Elya ~ 4
Cela faisait déjà une semaine qu'il était parmi nous, Syfia lui donnait des hallucinations morbides, elle le faisait souffrir et pourtant il ne disait rien. Il était plus coriace que je ne le croyais, ce qui me frustrait bien que j'en étais ravie.
Moins il parlait et plus il continuait d'être enfermé. Les chances qu'il s'attache à mes pattes se réduisaient et c'était l'idéal pour ma santé mentale.
Moins il parlait et plus ma vengeance envers les loups se rallongeait. Ma colère s'accumulait en moi, me faisant perdre le contrôle de ma puissance rapidement.
J'étais entre ces deux états d'esprit depuis son arrivée, le temps me semblait atrocement long et les piques du prince, infinies. Il cherchait à voir ce que je cachais sous mon masque mais je n'allais pas lui faire ce cadeau.
Si moi aussi je pouvais l'énerver, alors c'était avec plaisir. Et puis, qui y avait-il de merveilleux à contempler dans des yeux blancs ?
Mis à part être absorbé dedans, rien. Il n'y avait rien dans mes yeux, sauf du vide et le reflet d'une âme brisée dans l'un. Pendant qu'un autre exprimait le sanglant de ce monde. J'étais comme le jour et la nuit, comme le bien et le mal, mais surtout, la lumière et les ténèbres constamment en querelle.
- Tu es pensive, m'indiqua Hodnir qui volait depuis quelques minutes maintenant.
On faisait une ronde et j'étais sur son dos, me fondant dans le ciel, m'évadant à mes pensées.
- À quoi tu penses ? demanda-t-il n'ayant eu aucune réponse précédemment.
- Comment le faire parler...., dis-je en m'amusant avec une petite dague, je la lançais dans les nuages et la rattrapais avant qu'elle ne me blesse.
Hodnir ne répondit pas, me laissant à mes réflexions. La torture mentale ne marchait pas et celle physique encore moins, alors comment...
N'en pouvant plus et cédant à mes pulsions, je demandais à Hodnir de me déposer vers sa cellule. On avait fini notre ronde et rien n'était à signaler.
Je remis mon masque avant de rentrer en trombe, il était nu devant moi. Luc le lavait. Même s'il était notre prisonnier, on ne pouvait le laisser moisir dans sa propre crasse, rien que pour notre santé personnelle. Il avait les mains attachées en l'air et passait sous l'eau froide. Je ne m'attardais pas sur ses muscles bien formés ou sur sa peau mouillée. De toute manière, il n'aurait pas vu mes regards furtifs. Toutefois, j'avais un minimum de respect en moi pour ne pas regarder ses bijoux.
- Je veux qu'elle sorte ! s'écria-t-il en essayant de cacher avec ses jambes son attribut masculin.
- En tant que loup, tu ne devrais pourtant pas être pudique..., dénonça Luc continuant sa tâche.
- Si je ne peux même pas voir ses yeux, pourquoi elle aurait le droit de voir mon kiki ? répliqua Kenyan ayant cessé de se cacher, visiblement prit sur le fait.
- Mes yeux ne sont pas des œuvres d'arts, je ne comprends pas l'intérêt que tu leurs donnes, me demandai-je à haute voix.
- J'ai mes raisons... Pourquoi êtes-vous là ? me questionna-t-il alors que Luc lui passait quelques coups de savon rapides, ne s'attardant pas.
- Je veux tes infos, déclarai-je calmement.
Tout de suite, il se tut. Je râlais.
- Allez quoi ! Ici tu as encore une chance de vivre. Si tu retournes chez toi, tu vas te faire trucider part ta propre famille ! Vépia ne restera pas aussi clémente... Du jour au lendemain, en fonction de son humeur, elle peut décider de te donner à manger aux bébés dragons, tout comme te mettre dans son lit.
Je le vis avaler de travers à ces mots, alors je continuais.
