Kenyan ~ 7
La chaleur que m'apportait les bras de mon frère s'éteignit lorsque ce dernier se prit une flèche dans l'épaule. Je levais le regard sur celle qui venait de lancer son attaque. Syfia prononça quelques excuses avant qu'Elya ne se mette à souffler.
- Je savais que tu n'étais pas mort..., me confia Boris le cœur dans la gorge.
Il se retenait de pleurer devant les demoiselles derrière nous, mais le cœur y était. Ignorant son épaule ensanglantée, il arracha la flèche et me resserra de nouveau dans ses bras musclés. Mon loup respira son odeur. Oui, Boris était là. Mon frère était là. Et cela me fit grogner de plaisir. Le loup de Boris répondit au mien dans un long regard complice.
Derrière nous, j'entendis Elya demander à Syfia d'examiner la zone, à la recherche du petit garçon. Cette dernière lui répondit qu'il n'y avait rien aux alentours. L'enfant avait donc disparu dans la nature. Je ne m'attardais pas sur ce détail et continuais de serrer mon frère contre mon torse. Il était à peine plus grand que moi, j'avais donc ma tête dans son cou.
Un raclement de gorge nous sortit de nos retrouvailles.
- Boris c'est ça ? demanda Elya méfiante.
Mon frère se retourna vers celle-ci en hochant la tête.
- Es-tu venu seul ?
De nouveau une réponse affirmative de l'héritier au trône.
- Si nous t'emmenons pour te donner des soins, serais-tu prêt à rendre les armes ?
Syfia et moi nous faisions discrets, face à cet échange entre deux chefs.
- Évidemment, répondit Boris d'une conviction sans failles.
Maintenant qu'il m'avait vu vivant, il n'était plus menaçant.
- Bien ! Alors suivez-nous, les garçons ! s'enthousiasma Syfia en sautillant. Désolé pour ton épaule, finit-elle en passant devant Boris qui la regarda curieux.
- Sont-ils tous autant excentriques ? me murmura-t-il à l'oreille en parlant des dragonniers.
Je lâchais un petit rire et ce fut Elya qui lui répondit.
- Non, mais tous ont une bonne ouïe, alors je te conseillerais de faire attention à tes paroles, dit-elle sans ton particulier en nous devançant.
Le reste du trajet fut seulement rythmé par Syfia blaguant avec Elya, disant qu'elle les attirait tous, en parlant des hommes de hauts rangs évidemment. Je voulais savoir ce qu'il s'était passé au royaume lorsque ma mort avait été annoncée, mais pour cela, je devais attendre d'être seul avec mon frère.
De plus, j'avais l'esprit encore perturbé par les événements de la journée.
J'avais embrassé Elya, du moins une pulsion m'avait poussé à le faire. Mais, elle m'avait rendu mon baiser me laissant une belle marque sur la lèvre, que mon loup avait décidé de ne pas guérir. Il était avide de recommencer. C'était la première fois qu'une femme nous intéressait autant, physiquement mais bien aussi au niveau du caractère. Elle avait du répondant et nous défiait de nombreuses fois. Elle était à mon égal.
J'avais aimé goûter ses lèvres, la sensation de sa main dans mes cheveux et le regard ardent qu'elle m'avait lancé.
Jusqu'à ce que tout tombe en éclat et que son œil droit ne devienne plus que rougeur. Ça avait été si rapide que j'avais repris mes esprits, seulement après qu'elle soit sous l'aile d'Hodnir. Et lorsqu'elle en était ressortie, c'était bien la Femme de Glace qui m'avait fait face. Ce n'était plus la femme avec qui j'avais passé un bon moment, et ça me frustrait.
Jamais je n'avais été repoussé ainsi, même mon loup avait grogné. Nous aurions une conversation, mais ce n'était sûrement pas moi qui la débuterai.
Nous arrivions finalement à la taverne comme je l'appelais. Il n'y avait personne ce qui nous permit d'être tranquille un petit moment. Je m'apprêtais à soigner mon frère avec l'eau qu'Elya m'eut donné, mais Syfia me prit la bassine des mains.
- C'est moi qui lui ai fait ça, alors c'est moi qui le lui enlèverai ! me fixa-t-elle de ses beaux yeux verts.
Le loup de Boris grogna de la voir arriver, ce dernier était très rancunier et ne lui pardonnera pas de si tôt.
- Ça ne sert à rien, je me soigne très bien tout seul, lâcha mon frère d'une humeur mauvaise.
- Je sais, mais je vais te nettoyer quand même. Il ne faudrait pas que tu tâches quelque chose, je ne serais pas fan de faire le ménage derrière toi, le toisa-t-elle du regard.
