2. Je prends le train avec une chèvre qui me donne un cours de mythologie

- Garde cette putain de veste sur les épaules! s'écrit Eloan alors que nous attendons sur le quai de la Gare.

- Mais j'ai déjà un sweat-shirt, râlai-je. J'ai peut être froid en permanence mais au bout d'un moment y a des limites.

- Mais tu comprends rien, ça te rend invisible!

- Mais de quoi tu parles ? Explosai-je de rire. Je suis aussi invisible que la statue de la liberté, dis pas de conneries.

- Willow, mets ta veste, un point c'est tout, nous coupe brutalement Afiya qui paraissait plus mature avec ses cheveux tirés vers l'arrière.

Je fais ce qu'elle me dit sans rechigner, m'étonnant moi-même de mon obéissance. Je retire donc mon premier pull et enfile la veste d'un geste rapide, tout en écoutant d'une oreille indiscrète mon meilleur ami qui se fait remonter les bretelles.

- Et toi parle moins fort, le gronde-t-elle, je ne l'aime pas forcément mais si on la ramène en pièces détachées à Chiron, je ne suis pas sûre qu'il apprécie. Tu n'as pas su la reconnaître avant, profites en pour te rattraper maintenant en la protégeant.

J'hausse les sourcils face à sa première remarque puis tente de comprendre de quoi ils parlent mais c'est peine perdue.

- Fais pas la maline Monroe et prononce pas de prénoms à tir larigot comme ça, grince-t-il entre ses dents. C'est déjà une bénédiction qu'elle passe pour une mortelle grâce à ce truc, dit-il en désignant mon récent cadeau, mais je te rappelle que toi, tu ne passes pas inaperçue.

La petite croise les bras sur sa poitrine et dévie le regard vers le train qui arrive au loin, vexée qu'il ait a priori raison. Il reprend lentement son calme puis me lance finalement un coup d'œil, embarrassé, tandis que je le toise sévèrement.

- Va vraiment falloir qu'on discute.

Il ne me répond pas et évite tout contact visuel le temps que le train s'arrête. Eloan attrape ma valise, et nous montons au bord de l'embarcation, wagon 13.

⚔️

- Attendez, vous êtes en train de me dire que la mythologie grecque et tout ce qui va avec existe pour de vrai ? me moquai-je les yeux larmoyants de rire.

- Moins fort ! me chuchotent-ils en même temps.

- Enchanté je suis Zeus et voici ma douce épouse Héra, pleurai-je de rire en faisant mine de me présenter moi et mon meilleur ami, tout en empruntant une gestuelle et une voix ridicule. Nous reignons sur l'Olympe avec nos enf...

La main de Eloan couvre soudainement ma bouche et tous les deux me font comprendre de me taire. Il lâche finalement sa prise sur moi et j'échappe un rire nerveux.
Afiya se redresse discrètement sur son siège et observe les quelques passagers à bord. Ils ne semblent pas nous prêter attention, ce qui paraît la rassurer. Elle se rassoit et m'envoie un regard noir. Je n'avais jamais remarqué à quel point la couleur de ses yeux changeait selon ses humeurs: autrement dit, ils sont particulièrement sombres à ce moment même.

- Willow, il va falloir que tu acceptes cette vérité, me confie-t-elle en s'apaisant.

- Et évite de prononcer des noms, ils ont du pouvoirs.

Je fronce les sourcils, pas sure de comprendre cette nouvelle consigne, mais je décide de la suivre pour ne pas m'attirer leurs foudres.

Et celles de Zeus par la même occasion.

Je ris à cette pensée. Ils ne réussiront pas à me faire croire à leurs bêtises.

- Et c'est quoi le problème avec moi ? finis-je par faussement m'intéresser . Ne me dites pas que je suis à moitié cheval ou que, si on me coupe la tête y en a deux autres qui repoussent, s'il vous plaît, paniquai-je avec sarcasme.

- Non, tu n'as pas à t'en faire pour ça, ricane Eloan en me donnant une tape amicale dans le dos. Non, toi tu es une sang-mêlé.

- Une quoi ?

- Une demi-déesse si tu préfères, m'indique Afiya.

À nouveau, je ne peux m'empêcher de rire comme une imbécile, ce qui les énervent encore plus.
Moi ? L'enfant d'un dieu ? Le dieu de la paresse, de la couardise et de l'idiotie alors.
Je me calme, remarquant qu'eux, ne rient pas.

