Une fois que la porte fut fermée, je récupérais un Graye brûlant, et pas que par son gène de dragonnier de feu.

- Tu en as trop fait..., constatai-je plus que je ne le réprimandais.

Il s'agrippa à mon bras où sa tête avait choisi de prendre place pour s'y reposer. Il tenait ma main gauche pendant que ma droite lui caressait le visage, transpirant de fièvre.

- Tu m'aimes pour ça, moi, et mes grands airs, plaisanta-t-il.

Je ne le tapais pas même si j'aurais aimé mais lâchais un sifflement animal pour le faire taire. Il rigola, d'un rire étouffé par la fièvre qui le rendait sûrement un peu fou.

Nous restâmes ainsi un long moment, moi debout derrière son siège, le soutenant comme je le pouvais et lui s'endormant doucement dans mes bras.

J'avais passé deux heures à nettoyer le sang qui était sorti de sa bouche, un spectacle qui m'avait quelque peu traumatisé. Il n'avait pas eu tout de suite le contre-cou de sa vision et en forme olympique, il avait convoqué toutes ces personnes pour annoncer ce qu'il avait découvert.

Et voilà comment je le ramassais maintenant, malade à m'en briser le cœur.

En ce moment, il était totalement à ma merci. Cette confiance qu'il m'accordait me poussait à prouver que je la méritais.

Après les préparatifs de bataille que prévoyaient Xandear, Syfia et Elya, ils rentrèrent tous chez eux.

Sauf Elya.

Elle frappa à la porte, je ne bougeais pas de ma position, ne voulant pas réveiller le sommeil réparateur de Graye.

- Entrez.

Elle ne se fit pas prier et rentra dans la pièce d'une élégance rare. C'était ce qui m'avait choqué le plus lorsque je l'avais vu plus tôt. Elle imposait un énorme respect et était aussi belle qu'une femme pouvait l'être. Elle avait cette carrure qui donnait envie de dire oui à chacun de ses ordres. Elle était née pour diriger, ça se sentait dans tout ce qu'elle entreprenait, que ce soit parler ou bien juste marcher.

Ouai, j'admirais cette femme.

Mais j'aimais plus l'homme dans mes bras que la sœur. Toutefois, si j'avais été d'une autre orientation, j'aurais sûrement baver face à cette beauté.

Elle posa son regard sur Graye, soupira et prit une chaise pour s'y asseoir.

Même s'asseoir, elle faisait ça bien.

Le regard qu'elle me tendit en disait long, elle voulait des explications sur son état, et en voyant ma proximité avec son frère, elle savait que j'avais des réponses.

- Ça lui a pris ce matin. Nous étions tranquillement en train de parler quand il s'est effondré au sol. Sa crise a duré au moins cinq minutes. Quand il est revenu à lui, il s'est mis à cracher du sang, énormément de sang. Et comme si de rien n'était, il s'est préparé pour vous recevoir. Il vit maintenant les répercussions de sa vision particulièrement violente, expliquai-je à Elya d'un ton calme replaçant une mèche rebelle du visage de Graye.

Elle m'avait écouté attentivement, puis, elle se mit à réfléchir. Je la laissais faire, préférant regarder le visage de Graye plutôt que celui d'Elya.

- C'était une vision de sa mère ? brisa-t-elle la tranquillité de l'endroit.

Je hochais la tête.

- Il a vu toute sa vie, ne pus-je m'empêcher de rajouter.

Les yeux d'Elya s'agrandirent avant qu'elle ne se lève pour se rapprocher de moi.

- Il n'a jamais eu de vision aussi longue, aussi précise. Celle-ci aurait pu lui coûter la vie...

Elle ne finit pas sa phrase mais le regard qu'elle me lança me figea sur place.

- Seule une émotion forte aurait pu lui faire perdre le contrôle de ses visions. Réna, es-tu une simple amie ou bien plus que ça ?

Je dus retenir ma renarde de monter face à cette accusation. Je n'étais pas un coup d'un soir si c'était ce dont elle faisait allusion. Et je n'aimais pas être jugée ainsi. Elle ne me connaissait pas.

- Je ne suis pas une simple amie, je suis...

Une caresse sur ma main m'apaisa immédiatement. Je ne regardais plus Elya mais quelqu'un d'autre de beaucoup plus intéressant qu'elle.

- C'est bon Réna, tu peux me laisser avec ma sœur...s'il te plaît, me supplia Graye presque d'une voix d'outre-tombe.

Je me détachais brutalement de lui. Il donnait raison à Elya en me repoussant ainsi.

Je n'étais pas assez importante pour le voir faire face à sa sœur.

Je sentais la rage monter en moi alors que je quittais la pièce, faisant claquer la porte à mon dos.