Il souffla mais se laissa faire. Je me retournais pour croiser le regard d'Elya, qu'elle changea vite de trajectoire, visiblement gênée que je l'eus surprise.
- Alors Boris, que me vaut cette visite ? commença-t-elle à l'interroger.
- Je suis venu chercher mon frère.
Elya pouffa.
- Tu crois que cette seule réponse va nous suffire ? Que se passe-t-il à Homus pour que deux enfants de la famille royale viennent jusqu'ici ?
Boris échangea un rapide regard en ma direction et je lui donnais mon approbation pour qu'il continue. Tant pis si nous n'étions pas seul à seul, je voulais savoir.
- Lorsque Thelos est revenu sans Kenyan, ça a été un choc. Il a prétendu que Kenyan était mort en le protégeant, mon père a ensuite clamé qu'il fallait rendre justice à son fils bien-aimé...
Mon rire jaune le stoppa quelques secondes et tous me regardèrent. Mon père ne m'avait jamais aimé, ce n'était que des conneries. Comme je m'y attendais, il se servait de ma mort pour rebeller le pays. Je n'étais qu'un pion dans son plan. Toutefois, je me contenais pour ne pas exploser le comptoir sur lequel je m'adossais, le regard dans le vide.
- Suite à ça, le royaume a fait son deuil ainsi que la famille royale. J'étais convaincu que Kenyan n'était pas mort alors une nuit, je me suis enfui, avec l'aide de ma sœur. Et me voici, pour rétablir la vérité. Pour ramener mon frère au royaume et condamner Thelos pour son mensonge. Pour qu'enfin le règne de terreur de mon père prenne fin, termina-t-il avec une éloquence sans nom et une certitude profonde que mon retour arrangerait les choses.
Je l'admirais pour cette volonté de fer qu'il possédait. De ce que j'avais pu comprendre, Miella pensait elle aussi que j'étais bel et bien en vie. Je touchais rapidement le bracelet que j'avais à mon poignet. Mère avait donc cru Thelos et pleurait ma mort en ce moment. Ce fait me déchira le cœur.
La porte s'ouvrit soudainement sur une personne que j'aurais préféré ne pas revoir.
- Sauf qu'il ne rentrera pas avec toi, jeune homme ! déclara Vépia en s'avançant d'une démarche provocante et séductrice.
Mon frère la fusillait du regard, mais tout comme moi, il savait qui elle était. Elle me dévora du regard et je me sentis de suite mal à l'aise. Elle passa dans mon dos et posa ses mains sur mes épaules.
- Kenyan...est...à, elle compléta ses mots en faisant glisser ses mains jusqu'à ma poitrine. Moi ! finit-elle avant de croiser ses bras pour m'enfermer. Il n'ira nulle part sans mon consentement.
Une fois son petit numéro dont les dragonniers devaient avoir l'habitude fini, elle se détacha de moi et je pus enfin respirer.
- En revanche, toi, tu vas partir. Tu ne me sers à rien, clama-t-elle avec un signe de main signifiant qu'elle le voulait dehors.
Des sortes de gardes rentrèrent dans l'auberge cherchant à poser leurs mains sur Boris. Ce dernier lâcha un petit ricanement avant de bouger rapidement. En quelques secondes, les quatre amateurs se retrouvèrent à terre. Boris fit craquer son cou et se retourna pendant que ceux qu'il avait mis à terre, prenaient leur jambe à leur cou en direction de la sortie.
- Je reste autant de temps qu'il restera, dit-il en défiant Vépia.
Cette dernière fit une grimace avant que son visage ne reprenne des traits lisses et confiants.
- Bien... Amuses-toi donc..., conclut-elle en se dandinant jusqu'à la sortie.
Je relâchais mon souffle, sans m'être rendu compte qu'il s'était coupé. Boris avait retrouvé son faciès des plus attendrissant en m'offrant un immense sourire.
- On va encore faire un bout de chemin ensemble, frérot ! s'exclama-t-il si content qu'il aurait pu remuer la queue.
Je lui souris en retour alors que Syfia le força à se rasseoir, pour finir de nettoyer sa plaie déjà refermée. Il grogna quelque peu mais se laissa faire.
- Et voilà ! Maintenant ils peuvent rentrer, déclara cette dernière en se débarrassant du chiffon imbibé d'eau et de sang.
Rentrer ? Qui ?
Avant même que mon cerveau ne puisse assimiler l'information, un boulet de canon composé de trois loups s'écroula au sol.
- C'était quoi ce mur de feu qui nous bloquait le passage ?! s'exclama Dany paniqué.
- Une illusion de Syfia..., répondit Quinn en écho au sourire espiègle de la dragonnière à leur attention.