- Et donc, qui est mon parent divin ? questionnai-je curieuse bien qu'un sourire moqueur peigne mes lèvres.

- On ne sait pas encore, me dévoile ma cousine tout aussi perplexe que moi sur ma vraie nature. Tu aimes jouer de la musique, et tu aimes dessiner. Tu es peut être une enfant d'Apollon.

- T'as déjà vu un seul brun dans son bungalow ? la contre-t-il en la fixant comme si elle avait perdu la tête.

- Non, avoue-t-elle après un certain temps de réflexion, il y a une première à tout. Mais avec son humour à deux balles et sa répartie douteuse, je la vois bien chez les Hermès.

- Mais je veux pas être factrice moi.

Ils échangent un léger rire après mon commentaire.
Honnêtement (si tout ceci s'avère être vrai ce que je doute fort), je ne sais même pas qui pourrait être mon père, et je suis prête à prendre celui qui vient. J'attends de savoir qui il est depuis si longtemps, et maintenant que j'ai la preuve qu'il n'est (probablement) pas mort, cela me met du baume au cœur.
Nous restons silencieux, observant le paysage qui défile à toute vitesse. Je réalise alors qu'eux aussi doivent être comme moi, au vu de leurs connaissances sur le sujet, et j'essaie de réfléchir à qui ils peuvent être reliés. Je ne connais que les grands traits de la mythologie alors il m'est difficile de réellement enquêter sur leur parent.

- Vous en êtes, n'est-ce pas ?

- Moi oui, déclare fièrement ma cousine. Mais pas Eloan.

Je fronce les sourcils, me frottant le menton tentant de réfléchir sur ce qu'il peut être, mais rien ne me vient à l'esprit.
Voyant ma difficulté à trouver, il s'enfonce dans son siège et prend une grande inspiration.

- Je suis un satyre, me dévoile-t-il en abaissant sa voix pour que le dernier mot n'apparaisse que sous la forme d'un murmure. Je suis à moitié bouc.

Je le dévisage, ne sachant pas vraiment comment réagir. Ils ont atteint le summum du ridicule pour me faire croire au plus gros mensonge de l'univers.
Lentement je dissimule mon sourire derrière ma main, baissant les yeux sachant pertinemment qu'ils sont pétillants de moquerie, et je pince fortement mes lèvres, mais un rire similaire à de l'air s'échappe de mon nez. Il lève les yeux au ciel, exaspéré par mon attitude enfantine.

- T'es une chèvre ? lui murmurai-je toujours en riant. T'es une putain de chèvre ?

Même Afiya sourit, amusée par la situation.

- Non, un bouc, soupire-t-il

- Une chèvre, j'en reviens pas. Ça explique tellement de choses, ricanai-je moqueuse.

Je me plaque contre le dossier de mon siège, secouant ma tête de gauche à droite et répétant le nom de l'animal avec moquerie.
Comment n'avais-je pas pu m'en rendre compte durant ces trois années passées avec lui ? Je veux dire, ça se voit comme le nez au milieu de la figure quand on est à moitié chèvre. Même là, j'ai encore du mal à l'imaginer.

- Pourquoi je ne l'ai jamais remarqué ? les interrogeai-je pensant les coincer dans leur propre jeu.

- La brume. Elle cache tout ce qui n'est pas censé exister aux yeux des Mortels, mais reste visible à tout ceux qui ne le sont pas. Sauf si elle est vraiment puissante, m'explique Afiya avec serieux. Tu as forcément déjà-vu des choses qui t'ont paru bizarres.

Je fais mine de réfléchir un instant, fouillant au plus profond de ma mémoire.

- Pas que je me souvienne. Tout à toujours été plus ou moins normal, leur déclarai-je sèchement.

J'essaie de leur faire comprendre que leur petit manège pour me faire entrer dans leur secte de fous a assez duré pour aujourd'hui, mais ils continuent leur débile jeu de rôle. Ils se regardent en fronçant les sourcils, comme si ce que je venais de leur annoncer n'était pas habituel.
Eloan lui confie doucement, comme s'il ne voulait pas que j'entende (alors que, soyons honnête, je ne suis même pas à cinquante centimètres de lui), qu'ils en discuteront au camp avec le mystérieux Chiron.

- Et c'est quoi, le camp des Sang-Mêlés ?

