Kenyan ~ 4
Elya sortit de la pièce me laissant aux griffes de Vépia, visiblement pompette.
Les dragonniers n'étaient pas si horribles que je le pensais envers leurs prisonniers. On me nourrissait et me lavait, certes je faisais mes besoins sur moi-même, mais au moins je n'empestais pas. Peut-être que mon statut de prince me donnait quelques privilèges, et je n'allais pas me plaindre.
Elya avait failli me sortir les mots de la bouche, mais mon loup m'avait retenu de lâcher l'information. Et puis, elle avait voulu me geler sur place...
Rien que d'y repenser me donnait la chair de poule. Néanmoins, j'aurais fait une belle sculpture de glace. Peut-être m'aurait-elle gardé dans sa chambre, qui sait...
- Alors mon petit loup, hoqueta Vépia avant de reprendre, jusqu'où es-tu prêt à aller pour avoir ta liberté ?
Elle se pencha sur moi, le décolleté en pleine ligne de mire, posant ses mains sur les miennes. J'avalais de travers, elle n'était pas du tout mon style, surtout que je savais qu'elle ne faisait pas son âge réel. Elle avait son charme mais très peu pour moi. Je n'étais pas adepte des femmes mûres. Son haleine me fit froncer les sourcils. Elle sentait les effluves d'alcool mélangées à sa véritable haleine, me donnant la nausée.
- Tu as perdu ta langue ? continua-t-elle en posant ses doigts sur ma bouche.
Je ne pouvais pas bouger pour m'en dégager. J'essayais de dissimuler ma répulsion, car après tout si je n'étais pas un glaçon à cette heure-ci, c'était grâce à elle.
- Je suis seulement estomaqué par votre présence, répondis-je à la hâte.
Je ne me souvenais plus du nombre de fois que j'avais utilisé cette réplique, mais je savais que ça marchait. Elle ricana fortement, imitant un grognement d'animal. Combien de verres, ou même de bouteilles s'était-elle faite ?
- Répond à ma question au lieu de jouer. On le fera plus tard, on a tout notre temps pour ça, déclara-t-elle en me caressant le torse à travers mon tee shirt.
Elle avait les mains chaudes, sûrement grâce à son gène de dragonnière.
- Je suis prêt à tous, conclut mon loup à notre place de sa voix rauque.
Elle sourit, d'un rictus qui en disait long sur ses intentions...
- Bonne réponse mon loup.
Puis elle passa ses ongles finement taillés sur ma mâchoire. D'un geste, elle ramena la chaise pour se rapprocher de moi et elle se pencha.
- Voilà ce que tu vas faire...
Elya ne perdit pas le nord et aussi vite que l'éclair, elle pointa une dague sur ma trachée, me plaquant contre un mur. Je levais les mains en l'air en signe de paix.
- Doucement, Vépia m'a libéré, pensant que voir comment vous vivez me pousserai à vous aider. Pose gentiment ta dague Elya.
- Je ne t'autorise pas à m'appeler ainsi ! prévint-elle ses yeux brillants de colère.
Ses yeux. Ils étaient blancs, c'était extrêmement rare voire inexistants. Je les trouvais attirants, reflétant sa personnalité à merveille.
- Tu as entendu Kenyan, il n'est pas là pour te tuer, poussa sur sa voix Dany visiblement inquiet pour ma vie.
Très touchant. La tension entre Elya et moi, était intense. Je sentais son souffle sur ma mâchoire, je n'étais qu'un poil plus grand qu'elle, ma fierté d'homme était gonflée. Elle sentait elle aussi mon souffle se poser sur ses cils aussi noirs que ses cheveux. J'entendais son cœur battre, vite.
- De toute manière, il n'est pas assez fort pour me vaincre, déclara Elya en baissant sa dague.
Mon loup prit le dessus et ça se fit entendre.
- En parlant de ça, j'aimerais te combattre de nouveau, très prochainement..., souhaita-t-il ce qui décrocha un petit rire à Elya.
Mon loup apprécia cette réaction. Moi, ça m'intriguait.
- Comme tu veux, tu mordras énormément la poussière.
Je croisais mes bras sur mon abdomen.
- On verra bien.
Puis on ne se lâcha pas du regard. Yeux dans les yeux, pour la première fois, c'était électrisant. J'aimais beaucoup ses yeux, ils ne m'effrayaient absolument pas.
