Syfia ~ 7
Je me réveillais dans des draps encore chauds de la présence qui avait été à mes côtés toute la nuit. Et bien plus que seulement ça...
J'entendais la douche couler dans la pièce qui juxtaposait celle de la chambre d'hôtel. Aujourd'hui, on rentrait à Homus, et bien que cela allait signer mon départ, je ne pouvais m'empêcher d'être heureuse.
J'avais ce sentiment collé à moi depuis la veille. C'était agréable et chaud, tellement que je m'y roulais dedans sans hésitation. Je n'avais pas ressenti une telle sensation de plénitude depuis des lustres.
Je m'étirais longuement lorsque la porte s'ouvrit dans la foulée. Morgane la referma aussitôt et me fit signe de me taire tandis que je recouvrais ma poitrine dénudée avec le drap. Elle était décoiffée et portait encore son habit de nuit.
- Je vais te trouver ! insinua Mahé dont j'entendais les pas lents répercuter contre le bois du couloir.
Je comprenais l'empressement de Morgane. Elle jouait à un cache-cache, très matinal avec Mahé. Je retins un rire pour ne pas qu'elle ne se fasse démasquer. Alors que Mahé s'éloignait, Boris sortit de la salle d'eau, vêtu d'une simple serviette couvrant ses parties intimes.
J'en baverais presque si Morgane n'était pas dans la chambre.
Elle monta sur le lit et me fit un câlin. Je le lui rendis avec la même intensité. Boris sourit à cette scène et se prépara, loin des yeux innocents.
Lorsque nous descendîmes tous manger, je scrutais la pièce du regard. Ulo n'était toujours pas revenu, je ne savais pas si je devais m'inquiéter ou non...
- Trouvé ! hurla Mahé en venant chatouiller Morgane comme punition.
Elle s'esclaffa tentant de le faire partir, tandis que je commençais à prendre les aliments se trouvant sur la table. Boris se joignit à moi et piqua dans mon assiette.
- Malpoli, fis-je en lui tapant le bout des doigts.
Ça ne l'arrêta pas pour autant, un sourire carnassier même apparut sur ses lèvres.
L'ambiance générale fut joviale et bientôt les bagages partirent à la suite de notre véhicule.
Toujours aucun signe d'Ulo.
- Tu n'aurais pas vu Ulo ? demandai-je à Morgane qui s'était assise à côté de moi, vite suivit de Boris.
- Ha... euh... non désolé Syfia, bredouilla-t-elle en baissant les yeux. C'est comment Homus ? s'empressa-t-elle de changer de sujet.
- C'est grand, et le château que tu verras est à moi, se vanta Boris en bombant le torse.
- Et toi Boris, tu n'aurais pas vu Ulo ? continuai-je mon interrogatoire.
- Non, mais le connaissant, il doit sûrement être jaloux de nous ! ricana-t-il alors que je fronçais des sourcils.
Préférant ignorer cette remarque, je fermais les yeux et laissais mon esprit rejoindre celui d'Ulo.
Un violent mur percuta mon esprit et j'eus du mal à reprendre mon souffle. Je n'arrivais pas à rejoindre mon Similaire, quelque chose bloquait notre communication. C'était extrêmement douloureux et je ne comprenais pas d'où venait le problème.
Je retentais ma manœuvre mais cette fois, je tombais à terre à cause du choc.
- Syfia, que se passe-t-il ? s'alarma Boris qui était venu s'agenouiller auprès de moi.
- Je..., parler m'était difficile.
- Allonge-toi, tu saignes du nez, me conseilla le loup en m'aidant.
- Je... saigne ? articulai-je.
- On s'arrête ! ordonna-t-il. Morgane, va nous chercher de quoi l'essuyer auprès d'Aron, dit-il à la petite.
Cette dernière semblait figée mais elle revint vite à la réalité et partit. Il ne resta plus que Boris et moi dans l'habitacle.
- Ce n'est pas un grand saignement, je suis sûre que tu peux arranger ça, sous-entendai-je la parole m'étant redevenu facile à manier.
- Je... Je pense qu'on a de l'eau pour t'aider oui. Je t'aiderai.
Et ces mots me firent réaliser de plein fouet. Tous les éléments étaient là, sous mes yeux. Ulo qui disparaissait subitement, mon incapacité à rentrer en contact avec lui et maintenant, Boris qui ne peut pas utiliser de sa magie pour stopper un stupide saignement de nez.
