Graye ~ 6

- Non...

Ce n'était pas possible.

Elle ne pouvait pas.

Je n'avais rien vu.

Rien.

Vu.

Alors que j'étais le prêcheur de l'avenir.

Je n'avais rien vu.

Tous ces jours à me canaliser pour avoir les meilleurs visions possibles ne m'avaient servi à rien.

Rien du tout.

L'une des seules personnes pour qui j'aurais aimé que mon pouvoir soit utile, était dans mes bras à se vider de son sang.

Pourquoi elle ?

Pourquoi j'avais demandé qu'on épargne l'autre ?

C'était ma faute !

Ma stupide faute !

Je n'avais rien vu venir.

Ni sa perte, ni la flèche qui lui avait transpercé la poitrine.

Je m'étais chargé de l'effacé qui l'avait lancé, le réduisant en cendre.

Plus de pitié.

Plus de solution miracle.

J'étais en train de la perdre et c'était comme si mon cœur mourait avec elle.

Un peu plus tôt...

J'interpelai le bras de ma sœur, la rapprochant de moi. Je ne voulais pas que ce que je dise soit entendu par d'autres.

- Un problème Graye ? me questionna-t-elle.

- Tu ne vas pas aimer ce que je m'apprête à te demander, mais s'il te plaît, dans la possibilité qu'on puisse se confronter à Vépia, j'aimerais que tu l'épargnes, lui lâchai-je.

Elle soupira mais finit par acquiescer. Elle partit avant moi à la poursuite de Vépia.

Quant à moi, je restais encore un peu avec mon père.

- Elle va me trouver. Tu le sais ça Graye ?

Je ne répondis rien.

- Même votre diversion pour neutraliser son dragon ne la fera pas changer d'avis. Elle veut me tuer, continua Khalen.

- Tu restes ici, Aurora te protégera, fis-je avant de rejoindre le combat à mon tour.

Je ne pouvais plus rester en place, il fallait que je me débarrasse au plus vite des effacés venant du côté des prêcheurs.

Cela fait, je pourrais tranquillement rejoindre Réna.

Son intervention pour participer à la protection de Miella, venait sûrement de la sauver. J'en étais soulagé.

Et puis, Kenyan et Boris étaient là-bas alors rien ne pourrait lui faire du mal.

Elle n'était plus en plein centre-ville, comme dans ma vision de sa mort.

Ça irait.

En mi-chemin pour rejoindre mon camp, j'actionnai ma pierre de téléportation et atterrit en plein champ de bataille.

Je fis appel à mon feu de dragon et tenais à l'écart quelques effacés. Je ne voulais en tuer que le minimum, lorsqu'il n'y avait pas le choix.

Je voyais déjà d'où j'étais certains ennemis revenir à leur état normal. Miella faisait du très bon boulot.

Alors que je regardais la scène devant moi, une prêtresse se jeta sur moi en pleurant.

- Leader ! Je ne me souviens de rien ! Que se passe-t-il ? Je faisais ma ronde comme d'habitude et... et...

Sa phrase disparue dans un sanglot et je la poussais sur le côté pour lui éviter la hache d'un effacé métamorphe.

Je réussis à lui voler son arme et l'assommai avec le manche.

Soudain, on m'attaqua par derrière et je tombais à la renverse. Je me débattis avec la personne qui m'avait déséquilibré et fut surpris de constater qu'il s'agissait de la récente prêtresse sauvée.

Quelque chose clochait.

Ça n'allait pas.

Toujours muni de ma hache, je répétai mes gestes et rendit inconsciente mon adversaire.

Je cherchais à communiquer par télépathie avec Aurora mais me cognais à un mur.

Sauf que cette barrière mentale, je la connaissais assez pour savoir à qui j'avais affaire.

Vépia.

C'était ainsi qu'elle imposait sa marque sur les effacés.

Ça signifiait donc qu'Aurora en était devenue une...

J'utilisais ma pierre et revenais auprès d'Elya qui se battait avec hargne contre Vépia.

Je pris une grande inspiration et expirais aussitôt.

Surtout rester calme.

- Qu'est-ce que tu as fait ?! criai-je à l'encontre de ma mère qui abattait son poing contre la mâchoire d'Elya.

- Tu es le premier à avoir remarqué mon petit manège. Je te félicite, me répondit-elle.

- Qu'est-ce que tu fais là ? communiqua par pensée ma sœur.

- Elle a fait d'Aurora une effacée, je crains qu'elle ne soit pas la seule, lui expliquai-je.

Elya ouvrit grand les yeux avant de courir en direction de ma mère.