- Libère mes amis, ordonnai-je d'une voix posée.
Elle me jeta des clés, que je rattrapais d'une main.
- Fais-le toi-même, s'exclama-t-elle avant de murmurer dans le vent, Vépia fait une énorme connerie.
Elle me passa à côté mais je lui parlais avant qu'elle n'aille trop loin.
- Elle m'a dit de dormir dans votre maison, à toi et tes amis. On peut au moins savoir où c'est ?
- Ce ne sont pas mes amis, et vous suivrez la glace au sol, ça ne devrait pas être très compliqué, déclara-t-elle sans se retourner ou ralentir d'un pas.
Elle était vraiment...imprévisible.
- Mec, arrête de mater et ouvre cette cage, me sortit de mes pensées Dany.
Je ne l'avouerais pas, mais ses réflexions m'avaient quelques peu manqué. Tout comme la lumière de la nuit et la lune flamboyante dans le ciel.
J'ouvris leur cellule et pris Quinn dans mes bras, ainsi que Myriel et même Dany se prêta au jeu.
- Ils ne t'ont pas trop amoché ? questionna Quinn.
- Quelques hallucinations de ma mort imminente, de la torture physique et de la glace me recouvrant le corps, mais à part ça, je suis en pleine forme ! dis-je en me tenant fièrement devant eux.
- Bien sûr ! Et ton bras ensanglanté, c'est de l'arnaque peut être ? constata Myriel toujours aussi perspicace et observatrice.
Vépia m'arracha une bonne partie du bras, je retenais un cri.
- Tu diras que je suis venue te tester une dernière fois avant de te libérer. J'ai pensé que te faire vivre avec nous te déciderais à tout nous dire. Compris ?
Je hochais la tête. Elle vint m'enlever les chaînes et me fit marcher un peu. Étant resté assis durant une période aussi longue, c'était compliqué de retrouver ma motricité. Je captais de nouveau mon équilibre. J'avais quelques bleus sur les chevilles, les poignets et le cou, mais ça partirait bien vite, mon loup s'en occupait déjà. Il m'aida à garder les pieds sur terre.
- Parfait, va donc rejoindre tes amis loups. Ils sont un peu plus bas mais votre connexion psychique devrait se remettre en place au bout de quelques pas dehors.
Elle me laissa me débrouiller pour sortir avant de me lâcher dans mon dos.
- Ne me déçois pas.
Je ne lui fis pas volte-face et partit rejoindre mes loups.
- Vépia m'a fait ça, comme avertissement, ne mentis-je qu'à moitié.
- Bien ne nous attardons pas ici, même si l'accueil dans leur foyer ne sera pas des plus aimants, je préfère ne pas pourrir ici, termina Quinn. De plus tu as besoin de soin.
- Mais non, ce n'est...
Une main dans mon dos, je venais vraiment de tomber en arrière ?
- Et de repos...continua Myriel m'ayant rattrapé avant que je n'atteigne la boue.
Dany prit les bols et me nourrit un peu. Je faisais si pitié que ça ?!
Je laissais tomber les plats à terre, je n'étais pas un assisté. Je n'étais plus le petit garçon incapable de bouger dans son lit, constamment surveillé, de peur que je passe l'arme à gauche.
- Partons, ordonnai-je.
Ils acquièrent et je me reposais sur l'épaule de Myriel, elle était très musclée. Ses cheveux marron me fouettaient de temps en temps, il y avait un peu de vent sur le trajet.
Cette courte balade ne dura pas longtemps. Une fois aux abords de l'auberge, reconnaissable de loin par sa largeur, je me défis de l'épaule de Myriel.
- Les hommes..., chuchota-t-elle avant que l'on ne rentre.
Tout de suite, les yeux furent braqués sur nous. Ils n'étaient pas chaleureux, même dégoûtés de notre présence.
- Nous savons que nous ne sommes pas les bienvenus, mais pourrons-nous avoir ne serait-ce qu'une chambre, s'il vous plaît ? demanda avec politesse Quinn.
- Pourquoi ce ne serait pas ton prince qui le demande ? rétorqua celui du nom de Taze, si je me souvenais bien.
- Ne rendons pas cette tâche aussi difficile qu'elle ne l'aie déjà..., s'invita dans la conversation Dany.
