Kenyan ~ 10

Noir.

Noir.

Noir.

Tout ce qui m'entourait n'était que noirceur et silence.

- Réveille-toi, me clama cette voix familière de mon enfance.

Lentement, j'essayais de retrouver ma capacité motrice, je commençais par les orteils et les doigts, avant que tout mon corps ne réagisse enfin. J'ouvris les yeux sur un endroit que je ne connaissais pas. L'espace était rocailleux et en forme de dôme, mais interminable et immense, c'était sûrement une grotte.

Je tentais de me lever quand une douleur à l'abdomen me remémora les événements.

Vépia qui m'avait piégé.

On m'avait poignardé.

Et Elya qui se faisait enlever.

Elya...

Je relevais mon tee shirt, tâché de sang et découvris une cicatrice encore fraîche s'étendre sur ma peau. Des ombres noires s'en échappaient.

Soudain pris de panique par ce spectacle, je me reculais mais me heurtais à une surface dure.

Progressivement, je me tournai et fis face à un dragon. Je restais ébahi avant de prendre conscience, que je me trouvais dans une grotte laissant filtrer peu de lumière, accompagné d'un dragon effrayant et d'une cicatrice entourée d'ombres.

Je bondis sur mes pieds et tenant mon flanc gauche, je m'éloignais de la créature. Ainsi, je pus la voir dans toute sa splendeur.

Elle était assise mais sa taille était plus petite que celle d'Hodnir. Ses écailles noires se mouvaient en des ombres aux extrémités, tout comme sa queue ramenée sur le côté et ses ailes repliées sur son dos. Ses cornes n'en étaient pas vraiment, elles ressemblaient plus à des flammes noires dansant dans l'air, comme ses griffes. Et ses yeux d'un jaune perçant me fixaient intensément, sans un mot.

- C'est quoi ce bordel ? finissai-je par réagir légèrement inquiet.

Ma remarque fit relever la tête de la bête en face de moi et elle s'avança. Plus elle s'approchait, plus mes pieds me conduisaient en direction inverse. Soudain, ma main droite toucha une surface gluante, je me retournais vivement pour voir l'origine de cette sensation. Des ombres vivantes se collaient à moi, cherchant à me bloquer le passage, je retirais aussi sec ma main en lâchant un cri peu viril.

Cette fois, je ne pouvais pas m'échapper. Dos au dragon, je sentis son souffle balayer mes cheveux. Une boule d'angoisse se forma en moi.

J'attendais, je ne savais pas quoi, mais j'attendais. Je ne pouvais pas faire grand-chose de toute manière.

- Surveille ton langage, entendis-je de nouveau cette même voix fluette.

Le dragon à mon dos se recula à son tour et la barrière visqueuse s'évapora.

J'avais le choix, soit rester, soit m'enfuir. Mais où aller ? Je voulais savoir si mes amis allaient bien, sauf que je me perdrais une bonne dizaine de fois avant de les retrouver. De plus, ma curiosité et autre chose me poussèrent à rester.

Alors avec précaution, je me mis de nouveau face au dragon qui était retourné à son endroit principal. Il était allongé, les yeux fermés. Il semblait paisible et j'eus le réflexe de tendre ma main pour venir le toucher, mais son œil jaune me désarma dans ma manœuvre.

Je m'assis en tailleur dos à ma compagnie bestiale, et enlevais de nouveau mon haut poisseux. Ma blessure était complètement cicatrisée, comme un vieux souvenir. D'ailleurs, depuis combien de temps étais-je ici ?

- Cela fait cinq heures que je t'ai ramené, m'expliqua la voix. Arrête de m'appeler la voix Kenyan, j'ai un nom tout comme toi, continua-t-elle sur le même...

J'écarquillais les yeux et me tournais en pointant du doigt le dragon, qui si ce que je pensais, s'avérait juste, était une dragonne.

- C'est toi la voix dans ma tête ?! m'exclamai-je interloqué.

J'entendais comme un soupir dans mon...esprit ? Et le dragon se dirigea vers moi. Je ne m'enfuyais pas cette fois.

- Kenyan, souviens-toi, m'ordonna-t-elle.

Puis un voile ombré se déversa sur moi et me fit sombrer dans un profond souvenir, enfouis si loin, qu'il me laissa en état de transe.

Elles étaient belles, elles étaient douces et surtout elles étaient fortes.

Mes ailes étaient apparues ce matin, elles avaient de belles courbes noires et des pointes qui dansaient avec le vent, sans pour autant avoir de matière. Je me regardais encore et encore dans le miroir, ne pouvant plus détacher mon regard de mes nouveaux attributs. Puis soudain, la chambre s'assombrit, alors qu'on était le petit matin.

À travers le miroir, je vis derrière moi une masse s'élever, j'ouvrais grand la bouche, absolument pas effrayé. Petit à petit, la masse d'ombres informes se mit à ressembler à un...dragon !

