Elle était très intrigante. Mon léopard était curieux à son sujet, bien que moi j'essayais de la jouer profil bas.

Elle était belle, ce n'était pas à prouver mais je ne pouvais m'enlever la provenance de son sang de mon esprit, malgré ses paroles.

Même si je n'avais rien montré, elles m'avaient percutées de plein fouet. Elle avait mis des mots sur ce que je pensais, sans avoir aucun pouvoir de télépathie quelconque.

Oui, vraiment très intrigante. Alors que je marchais d'un bon pas en direction du restaurant de la mère de Réna, je dus m'arrêter.

Miella s'était accroupie vers un des nombreux animaux de Ro. Certains étaient des humains cachés, d'autres de simples créations de la nature.

Je me rapprochai et la vit en pleine séance de papouilles envers un petit pandana. Lorsqu'elle me perçut, elle s'arrêta et se releva.

- Pardon... On peut continuer, dit-elle avant de prendre la tête de la marche.

Je ne la suivis pas, un sourire moqueur sur les lèvres. Au bout de quelques pas, elle se retourna, m'attendant.

Je secouais la tête et décidai de prendre sur moi pour marcher à son rythme. Ses yeux semblaient s'émerveiller face à chaque grain de sable, de bout de terre, qu'elle voyait.

Une grande enfant, en somme.

- Cet endroit est magnifique..., lâcha-t-elle.

- Et encore tu n'as pas vu le village, ne pus-je m'empêcher de prendre un ton familier envers elle.

Elle me rendit un sourire joyeux et nous continuâmes le chemin en silence.

Lorsque nous arrivâmes finalement jusqu'au village, je lui rabattis sa capuche sur la tête.

Elle comprit et se fit discrète. Je rentrais dans le restaurant " Fox'land" et demandais une table assez éloignée.

Le serveur me montra une table et je m'y installais avec Miella qui s'était fait une queue de cheval.

- Tu verras, on mange très bien ici, essayai-je de la détendre.

- Je n'en doute pas..., me répondit-elle un peu ailleurs.

Elle avait perdu de sa bonne humeur. Je me demandais bien pourquoi.

Je laissais donc le silence faire de nous ces spectateurs tandis que l'on prenait nos commandes.

Après quelques minutes, je craquais.

- J'ai fait quelque chose de mal ?

Cela la réveilla de son mutisme car elle me lança un regard surpris.

- Non, tu n'as rien fais du tout, ne t'inquiète pas.

Elle tenta de faire clore le sujet mais je n'étais pas du même avis.

- Alors c'est quoi ? insistai-je en me penchant un peu plus d'elle.

Elle soupira.

- C'est dur de savoir que lorsque l'on te regarde... on ne voit que les vestiges de monstres, me dit-elle pensive en jouant avec sa paille de sa boisson, apportée un peu plus tôt.

Puis voyant que ma curiosité n'était pas rassasiée, elle continua.

- Je sais qu'au fond je suis complice. Complice de ne pas avoir réagi plus tôt aux atrocités de ma famille, d'avoir été une bonne petite fille et de ne jamais avoir fait de vagues. Mais il est trop tard pour regretter, alors j'essaye de mon mieux de prouver que je ne suis ni comme mon père, ni comme mon frère. Et comme tu peux toi-même le constater, c'est difficile...

Elle fut interrompue par l'arrivée de nos commandes et elle ne sembla pas décidée à continuer, en ayant sûrement déjà trop dit.

Nous mangeâmes en silence jusqu'à ce que Réna face son apparition et apparemment elle n'était pas venue rendre visite à sa mère.

Elle s'assit nonchalamment sur la banquette et piqua une de mes frites. À en juger par son regard, elle n'était pas d'humeur mais mieux valait ne pas aborder un sujet houleux devant Miella.

Réna remarqua enfin la présence de cette dernière et se mit à lui faire la conversation.

- C'est dommage que tu ne te sois pas réveillée hier. Tu as manqué la fête en l'honneur du retour de Xandear. Une véritable réussite !

Son ton était surjouée et son volage de frite assez conséquent. Miella le vit et me donna de ses frites en douce.

Son intention était... spontanée, mais je ne m'attardais pas dessus que la voix de Réna rattrapa mon attention.

- Dis-moi Miella, est-ce que les prêcheurs ont des petits secrets ?

- Qu'est-ce que tu entends par secrets ? tiqua la prêtresse de l'esprit.

- Je ne sais pas, quelque chose en rapport avec vos pouvoirs peut-être..., donna comme exemple Réna.

