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⚠️ TW - viol ⚠️

Séoul – Corée du Sud – An 2019

22 heures. 

Yoongi bâille à s'en décrocher la mâchoire puis s'étire tel un chat dans un grognement bestial. Il quitte ses draps de satin noir, pénètre dans la salle de bains attenante à sa chambre et d'une allure féline, glisse sous le jet d'eau fumante.

L'eau colore la peau diaphane de son corps grêle et y dépose des plaques rougeâtre. Yoongi ferme les yeux, passe son visage et ses cheveux blancs sous le jet, puis se frictionne énergiquement.

Face à son armoire, il choisit ses vêtements pour la journée. À 22 heures passées, le jour se lève à peine pour Yoongi. Une fois habillé, il ajoute quelques chaînes en argent ainsi qu'une paire de boucles d'oreilles. Une gourmette, un trait de crayon noir sous les yeux, et le voilà prêt à conquérir le monde. Il ajuste sa veste de cuir, saisit son téléphone, son paquet de cigarettes, puis claque la porte de son appartement. Il descend les escaliers à la volée et pousse la porte du hall donnant sur la rue déjà plongée dans une obscurité macabre.

Nous sommes vendredi et bon nombre de Séoulites sortent entre amis pour boire, manger, danser et se laisser aller à la luxure et à la débauche d'un début de week-end.

Yoongi parcourt la rue jusqu'à la bouche de métro la plus proche et s'y engouffre, son casque sur les oreilles. Pendant que le métro file à toute allure dans les souterrains crasseux, il scrute son entourage. Les traits âpres, ses prunelles abyssales ne laissent aucun mouvement lui échapper. Chaque passager est passé au crible, et son air hostile n'engage personne à l'approcher. 

Les portes s'ouvrent au cœur d'Itaewon, et il quitte la rame pour grimper les marches qui le ramènent à l'air frais. Le vent gifle ses joues et mord sa peau, mais il ne ressent pas vraiment les températures basses, son corps est fait autrement. Il emprunte une rue adjacente et s'engouffre au milieu de la foule dans une allée criblée de restaurants, de bars et de club aux façades lumineuses. Il sort une cigarette de son paquet et l'allume avant de tirer une longue latte. Quelques mètres plus loin, il s'arrête devant un pub, une silhouette de femme clignote, éclairée par des néons rouges. Yoongi tire de nouveau sur sa cigarette, son regard fouillant la noirceur de la salle. Il recrache la fumée par le nez, et une fois son tabac consumé, il jette son mégot au sol et pousse la porte. À l'intérieur, il s'installe à une table recluse dans un coin lugubre. Il observe nonchalamment les clients, si discret, invisible. C'est là son plus gros point fort. Au bout de quelques minutes, le sort est jeté, et son attention se porte sur une petite brune. La jeune fille rit aux éclats en se balançant au rythme de la musique. Sa robe de mousseline noire virevolte autour de son corps aux courbes subtiles. Yoongi passe son pouce le long de sa lèvre inférieure, ses yeux brillent d'une lueur sinistre. Un serveur l'interrompt dans sa contemplation sépulcrale.

— Je vous sers quelque chose ?

— Un whisky... murmure-t-il sans détourner les yeux de sa proie.

Le serveur acquiesce puis s'éloigne. Yoongi se lève dans des mouvements lents et gracieux, comme s'il était hors du temps. Il traverse la salle au ralenti, et rejoint la jeune fille. Une fois à sa hauteur, il se penche pour lui murmurer quelque chose à l'oreille. Tout autour, la foule danse sans les remarquer. Ils sont dans une bulle, dans une autre réalité, peut-être, qui leur est propre, et dans laquelle aucun humain ne peut pénétrer.