- Ce n'est pas si difficile pourtant. Je veux que le prince dont le père et ses prédécesseurs ont massacré nos familles, demande son hébergement. Qu'il montre une certaine gratitude, car si ça n'aurait tenu qu'à moi...Il serait déjà en miette, continua le dragonnier en s'approchant dangereusement de moi.
Un duel d'intensité dans les regards se déclara alors. Il était plus petit que moi mais tout en muscle. Ses cornes orangées me titillaient les cheveux, me donnant une horrible sensation. Son regard était empli d'une colère sans nom.
J'allais ouvrir la bouche quand une porte claqua dans mon dos.
- Tout doux Taze...Je m'occupe de lui, annonça une voix féminine que je commençais à très bien reconnaître, Toi, tu te charges de Quinn. Vépia nous a confié un loup chacun, Syfia tu prendras Myriel et Luc, tu as la garde de Dany. Est-ce que c'est bien clair ?
Elya imposait de suite une autorité bluffante. Ils hochèrent tous la tête.
- Bien, et pour la peine ils dormiront dans vos chambres.
Dany regarda Myriel paniqué et Syfia le remarqua.
- Vous avez le droit à un matelas et une couverture, on ne va pas vous faire dormir dans nos lits tout de même, assura cette dernière.
- Et même en liberté, sur notre territoire, vous restez nos ennemis, termina Luc pour faire cesser tout questionnement.
Je soufflais légèrement, bien que je le cachais, j'étais extrêmement fatigué et mes muscles commençaient à faiblir.
Une main froide se posa sur mon bras et me poussa jusqu'aux escaliers.
- Monte ou tu vas t'effondrer, dit-elle d'une voix que seul moi pouvait entendre.
Alors, j'avais vraiment l'air si mal en point ?
Je ne bronchais pas et me laissais guider par Elya, jusqu'à sa chambre. J'allais dormir dans sa chambre. J'avais souvent dormi chez des femmes, dans leurs appartements, mais savoir que j'allais voir celle d'Elya m'angoissais un peu. Mon loup lui était excité à l'idée de découvrir des secrets cachés de la Femme de Glace. Sur ce point, je le rejoignais. L'un de mes plus gros défauts était sans doute la curiosité.
J'arrivais à une porte fermée que j'ouvrais sous le petit mouvement en avant d'Elya. Elle était passablement énervée, c'etait une chance que j'allais m'endormir vite.
J'entrais pour trouver une chambre aussi sobre qu'on pouvait se l'imaginer, aucun dessin sur les murs, aucune photo, rien. Des murs gris, des planches en bois et un plafond blanc étaient toutes la décoration qu'il y avait. Un lit prenait le plus grand espace de la pièce, une commode à sa gauche avec un livre dessus. Elle aimait donc lire, première chose que je notais chez elle.
À même le sol se trouvait un matelas de basse qualité avec une peau de loup comme couverture. J'eus un mouvement de recul face à cette horreur avant de me percuter à Elya.
- Ne pense pas qu'on allait vous accueillir à bras ouverts, dit-elle en fermant la porte, me scellant dans cette pièce avec elle.
J'avais des bouffées de chaleur, et je commençais à étouffer. Je sentais mes poumons se priver d'air, mes jambes tremblèrent et bientôt je m'écroulais. Du moins, je tombais de tout mon poids dans les bras d'Elya. Elle m'emmena jusqu'à mon "lit" et m'allongea. Elle avait des gestes doux ce qui contrastait avec sa personnalité.
- Elle y est allée fort..., parla-t-elle s'adressant plus à elle qu'à moi.
Puis elle s'éclipsa pendant que je ne sentais plus mes membres. J'avais si chaud que je tentais de me déshabiller, tant pis elle m'avait déjà vu nu. Mon loup était ankylosé, donc absent pour guérir ce maudit bras.
- Arrête de bouger ! m'alerta Elya en revenant avec des bandages. Tu vas aggraver ton cas, tu m'entends toujours ?
Je signifiais d'un clignement d'œil que oui.
- Vépia t'a empoisonné, mais grâce aux propriétés que possède ma glace, tu vivras. Ce n'est pas un poison mortel, sauf pour ton loup. Alors maintenant, tu me laisses faire. De toute manière, vu ton état tu dormiras bien assez vite...
Je la laissais aux commandes de ma vie, littéralement. Je n'avais aucune confiance en elle, mais je savais que dans l'intérêt de tous, je devais rester vivant.
