Kenyan ~ 12
Je me réveillais rapidement. Je n'aurais pas dû, car un mal de crâne me prit aussitôt en grippe. Je me tins la tête, tout en découvrant mon environnement.
J'étais dans un lit couleur crème. La pièce, sûrement une chambre, était plutôt petite, dans des tons neutres. Je remarquais toutefois l'abondance de verdure, une plante à mon chevet et une autre striant le plafond. C'était champêtre et agréable.
Je sortis de sous la couette et parcourus la petite distance qui me séparait de la porte. Cette dernière s'ouvrit dans la volée, faisant de mon nez une fontaine de sang.
- Ho mince, excuse-moi, se confondit en excuses la nouvelle arrivante.
Tout de suite, je sentis la présence d'Onélia, elle vint me frôler et le saignement s'arrêta immédiatement. C'était étrange que ce ne soit pas le lien avec les loups qui me guérissait mais bien mon dragon.
- Ça va, rien de casser enfin...plus maintenant, rassurai-je la jeune fille visiblement paniquée. Puis-je savoir où je suis, et qui êtes-vous ?
- Ho bien sûr ! Après tout, les autres sont déjà debout. Vous êtes le plus gros dormeur ! dit-elle en me faisant signe de la suivre.
Elle me dirigea dans ce qui ressemblait à un couloir, recouvert de végétation aussi.
- Je m'appelle Adki, je suis une prêtresse de dragon, c'est moi qui les ai endormis. D'ailleurs, ils vont tous biens. Et ici, c'est notre repère, à nous, les prêcheurs et prêtresses. Nous savions que vous viendriez, Graye nous l'avez dit. On ne vous veut pas de mal.
Elle accompagnait ses mots de gestes manuels divers et d'un sourire sincère. Elle était encore jeune et me rappelait ma petite sœur.
- Alors...pourquoi nous droguer ? ironisai-je soucieux.
- On n'est jamais trop prudent ! dit-elle en haussant les épaules.
Nous débouchâmes sur deux grandes portes, aux arabesques dorées mélangées aux plantes grimpantes.
- On est arrivés ! s'enthousiasma-t-elle avant d'ouvrir en grand les portes.
Le brouhaha présent dans la pièce envahit mes oreilles d'un seul coup. C'était un grand salon, où un grand buffet s'étalait tout du long. Et devinez qui s'empiffrait de nourriture ?
Mes loups et mon frère. Je soupirais en riant. Ils ne changeraient jamais. Quant aux dragonniers, ils entouraient un homme les yeux pétillants. Alors que je vins m'asseoir près de mes amis, je pris note des mines énervées de Quinn et de Boris, dirigées vers cet inconnu.
- Enfin réveillé mon prince, on vous aurait presque attendu ! me taquina Dany de sa bonne humeur contagieuse.
- Réveillé ou non, tu t'es quand même jeté sur le buffet sans moi ! me pris-je à son jeu.
Nous rîmes, avant qu'une voix masculine ne racle sa gorge à mon dos. Je levais mon regard sur l'étranger aux cheveux rouges.
- Kenyan...puis-je vous parler en privé, s'il vous plaît ? prit-il la peine d'être poli.
Un rapide coup d'œil à mes compagnons, ignorant les regards noirs de Quinn et Boris, et je me levais à sa suite, prenant une pomme en chemin.
- C'est quoi votre nom ? demandai-je en croquant dans mon fruit bien juteux, ravivant mes papilles.
- J'en oublie les bonnes manières ! Je m'appelle Graye, je suis... enfin j'étais, je ne sais plus trop en toute honnêteté, l'ami d'Elya, fit-il gêné évitant mon regard.
J'avalais presque de travers.
- Comment ça tu n'en sais rien ? Elle t'aime bien ou non, c'est pas compliqué de savoir..., le mis-je au pied du mur.
J'allais me le faire.
Soit j'allais l'aimer, soit j'allais le détester, comme mon frère et mon ami.
- Elle ne t'a jamais parlé de moi ? osa-t-il demander.
- Non, répondis-je sèchement.
Il soupira passant une main dans ses cheveux écarlates.
- Elle me pense mort depuis quelques années, c'est pour ça que Syfia, Taze et Luc sont proches de moi. Ils retrouvent un ami, cru mort il y a des années. Tâche de le dire à tes amis, qu'ils cessent de me lorgner comme si j'étais une menace pour leur vie sentimentale, conclut-il en me faisant un clin d'œil, cherchant sûrement à détendre l'atmosphère.
Mon loup surgit soudain et je ne pus l'empêcher de cracher son venin de parole.
- Et tu en es une pour moi ?
Son sourire se figea avant qu'il ne rigole à plein poumon.
- Absolument pas, Elya est comme une sœur pour moi et je ne suis pas de ce bord en ce moment, c'est plutôt elle qui devrait se méfier, blagua-t-il.
Je ris jaune, les pieds de nouveau sur terre. J'étais donc à demi-soulagé.
- En parlant d'Elya, si nous sommes ici c'est...