- Quant à tes amis... Disons qu'ils sont aussi insignifiants que de la poussière. Si j'étais toi, je me dépêcherais de cracher ce que je sais. Les accidents... ça arrive si vite, terminai-je en nuançant la possible mort de ses alliés.
Il détourna le regard en soufflant.
- Ce que je sais ou du moins, ce que je crois savoir n'est même pas possible. Ce ne sont que des légendes, déclara-t-il enfin.
- Enfin ! On avance ! m'exprimai-je en prenant une chaise dans un coin et en allant m'asseoir devant lui.
Luc ayant fini de le laver, il le rhabilla, l'attacha et sortit. Me laissant seule avec lui.
- Avez-vous regardé ? demanda-t-il d'un œil sournois.
- Non, répondis-je sèchement.
- Je ne vous crois pas, qui pourrait ne pas regarder...
- Une fille aussi froide que la glace, par exemple. Et dont le seul intérêt est de savoir quelle arme possède le père du prisonnier, détaillai-je en réponse à sa question muette.
- Hum...Un point pour...toi, dit-il en me tutoyant à présent, je l'autorisais à le faire car être vouvoyéé par quelqu'un de son âge, ça apportait tout de suite une marque de vieillesse.
- Alors Kenyan, que dirais-tu de marquer un point aussi ? sous-entendai-je pour connaître cette fameuse arme.
- Je suis désolé, mais vraiment c'est impossible..., se braqua-t-il de nouveau.
- Bien...Tu sais que récemment j'ai envie de faire une expérience ? Celle de tester à quelle température un loup peut-il geler sans pour autant mourir.
Je me relevais.
- Tu seras mon cobaye, affirmai-je en le voyant froncer les sourcils.
- C'est impossible ! cria-t-il.
- Tout comme l'arme de ton père ? assénai-je mauvaise désormais.
Prenant une grande respiration, je fis tournoyer dans mes mains des épaisses couches de glaces. Je sentis mes yeux luire sous mon masque, la puissance qui régnait dans cette pièce était étouffante. Lui comme moi, étions forts dans notre domaine. Son loup brilla dans ses yeux avant que je ne m'attaque à ses pieds. Ils gelèrent en quelques secondes, tirant des grognements à Kenyan.
- Toujours rien ? m'adressai-je innocemment.
- Arrête ça ! Tu m'as l'air loin d'être bête, tu sais très bien que je peux mourir à ton jeu ! conclut-il.
- Le but d'un jeu est de gagner, par tous les moyens. Et si, par ton plus grand malheur, tu nous as menti en disant connaître l'arme ultime de ton père, tu le payeras de ta vie ! terminai-je en faisant monter sur ses membres ma glace.
Il continua de râler et de grogner. Une fois arrivée à son jouet, je m'arrêtais.
- Je me demande ce que ça dois faire d'être un eunuque.... Pas toi ? prétendai-je un brin espiègle dans ma voix.
Il n'eut le temps de me répondre que Vépia rentra dans la cellule. Elle avait l'œil pétillant, j'en déduisis donc qu'elle venait de sortir d'une fête avec un "ami". Elle portait un pantalon noir moulant avec une chemise très décolletée bleu marine. Ses cheveux étaient en bataille et elle ne marchait pas droit. Ça devait être arrosé.
- Arrête Elya, je ne voudrais pas que tu l'abîmes. J'en aurais besoin, ordonna-t-elle.
Avec détachement, je revenais en arrière. Bientôt, Kenyan me jugea d'un air vainqueur. Il n'allait pas être mon cobaye finalement. C'était très dommage.
- Merci Elya, maintenant si ça ne te dérange pas...j'aimerais m'entretenir avec lui en privé, souhaita-t-elle.
- Il est tout à toi, répondis-je avant de m'éclipser de cette cellule débordante d'énergies opposées.
