Kenyan ~ 9

La gueule de bois... Ça faisait mal.

Même pour quelqu'un qui aimerait oublier sa vie, qui va regretter ses actions et qui se sent comme le dernier des salauds.

En bref, quelqu'un comme moi.

Je me levais avec acharnement. Ma tête me paraissait aussi grosse qu'un dragon. J'avais mal, mais ce n'était rien comparé à la douleur de mon cœur.

Aujourd'hui, j'allais blesser ceux qui m'avaient épargnés.

Aujourd'hui, j'allais sauver mes loups et rentrer chez moi dans la nuit.

Aujourd'hui, j'allais trahir Elya. J'allais perdre sa confiance. J'allais enterrer ma chance avec elle.

Je n'étais donc pas au meilleur de ma forme.

Alors que j'étais assis, les yeux fermés, appuyé contre le mur, une main froide se posa sur mon front.

Je me détendis, ça faisait du bien.

J'ouvris un œil pour voir Elya qui s'était assise à mes côtés. Elle avait la mine penaude aussi, sûrement à cause de ses souvenirs d'hier.

- Comment tu te sens ? me demanda-t-elle.

- Comme un ivrogne...

Elle esquissa un sourire avant de détacher sa main de mon front. Elle alla dans la salle de bain et revint avec une pilule et un verre d'eau.

- Ça fera baisser ton mal de tête plus rapidement, même si pour un loup tes capacités de guérison devraient te suffire.

Puis elle partit sur ses mots. Je m'exécutais comme un pantin. Je n'avais pas l'âme à m'amuser, ou bien même à prendre conscience de mes mouvements. J'étais réduis à l'état de marionnette vivante.

- Ne le fais pas, exigea mon loup, lui aussi coupé en deux.

Notre instinct voulait que l'on sauve nos loups, et notre cœur, lui, nous dictait autre chose : ne pas blesser celle pour qui, il battait la chamade.

Je soufflais bruyamment et me relevais pour aller déjeuner.

Je traînais des pieds jusqu'à la table conviviale où tout le monde était déjà attablés, plus ou moins en forme.

- Tu as la tête des mauvais jours..., m'interpella Myriel avec son bandeau à l'œil.

La voir ainsi me rappelait à quel point je ne pourrais pas supporter, qu'un autre de mes loups subisse le même sort. Je lui caressais doucement la joue en lui demandant comment elle se sentait.

- Je suis en vie, c'est ce qu'il compte.

Malgré ses mots, je voyais la souffrance qu'elle portait. Perdre son œil avait été pour elle comme un signe de défaite, que tout ce pour quoi elle s'était battue, pour enfin être reconnue de taille aux combats, avait été inutile. Pour un sniper comme elle, la vue était primordiale.

Toutefois, j'avais confiance en elle, je savais qu'elle trouverait un moyen pour faire de son handicap une force.

On prit place tous les deux à table. Je me sentais soudain de trop, j'étouffais presque entre toutes ses personnes dont j'allais consciemment arracher l'un de leur membre, leur pilier.

J'avais bien remarqué, même si Elya parlait peu, qu'elle était sans forcément s'en rendre compte, le point central de toute cette bande.

Je me mordais la lèvre pour m'empêcher de penser. Il fallait que j'agisse comme à mon habitude, même si le cœur n'y était pas.

Alors je fis semblant.

Semblant de rire.

Semblant de sourire.

Semblant de vivre pleinement.

Ces personnes, en quelques semaines, m'avaient apportés plus de confort que ce que j'avais pu avoir. Ils m'avaient montré ce qu'était que la complicité, sans lien de sang, sans rang à maintenir. Et je m'étais presque senti...heureux, capable de vivre ici, sans revenir à Homus.

Mais, la trahison de mon paternel et celle de mon frère me laissait un goût acide, m'empêchait de respirer convenablement. Ma mère me pensait mort, je devais rétablir la vérité, mettre fin au règne de cet ordure qui me sert de père.

Et je savais que Boris m'aiderait et que c'était précisément pour ça qu'il était venu, déjà certain que j'étais vivant. Il était venu me ramener pour que l'on retrouve enfin un chez-nous, digne de ce nom.