Elya, visiblement agacée de ce manège partit dehors, rejoindre son Similaire. C'est ce que je ferais à sa place. Enfin, si j'avais eu un Similaire, à la place j'allais voir Boris. Le seul de mes deux frères aimant envers moi. Le seul qui m'a prouvé que j'étais dans la bonne famille. Le seul qui venait me réconforter lors de mes cauchemars brutaux.
- Et le prince, ça te dit de te joindre à nous ? me demanda Myriel sur le dos de Boris.
Sans attendre mon reste, je les rejoignis dans une accolade. Entre loups, on avait énormément besoin de contact, et encore plus lorsqu'on se considérait ou non comme une famille.
- Ça...coule d'amour ici. Je vous laisse, ne faites pas de bêtises ! nous prévient Syfia avant de filer.
On se détacha en s'installant tous autour de la table... Enfin, Dany préférait s'asseoir sur la table, mais ce n'était qu'un détail.
- Alors ? Comment va Miella ? demanda directement Dany inquiet.
- Elle ne te pense pas mort si c'est là le fond de ta pensée, lui sourit Boris en voyant le sourire soulagé de notre ami.
Il continua à répondre aux questions du reste de nos camarades. Ces derniers se firent un plaisir de lui raconter ce que nous avions vécu en retour, il grogna lors de l'évocation de mes tortures mais se reprit rapidement.
- Et Thelos ? osa poser sur la table le sujet Myriel.
- Il se réjouit de son nouveau statut. Il est devenu le chef des armées, il s'est d'ailleurs empressé d'y faire du ménage. Deltris a perdu son poste..., souffla-t-il la tension se lisant dans tout son corps.
Je ne pus m'empêcher de lâcher un juron. Deltris était ce qui se rapprochait le plus d'un mentor pour moi, d'un vrai exemple. Quelqu'un qui n'aurait jamais du vivre ce qu'il avait vécu plus jeune. Quelqu'un qui ne méritait pas de perdre son travail, ce qui l'avait sorti du trou pendant une époque...
Myriel baissa les yeux avant de soupirer et de prendre la parole.
- Qu'est-ce-qu'on fait maintenant ? On a une dragonnière folle alliée de notre Kenyan, et d'autres sbires qui ont pour ordres de ne pas nous lâcher ! Si c'est une paix qu'ils souhaitent, elle est loin d'arriver si nous restons cloîtrés ici !
Il n'y eut plus un son. Elle avait raison, on en avait tous conscience. Même si ça ne faisait seulement que quelques semaines qu'on était ici, j'y avais appris une chose. Nous sommes différents, tout en étant complémentaires.
Ceux que j'avais méprisé sous les dires de mon paternel, n'étaient pas si offensants.
Ceux qu'on nous avait forcés de tuer leur dragon, n'étaient qu'une grande famille.
Pas une meute, mais une famille quand même.
Pas de liens sanguins, mais d'autres beaucoup plus forts, incomparables.
Et j'avais cette promesse qui me pesait sur la conscience. Que je n'aurais jamais dû faire sans en savoir le but.
Vépia me scruta avant de lâcher les mots qui me redonneront ma liberté.
- Tu gagneras la confiance d'Elya, suffisamment pour qu'elle croie te rejoindre là où je te demanderais de la retrouver. Bien sûr, tu n'y seras pas. Tu ne tenteras rien pour la prévenir. Tu resteras un gentil loup...ou tu finiras en brochette sur un feu.
Je hochais la tête. Quel était mon intérêt dans le fait de connaître le sort de cette dragonnière aux airs supérieurs ? Aucun.
- Bien, mais un sceau ne sera pas de refus ! s'enthousiasma-t-elle en posant sa main brûlante sur ma jugulaire.
Je sentis des formes se dessiner sur ma peau me faisant lâcher un cri, puis elle y posa un baiser qui eut pour effet de calmer la douleur. Et lorsqu'elle eut fini de me détacher, ma main n'y trouva à cet endroit qu'une surface lisse. Le sceau avait disparu et coulait dans mes veines.
Invisible, mais présent.
J'étais coincé ici jusqu'au cou, c'était le cas de le dire.
- Kenyan ? On doit retourner chez nous..., me sortit de mes pensées Boris le regard insistant ayant compris mon absence.
- Je sais...
- Et pourtant tu ne veux pas partir. Quelque chose te retient ici et ce n'est pas un stupide sceau. Trouve vite, ou je pourrais faire de nouvelles victimes, compléta mon loup de manière télépathique.
Je soupirais.
Qu'allions-nous faire ? Ou plutôt, qu'étais-je venu chercher ?
* * *
Hey ! On sait enfin ce qu'a accepté Kenyan pour être libre ! Que pensez-vous qu'il va se passer ? Les loups vont-ils réussir à rentrer chez eux ?
Sur ce, bisous ♡
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top