Sa main s'illumina une nouvelle fois d'une lumière blanche, je n'en avais pas peur cette fois, elle ne me ferait pas de mal. La seule différence, c'était que je voyais complètement ses yeux luisants d'un blanc merveilleux. Elle me lança un coup d'œil et esquissa un sourire.
- Tu fais peine à voir, m'expliqua-t-elle.
Étant totalement paralysé, je ne pouvais que la croire. J'espérais que je ne bavais pas.
Petit à petit, au fil que sa magie s'étendit sur mon corps, je sombrais dans le sommeil.
Un rayon de soleil me réveilla ou peut-être était-ce le bruit de la douche. Je me sentais vaseux et totalement à la ramasse. La sensation était similaire à un lendemain de cuite. J'avais la bouche sèche et un affreux mal de tête.
La première chose que je remarquais fut que j'étais sous une peau de loup. Je la rejetais brutalement hors de mon corps. Une décharge dans mon bras droit me ramena bien trop rapidement à la réalité. Je me le tenais en grimaçant, il était bandé soigneusement.
Elya avait fait ça bien.
- Plus que bien idiot, elle a décidé de me guérir, alors qu'elle aurait pu te laisser sans ta moitié à vie ! répéta en boucle mon loup soulagé d'être encore bien présent.
Lui aussi n'avait pas eu la vie sereine.
Je le fis taire, pas à cause de ses propos auxquels j'étais d'accord, mais parce que mon mal de crâne était trop intense. Je me mis en position demie-assise pour tenir ma tête entre mes paumes
Un frisson me parcourut, et je remarquais que j'étais torse nu.
- Tu dégoulinais de sueur, c'était répugnant, m'expliqua Elya dans mon dos.
Je me retournais. Elle était déjà habillée, seuls ses cheveux étaient vagabonds. Elle passait une serviette dessus pour les sécher plus rapidement.
- Luc t'a déposé des habits, vous êtes à peu près du même gabarit. Tu as vingt minutes pour descendre, sinon tu n'auras plus rien à manger. Et après la réaction face au poison que tu as eu hier, je te conseillerais de manger.
Elle ouvrit son armoire et me lança des habits. Puis elle s'attacha les cheveux. J'essayais de ne pas la dévisager, mais il fallait être aveugle pour ne pas voir sa beauté. Elle avait un charme unique et ça me plaisait.
Elle marcha devant moi en direction de la porte mais s'arrêta avant de l'ouvrir.
- Souviens-toi, je ne suis pas gentille. Ce n'est juste pas encore ton heure, déclara-t-elle avant de disparaître dans le couloir, en refermant la porte derrière elle.
Elle m'abandonna donc là complètement à l'ouest. Je pris une rapide toilette avant de m'habiller, j'eus des difficultés pour passer mes bras, mais réussit finalement.
Je descendis et découvris seulement Myriel accompagnée de Syfia, elle-même placée en face d'Elya.
- Les autres sont déjà partis, me confia la louve.
- Se lever aussi tôt, très peu pour moi, détailla Syfia le haut du corps allongé sur la table.
Myriel pouvait en apparence se trouver en bonne situation aux côtés de Syfia. Mais ayant été torturé par cette dernière, elle était en aussi grands dangers que moi. Nous les quatre loups, on ne faisait pas le poids face aux dragonniers. Et bien que ça m'arrachait la mâchoire de l'admettre, ils étaient plus forts.
- Rappelle-toi qu'on a un combat à gagner face à Elya, me remémora mon loup, toujours aux aguets.
- Laisse-moi tranquille, lui répondis-je en mangeant une sorte de pain avec une confiture.
Je n'étais pas d'humeur à parler, ne pas savoir où se trouvait Quinn et Dany me coupait l'appétit.
- Bon allez, on y va monsieur le prince ! ordonna Elya en m'incitant à me lever.
- Et où exactement ? m'autorisai-je à demander.
- Donner de la nourriture à ceux que votre peuple a fait orphelins, tonna-t-elle d'une voix forte.
La journée allait s'annoncer des plus agréables. Bien sûr, l'ironie était de compagnie.
* * *
C'est bien Vépia qui a libéré notre Kenyan, reste à savoir ce qu'elle lui a demandé en échange ;) Elya n'est pas si méchante que ça derrière son caractère glacial ^-^
N'oubliez pas la petite étoile !⭐
Bisous ♡
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