Syfia ~ 4
La ville rayonnait. Tout le monde souriait, ils étaient heureux et au fond, cela me faisait plaisir. J'avais été quelques années sur Homus, je ne pouvais pas le nier, et bien que cet endroit ne m'avait pas manqué, si à l'époque Homus était tel qu'aujourd'hui, j'aurais sûrement aimé revenir.
Mais ça n'avait pas été le cas...
On m'allongea sur l'affreuse machine. Je n'aimais pas être ici, mais j'y étais trop souvent. L'homme masqué à ma droite appuya sur le bouton et je commençais à me mordre la lèvre. Je ne devais pas crier, je ne voulais pas que les autres m'entendent, je ne voulais pas qu'ils aient aussi peur que moi. L'énergie de mon corps diminua considérablement. Luc m'avait expliqué qu'ils prenaient nos pouvoirs, ou du moins la puissance qui s'en dégageait. Et ainsi maman gagnait de l'argent. À notre dernière session de couture, elle m'avait demandé d'être sage pour qu'elle puisse gagner plus et que je puisse retourner à la maison avec mon frère. Toujours plus, il lui en fallait toujours plus avec elle. J'avais aimé ma mère, mais aujourd'hui et sur cette table, je la détestais.
C'était avec cette rage que je tenais une bonne partie du temps, avant d'hurler. Je n'avais pas été sage, j'avais fait du bruit mais ça faisait mal...tellement mal. Je finissais par m'évanouir comme à chaque fois et c'est avec les membres paralysés que je me réveillais, avant de retomber dans un sommeil profond, alternant conscience et inconscient. Vidée de mon pouvoir, j'étais comme vidée de cœur. Je ne pouvais ni bouger, ni parler.
J'avais mal, si mal...
- À l'aide...murmurai-je dans la sombre pièce une larme roulant sur ma joue.
La main de Boris contre la mienne me fit chasser mes idées noires de mon passé.
- Pas de tracas, on s'amuse d'accord ? me fit-il.
Je lui souris et l'entraînais déjà dans une petite boutique. Je délaissais sa main pour détailler les habits qui pendaient. Ils étaient d'une qualité moyenne mais ils étaient authentique, comme si ces habits portaient une âme. Je pris une robe noire et partit l'essayer. Suivant le conseil du roi, je sortis et improvisais quelques pas pour qu'il puisse juger la robe. Il pointa ses pouces en l'air.
J'avais été trop expéditive en le rejetant aussi rapidement, rien n'empêchait qu'on entretienne une relation... après tout on allait passer une bonne partie du temps ensemble, autant ne pas être en froid. Ses confidences dans le carrosse m'avaient fait chaud au cœur, j'avais senti son trouble et j'imaginais que c'était la première fois qu'il parlait ainsi.
Je payais la robe et enchaînais déjà avec une autre boutique. J'entendis un soupir derrière moi et me retournais. Je venais de sauter sur un petit trottoir, c'est donc tout naturellement que je dépassais Boris maintenant. Je mis un doigt sur son front.
- Je t'avais dit que j'aimais faire les magasins, lui dis-je alors qu'il semblait étonné.
Nous étions sous une autre apparence, alors pourquoi pas en profiter pour se dérider un peu des contraintes de nos vies ?
Et je décidais de plonger dans cet état d'esprit déraisonnable pour le reste de la journée, aux risques de le regretter plus tard et d'y prendre goût.
Il enleva mon doigt en prenant ma main dans la sienne, puis il reprit sa taille initiale en me rejoignant sur la plate-forme.
- Je ne pensais pas autant. Vas-tu me torturer encore longtemps ? me lança-t-il avec un regard de chien, non plutôt, de loup battu.
- Jusqu'au bout de la nuit ! m'exclamai-je en rentrant dans le commerce à ma gauche.
Et il râla.
Je trimbalais quelques sacs, pendant que Boris se laissait tomber sur un banc, épuisé.
- J'ai fini, le rassurai-je en lui donnant un coup d'épaule.
Il réagit aussitôt.
- Enfin ! J'en pouvais plus, si j'avais su...non, je serais venu quand même, se corrigea-t-il alors que je ris.
Emportée par l'euphorie du moment, je fis ce dont j'avais envie depuis mon arrivée. Je collais mes lèvres contre sa joue, laissant perdurer le moment autant que je le pouvais. Je sentis son sourire s'élever et je finis par me reculer.
- Tu as été un brave homme, je me disais que tu méritais un petit cadeau aussi..., dis-je en ne lâchant pas son regard.
Il baissa soudainement la tête et fit une sorte de moue. Je posais une main sur sa jambe.
- Quelque chose ne va pas ? m'enquis-je rapidement.
- C'est juste que...vu tout ce que tu m'as fait faire...un bisou sur la bouche aurait été un beau cadeau, parla-t-il d'une voix basse pour que je me rapproche, me volant un baiser sans que je ne puisse lui échapper.