-...Pour la sauver, je le sais. Laisse-moi finir ma présentation. Je suis Graye Kholon, prêcheur de la voyance et dragonnier du feu.
Je restais bouche-bée. Ce type était carrément fort.
- Tout comme nous le sommes aussi Kenyan, ne te laisse pas impressionner, cru bon de préciser mon loup.
- C'est assez complet comme présentation, ça me suffit, prononçai-je après un léger silence.
- J'ai un plan pour sortir Elya de là, on devrait s'y mettre maintenant. Cela devrait nous prendre six jours, sa mise à mort est prévue dans ce délai.
Je hochais la tête. Je n'avais que lui et sa bande de prêcheurs et prêtresses pour m'aider, alors j'allais mettre ma fierté de côté et lui faire confiance. Syfia et le reste l'appréciaient, alors je me permis de ne pas insister sur savoir ou non, si je pouvais avoir totalement confiance en lui.
N'empêche, ils étaient donc réels...ces grands magiciens longtemps oubliés. Ça me laissait stupéfait. Ils étaient d'apparence normal, avec pour ce que je venais de voir, un humour douteux, mais c'était des êtres normaux dans l'ensemble.
- Comment tu sais tout ça ? demandai-je ma curiosité reprenant le dessus.
- Je vois dans l'avenir comme je peux voir dans le passé et le présent, m'expliqua-t-il en restant modeste.
Je levais un sourcil et ouvris la bouche légèrement, avant de reprendre contenance.
- C'est...cool. Enfin j'imagine.
Il eut un petit rire et m'intimida de rejoindre les autres, ce que je fis sans opposer de résistance.
Ce gars me fichait un peu la frousse, il pouvait me conduire à un piège qui me coûterait la vie, s'il le voulait. Ma pomme me servit de bouclier face à mon angoisse.
Étaient-ils tous de ce niveau ici ?
Puis les jours passèrent et enfin c'était le moment du sauvetage. On avait récupéré Elya sans encombre, grâce à la prêtresse de l'espace déjà sur place. Aurore était son nom et Adki était sa sœur. Elle nous avait ouvert un portail menant No à Homus d'un simple pas, et inversement.
Mère avait essayé de me retenir, je l'avais ignoré. Elle m'avait laissé tomber lorsque mes ailes sont apparues et pour ça, je lui en voudrais toujours. Elle aurait pu tenter de me cacher, de m'emmener loin de la folie paternelle, mais elle n'en n'avait rien fait. Bien au contraire, elle l'avait prévenu.
Miella m'avait souri, visiblement pas étonnée de me retrouver en vie, quant à Thelos son regard avait été assassin, envers moi mais surtout aussi envers Elya.
Nous n'étions restés qu'une minute, même moins et pourtant j'avais ressenti l'horreur de cet endroit, jusque dans mes tripes. La puissance magique qu'avait dégagé Elya était inattendue, elle nous avait presque fait rater notre entrée.
Elle avait fait vieillir mon père en quelques secondes, le réduisant à l'état de papi. C'était bien fait pour lui. Ça avait été incroyable à regarder.
Le portail à mon dos se referma, m'éloignant de mon démon vivant.
- Elle a perdu connaissance, emmenons-là dans une chambre, nous informa Syfia avant de laisser Taze la porter.
Nous avançâmes tous d'un même pas. Graye était resté ici, ainsi que mes loups. Je n'avais pas encore regardé l'état d'Elya, mais j'avais entendu sa voix.
Faible et cassée.
Alors que nous rentrions, Graye accouru pour voir son ancienne amie. Et enfin, je posais mon regard sur elle.
Un frisson d'effroi me parcouru instantanément, elle était couverte de cicatrices, sa peau immaculée était maintenant tâchée de sang. Elle portait une robe et je savais qu'en dessous, c'était sûrement pire que ce que l'on pouvait déjà voir.
Et pourtant, je continuais à la trouver belle.
Mais, je ne pouvais pas supporter plus longtemps de la voir ainsi.
Par ma faute. C'était ma faute. On l'avait torturé à cause de moi.
Je ne suivis pas Graye et Taze l'emmenant dans une chambre. Deltris essaya de tendre sa main vers moi mais Boris l'en empêcha, lui murmurant qu'il allait tout lui expliquer. Je fis marche arrière et allais me ressourcer dans la nature, rejoindre Onélia.
Je prenais place sur un rocher lorsqu'elle me rejoignit.
- Alors ? demanda-t-elle doucement.
- Elle..., une larme coula. C'est ma faute Nél', c'est ma faute..., continuai-je de culpabiliser en pleurant silencieusement.
Ses douces ombres vinrent m'envelopper dans leur étreinte, me coupant du monde, me protégeant de l'atrocité qu'avait subi Elya. Elle frotta sa tête contre mon buste, et je la serrais fort contre moi. Sa présence me rassurait et je me demande aujourd'hui, comment j'avais fait pour vivre sans elle.