Je ne réfléchis pas et ouvris le portail pour rentrer chez moi.

Apparemment j'étais inutile ici.

Pas capable de soulager mon...amant après un choc.

Pas capable de faire face à ma...belle-sœur car ma présence était de trop.

Pas capable de gérer ces émotions qui me brouillaient la vue.

Non.

Ce n'étaient pas mes émotions qui floutaient ma vision.

Ou alors leur réaction physique.

Je pleurais, de rage mais aussi de peur.

Le stress que j'avais eu suite à la chute dans mes bras de Graye me revenait en mémoire et je me laissais tomber à terre, sur le sable de mon île.

Je hurlais à plein poumon, pleurais à m'en dessécher les rétines, me recroquevillais jusqu'à ne plus avoir d'espace pour voir la lumière.

J'avais eu peur.

Si peur de le perdre.

Alors que je venais juste de le trouver.

De vraiment le trouver.

Et d'enfin me décider.

De rester avec lui et de l'aimer autant de temps que je le pourrais.

Mes sanglots ne se tarirent que lorsque Xandear usa de son statut de chef pour me calmer. Il me ramena chez lui, corps flasque que j'étais.

À la limite de l'amorphe, il me déposa sur le canapé de chez lui. Le temps ne m'avait pas paru s'écouler entre l'instant où j'avais atterri sur le sable et celui où Miella se rapprochait de moi.

Ses yeux d'un beau marron se changèrent en un rouge écarlate et puis, le noir complet autour de moi.

Des bruits de fond me sortirent de mon sommeil lourd, très lourd.

Preuve qu'il n'avait pas été naturel.

J'ouvrais les yeux sur Miella. Elle était en train de jouer avec un esprit.

Si j'en jugeais par son aspect, ce devait être un esprit de l'eau. Elle me lança un regard et esquissa un petit sourire.

- Je suis désolée si tu te sens un peu vaseuse, c'est le contre coup d'avoir influencé ton esprit à s'endormir.

Je pris ma tête d'une main et la secouais un peu. Maintenant qu'elle le disait, c'est vrai que j'avais la gerbe.

- Il s'est passé douze heures pendant que tu dormais. J'ai pensé devoir te réveiller maintenant. Xandear est en train d'établir un plan de défense et d'attaque contre Vépia et les "effacés", m'expliqua-t-elle en jouant toujours avec l'esprit.

Elle désignait avec ses doigts des nombres et lui devait les reproduire. En soit, elle lui apprenait à compter.

- C'est sympa merci, articulai-je dans l'engourdissement du réveil.

- Les symptômes nauséeux devront disparaître dans quelques minutes, me rassura-t-elle.

Je lui lançais un sourire avant de me remémorer les paroles d'Elya.

"Seule une émotion forte aurait pu lui faire perdre le contrôle de ses visions. Réna, es-tu une simple amie ou bien plus que ça ?"

Et une hypothèse me vint en tête.

Et si... et si... pour que Graye vivre une émotion forte... il fallait peut-être que...

- Miella... Peux-tu voir si deux personnes sont des âmes-sœurs ? lui demandai-je de but en blanc.

Elle se stoppa dans son geste et me fixa avant de se racler la gorge, comme mal à l'aise.

- Euh... Oui, je le peux. Pourquoi ? se pressa-t-elle de me questionner en retour.

- Est-ce que... ce serait possible que Graye et moi, on soit... âmes-sœurs ?

Elle ouvrit la bouche mais la porte grinça à ce moment.

Xandear rentra sans me lancer un regard, faisant face à Miella.

- Tu pourrais la réveiller, j'ai besoin de mon bras dr..., dit-il se retournant en même temps, constatant que mes yeux étaient grands ouverts.

Il resta décontenancé avant que Miella ne se relève à son niveau.

- J'ai pris de l'avance. Je vous laisse, partit-elle de la pièce, l'esprit de l'eau sautillant sur ses talons.

La porte se ferma et Xandear soupira avant de prendre place sur la chaise que Miella avait quittée plus tôt.

- Quoi ? lâchai-je plus méchamment que je ne l'aurais voulu en soutenant son regard.

- Je ne t'ai vu que très peu de fois pleurer Réna, qu'est-ce qu'il s'est passé ? me questionna-t-il.

- On ne parle pas plutôt de ton plan pour sauver Ro, et moi aussi au passage, me braquai-je.

Ma défense, c'était l'attaque.

Mon bouclier, c'était mon exaspération.

Mes armes, c'était mes mots.

Néanmoins, le métamorphe en face de moi savait y faire.

Il me supportait depuis déjà des années.

- Réna, s'il t'a fait du mal, je te jure que...

- Il ne m'a rien fait de mal Xan, le coupai-je.