Je lui lançais un regard interrogatif en penchant ma tête sur le côté mais elle l'esquiva.

Étrange.

- Ça dépend.... mais chaque pouvoir à sa contre-partie... pas forcément agréable. Certains s'en rendent compte quand d'autres l'ignorent à vie. Ça a un rapport avec quelqu'un en particulier ? demanda Miella curieuse à son tour.

- Merci Miella. Bon je vous laisse avant que ma mère ne vienne me chercher !

Et elle s'enfuit aussitôt.

Miella reporta son regard sur moi et je ne pus m'empêcher de lui poser une question.

- C'est quoi toi, ta contre-partie ?

Elle manqua de s'étouffer avec sa boisson mais reprit vite des couleurs.

- Comment dire... à défaut de ma santé, on ne peut pas vraiment me mentir sur son état d'esprit par exemple.

Voyant que je ne comprenais pas, elle usa de son pouvoir vu que ses jolis yeux chocolats prirent une couleur cerise.

- Là en ce moment, tu es confus et curieux à mon sujet. Mais si tu essayais de me cacher quelque chose qui te pèserait sur la conscience, je le verrai.

Ses yeux redevinrent à la normale et en prenant dans ses mains son sandwich, elle me fixa.

- Tu comprends ?

Je fis un rapide récapitulatif dans ma tête avant de déclarer.

- En gros, tu peux lire dans l'esprit des gens.

Elle hocha la tête.

- C'est globalement ça.

- Qu'est-ce que tu peux faire...

Une violente explosion à l'extérieur m'interrompit.

Par réflexe, je protégeais Miella de mon corps lorsque les vitres explosèrent.

Avec rapidité, je fis évacuer les lieux, gardant la main de Miella dans la mienne.

- Ne pas la lâcher, me soufflait mon léopard comme instinct primaire.

Je vérifiais rapidement mais personne n'était blessé, alors je me précipitais pour voir l'ampleur des dégâts là où la bombe avait explosé. Il y avait quelques blessés mais aucun mort.

- Xandear, je peux aider, me prévient Miella en se penchant vers moi.

- Vas-y, lui autorisant quoiqu'elle allait faire.

Ses yeux se gorgèrent de rouge et je la vis épier la place, à la recherche de quelque chose, ou de quelqu'un.

Alors que je voyais Réna s'occupait des blessés graves, Miella s'élança à la poursuite de ce qu'elle avait trouvé.

J'hésitais, la suivre ou rester ?

Mon léopard n'attendit pas que je réponde à cette question qu'il suivit déjà la prêtresse.

Lorsque je réussis enfin à la rejoindre, elle avait déjà immobilisé un homme à terre, à la limite de la forêt. Je me mis à sa hauteur, étonné de sa force et de son agilité.

Elle était forte sous son apparence enfantine.

- C'est étrange... Son esprit est vide. Il n'y a qu'une seule chose qui apparaît, elle releva la tête vers moi. Des mouvements. Celui qui a fait de cet homme un poseur de bombe, lui a effacé l'esprit. Je n'avais jamais vu ça.... depuis Thelos.

Un frisson me parcourut. Non, ce n'était pas possible, il était mort.

- Xandear...

Non, non... Non !

Je paniquais, une crise d'angoisse prenait possession de mon corps. Miella me rattrapa avant que je ne m'écroule de tout mon long.

Elle me caressa tendrement le front, murmurant des mots doux à mon esprit. Tel un enfant, je me recroquevillai sur elle, m'agrippai à ses vêtements.

Elle continua ce qu'elle faisait, et lorsque je me sentis mieux, je m'écartais.

À contre cœur, car la chaleur de son corps était... apaisant. Je ne m'étais jamais senti aussi bien auprès d'une autre femme que ma mère ou Réna.

- Ça va mieux ? se détacha-t-elle aussi de moi.

J'hochais la tête.

- Rentrons.

Elle ne broncha pas et me suivit, alors que je portais le corps inerte de l'homme.

Une fois arrivé sur la scène de l'explosion de nombreux villageois étaient rentrés chez eux. Je me dirigeai vers nos cellules quand un cri à mon dos me stoppa.

- C'est toi !

Je me retournai vivement. Un homme dont je connaissais le nom retenait Miella par les cheveux. Il la fit traîner à terre, elle ne se défendit pas.

Pourquoi ne se défendait-elle pas ?

- Xandear ! C'est elle qui a posé la bombe ! Ça ne peut être qu'elle ! C'est une...