- La "colonie de vacances" à laquelle je vais chaque été depuis deux ans, m'explique-t-elle en dessinant les guillemets avec ses doigts. On s'entraîne à se battre pour se protéger contre des attaques de monstres.

- Tu as déjà été agressée par un monstre ?

- Une fois, me révèle-t-elle en omettant les détails, mais je ne fais pas partie des plus importantes donc j'échappe généralement aux attaques. Certains n'ont jamais réellement eu une vie tranquille.

- Et nous, les satyres, on est chargé de vous localiser pour pouvoir vous mettre en sécurité le plus rapidement possible dans le camp. Ce que j'ai fait avec Afiya.

- Et c'est ce que tu es en train de faire pour moi, c'est ça ? L'interrogeai-je tandis qu'il détourne le regard.

- Pas vraiment. De base, tu étais juste mon amie. Je me suis rendu compte de ce que tu étais, aujourd'hui seulement. Tu t'es mise à dégager une odeur particulièrement forte, que seuls les sang-mêlés possèdent.

Cela peut expliquer son attitude étrange de ce matin.

- Le truc, reprend-il, c'est que je ne comprends pas comment je n'ai pas pu la sentir avant, tu sens vraiment super fort !

- C'est ce que j'ai malheureusement cru comprendre, me moquai-je légèrement agacée qu'il remette le sujet sur le tapis.

- C'est pas méchant ce que je te dis. Afiya aussi a une odeur, c'est comme ça, vous n'y pouvez rien.

- Et puis l'âge moyen de l'arrivée au camps est de onze ans, ajoute ma cousine. La plupart ne survivent pas jusqu'à leur dix-sept ans s'ils ne sont pas entraînés, complète la fille. Sauf les enfants des dieux mineurs, ce qui est probablement ton cas.

Il est vrai que ma fierté en a pris un coup. Être la fille d'Hermès n'est pas si mal finalement.
Eloan garde le silence sur ces dernières paroles, les yeux fixés sur l'extérieur, la mâchoire serrée et les sourcils froncés. Malgré le fait qu'il soit soi-disant à moitié chèvre, il n'en reste pas moins mon meilleur ami et je sais reconnaître lorsqu'il est anxieux. Mais je sais aussi que cela ne sert à rien de le pousser à se confier car il se braquerait et refuserait de parler. J'essaierai néanmoins d'en discuter avec lui, à notre arrivée.

- Nos grands-parents sont au courant au moins ? demandai-je me rappelant que nous sommes partis comme des voleurs.

- Ils savent ce que je suis, ils le savent depuis le tout début, elle hausse les épaules. Ils vont se dire qu'on m'a demandé de venir au camps pour quelque chose d'important, mais je leur enverrai un message en arrivant.

- Et pour moi ? m'hasardai-je. Ils le savaient ?

- J'en sais rien, mais une chose et sûre, c'est qu'ils n'en ont pas grand chose à faire.

Je baisse les yeux, touchée par ces mots durs. Je le savais depuis longtemps déjà, que je ne comptais pas beaucoup à leurs yeux, mais l'entendre de la bouche de quelqu'un d'autre est toujours plus douloureux. Comme une enfant, je garde le regard vissé sur mes pieds tandis que je joue maladroitement avec mes mains, tentant de passer outre la violente remarque de la jeune adolescente.
J'aperçois Eloan lui donner un coup de pied (ou de sabot ? Je ne sais plus quoi penser) dans le tibia, puisqu'ils sont face à face, et elle soupire d'agacement avant de prendre la parole.

- Je les préviendrai que tu es avec moi, au cas où.

Un rictus de remerciement se forme sur mes lèvres. Tout un tas de pensées se bousculent dans mon crâne, concernant ma vie de famille, ma nouvelle identité, toutes les merdes qui risquent de m'arriver à cause de celle-ci, et surtout si tout ceci est vrai. J'attends d'avoir des preuves concrètes pour y croire. Un mal de tête me prend soudainement, m'obligeant à fermer les yeux et à m'endormir.
Une chose est sûre, le voyage me semblera moins long que prévu.

⚔️

Et voici le Chapitre 2 ! J'espère sincèrement qu'il vous a plu 💙

D'après vous, est ce que Eloan et Afiya disent la vérité ? Est-ce qu'ils ont raison au sujet de Willow ?

Je vous attends dans les commentaires 💙

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