Rien de tout ça n'était réel.
Rien.
Sauf Morgane.
C'était la seule qui pouvait me faire voir cela, et tel un virus qui changent chaque année, Morgane n'avait pas la même nature que moi. Elle était peut-être une dragonnière de la vision mais elle en était surtout une de l'illusion. Et elle avait créé celle-ci de toutes pièces. Elle m'avait plongé dans cet endroit, sans que je ne puisse rien faire.
La balle.
La balle que ma mère m'avait tiré, elle n'était pas qu'une simple balle... Non... Je commençais à comprendre. Il devait y avoir ce même mélange qu'avait reçu Elya. C'était pour ça que je ne pouvais pas m'échapper de cette illusion, que je ne m'en étais même pas aperçue...
- Syfia, mon cœur, ça va ?
Je claquais contre la main de Boris qui cherchait un chemin pour atteindre ma joue. Au même moment, Morgane revint dans la cabine.
- J'ai ramené des serviettes et...
Le regard noir que je lui lançais la coupa dans son élan.
- Pourquoi me fais-tu ça ? Je suis pourtant venue te sauver, dictai-je clairement d'une voix plutôt neutre.
Si je voulais me sortir de ce mauvais pas, je devais gagner sa confiance.
- Syfia, qu'est-ce qui te prend ? Tu as du te cogner en tombant pour parler ainsi à Morgane ! s'exprima Boris choqué.
- Fais-le taire, assénai-je comme demande à Morgane, yeux dans les yeux.
Comprenant sa défaite, elle baissa la tête et fit un simple geste que Boris se trouva pétrifié, tout comme l'environnement autour de nous.
- C'est ma mère qui t'oblige à faire ça ?
Je m'étais légèrement calmée. Morgane s'assit en face de moi, la tête toujours en direction du sol, coupable.
- Oui...
Je soufflais bruyamment. Surtout ne pas paniquer.
- Que se passe-t-il réellement ?
À ce moment, elle osa enfin relever ses yeux vers moi. Ils étaient remplis de larmes, elle les fit partir avec ses manches.
- Je suis désolée... mais si je ne le fais pas, elle me fera mal. Et... Je ne supporte plus d'avoir mal...
Son discours débordait de sincérité et de souffrance, je l'avais moi-même eu à son âge.
- Dis-moi juste ce qu'il m'arrive... à l'extérieur, s'il te plaît, demandai-je en prenant ses mains dans les miennes.
Avec ce geste, un flash m'apparut.
À travers les yeux de Morgane, d'où des larmes coulaient, me renvoyant des images floues, je me voyais allongée par terre, sa main contre mon front et une lumière verte s'en dégager. Nous étions dans une cabane très petite. Au sol, de nombreux enfants y étaient rassemblés, au-dessus de moi Gabriella, ma mère me murmurait des mots à l'oreille qui me rendirent presque sourde.
- Tu n'échapperas jamais à mon contrôle, ma petite fleur...
Puis je refis surface inhalant une grande gorgée d'air. J'étais dans un lit, à regarder par la fenêtre, c'était le jour. Je reconnaissais les lieux comme étant la chambre de Boris.
Boris m'avait-il retrouvé et arraché à ce cauchemar ? Je sortis en vitesse du lit, mais un vertige me prit et je retombais sur le matelas.
- Doucement, tu as eu un sacré choc..., me prévint une voix à mon dos.
En me retournant, Boris était là et me souriait à pleine dent. Il se précipita pour me prendre dans ses bras.
- Bo..ris ?
- C'est moi Syfia, tout va bien, je suis là.
Je fondis en larmes contre lui, pendant que sa main me caressait le dos avec tendresse.
C'était fini !
Qu'est-ce qui était fini ?
Ce ne devait pas être très important. J'étais avec l'homme que j'aimais et son odeur embaumait mon cœur.
Je me rendormis contre son torse protecteur. À mon réveil, je constatais l'absence d'Ulo.
Je le cherchais dans mon esprit et me prit une décharge psychique de plein fouet, me laissant à moitié consciente.
Non... ce n'était pas fini... J'étais encore dans une illusion ! C'était une spirale dans laquelle je tournais désespérément.
Puis tout devint noir et mes yeux s'ouvrirent sur deux autres violets.
Morgane !
Je tentais de m'éloigner d'elle mais mon corps ne me répondit pas. La lumière qui jaillit subitement me força à fermer les paupières, mais même ce mouvement m'était difficile.