Et sous son regard insistant pour que je lui éclaire la situation, je me confiais à lui.

- À vrai dire, il m'a fait que du bien, soutenai-je ma phrase d'un ton lourd en sous-entendus.

Il roula des yeux au ciel, mais un petit sourire apparut au coin de ses lèvres, détendant l'ambiance immédiatement, soulageant l'air de toute animosité.

- J'étais là quand il a fait sa crise... c'était horrible. J'ai eu peur de le perdre. Il y avait tellement de sang, et lui était si pâle. Je t'assure, la dernière fois que j'ai eu peur de perdre quelqu'un comme ça, en ne pouvant rien faire, c'était toi...

Xandear se leva et vint dans le lit pour me prendre dans ses bras. Il y eut un moment de silence nécessaire avant que je ne continue.

- Et puis... il m'a volontairement écarter de sa discussion avec Elya, sa sœur. Je déteste être mise de côté.

- Ça t'a vexé, déduit-il presque trop facilement.

Je fis la moue, n'aimant pas admettre ce genre de chose, mais c'était l'idée.

Je ne doutais pas de son attachement envers moi, mais peut-être juste de son intensité. Après ce qu'on avait partagé ensemble, je pensais vraiment que j'étais plus importante pour Graye.

J'arrachais la mauvaise herbe à mes pieds avec mes bottes, évidemment, j'étais de garde aujourd'hui.

Je détestais faire ça.

C'était des monstres. Autant ceux qui m'avait assigné ici que ceux que j'étais censée surveiller.

Ils étaient bons pour être du gibier. Avec leurs petites jambes, leurs cris, leurs pleurs inutiles, leurs grosses joues.

J'eus un frisson quand l'un d'eux se rapprocha de moi l'air penaud.

- On m'a volé ma toupie...

Je regardais l'enfant à mes pieds comme s'il n'était qu'une poussière gênante dans ma vision.

- Tu demanderas à tes parents de t'en racheter une alors, lui dis-je sèche.

Il ouvrit la bouche.

Je l'avais choqué ? Pas ma faute, c'était Xandear qui m'avait mis ici.

Je préférais mille fois ramasser les détritus plutôt que de me retrouver à encadrer une sortie dans la jungle aux enfants.

Je les détestais.

- Vous n'allez pas lui dire de me la rendre ? s'exclama-t-il en pointant du doigt un autre petit garçon.

Je longeais la direction de son index et tombais sur un enfant, en effet, mais il n'était pas seul.

Un homme, particulièrement suspect était avec lui, agenouillé à sa hauteur, la main tendue en sa direction.

Je me retirais de l'arbre où j'avais élu domicile pour mon dos, et pris de grandes enjambées jusqu'à l'étranger.

En prenant sur moi, je posais mes mains sur les épaules du gamin, histoire de faire déguerpir le pervers.

- Un problème monsieur ?

Il se releva et je croisais son regard gris qui me fit douter de mes appuis au sol avant qu'il ne prenne la parole.

- Aucun. Tenez voici la toupie volée.

Je restais bouche-bée hypnotisée par la soudaine beauté que je lui trouvais. Il me tendit l'objet que je pris par réflexe et il repartit aussi vite qu'il était arrivé. Lorsqu'il fut dos à moi, je pris soin d'étudier son anatomie.

Encore un bel homme que je ne reverrai sûrement jamais. En même temps, avec ses cheveux rouges, ses yeux gris et sa voix douce, il était sûrement tombé du ciel.

Un cri derrière moi me fit soupirer.

- Lisa ! Arrête de tirer les cheveux de Caroline. Et Margaux, ne mange pas tes crottes de nez c'est sale !

Xandear me retira de mes pensées en bougeant pour sortir du lit.

- Je ne te dirais pas quoi faire, mais laisse-lui une chance de s'expliquer avant de l'envoyer au bûcher, me conseilla mon meilleur ami

- Pour un dragonnier du feu, c'est le rêve, ris-je jaune.

Xandear secoua la tête, habitué à mes blagues de bas niveau.

- Je t'attends en bas et pour information, on sera en communication miroïque. Graye sera là alors..., il montra mes cheveux de sa main, remets-moi tout ça en place.

Je pris un coussin à ma disposition et lui envoyais en pleine figure, mais il se déroba et réussit à sortir avant de se prendre le missile.

Je soupirais en m'écroulant sur le lit.

Redonner une apparence potable à ma chevelure de feu en moins de dix minutes ?

Je relève le défi.

* * *

Hey !

Oui je sais, j'ai un jour de retard désolé XD les révisions ça prend du temps...🙄

Sinon on retrouve une Réna pas mal chamboulée par la crise de Graye :-/

D'ailleurs on voit ici leur première rencontre ^-^ on aime ?

Des bisouuus ♡