Nous restâmes ainsi de longues minutes voir peut-être même une heure. Mes larmes avaient séché laissant des traces de leur passage sur mes joues, je m'essuyais avec l'aide d'un mouchoir avant de retourner dans le bâtiment.
Ce dernier était camouflé d'un sort, alors qu'on pourrait croire à une simple jungle, c'était tout un village qui y vivait.
Je passais les portes, Onélia ne me suivait pas.
- Kenyan..., m'interpella mon frère. Je sais que tu n'es pas d'humeur mais il faut que tu saches. La prochaine fois qu'on retournera là-bas, ce sera pour mettre fin à la tyrannie. Il nous faudra peut-être tuer notre père, ou même Thelos. Il va falloir se préparer, dit-il d'une voix calme et douce ne paniquant pas à l'idée des possibles meurtres.
Je hochais la tête. Je n'avais pas envie de parler, les seules paroles que je voulais prononcer étaient pour une personne qui ne pouvait pas m'entendre. Pas maintenant.
Cette culpabilité me pesait trop, je devais extérioriser mon malaise. Quitte à ce qu'elle me haïsse encore plus de ne penser qu'à mon bien être.
Je me dirigeais vers l'infirmerie, rejoindre mon ami. Mais pourquoi donc était-il venu ?
Je frappais à la porte et une voix masculine qui me redonna immédiatement le sourire, me clama d'entrée.
Lorsqu'il croisa mon regard, il sourit à son tour. Il tenta de se lever mais la femme à ses côtés l'intima de se rallonger.
- Tu as de la chance qu'Aurore soit venue me chercher. Tu te serais blessé encore plus, benêt que tu es, le réprimanda-t-elle.
Je vins aux côtés de la femme et lui fit une bise la saluant.
- Bonjours Ponila, je suis rassuré que tu sois ici.
- Heureusement, sinon mon stupide mari ne s'en sortirait pas ! continua-t-elle de faire la leçon à Deltris.
Je tendis ma main à ce dernier, mais sa poigne m'emmena me plaquer contre son torse.
- Tu m'as manqué gamin...
- Toi aussi Deltris mais...qu'est-ce que tu fais là ? ne pus-je m'empêcher de demander.
Je me relevais allant me mettre aux côtés de Polina, assise au rebord du lit.
Il passa sa main dans ses cheveux avant de me répondre, hésitant.
- Tu te souviens de la disparition de ma nièce dont je t'ai parlé ?
J'approuvais d'un mouvement de tête, le poussant à continuer.
- Et bien... Je l'ai retrouvé. C'est Elya, me révéla-t-il souriant.
J'ouvrais en grand la bouche ainsi que les yeux. Je comprenais mieux pourquoi il avait décidé de nous suivre.
Son sourire s'effaça petit à petit pour laisser place à une colère palpable. Si mes ombres étaient les siennes, il en serait sûrement entouré.
- Je ne pardonnerai jamais ta famille pour ce qu'ils lui ont fait, que ce soit directement ou indirectement. Personne ne l'a sorti de là, ta sœur et ta mère sont restées passives quant à ton père, un spectateur pervers de ce que Thelos lui faisait subir...
Il marqua une pause, se demandant s'il pouvait ou non continuer son récit. Mon cœur ne voulait plus rien entendre, mais mon esprit voulait tout savoir. Je restais silencieux, ce qu'il prit pour une réponse affirmative.
- Thelos l'a dénudée devant le peuple, il l'a touchée, l'a embrassée, mais ne l'a pas violée. Son corps est marqué par des brûlures diverses dont une striant son dos de haut en bas, par de l'acide. Elle possède des coupures plus ou moins profondes qui ont laissé leur passage sur sa peau. J'étais impuissant face à sa torture, ça me révulsait, mais tout ce que je pouvais faire c'était de la respecter, quand d'autres n'étaient pas là pour le faire.
Il releva son regard sur moi d'une tristesse débordante.
- Elle est brisée Kenyan, sois prudent pour chaque geste, chaque mot que tu emploieras, me prévint-il.
La pièce fut plongée dans un silence que je ne brisais quand sortant rejoindre les autres, ordonnant à Deltris de se rétablir vite.
Je soupirais, comment en était-on arrivés là ?
Notre baiser échangé me paraissait si loin que j'en oubliais presque la sensation.
Comment allais-je réussir à la faire oublier ce cauchemar ?
Allait-elle me rejeter ?
J'étais complètement perdu, patientant, comme un prince attendant le réveil de sa princesse.
* * *
Hey ! Un chapitre plutôt tranquille sans trop de prise de... Quoi ? Comment ça il y a un personnage vivant alors qu'on le croyait mort ? Oui, et bien à part ça... C'est plutôt un chapitre calme non ? XD
Que pensez-vous de ce petit aperçu de Graye qui est bel et bien vivant (parce que oui Elya l'avait vu disparaître mais pas complètement mourir) ? ^0^
Et ce Flashback sur l'arrivée des dragonniers chez les prêcheurs ?
Pensez-vous que Kenyan arrivera à reconquérir Elya ou du moins à la consoler ? :-/
Des bisouuus ♡
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