Il ne détestait pas notre géniteur aussi fortement que moi, mais ses pratiques le faisaient vomir, tout comme Miella. Seuls ma mère et mon stupide frère ne voyait aucun inconvénient à ça.

Je doutais déjà depuis un certain temps que ma mère était devenue soumise, mais se comportait comme une dominante, pour l'image. Mon père l'avait conditionné et elle n'était plus cette femme battante que j'avais eu enfant. Après ma longue maladie, elle n'avait plus été la même. Elle n'était devenue que l'ombre de son passé vaillant.

Mon père l'effrayait et je ne pouvais pas la détester pour ça, au contraire je la trouvais courageuse d'être encore à ses côtés en un seul morceau. Chaque être avait ses faiblesses, ses forces mais surtout ses blessures, qui pouvaient réduire à néant toute une vie de combat. Et ma mère avait abandonné, elle avait cessé de se battre, elle avait perdu.

Pour l'amour de ses enfants, elle avait sacrifié son propre bonheur. Elle était encore debout, parce que nous l'étions aussi. Alors même si Thelos n'était qu'un abruti, elle l'aimait de tout son cœur.

J'espérais, qu'à mon retour, elle soit de mon côté...

- Une petite balade mon frère ? me demanda Boris en début d'après midi.

Étant en mode automatique depuis mon réveil, je répondis par l'affirmatif. Pour le coup, Dany et Quinn nous rejoignirent et on était partis.

Cette balade qui ressemblait plus à une course mais surtout servant à prouver qui savait pisser le plus loin, me détendis un peu.

Jusqu'à ce que mes yeux se posent sur elle. Celle qui, à la simple vue, faisait couler un poison dans mes veines.

-Vous vous amusez bien les garçons ? siffla joyeusement Vépia.

On s'était posés près d'un lac, et comme toujours Quinn avait prévu un short pour tous. On se regardait en chien de faïence, elle, souriant, moi bouillonnant.

- Madame la dirigeante, vous avez décidé de nous renvoyer chez nous ? essaya d'attiser son attention Boris pour qu'elle ne se focalise plus sur moi.

Il avait compris. Il savait qu'entre elle et moi, il y avait anguille sous roche ou pour le coup, épine sous le pied. Il attendait sûrement que je lui donne des détails, mais il n'en saura rien.

- J'espère pouvoir vous la rendre rapidement effectivement, ça commence à sentir le chien mouillé à des kilomètres à la ronde, dit-elle après avoir rit jaune et mimant un geste de sentir quelque chose de putride.

Je serrais mes poings.

- Qu'est-ce que vous faites là ?

Elle me regarda de nouveau.

- Je viens juste m'assurer que tout se passe comme prévu.

Puis un long silence suivit, où seul notre échange de regard faisait électriser l'air.

- Je pense qu'on va rentrer, c'est l'heure de se restaurer, n'est-ce pas Kenyan ? s'appuya sur moi avec sa main Dany.

- Ouais, lâchai-je énervé.

- Je la hais, renforça mes pensées mon loup.

Et sans remords, je lui tournais le dos et le reste des loups me suivirent. Une fois de retour, je lâchais un long soupir.

La soirée serait bientôt là.

Bientôt...

J'allais dans la chambre pour me laver lorsque je vis Elya allongée sur son lit, dos à moi. Elle ne me vit pas de suite, mais ma vue sur ses courbes féminines me faisait mal.

Je crois que j'aimais vraiment cette fille, et que la servir en buffet à Vépia allait me détruire. J'espère qu'elle se défendra, elle était bien plus puissante que moi, elle réussirait à s'échapper et j'aurais tenu ma promesse.

Oui, ça se passerait ainsi, ça le devait !

Un juron s'échappa de ma bouche, alors que j'étais accoudé à l'encadrement de la porte transpirant et en short. Ce qui lui laissa une plutôt belle vision de mon corps fin et musclé.

Elle tourna sa tête vivement, fronça les sourcils et essaya tant bien que mal de ne pas me reluquer.

Et elle échoua rapidement. Pourtant elle se détacha de mon corps pour revenir à sa lecture, de mon livre fétiche.

