment tu te sens ? m'interrogea-t-il réellement soucieux. Je ne voulais pas vous déranger avec les garçons lorsque tu t'es réveillée la première fois.
Après avoir installé un nouveau mannequin pour la personne qui passerait après moi, je m'assis à côté de lui.
Ma louve ne reconnaissait pas en Boris son Alpha, mais elle le respectait pour ce qu'il représentait. Un futur roi. Bien plus légitime que celui sur le trône actuellement. Alors même si son cœur appartenait à Kenyan, elle obéirait à Boris.
- Honnêtement, je relativise, lui répondis-je. J'aurai pu avoir pire.
Il posa sa main sur mon épaule et me fit une accolade.
- Je suis heureux que tu t'en sois sortie, me confia-t-il.
Nos regards se croisèrent. Ma louve monta et le loup de Boris en fit de même. Nos fronts se posèrent l'un sur l'autre et le soulagement emplit l'air.
Il partit et je rangeais comme je pouvais mes cadavres de pailles.
Je les dissimulais plus qu'autre chose.
Je rentrai et dineai avec les autres avant de filer pour aller me laver et me débarrasser de ma crasse.
En sortant alors que je sechai mes cheveux, je sentis la présence d'un loup et lui signifiai qu'il pouvait rentrer par la pensée.
- Tu as besoin d'une petite berceuse Quinn ? le taquinai-je pour rassurer son loup.
J'allais bien.
Vraiment.
Je devais me rendurcir, c'était tout.
Sur tous les aspects.
- Tu me tiendrai éveillé toute la nuit si tu faisais ça, me rendit-il en retour.
Je m'approchai pour lui mettre un coup de coude et on s'assit sur mon lit. Il s'y allongea et soupira.
- Tu as vu Taze aujourd'hui ? demanda-t-il sur un ton qu'il pensait innocent.
Je souris et retint un rire. Je n'avais donc pas rêvé. Le dragonnier et notre maman loup s'étaient rapprochés.
- Non... Il ne dort pas ici ?
Quinn soupira et se redressa prenant appui sur ses paumes, légèrement à l'arrière.
- Non. Il m'évite. Je lui ai exposé la vérité. Que j'étais un loup et lui, un dragonnier...
Je le vis hésiter.
- Quinn. Je suis là si tu as besoin de quoi que ce soit, même d'une oreille. J'ai perdu un oeil, mais je peux toujours t'écouter, essayai-je de détendre l'atmosphère en posant ma main sur le torse de Quinn.
- Merci Myr, me répondit-il en prenant ma main dans la sienne. Il m'évite depuis que je lui ai dis que nous deux, c'était pas possible, lâcha-t-il finalement le poids qu'il avait sur la poitrine.
Cette conversation m'en rappela une autre, mais je gardais ce souvenir loin. Il était question de Quinn.
Pas de moi.
Pas d'Aurora.
- Tu es sûre de ça ? tentai-je de lui faire voir la situation autrement. Tu sais très bien ce qu'il se prépare et au vu du rapprochement plus qu'évident entre Kenyan et Elya. Un loup et une dragonniere, peut-être que... à l'avenir...
Quinn secoua la tête ne me laissant pas finir et se releva.
- Il y a des choses que des peut-être ne peuvent pas résoudre. Bonne nuit Myriel, me salua-t-il calmement.
Ce qui était compliqué avec Quinn, c'était cet état constant de neutralité. Je n'arrivais pas à dire si mes mots l'avaient atteint ou s'ils avaient simplement ricoché sur lui.
Je soupirai lorsqu'il ferma la porte et m'allongeai dans mon lit, épuisée.
Je ne me rendis compte que je m'étais endormie que lorsque mon instinct me réveilla. Immobile, je sentais pourtant une présence dans ma chambre.
La personne ne bougeait pas. Elle observait.
Elle m'observait.
Je sortis un couteau de sous mon pantalon de nuit et dans un mouvement lent d'une personne qui se tourne dans son sommeil, je le lançai
Un son de surprise se fit entendre et la seconde d'après j'étais au-dessous de l'intrus la maintenant par une clé de bras.
Mais mes muscles se détendirent aussitôt quand les rayons du soleil éclairèrent des cheveux aussi blancs que les nuages.
- Aurora ? chuchotai-je dans la nuit n'y croyant pas.
Je la lâchai et elle respira enfin mieux. Elle n'avait même pas cherché à se défendre.
- Pourquoi es-tu là ? Comment es-tu arrivée là ? Où est Deltris ? commençai-je mon interrogatoire me permettant d'éviter son regard.
Sans que je ne m'y attende, Aurora se jeta dans mes bras. Je ne la rejetai pas, au contraire, ma louve amorça un mouvement et je le finis en l'enlaçant à mon tour.
- Je voulais te voir, me dit-elle non loin de mon oreille.
Je ris et enfonçai ma tête dans le creux de son cou.
Oui, Aurora était là.
Son odeur me calma instantanément et la douceur de ses cheveux m'avaient manqué.
Puis, je me rappelais.
"Entre nous ce n'est pas possible"
Cette fois, je l'éloignai de moi. Elle baissa la tête tandis que je me relevai. Je ne devais pas me laisser attendrir.
Je lui en voulais encore.
- Alors que fais-tu là ? redemandai-je.
Car après tout sa présence ici n'était pas normale. J'aurai senti Deltris, il serait venu aux princes dès son arrivée, hors il n'était pas là.
- Je ne peux rien te dire mais bientôt tu sauras tout, me répondit-elle en énigme.
Je levai les yeux au ciel en soufflant.
- Je n'aime pas ce jeu de devinettes. Pourquoi tu es là Aurora ? Explique-moi, fis-je exaspérée.
- J'attends, dit-elle sans émotions debout face à moi.
- Attendre qu-
Je ne finis pas ma phrase qu'un bruit assourdissant suivit d'une bourrasque me fit perdre conscience.
La seconde d'après, je me réveillai et assistai à un combat de dragon, l'auberge en feu. Un dragon avait fait exploser l'endroit où nous logeions mais comme par miracle, nous étions tous indemnes dehors.
Kenyan avait rejoint la partie avec des ailes à son dos. Il était devenu dragonnier, ou plutôt il l'avait toujours été.
Dragonnier et loup.
Les événements s'enchaînèrent à tel point que nous finîmes sur une île peuplée de prêtresses et prêcheurs. Comme la plupart des loups et dragonniers, nous pensions qu'ils avaient disparu.
Mais ils étaient bien vivants, sous mon œil.
Je vis passer un jour deux femmes, une plus âgées que l'autre, elles nous avaient dit que c'était une des leurs qui nous avaient sauvé de l'explosion.
La prêtresse de l'espace.
Les pièces du puzzle se rassemblèrent et je fus la seule à réussir à mettre un nom sur cette prêtresse.
Aurora.
Elle était une prêtresse, d'où les non-dits, d'où les secrets. Tout s'emboîtait et faisait sens.
Je tombais de haut.
Ne savais comment prendre la nouvelle.
Et je n'avais pas eu le temps de digérer tout ça que nous étions déjà en train de sauver Elya, emprisonnée sur Homus, grâce à un des portails d'Aurora.
Et cette fois, elle repartit avec nous pour de bon.
Elle me rejoignit.
De nouveau côte à côte, nous allions avoir une conversation.
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