Ses lèvres étaient toujours aussi douces, la sensation de sa barbe de trois jours par contre était nouvelle. Je ne pus me délecter de son baiser, qu'il se dégagea aussitôt. Je lui frappais l'épaule pour la forme, essayant de calmer la rougeur de mes joues en tentant de cacher mon sourire. J'avais apprécié son baiser et j'aurais aimé pouvoir l'approfondir plus...
- Allez, cette fois c'est à moi de t'emmener quelque part ! me prit-il par la main.
Il faisait déjà nuit, je me demandais donc bien où il voulait m'embarquer comme ça. J'allais faire ma remarque à voix haute quand son doigt se posa sur mes lèvres. Les rôles avaient changé, c'était à lui de jouer avec moi.
- C'est une surprise, me souffla-t-il contre mon oreille.
Je serrais ma main dans la sienne et le laissais me guider à travers les ruelles. J'avais un coup de cœur pour cette ville, même si je savais qu'elle n'avait sûrement pas été toujours ainsi. Maintenant que c'était le cas, je portais une petite fierté d'avoir entre mes doigts celui qui était à l'origine de ce changement. Boris ne prenait pas en compte l'étendue de son arrivée, quel impact cela avait.
Moi je comprenais, j'avais été du petit peuple, le plus méprisé : les humains. Mes parents l'étaient, alors même si mon frère et moi étions dragonniers, on restait avec eux. On avait notre endroit à nous, comme un ghetto : Calisse. J'appréhendais de devoir y retourner, même pour un court instant. Mes parents devaient encore sûrement y être... Je ne voulais pas les revoir, plus jamais.
J'arrivais au ponton d'un petit lac, Boris me tenant toujours fermement.
- J'avais prévu de regarder sur le balcon de ma chambre d'hôtel, mais d'ici ce sera encore mieux ! déclara-t-il impatient.
Il m'entraîna jusqu'à une petite barque dont il paya rapidement le propriétaire, sûrement plus qu'il ne devrait vu la tête qu'avait fait ce dernier devant le nombre de pièces dorées.
- Assieds-toi et apprécie le spectacle, me sourit-il avant de prendre les rames.
Je n'allais pas me plaindre de ne pouvoir rien faire pour une fois. Je m'allongeais légèrement, la brise du soir venant caresser ma joue. Je décidais de laisser mes cheveux revenir à l'état sauvage en enlevant mon élastique. Je n'eus pas le temps de passer un bref coup de main dedans qu'un son, suivit d'une grande lumière percutèrent le ciel et la tranquillité de l'endroit.
J'ouvrais en grand la bouche. La lumière s'évapora et d'autres aux multiples couleurs et formes embellirent l'espace à leur tour. Je restais bouche-bée devant ce...spectacle, ça l'était en effet.
Un feu d'artifice, c'était donc ça, sa surprise. Je m'approchais du milieu de la barque et fis un rapide signe à Boris pour qu'il prenne place derrière moi. Ainsi, il verrait correctement et j'aurais un meilleur dossier. Il accourra presque, laissant les rames à l'abandon et je fus bientôt calée contre lui, enlaçant ses mains aux miennes sur mon ventre.
- Tu aimes ? demanda-t-il presque timidement.
- J'adore ta surprise Boris. C'est magnifique..., soufflai-je continuant de regarder les explosions célestes.
Nous restâmes ainsi, sans un mot, l'un contre l'autre. Je ne voulais pas penser à la conséquence de ma décontraction avec lui, ni au fait que je souffrais encore plus car là et maintenant, ce n'était pas le Boris avec lequel j'avais eu des aventures.
Non.
Ça n'avait rien à voir.
C'était le Boris entier, lui-même, pas juste un corps de dieu. Et j'aimais cette personnalité qu'il avait, doux et joueur, impulsif et maladroit.
J'aimais Boris...tout simplement et ça me ferait mal...sauf en cet instant présent qu'était magique.
Je ne le retins pas de sentir mes cheveux ou bien de m'embrasser le front, j'appréciais comme il m'avait demandé de le faire.
- Ne me rejette pas Syfia...s'il te plaît...on a si peu de temps ensemble...profitons-en, me murmura-t-il à l'oreille.
Je frissonnais et il resserra sa prise, ainsi je me fondais encore plus dans la chaleur de ses bras. Je ne lui répondis rien, fermant mes yeux, profitant du moment.
Sa surprise était finie depuis longtemps maintenant et si j'ouvrais un œil, je pourrais voir, sans utiliser mes pouvoirs, l'hôtel.
Mais je voulais rester encore un peu avec lui, rien qu'un peu...
Ce fut un frappement qui me sortit de mon sommeil de plomb. Je m'étirais sur le lit, marmonnant un "entrez". Alors que j'ouvrais ma paupière et tombais sur Mahé, je réalisais. J'étais dans ma chambre d'hôtel, sur Homus, et je m'étais endormie contre Boris.