Qu'est-ce qu'il m'arrivait ?
- Ma petite fleur est réveillée ? Tu as mis plus de temps à te rendre compte du subterfuge que je le pensais.
Cette voix... Non je l'avais pourtant tué... Gabriella...
- Je...
- Ne te force pas à parler, vu la dose d'acier et de ce je-ne-sais-quoi dans ton organisme, tu es incapable de bouger. C'est très pratique !
Je lançais un regard à Morgane, le sien était voilé et des striures rouges parsemaient son corps. Elle avait été battue.
- Ne fais pas attention à Morgane, elle est docile, elle. Tu devrais la remercier ! Je suis sûre que ses illusions t'ont donné de quoi rêver non ? déblatéra ma mère. Enfin, je ne veux pas savoir. Si je lui ai demandé de te faire revenir c'est pour savoir à quel point le roi d'Homus tient à toi...
Je ne l'écoutais déjà plus, trop occupée à rassembler mon énergie pour contacter Ulo. Au premier essai, je l'eus de suite.
- Syfia ! Je suis là ! Mais vu ma taille je ne peux pas risquer qu'ils me découvrent. Je vous suis de loin depuis deux jours et une fois que vous vous serez arrêtés pour de bon, j'irais prévenir Boris, je te le promets !
Je n'eus même pas la force de lui répondre ou même de sourire en sachant que je n'étais pas seule.
Une poigne me prit par le col et mon visage fut face à celui de ma mère.
- Hein ?! Est-ce que le roi serait prêt à mourir pour toi ?! Depuis quand es-tu devenue si importante ! J'ai épuisé tellement d'années de ma vie à chercher la richesse, pendant que toi en un battement de cils, tu as le roi à tes pieds !
La rage régnait dans ses yeux bruns, tel un feu d'enfer. Elle me rejeta au sol avec fureur. Puis elle inspira profondément, avant de redevenir sûre d'elle et d'afficher un sourire factice.
- Peu importe, parce qu'avec la puissance accumulée, notre canon sera capable de détruire la capitale. D'anéantir les loups qui nous ont depuis trop longtemps rabaisser au silence. Et avec Stémis nous étant venu en aide, lui et ses fioles permettant de faire d'un dragonnier un vulgaire bout de chiffon, nous allons gagner. Tu vas voir, ta mère n'est pas une ratée !
Alors c'était donc ça, le but de toutes ces années de tortures, pour un canon. Une machine de guerre, si bien dissimulée que personne n'avait rien vu venir.
- Ulo... part maintenant, ça devient bien trop dangereux. Ils préparent un canon pour détruire la capitale. Ça ira pour moi, part !
- D'accord, tiens le coup Syf'
Et la communication redevint qu'un bruit sourd dans ma conscience.
- Bien... Morgane, je t'en prie, cloua le sujet ma mère en repartant de la pièce dans laquelle je me trouvais.
Morgane approcha sa main de mon front.
- Je suis désolée... vraiment désolée.
Une brume se déposa sur mes yeux et je me retrouvais sur l'herbe si douce d'Iré.
Un loup au pelage blanc, se disputait avec un autre aux tâches marron. Une présence prit place à côté de moi.
- Ils sont incorrigibles. Parfois j'ai l'impression d'être avec un enfant plutôt qu'un mari, se lamenta Elya.
Je ris de bon cœur et la prit dans mes bras. Ma meilleure amie était heureuse, alors je l'étais aussi. Les loups nous virent et se jetèrent sur nous à coup de langues.
Notre joie éclata entre nous en même temps que les hurlements bestiaux.
- Tout ce que je te montre est l'un de tes possibles futurs..., m'annonça une voix qui s'estompa aussi vite.
Je n'en pris pas note et continuais de m'amuser avec mon roi. Une fois la journée passée, on devait rentrer chez nous à Homus.
J'habitais à Homus, j'allais en devenir la reine. La demande en mariage de Boris restait l'un de mes meilleurs souvenirs.
Avant de partir, je remarquais que quelque chose clochait dans ce paysage idyllique.
Ou plutôt que quelqu'un manquait à l'appel.
Où était passé mon Ulo ?
* * *
Verdict ! C'est bien malheureusement Syfia qui est coincée dans une illusion :-/
Ce canon préparé depuis des années par les humains, prévisible ?
Vous comprenez Morgane ?
Des hypothèses pour la suite ? ^-^
Bisouuus♡
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