- Je pensais qu'il ne t'avait pas plus ? remarquai-je curieux.

- Hum. Va te laver, tu empestes, répondit-elle la voix légèrement enrouée.

Si elle tentait de masquer son intimidation à mes jolis muscles, c'était raté et je le lui fis comprendre d'un petit rire rauque.

- Qu'est-ce que tu fabriques ! Tu vas la jeter dans la gueule du loup dans quelques heures, et tu te permets de plaisanter ?! explosa mon loup résigné.

- Autant profiter des derniers instants non ? continuai-je légèrement blasé.

- Alors ne vient pas te plaindre, si j'en profite aussi, avant que je ne puisse comprendre, il prit possession de mes membres et ferma la porte doucement.

Le pire dans tout ça, c'est que je savais ce qu'il s'apprêtait à faire, et que je le laissais. Car au fond, moi aussi j'avais envie, de goûter une dernière fois à ses lèvres sans que son regard ne me haïsse.

Elle ne réagit pas, trop absorbée dans sa lecture.

Je m'approchais d'elle, d'un pas dominant et assuré. Je me penchais au-dessus d'elle et lui piqua le livre rapidement, que j'envoyais balader au sol.

Et enfin, elle se retourna pour se retrouver nez à nez avec moi.

- Qu'est-ce qu'il te prend ? Tu évites mon regard depuis hier et là tu te laisses dominer par ta moitié ? résuma-t-elle la situation calmement pourtant face à moi.

Je m'assis à ses pieds, alors qu'elle chercha à se lever, mais je l'attrapais fortement par le poignet la déséquilibrant en la faisant tomber en arrière.

La tension autour de nous était palpable et oppressante.

Je me mis à califourchon sur elle, malgré le rebord du lit, c'était faisable.

Je pouvais sentir ses hormones s'affoler à mon rapprochement soudain. Elle luttait avec elle-même.

Résister ou succomber ?

Se laisser aller ou me repousser ?

M'aimer ou me détester ?

Je plongeais mes yeux dans les siens, si énigmatiques. Leur blancheur ne m'indiqua rien sur son état d'excitation, hormis une légère panique.

- Ça ira..., lui souffla mon loup se rapprochant de son cou.

Il baisa sa nuque avec douceur et elle nous fit le plus beau cadeau, elle souffla de plaisir.

Depuis combien de temps un homme ne l'avait pas touché avec réelle envie... Non, finalement, je ne voulais pas le savoir.

- Pourquoi... Ce n'est pas Kenyan ? réussit-elle à prononcer.

Mon loup fit de même pour le côté opposé de son joli cou nacré.

Et lorsque, je revenais pour lui faire face, il me laissa de nouveau la place. Elle sourit, sachant que cette fois c'était moi.

Je lui caressais la joue, cette dernière étant devenue rosée, je souriais.

Et avec la plus grande tendresse dont j'étais capable, je posais mes lèvres sur les siennes. Ce n'était pas l'un des baisers fougueux qu'on avait déjà expérimenté. Celui-ci était d'une douceur dont elle méritait toutes les parties.

Mais elle ne semblait pas satisfaite et vint titiller mes lèvres de sa langue que j'accueillis volontiers dans ma bouche. Toutefois, elle garda cette tendresse dont j'avais besoin moi aussi.

Pour le souvenir, qu'un jour, elle avait été capable de m'en offrir.

Nos langues se retrouvèrent dans un lent ballet, fondèrent l'une sur l'autre me faisant frissonner l'échine.

Notre baiser dura jusqu'à ce qu'on manque d'air.

Elle fermait les yeux, n'osant sûrement pas les ouvrir ou bien était-elle en train de se concentrer pour ne pas réitérer notre première expérience ?

- Tu sens le fauve, finit-elle par me dire.

Profitant de ses yeux clos, je l'embrassais sur le front.

Mon baiser d'adieu, en quelque sorte.

- Compris chef, opinai-je pour finalement me diriger dans la salle de bain en prenant les vêtements sur la couchette.

Une fois enfermé dedans, sous le jet d'eau, je me permis de lâcher une larme.