- Stras, je sais, le coupai-je. Karl, rentre chez toi, ta femme doit sûrement avoir besoin de toi pour supporter sa grossesse.

- Mais...

Le regard que je lui lançais le cloua sur place. Les épaules rentrées et la tête baissée, il partit.

Je n'aimais pas abuser de mon pouvoir d'autorité, mais parfois il le fallait.

Je reportais mon attention sur Miella, un esprit de l'Eau à ses côtés tentait de nettoyer la plaie qu'elle avait à son bras. Elle lui caressa doucement la tête, tout en le rassurant qu'elle allait bien.

Lorsqu'elle avisa que mon attention lui était totalement acquise, une ombre passa dans son regard puis elle évita mes yeux en se relevant.

- Rentrons..., reprit-elle en continuant son chemin.

Je la suivis jusqu'à la maison où déjà ma mère prenait de nos nouvelles et allait soigner la blessure de Miella. Tandis que moi, j'amenais le responsable de cet incident dans nos cellules.

Une fois ça fait, je revins jusqu'à chez moi.

Je surpris une conversation miroinique entre Miella et le roi Boris.

- Je vais bien Boris. Je ne rentre pas tout de suite, il y a des choses que j'ai à faire ici.

J'entendis un grondement de loup possessif quand une voix, cette voix bien plus féminine répondit à Miella.

- Fais comme tu le sens Miella, il est tant que l'oisillon prenne son envol. Et ce n'est pas ta grosse brute de frère qui t'en empêchera !

- Attends, Syfia ne raccroche...

Puis plus rien. Le silence. Ça avait été rapide. Ma mère avait dû lui donner un de nos rares miroirs pour qu'elle contacte sa famille.

Ça avait dû sens.

Miella était dans le salon, sur le canapé, alors j'y entrais. Elle avait changé de tenue pour une plus confortable, ses longs cheveux blonds gouttant sur ses épaules. Je notifiais le bandage sur son avant-bras.

- Bien, conclut mon animal avant de se retirer.

- Ta mère était allée m'acheter des vêtements, c'est pour...

- Il a perdu sa sœur, la coupai-je. C'est pour ça qu'il t'a attaqué.

Elle baissa les yeux et ramena ses jambes sous ses fesses.

- Je comprends, lorsque l'on perd quelqu'un d'important, on ne sait jamais trop comment on va réagir..., prononça-t-elle d'une voix remplie de vécu.

Je laissais passer un silence entre nous.

- Même, il n'aurait pas dû t'attaquer. Je fais faire une annonce, disant spécifiquement que tu n'es pas notre ennemie. Mais je me demande quand même pourquoi tu ne t'es pas défendue...

Elle me regarda intensément mais ne me répondit pas. Elle descendit son regard sur la main que j'avais posé sur son genou, sans même que je ne m'en rende compte.

Je l'enlevais avant que nous ne soyons interrompu par un portail de prêcheur.

Dans mon salon.

En sortit Graye, le prêcheur de la voyance, le dragonnier de feu et le leader de l'île No.

- Xandear, Miella, nous salua-t-il toujours aussi formel dans son attitude.

- Qu'est-ce qu'il y a ?

Les visites de Graye n'étaient pas souvent de courtoisie.

- Je viens te prévenir d'un danger qui menace Ro. De ce que j'ai vu, ce sera un massacre. Des monstres aux allures humaines, videront de leur sang les villageois, et s'attaqueront ensuite à ceux que tu chéris le plus.

Je fronçais des sourcils.

- J'ai vu Réna mourir de la main de ceux qui s'apprêtent à frapper ton peuple.

Sa mâchoire se crispa en disant ça, et sa voix tressauta légèrement.

- Je te propose l'aide de mes prêcheurs pour venir à bout de cette nouvelle menace. Néanmoins, je ne peux pour l'instant pas t'éclairer plus sur le centre de toute cette machinerie.

Il me tendit sa main que je pris d'une bonne poigne.

Prêcheurs et métamorphes avaient toujours fait bon ménage, et ce n'était pas cette nouvelle ombre dans le tableau qui allait entacher cette amitié de longue date.

*   *   *

Hey !

Alors votre rentrée, bien passé ?

Un petit rapprochement entre Miella et Xandear, malgré sa méfiance ce dernier finit par voir autre chose qu'une Stras dans notre prêtresse de l'esprit ^-^

Et cette nouvelle menace qui plane, ça sent pas bon 😕

Des bisouuus♡