Il passe sa langue sur ses lèvres au moment où elle lève les yeux, et leurs regards se croisent. Il harponne les yeux noisette de sa proie, comme s'il plantait ses crocs dans sa chair. Hypnotisée, elle ne le lâche plus des yeux. Il effleure sa mâchoire du bout des lèvres, et plonge dans son cou pour l'embrasser, déposant ses lèvres humides et chaudes sur sa peau. Il sent son pouls sous sa chair laiteuse, perçoit l'arôme de son sang qui se répand dans ses veines. Les sens en extases, ses yeux s'assombrissent pour ne devenir qu'un trou béant laissant une infime place à la sclérotique. Il n'y a plus aucune lumière ni aucun espoir en leur centre. Seulement les ténèbres glaciales et sans vie. Ses cheveux blancs foncent de la pointe à la racine, et son corps refroidit brusquement pour atteindre une température glaciale. Sa peau translucide laisse entrevoir de fines veines bleutées le long de ses mains. Sa mutation n'est visible que par sa proie qui l'observe, terrorisée, sans pouvoir faire le moindre geste, totalement paralysée. Yoongi laisse derrière lui son apparence humaine de jeune voyou. À la place, un monstre se dévoile, anéantissant tout ce qui le lie à la vie terrestre pour révéler sa véritable entité. Il saisit son visage entre ses doigts marmoréens, et plante son regard dans le sien.

— Attends-moi ici... ne bouge pas...

Il s'éloigne, la démarche indolente, mais délicate, totalement en désaccord avec la musique ambiante. Personne n'aperçoit son manège ni ne l'arrête. Il vide son verre de whisky d'une traite, et jette un billet de dix mille wons sur la table. Dans un regard profond, il rejoint sa victime et passe son bras autour de sa taille.

— On s'en va.

La phrase ne laisse aucune négociation possible. C'est un ordre, qu'elle ne tente pas de discuter.

Ils quittent club et contournent l'immeuble pour rejoindre une ruelle à l'arrière. La jeune femme ne crie pas, elle n'oppose aucune résistance. Vus de l'extérieur, ils ressemblent à un couple d'étudiants qui font la fête un vendredi soir. Cependant à l'intérieur, c'est autre chose. Son âme hurle, épouvantée. Elle se débat et ne souhaite qu'une chose : échapper aux griffes de la créature qui la retient en otage. Les cheveux sombres, le regard chargé d'un vice écœurant, deux petites cornes percent les tempes de Yoongi et laissent des coulures de sang suinter le long de son visage. Le démon se lèche les lèvres comme s'il se délectait du repas qui s'offre à lui. Soudain, une paire d'ailes tout aussi sinistre que son aura se déploie dans un bruit assourdissant. Les jambes flageolantes, glacée d'effroi, la brune vacille de tout son corps. La créature l'entoure de ses ailes et se jette sur elle pour mordre sa jugulaire. Puis elle s'envole dans le ciel de Séoul sous un ciel sans lune.

****

Comment se nomme-t-elle ? Il n'en a aucune idée. Ses yeux noisette sont rivés sur ceux du monstre qui l'observe intensément. Yoongi exerce une pression sur sa poitrine et un poids d'une lourdeur incroyable s'abat sur elle. Elle va étouffer, elle le sait. Si elle ne parvient pas à bouger dans les secondes qui suivent, sa vie s'envolera dans un souffle dérisoire, laissant les draps de satin noir envelopper son corps inerte et glacé.

Yoongi plonge parfois sur le corps de sa victime pour lécher de sa langue rose et pointue, la peau déjà esquintée de sa proie. Telles des brûlures, son épiderme se colore de rouge, laissant une blessure suintante et écorchée. Lorsqu'il atteint l'extase, ses ailes se déploient dans un plaisir destructeur et un grognement guttural. Il se lève et délaisse son corps encore chaud mais immobile, aux creux des draps.

Il ne ressent aucune culpabilité, au contraire. Il se sent repu, enfin comblé de cette faim lancinante qui martèle l'intérieur de sa tête et qui le rend fou. Dans ces moments-là, le peu d'humanité qui lui reste disparaît pour satisfaire ses besoins démoniaques.