C'était la première fois que j'en voyais un pour de vrai ! Et je n'avais que quatre ans !

- Bonjour Kenyan, je m'appelle Onélia et je suis ton Similaire, résonna dans ma tête une voix douce.

- Whoa ! Tu es un dragon, un vrai de chez vrai ? commençai-je à demander en voyant ses ailes réciproques aux miennes.

Elle rigola.

- Oui et je suis même le tien, m'affirma-t-elle joviale.

Le contact que j'eus avec sa peau, m'enveloppa d'une brume obscure et je sentis mon corps se gorger de puissance. J'avais un dragon à moi tout seul ! Thelos et Boris allaient être jaloux !

- Comment tu es arrivé jusqu'ici ? Mon papa n'aime pas les dragons, je ne comprends pas pourquoi, vous êtes pourtant si beau..., dis-je peiné.

- C'est un secret, mais je pourrais te le partager...Tu veux voir ? m'incita-t-elle alors que je laissais ma tête faire de grand geste d'approbation.

Tout à coup, elle se changea de nouveau en une masse qui vint se loger au sol. Toute l'obscurité de la pièce se fondit dans l'ombre de mon lit ou encore dans celle de mon armoire, même ses yeux jaunes ne se voyaient plus. Un si gros dragon pouvait devenir si petit, si invisible, si beau. Je sautillais littéralement sur place.

- Moi aussi ! Moi aussi ! Je veux faire ça ! Je..., la porte de ma chambre claquant contre le mur me coupa.

C'était maman, elle sourit mais ce dernier partit bien vite. Les habits qu'elle tenait tombèrent au sol. Elle apporta ses mains à sa bouche étouffant un cri, alors que des larmes se mirent à perler au coin de ses yeux, se déversant bientôt en cascade.

- Maman...pourquoi tu pleures ?

Je m'approchais d'elle pour tenter d'éradiquer ses larmes, mais elle me repoussa violemment, me faisant tomber au sol. Puis elle partit en courant malgré son ventre arrondi, alors qu'Onélia encore cacher dans l'ombre, tenta de s'accrocher à moi.

- Kenyan, il faut partir vite !

Elle chercha à me faire rentrer dans son ombre mais je me débattis.

- Non maman ne va pas bien, maman et Boris ont besoin de moi ! criai-je alors que des soldats entrèrent à leur tour.

Ils me mirent debout brutalement et entreprirent de planter leurs épées sur Onélia dont l'un des yeux était visible. Grâce à ma petite taille et à mes nouvelles ailes, je réussis à échapper à leurs mains de brutes et poussa le soldat pour laisser le temps à mon dragon de s'enfuir.

- Je reviendrais, je te le promets, je serais toujours avec toi, entendis-je pour la dernière fois sa voix.

J'acquiesçais mentalement, avant que cette fois on ne m'attache les ailes, les rendant impossible à manipuler. On m'entraîna jusqu'à une salle que je ne connaissais pas.

J'avais peur. Papa...Papa...n'aimait pas les dragons. Qu'allait-il me faire ?

Je ne pus empêcher des larmes vagabondes de couler sur mes joues.

Les soldats me laissèrent là, quatre pattes au sol.

Au centre de la pièce trônait une sorte de lit, mon père était au fond, regardant par la fenêtre.

- Kenyan, as-tu pris correctement tes médicaments ? demanda-t-il sévèrement.

Je me relevais en époussetant mes vêtements et en essuyant mes larmes ainsi que mon nez encombré.

- Oui père, je vous le jure, tentai-je de dire d'une voix convaincante.

Il se retourna et son regard me figea sur place. Ses yeux bleus et verts cherchaient à sonder mon âme, ils étaient froids et passablement énervés. Sans que je ne puisse m'en rendre compte, je commençais à trembler de partout.

- Visiblement, cela n'a pas suffi..., siffla-t-il. Installe-toi dans le lit sur le côté, me dicta-t-il.

Je fis ce qu'il me dit rapidement. Je montais l'escabeau et ne pus réprimer un frisson d'angoisse quand je vis les chaînes sur le lit. Je ne m'arrêtais qu'une seule seconde, mais mon père trop pressé, me poussa dans le lit et commença à m'attacher.

- Père...que faites-vous ? réussis-je à prononcer entre deux couinements, les larmes coulant de nouveau.

- Ce qui doit être fait pour l'honneur des Stras. Boris, Thelos rentrez ! s'exclama-t-il alors qu'il était dans mon dos.

Je ne pus voir mes frères mais j'entendis leurs pas dans la pièce. Un bout de tissu s'introduit dans ma bouche me surprenant tout comme me tétanisant.

Je ne pouvais pas crier, je ne pouvais pas appeler maman à l'aide.