- C'était sympa de te revoir... Femme de glace, la salua Vépia en crachant du sang avant de disparaître dans un portail d'Aurora.

Mon sang se glaça et je pris ma sœur par la main avant de prendre à mon tour un portail.

Elle allait trouver père.

Elle allait le tuer.

Lorsque nous atterrîmes ma mère tenait mon père entre ses doigts. Ses mains manucurées serraient le cou de mon paternel.

Ce dernier avait les yeux jaunes.

Non...

Il était devenu un effacé et ne réagissait donc pas.

- Tu sais Graye. J'ai eu foi en l'amour auparavant... mais maintenant... Je sais que c'est la seule faiblesse que l'on peut avoir. Alors pas d'amour, pas d'obstacle.

Avant même que je ne puisse avoir un geste, elle fit craquer les cervicales de Khalen et ce dernier s'écroula au sol.

Je m'approchais de lui en retenant un sanglot.

Je pris sa tête entre mes mains... Il ne pouvait pas me laisser.

J'avais besoin de lui.

Je lançais un regard vers Elya dont les yeux étaient devenus rouges et sous les miens mon père reprit son souffle.

Il fut si vif qu'il balança un couteau sur Vépia.

Cette dernière étant déconcentrée par la magie de la prêtresse du temps ne put esquiver l'arme blanche, et se la prit dans le poumon droit.

Elle la retira aussitôt, du sang venant se loger sur le tapis, et se brûla la peau pour cautériser la plaie.

- Alors quoi, en plus d'être un lâche tu es immortel aussi ?! s'emporta dans sa folie la dragonnière du feu.

Elya la prit par le bras pour le lui déboîter mais elle ne fut pas assez rapide et Vépia incendia sa main. La dirigeante d'Iré recula en criant et enveloppa sa main dans de la glace.

Ma sœur tenta de réitérer son attaque mais Vépia, d'un simple claquement de doigt entoura la maison dans un tourbillon de flammes.

J'y étais insensible grâce à ma magie mais pas mon père.

Il s'éloigna autant qu'il le put des braises et se rapprocha considérablement de celle qui avait cherché à le tuer.

- Petite réunion de famille, commença-t-elle avant de poser ses yeux sur moi. Graye, sais-tu qu'il m'a abandonné alors que j'étais enceinte ? Sais-tu que même si je lui avais avoué ma grossesse, il serait tout de même parti ? Tu le sais tout ça ?! Moi... moi... Je t'ai gardé, je t'ai fait éduquer par les meilleures nourrices d'Iré, je t'ai nourri, logé. Je t'ai tout donné... Et voilà que tu ne me portes aucune considération ! Que tu préfères rester avec cet homme répugnant ! Tu sais, je suis venue ici pour toi, je voulais...

- Ça suffit, la fis-je taire. Pourquoi essayes-tu de gagner du temps ?

Je n'étais pas bête. Même s'il y avait du vrai dans ses dires, il était clair qu'elle parlait dans le vent.

Ses yeux brillèrent d'une intensité nouvelle et son visage qui affichait quelques secondes plus tôt une grande tristesse, se noua de colère.

- Et en plus tu as hérité de mon côté intellectuel ! Je suis en train de gagner du temps c'est vrai... mais crois-moi je le fais pour toi. Mon fils, exagéra-t-elle la prononciation.

Ma lèvre supérieure trembla d'agacement.

Surtout ne pas s'emporter.

- Ne l'écoute pas Graye, elle veut te faire perdre patience. Elle est très douée pour ça..., m'épaula mon père.

Je fermais les yeux et comptais jusqu'à trois.

Un.

- C'est...

Deux.

- ...Aussi...

Trois.

-...Mon fils !

Et je la balayai avec toute la puissance d'un souffle de flammes. Elle ne fut pas blessée par le feu mais elle fut éjectée plus loin.

- Je ne suis rien de tel à tes yeux ! Cesse donc de mentir ! crachai-je au nez de ma mère.

Cette dernière était affalée sur le sol. Je l'avais bien secouée et malgré ça, elle se releva.

Difficilement pourtant, à cause de sa blessure au thorax et une nouvelle à sa cheville dont la couleur bleue s'étendait dessus. Elle avait dû se la fouler en tombant.

- C'est faux. L'une d'elles te porte dans son cœur, fit-elle en désignant sa tête de son doigt.

- Graye..., murmura mon père en se rapprochant de moi.

Il posa ses mains sur les miennes qui étaient repliées dans mes paumes. Avec douceur, il réussit à me les détendre.

- Fais attention, s'inquit-il pour moi mentalement.