Sous la douche, sa mutation s'inverse. Ses cheveux s'éclaircissent, le noir de ses yeux rétréci et ses ailes, ainsi que ses cornes, se rétractent. Il devient moins impressionnant, reprend une forme humaine. Yoongi se frictionne et soupire en sentant la tension quitter ses muscles. Il rejoint sa chambre et se rhabille, sa victime toujours inconsciente. Les réverbères éclairent le lit par la fenêtre, et l'on dirait qu'un cadavre recouvre les draps. Pourtant, le démon n'a pas tué la jeune femme. Il est parvenu à s'arrêter à temps, avant de commettre l'irréparable. Il ne l'a pas épargné volontairement. Simplement ce soir, il a simplement aspiré à remplir son devoir d'Incube sans aller jusqu'à tuer sa proie. Ce n'est pas le cas à chaque fois, mais pour une fois, est saine et sauve. Il attend simplement qu'elle se réveille pour la jeter dehors sans ménagement. Pour ça, pas de souci, il sait être désagréable.

Il allume une cigarette et s'appuie contre la balustrade de sa fenêtre en observant les passants. Il jette un œil discret à son téléphone : 4 h 02. Dans deux heures, le soleil sera levé. Il balaye la rue du regard puis tire une taffe. Ce qu'il aime le plus, c'est ce moment de flottement après s'être adonné à la barbarie qui le caractérise. Cet instant de plénitude où il se sent satisfait, détendu, rassasié. Ce soir, c'est elle qui a eu toute son attention. Lorsqu'elle laisse échapper de légers gémissements, il écrase son mégot dans le cendrier et entre s'asseoir au bord du lit. Il doit être là lorsqu'elle ouvrira les yeux. Maintenant, il doit revêtir le rôle d'un humain, avec tous ses défauts. Elle se tortille puis ouvre les yeux avant de regarder autour d'elle. Elle ramène le drap contre sa poitrine nue, et se tasse contre la tête de lit. 

— Qu-qu'est-ce que je fais là ?! Qui êtes-vous ?

Les coudes sur les cuisses, Yoongi la scrute, impassible. Son visage est pareil à celui d'une statue de glace, immobile, froid et morbide. Ses petites lèvres s'entrouvrent, et il se racle la gorge.

— On s'est rencontré au bar. On a baisé, il faut que tu te casses, maintenant.

— Quoi ?! Non, je n'ai pas fait ça, j...

Elle passe sa main sur sa gorge et ses yeux s'arrondissent.

— Tu m'as fait du mal ? J'ai l'impression qu'on m'a étranglé !

Yoongi se lève, ramasse ses vêtements, et les lui jette au visage.

— Dégage de là.

— Pardon ?! Je crois que tu me dois des explications !! Pourquoi je ne me souviens de rien ?!

Elle baisse les yeux sur son corps recouvert de brûlures et d'hématomes, complètement choquée. Ses souvenirs sont brumeux, noyés dans du coton. 

— Qu'est-ce que c'est que toutes ces traces? T'es un malade!

Yoongi n'a pas le temps pour ça, ce n'est pas dans le contrat de s'occuper d'eux après. Homme ou femme, il n'a pas à se charger de ça. Ce n'était pas son rôle ni sa nature. C'est aussi pour cette raison qu'il préfère les éliminer. Pour ne pas avoir à endurer les jérémiades de ses victimes. Il aurait mieux valu la zigouiller quand il était encore temps. D'ailleurs, si elle ne déguerpit pas dans les trois minutes, il se pourrait qu'il change d'avis. 

Excédé, il saisit son bras frêle et la tire hors du lit, puis l'oblige à rejoindre l'entrée. Il ouvre la porte et la pousse sur le palier sans aucune explication. Alors qu'elle tambourine à la porte en hurlant de rage, il s'adosse et glisse le long de la porte. Il a eu tort. Dorénavant, il ne s'empoisonnera plus la vie, il tuera. De toute façon, ils méritent tous de mourir.

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