Je sentis une pression sur mon aile gauche et je compris. Instinctivement, je cherchais à me débattre, à empêcher ce que mon père allait faire. Mais j'étais trop bien attaché et bien trop faible pour me défendre. Une surface lisse et froide vient se poser sur mon omoplate. Je connaissais cette arme, c'était celle de mon père, son épée d'acier.

Et il commença son projet. Je criais sourdement à en pleurer toute mon âme, passant du conscient à l'inconscient. Mon père m'arracha, plumes par plumes, centimètre par centimètre, mes précieuses ailes. Celles qui faisaient parties de moi. Je ne sentis pourtant pas le sang gicler, à vrai dire, je ne sentais rien, sauf la perte d'un membre, comme si mon dos n'existait plus. J'étais fiévreux mais je me souvenais de Thelos, en face de moi, posant un doigt sur mon front et ayant les yeux rouges.

- Ne m'oublie pas Kenyan..., murmura une voix féminine.

Qui ? Qui parlait ? Que s'était-il passé ?

Je pris un énorme bol d'air, me souvenant. Je tremblais, la douleur de mes ailes arrachées revenaient doucement, j'étais désemparé en me levant.

Comment ? Comment avais-je pu oublier tout ça ?!

Ce n'était pas possible. J'avais oublié Onélia, j'avais oublié qui j'étais vraiment !

Un loup.

Un dragon.

Un mélange de gène.

La colère qui monta en moi fut telle, que lorsque mon poing rentra en contact avec la paroi, celle-ci se mit à vibrer.

Je comprenais maintenant, toute cette puissante qui s'était accumulée en moi depuis que j'étais arrivé ici. C'était parce que la terre des dragons, me reconnaissait comme tel.

Reprenant une respiration régulière, je fis plonger mon regard dans celui d'Onélia. Je lisais en elle comme dans un livre ouvert. Elle me montra toutes ses tentatives pour que je me souvienne, ses apparitions bienfaitrices dans les ombres de mon quotidien, et son sauvetage après la trahison de Vépia.

Je n'attendis pas plus, je me jetais sur son visage et fermais les yeux. Je respirais de nouveau, j'étais complet.

"Celle d'être entier, de ne plus sentir un vide permanent, d'être enfin chez-soi aux côtés de son Similaire"

Elya avait raison, il fallait le vivre pour le comprendre. Je laissais une larme s'échapper qui fut vite suivit par d'autres. Onélia pleurait elle aussi, je le sentis. Je serrais de plus en plus mon étreinte, aspirant sa présence comme une bulle d'oxygène pure.

Nous étions de nouveau ensemble.

- Tu as bien grandi Kenyan..., souffla-t-elle dans notre moment d'intimité.

- Sans toi..., continuai-je la colère remontant dans mes veines.

Mon père m'avait tout volé, mon enfance et mon avenir. Il n'allait pas me voler celle que je convoitais et sûrement pas maintenant que j'étais enfin...moi.

Je pris une grande respiration, ferma les yeux et commença mon ascension. Je cherchais, cherchais et cherchais, cette petite étincelle qui me prouverait que ce n'était pas encore perdu.

Après de longues minutes, je la trouvais enfin, elle était aussi faible qu'une braise, aussi fragile qu'une jeune pousse, mais elle était là et je comptais bien la faire sortir.

Rassemblant mon énergie et demandant l'aide de mon loup, je la pris et tout explosa.

Je sentis mon dos s'ouvrir et laisser passer ce qui aurait toujours dû être là. Je sentis de nouveau cette puissance, cet équilibre solide et ce tout qui faisait de moi celui que j'étais. Elles étaient de nouveau-là, s'étalant majestueusement dans mon sillage, exhibant nos ombres à leurs extrémités.

Mes ailes étaient de retour et moi avec, le dragonnier de l'ombre.

- Je suis avec toi Kenyan, me soutint mon loup avec conviction.

- Onélia, on va reprendre ce qui nous revient de droit, notre liberté, déclarai-je.

Elle s'accorda à mes propos et dans un seul élan, elle s'élança vers moi. Je montais habillement sur son dos et nous fûmes dehors.

Ensemble.

Pour toujours.

*   *   *

Haaaa ! *autofangirlise*, désolé mais j'aime beaucoup trop ce chapitre XD. Je l'imagine tellement bien ! Mon Kenyan badass *0* ! Et puis...

KENYAN EST UN DRAGONNIER ! CELUI DE L'OMBRE ! ET SON DRAGON EST ONÉLIA !

Qui s'y attendez, honnêtement ? Vos réactions ? Plutôt "oui trop bien ! :D" Ou "ça ne le pardonne pas d'avoir trahi Elya.. :(" ?

Et si avec cette montée de puissance, il n'arrive pas à retrouver Elya... Je ne sais pas à quoi pense l'auteur XD.

Et je voulais vous remercier pour la barre des 6k de vues et des 1k de votes, ça me fait énormément plaisir ! *0*

Des bisouuuus ♡

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