Je me relevais d'un coup, portant ma main à ma bouche.
Je n'avais jamais...Je ne m'étais jamais endormie aussi rapidement, en totale confiance...
- Et bien, est-ce une lionne ou une dragonnière que j'ai en face de moi ? plaisanta Mahé contre la porte.
Ne comprenant pas de suite, trop perturbée par ma prise de conscience, je lui lançais un regard si noir qu'il retira son sourire dans la seconde. Puis je compris.
- Ho ! Pardon ! Je ne voulais pas paraître aussi...méchante. Je...c'était une mauvaise blague, tentai-je de m'excuser sur de l'humour aussi.
Il souffla et porta sa main sur sa poitrine.
- Au moins, je sais que je ne dois pas faire mes blagues de bon matin avec toi, finit-il par me rassurer avec un sourire aux lèvres.
Je le lui en rendis un en retour.
- Je vais te laisser émerger, le petit déjeuner t'attends ainsi qu'un roi particulièrement de bonne humeur, me prévint-il avant de refermer derrière lui.
Je soufflais lorsqu'il partit et secouais la tête face à mon comportement. Je me retirais du lit et allais jusqu'à la salle de bain. Boris m'avait enfilé une petite nuisette. J'aimais ça...enfin, je crois...
Je ne continuais pas plus le fil de mes pensées et me préparais rapidement, prenant le soin de me doucher et de remettre en état la fougue de mes cheveux, qui m'avait valu cette blague matinale.
J'arrivais en une vingtaine de minutes jusqu'au hall de l'hôtel, où en effet une table débordait presque de nourriture alléchante. Et d'un roi tout aussi alléchant en bout.
Je m'approchais de lui et devins gauche. Je ne savais pas s'il fallait que je lui embrasse la joue ou que je lui serre la main, ses deux amis étaient ici et cela pourrait faire jaser la population si un membre du personnel nous voyait...
Boris ne me laissa pas le temps de réfléchir plus et m'évita un moment honteux en me prenant la main et en la pressant tendrement.
- Bonjour.
Je plongeais dans ses yeux, mes lèvres s'étirant.
- Bonjour...
Je pris la place à ses côtés, il avait déjà entamé son déjeuner et lisait un journal. Je me pris des fruits, ainsi que du lait et commençais à mon tour. Il tourna sa tête vers moi et me pointa du doigt un article avec un titre très accrocheur.
"Après Kenyan Stras, le dragonnier, Syfia Tnis, la dragonnière, nouvelle chouchoute d'Homus ?"
Je lâchais un petit rire et avalais mon morceau de banane avant de réagir.
- Déjà ?
- Tu sais te faire apprécier en quelques secondes Syfia. Demande à mes stupides garde du corps, c'est Mahé qui a insisté pour venir te réveiller, alors que j'allais le faire..., bouda-t-il en faisant la grimace à son ami au bout de la salle.
Ce dernier ricana et Boris se contracta. Je posais ma main sur la sienne, un contact plaisant qui me paraissait habituel maintenant.
- Peut-être mais ce n'est pas lui qui m'a bordé, dis-je un sourire en coin.
Il comprit le message et répondit à mon sous-entendu d'un magnifique regard. Nous continuâmes notre déjeuner avant de devoir faire nos affaires.
Avant de partir, Boris me prit à part, prenant mon bras dans sa paume.
- Nous allons dans une zone à risque. Nous l'appelons la "zone rebelle", là-bas sont gérés les anarchistes principalement, mais j'imagine que maintenant les partisans de Baltros doivent s'être joints à eux. J'aimerais te promettre que tout ira bien, mais je ne peux pas...Syfia sois prudente, reste sur tes gardes et utilise tes pouvoirs au moindre problème, m'expliqua-t-il.
Le timbre de sa voix était dure et pleine de frustration. Son regard était rivé au sol, seule ma main sur sa joue le lui fit relever.
- Promis. Dois-je te rappeler grâce à qui tu as une belle cicatrice à l'épaule ?
- Pas besoin, je m'en souviendrai à vie.
Il sembla rassuré et nous montâmes dans le carrosse où Ulo ayant fini sa petite promenade matinale dans les airs, était allongé contre le siège. Je passais ma main sur sa tête et la caressait légèrement. Il avait entendu notre conversation et malgré qu'il paraisse endormi, il veillait. Il me veillait. J'activais mon pouvoir, invisible à la surface, mais pourtant bien présent, vibrant au même rythme que mon pouls.
Direction cette zone rebelle aux nombreux dangers.
* * *
Hey !
Un rapprochement tout douxxxx😍
Vous en avez pensé quoi de ces deux-là, ça se lâche un peu non ?😏
La zone rebelle...grrrr...
Pour la suite vous verrez une Syfia pas très très sobre, des méchants pas très très gentils (#action) et enfin la révélation sur le pouvoir prêcheur du très très grand Boris ! *0*
Les choses s'accélèrent les amis ! 😎
Des bisousss♡
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