Je pris une bouffée d'air frais, et partis me dégourdir les jambes. J'allais courir jusqu'à la forêt d'Esberd, ce qui me prenait environ trente minutes. J'enlevais mes bottes et m'imprégnais de la douceur de l'herbe à mes pieds. L'air était frais, je le sentais et ça me plaisait.
La nature qui m'entourait, était aussi magnifique que dangereuse. La première fois que j'y avais été, je m'étais perdue. J'avais pleuré, énormément, et m'étais endormie. Lorsque je m'étais réveillée, de petites lucioles me faisaient face, j'avais été curieuse et les avait donc suivies. Elles m'avaient ramené au village où Hodnir savait que je reviendrais.
Il n'était pas venu me chercher. Je ne lui en voulais pas.
Au rythme de la mélodie du vent, j'enlevais mon masque et me mis à bouger mon corps. Je dansais pour évacuer cette pression sur mes épaules. En même temps que mes pas, une fine particule de neige tournoyait autour de moi.
Je restais ainsi, gambadant dans un décor enchanté, me remémorant de vieux souvenirs.
Mira racontait une histoire à sa petite qu'elle aimait plus que tout, elle avait déjà quatre ans. Le temps passait si vite, sa fille remplissait le vide qu'avait laissé son mari à sa disparition.
- Et c'est ainsi que la princesse trouva son prince, finit-elle en regardant les yeux bicolores de sa fille.
- Je ne crois pas aux princes, prononça la petite à moitié endormie.
Mira fronça quelques peu ses sourcils. Sa fille était bien trop jeune pour donner cet avis.
- Et pourquoi donc ? demanda-t-elle alors.
- Parce que papa est parti, révéla-t-elle.
Ses mots touchèrent sa mère en plein cœur. Jamais elle n'aurait cru qu'Elya voyait ainsi l'amour ou l'image rêvé d'un prince. Elle souffrait en silence de l'absence de son père, tout comme elle.
- Bonne nuit ma chérie, souhaita Mira passant sous silence la remarque de sa fille, en l'embrassant tendrement sur le front.
- Bonne nuit maman, chuchota Elya avant de s'endormir profondément dans son lit.
Mira referma la porte, se sentant coupable. Elya n'avait connu personne d'autre qu'elle et son oncle. Elle ne l'avait jamais inscrit à l'école, de part sa différence physique évidente, mais aussi à cause de ce sentiment de solitude.
Voir Elya, c'était comme voir son père. Elle avait sa chevelure et ses traits. Alors, ne pouvant supporter l'absence de son mari, Mira avait préféré la garder avec elle. Elle savait que sa fille grandirait et qu'elle aurait besoin d'un jour rencontrer d'autres personnes. Et pour ça Mira avait peur en l'avenir de sa petite.
Peut-être qu'à cause de ça, Elya n'aurait jamais confiance aux autres plus tard ?
Mira ne le saura malheureusement jamais...
Je m'écroulais sur l'herbe, me salissant au passage, mais je n'en avais que faire. Je m'étais libérée dans cette danse et maintenant j'étais en nage. Je stagnais dans cette position quelques minutes avant de revenir à la réalité.
J'avais besoin d'une douche fraîche.
Je retournais au village, ignorant les regards inquisiteurs qui me fixaient, j'en avais tellement l'habitude qu'ils ne m'affectaient plus. Je montais rapidement jusqu'à ma chambre pour rentrer dans la salle de bain. Je délaissais les vêtements dans un coin avant de rentrer dans la cabine.
L'eau froide coula longtemps sur ma peau, aussi longtemps que le contrôle de mon œil rougeâtre ne m'appartenait plus.
Les fins de journées aussi calmes que celles-ci étaient rares. J'en oubliais presque les loups qui avaient fait irruption dans ma vie.
Les trois qui accompagnaient Kenyan étaient dans des prisons tranquilles. De la nourriture leur était apportée une fois par jour et ils avaient un toilette pour trois.