Je le regardai et le rassurai à travers mes yeux quand un rire tonitruant nous ramena à la réalité.

- C'est fini Graye ! Tu es fini toi et ta stupide foi en l'humanité ! Je te l'avais dit..., elle me montra du doigt, l'amour rend faible.

J'entendis mon père hurler mon nom mais déjà quelqu'un le repoussait de mon espace.

Je la vis apparaître sous mes yeux.

Je me figeais mais pas elle.

Une épée dans les mains elle fonça sur moi.

Elle m'atteint au visage mais Elya de sa main apte m'attrapa.

Si elle ne l'avait pas fait, j'aurais fini empalé.

Par la main de mon âme-sœur.

Réna était devenue une effacée.

Ses pupilles d'un beau gris étaient maintenant jaunes.

Je devais me ressaisir.

Tandis qu'Elya me tira en arrière et contra Réna, je joignis Miella par pensée.

- Miella ? Tu t'en sors ? Des alliés sont devenus des ennemis, il faut que tu fasses d'eux ta priorité.

Elle fut immédiate dans sa réponse.

- Graye, il ne reste quasiment aucun effacés et j'ai fait en sorte qu'ils dorment, les seuls encore présents sont effectivement nos alliés. J'ai perdu énormément d'énergie... Je ne crois pas que j'arriverai à tous les faire revenir, me prévint-elle.

Je lâchais un léger soupir.

- Fais ce que tu peux, tu as déjà rempli ta tâche avec brio, la rassurai-je.

S'il suffisait de les immobiliser, on pouvait le faire.

- Graye... Je pense que tuer Vépia peut arranger le problème, me suggéra-t-elle.

Non, je ne voulais pas qu'elle meurt. Je voulais d'elle une condamnation juste, même si cela venait finalement à la conduire sur l'échafaud.

Je ne voulais pas que tous les ennemis cessent leur activité par la mort en plein combat. Je voulais mettre en valeur la justice, que le peuple, non, que le monde puisse montrer du doigt un responsable.

Et je voulais que ce soit elle. Qu'elle marque l'histoire où toutes les espèces ont dû collaborer pour la vaincre.

L'ennemi public numéro 1.

Elle devait représenter cette image.

- J'y penserai, finis-je ma conversation avec Miella ne lui causant pas plus de fatigue qu'elle n'en avait déjà.

Je relevai mon corps et croisai le regard de ma sœur.

- Je m'occupe de Réna. Toi occupe-toi de Vépia !

Je hochais la tête, vérifiant l'état de mon père mais il avait déjà mis à terre Aurora.

Vépia était à quelques mètres déjà de nous, boitant à travers les arbres.

- Papa, fais-moi des chaînes et des menottes, ordonnai-je à mon paternel ce qu'il matérialisa dans la seconde.

Avec l'équipement nécessaire que je possédais, j'étais prêt à traîner ma mère face à son jugement dernier.

Elle ne me vit pas arriver et je la tins en chaîne par la nuque. Elle s'écroula et tenta de faire fondre le métal, mais échoua lamentablement.

Ne perdant pas de temps à la voir comprendre qu'elle était finie, je pris ses bras et menottais ses mains dans son dos, la chaîne lui serrant toujours le cou.

- Un métal anti-magie ? Encore une création de ton père... Après tout c'est le prêcheur de la création alors autant qu'il en ait dans la caboche pour continuer à créer, rit-elle fière de sa blague, si c'en était vraiment une.

Je la forçais à se mettre à genou et elle ne put pas résister à ma prise.

- Tu vas me tuer ? Vas-y mon petit, ça évitera bien des problèmes, se condamna-t-elle.

Une fois que je l'avais bien attaché, je lui fis face.

- Non. Je ne vais pas te tuer, je ne te ferai pas ce plaisir. Tu vas affronter le monde et tous ceux que tu as blessé. Tu vas faire face à ta sentence. Tu ne vas pas simplement mourir, tu vas payer.

Elle grimaça mais le sourire qu'elle afficha par la suite fut mortel.

- Tu sais Graye...on dit que la vie ne tient qu'à une seconde.

Je relevais mes yeux sur le cri que venait de lâcher ma sœur.

- Cela n'a jamais été aussi véridique, m'acheva de par ses mots et de par son acte Vépia dont les yeux luisaient d'une lumière jaune.

*   *   *

Hey !

Et bien et bien... ne me tuez pas pour cette fin à suspens 😂

Vépia qui se fait finalement arrêter, enfin ! Vous en pensez quoi de la raison de Graye pour l'épargner ?

Et la question sur toutes les lèvres... qui est en train de mourir ?😭

Des bisouus ♡

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