De tristesse, de futur remords et d'apitoiement.

Lorsque je sortis, elle n'était plus là. J'en profitais pour laisser une note sur son lit.

"Rejoins-moi, là où tout a commencé, à 22h"

Je ne fis pas mes bagages, n'en avait pas vraiment de personnel, c'était juste des vêtements prêtés pour la plupart.

Je sautais de la fenêtre, n'aillant pas le droit à ce que l'on me suive. Pour la peine, je partis deux heures en avance pour le point de rendez-vous. Je m'enfonçais dans la forêt, sachant que cette dernière guiderait naturellement Elya jusqu'à...nous.

Vépia était déjà là, me voyant arriver, elle sourit de plus belle.

- Bon toutou !

Totalement dépassé et à bout de force, je ne répliquais pas, la laissant se cacher dans cette forêt qui obéissait aussi à ses ordres.

Je me posais sur un rocher et attendit.

J'attendis la sentence aussi durement que si cela allait être mon jugement dernier. L'attente me fit presque devenir fou et tout plaquer pour prévenir Elya de ne pas venir.

Tout se bousculait et tournait dans ma tête, me donnant des maux abominables, alors que la pleine lune commençait son ascension.

Je ne suis qu'un minable, mais c'est pour le bien de mes loups.

Je vais la perde, mais elle ne m'aimera jamais de toute manière.

J'ai honte, mais mon père serait fier de moi.

Je vais enfin rentrer, mais qu'à moitié.

Sur cette dernière pensée, j'entendis des branchages craqués.

Elle était là.

Elya était devant moi, souriante, inconsciente du danger qui l'attendait.

Je me levais, incapable de prononcer le moindre mot. Elle était même plutôt bien habillée.

La douleur du sceau qui s'évanouit.

La douleur du cœur.

La douleur physique.

Je vis les yeux d'Elya s'écarquiller, elle retenait un cri et enclencha son mode de guerrière.

Malheureusement une flèche dont elle avait déjà subi les effets auparavant se planta dans son bras, pendant que je réalisais qu'on venait de me poignarder l'abdomen.

Même si Elya avait réussi à enlever la flèche, cinq autres vinrent à sa rencontre, pendant que je m'écroulais au sol.

Brusquement, je me reconnectais à la réalité, entendit finalement le son du rire de Vépia.

- Enfin ! Quel abruti de loup, ton père te veut mort et c'est ce qu'il va continuer à croire lorsque je lui ramènerais cette idiote qui t'a tué ! cria-t-elle en position de vainqueur.

Elya n'avait pas encore sombré dans l'inconscient et comprit que je l'avais tout droit conduit dans un piège.

Ignorant son regard indéchiffrable et la douleur dans ma chair, je me relevais en dévisageant Vépia.

- Mes... loups ?

Son sourire et son regard me figèrent sur place, alors qu'une explosion se fit entendre.

- En cendres, tout comme toi.

Et je vis, la combattante sans cœur qu'elle était. Elle n'avait jamais voulu me laisser, nous laisser la vie sauve.

Est-ce que j'avais pensé à cette opportunité ?

Oui.

Est-ce que j'avais cru en mes chances de m'en sortir avec mes amis et mon frère ?

Oui.

Est-ce que la dernière chose que je vis avant de sombrer dans les ténèbres, fut le regard apeuré de Elya avant qu'elle-même ne tombe dans l'inconscient ?

Malheureusement oui.


*   *   *

Ça va vous ? ^-^ XD

Alors, on en pense quoi de ce chapitre ? Un rapprochement physique plutôt sympa, des pensées de Kenyan assez moches et... Une embuscade ! Si c'est pas beau ça XD. Je rigole mais pour la suite vous avez intérêt à vous accrocher, là on rentre dans le vif du sujet !

Vous vous en doutiez ? Que pensez-vous qu'il va se passer pour la suite ?

Je tiens à dire qu'on est à la moitié de l'histoire !

Je poste aujourd'hui, même si ça ne fait pas exactement une semaine, pour Tynriss (estimes-toi heureuse :P). Et aussi parce que j'avais hâte de voir vos réactions XD.

Bisous ♡

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