On était gentils, beaucoup trop. Un jour, on paierait notre gentillesse, et au prix forts. J'avais toujours cru qu'il fallait faire gicler du sang pour être respectée et obéis.
J'avais été gentille, mais ma différence m'avait endurci. Je n'étais plus la fille sage et souriante, j'étais devenue la vagabonde et taciturne. Évidemment, je rigolais avec Syfia et Hodnir. Mais, mon passé ne me permettait pas de redevenir insouciante.
J'aimais celle que j'étais aujourd'hui. Je n'avais plus honte de ma féminité qui dans un monde comme le nôtre pouvait être contraignant. Et pourtant, c'était souvent nous les plus fortes.
Je soupirais d'aise, je me sentais lavée de mon échec à trouver des réponses auprès du prince. Je sortais et me rinçais. Je pris ma tenue du quotidien, n'étant pas encore l'heure d'aller dormir et laissais mes cheveux dégouliner en cascade dans mon dos. Par moment, les gouttes devenaient de petits glaçons, ce qui m'amusait.
Je descendis au salon pour dîner. Ici c'était Taze qui cuisinait, étonnant vu son caractère. Aujourd'hui, il nous avait fait un potage de légumes accompagnés de lapin. Les ressources devenaient faibles. Vu le temps, faire pousser des légumes ou des fruits était compliqué et les petits animaux comme les gros se faisaient de plus en plus rares. Certains dragons n'étaient pas en parfait accord avec Vépia et volaient de la nourriture pour se venger. Certes, ils n'iront jamais du côté ennemi, mais ils avaient leurs différents et leur propre manière de le montrer.
- Bon appétit tout le monde ! s'empressa de dire Syfia pour ensuite se jeter sur son assiette.
Le repas fut silencieux ou tout du moins, je n'y participais quasiment pas, écoutant d'une oreille discrète.
- Et toi Elya ? demanda Luc.
Je le regardais avec incompréhension, j'avais perdu le fil de la conversation quand ils avaient dérivé sur des souvenirs d'enfance.
- Quel est ton plus beau souvenir d'enfance ? compléta Taze me voyant perdue.
- Je n'en n'ai pas, déclarai-je avec détachement, en haussant les épaules et en remuant le jus de mon assiette vide.
- Mais si ! Allez tout le monde en a un ! Cherche bien, je suis sûre tu peux trouver, me sourit Syfia.
- Je vais donner les restes aux loups, lui donnais-je comme seule réponse avant de me lever.
Je pris le plat et le servit dans trois récipients en déposant une cuillère dans chacun d'eux. Les bols étant petits, je pouvais les porter dans mes deux mains.
Je marchais dans le froid de la nuit et les plats refroidissaient. J'avais la tête ailleurs et ne faisait pas attention à ce qui m'entourait, qu'au bout de dix minutes, je me retrouvais en face des cellules
- C'est encore froid j'imagine ? conclut Myriel en voyant la buée sortir de ma bouche, d'un air fatigué et las.
- Je déteste l'hiver, continua Dany recroquevillé sur lui même, se plaignant encore des conditions pourtant royales de leur captivité.
- Arrêtez de vous plaindre, au moins on est nourris, les avertit Quinn qui me tendit ses mains pour récupérer les plats.
J'avais vite cerné leurs caractères. Dany était plutôt comme Kenyan, n'ayant pas sa langue dans sa bouche mais toujours une blague en stock. Quinn était le plus calme et raisonné de la bande, comprenant dans quel merdier ils étaient. Quant à Myriel, elle était un mélange des deux, aussi calme qu'imprévisible.
Je tendais les plats aux prisonniers qui levèrent la tête, regardant à mes côtés.
- Alors ils sont blancs...
Je me retournais vivement. Qu'est-ce qu'il faisait là lui ?!
* * *
Tada ! Kenyan les a enfin vus ! Mais qu'est-ce qu'il fait dehors celui-là ? Des hypothèses ? ^-^
Bisous ♡
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