CHAPITRE VI

ELIOS
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Je porte un verre à ma bouche en observant les invités pénétrer dans mon domaine en portant des tenues extravagantes. La soirée est sur le point de débuter cependant je ne ressens aucune envie de me mêler aux nobles. Ils passent la plupart du temps à se minauder devant moi tout en se gavant des excellents plats préparés par les cuisiniers. Nous sommes peut-être des vampires, mais nous ne sommes pas contre un bon repas concocté à partir des fleurs de sang. L'important est d'avoir une touche de ce liquide. La nourriture humaine seule est abominable dans notre bouche, elle ressemble à de la pourriture. Mais en ajoutant une touche de fleur de sang, cela devient délicieux. J'observe toutes ces femmes dans des robes extravagantes en gloussant comme des imbéciles en marchant vers l'entrée. Mère connaît mon point de vue sur ces soirées organisées néanmoins je n'ai pas mon mot à dire. Le Conseil souhaite que j'épouse une femme pour assurer une descendance avant que je devienne trop vieux pour me consacrer à une famille. Les Purs ne sont pas éternels, nous possédons tous une date de mort. Seule l'Enchanteresse de la Mort est en mesure de la connaître, mais a l'interdiction de la révéler.

Ennuyé par ce spectacle d'invités défilant à tour de rôle, je retourne dans ma chambre. Je dépose mon verre vide sur la commode en bois foncée puis regarde autour de moi. Les couturières ont réalisé une tenue spéciale en suivant les demandes de mère afin de me démarquer un peu plus. Je porte beaucoup de noir la plupart du temps, mais ma tendre mère souhaite que j'apporte un peu de fraîcheur dans mes tenues habituelles. Orwell est bien différent de moi sur ce point. Il est toujours habillé avec des costumes colorés qui lui vont merveilleusement bien. Nous n'avons pas la même élégance, je le crains. J'observe la tenue avec plus d'attention en fronçant les sourcils. La redingote en elle-même est bleu foncé avec des entrelacs argentés cousus ainsi que des boutons sombres. La chemise est blanche et correspond bien à celle que je porte habituellement ainsi qu'un pantalon sombre. Je m'attendais à quelque chose de plus hideux de la part de ma mère. Cela ne m'étonnerait pas qu'Orwell soit parvenu à la convaincre de changer d'avis sur son idée initiale.

Je retire ma chemise actuelle puis la balance sur le sol puis enlève mon pantalon. C'est alors que deux bras entourent ma taille, ce qui éveille une chaleur dans tout mon corps. Mon amante ne peut malheureusement pas assister au bal, mais cela ne la dérange pas. Elle peut librement se promener dans les couloirs avec l'anneau lunaire cependant elle préfère rester au chaud dans ma chambre. Son corps est enveloppé dans ma couverture en soie rouge foncée, ce qui lui donne l'allure d'une reine. Pourquoi la vie est cruelle au point de m'envoyer une humaine pour satisfaire mes besoins ? J'aurais tant aimé qu'elle soit une Pur, nous serions devenu un couple extraordinaire. Il aurait été peut-être possible que je développe des sentiments pour cette jeune femme à la beauté délicate.

― Ce n'est pas bien d'éveiller le fauve qui est en moi...

― Tu peux très bien rester auprès de moi, chuchote-t-elle.

Je me retourne pour lui faire face et l'embrasse comme un fou. Dans une autre vie, je serais un simple humain qui serait tombé amoureux de la plus belle femme du village. Il m'arrive de rêver, ce n'est pas très saint comme comportement surtout en tant que souverain. Je repousse délicatement mon amante qui retourne dans mon lit en souriant. J'enfile mon pantalon accompagné de la chemise puis la redingote qui tombe parfaitement autour de ma taille. Toutes ces mères désespérées de marier leurs filles ne vont pas tarder à me tourner autour. Je m'approche du miroir puis passe une main dans mes cheveux polaire, une mèche tombe devant mes yeux. J'ai toujours apprécié la couleur de mes pupilles, elles ressemblent à celles de mon père. Un magnifique rouge foncé provenant directement de mon arrière-arrière-arrière-grand-père.

― Je ne peux malheureusement pas manquer une soirée de plus.

― Essaie de me rejoindre rapidement.

Ma mère s'est également occupée de choisir la couronne à porter pour le bal. La famille royale possède une grande collection de couronnes provenant des précédents souverains et souveraines et sont conservées dans une grande salle. Elle est bien évidemment interdite aux personnes extérieures à la famille royale afin qu'elles ne soient pas abîmées ou volées. J'ouvre la boîte dans laquelle repose le modèle de celle que je dois porter pour ce soir puis fronce les sourcils. Ce n'est pas le meilleur choix néanmoins je la remercie pour ne pas avoir opté sur celle de mon grand-père. Je la prends délicatement entre mes mains afin de la contempler quelques secondes. Les diamants incrustés tout autour de la couronne ajoute du poids, ce qui la rend désagréable sur le crâne.

― Tu vas bientôt être en retard, dit Caera.

― Un roi est libre de se présenter quand il le veut.

Nous nous regardons quelques secondes en silence avant que je ne me penche pour l'embrasser avant de quitter ma chambre. Je me retrouve dans le couloir dans lequel se trouve deux gardes devant ma porte. Je suis bien content que la magie des Enchanteresses préserve mon intimité, les gardes auraient facilement pu découvrir ma liaison secrète avec Caera. Une telle découverte aux oreilles du Conseil aurait des conséquences désastreuses. J'entends la musique provenir de la salle de réception ainsi que des bribes de conversations. Lorsqu'un endroit est trop bondé, je n'arrive pas à focaliser mon ouïe sur une conversation en particulier. C'est alors que je remarque la présence de mon demi-frère. Orwell est adossé contre un mur, un sourire plaqué aux lèvres. Sa tenue est semblable à la mienne à la grande différente qu'elle est d'un vert clair mettant en avant ses yeux clairs. Il ressemble beaucoup notre mère, la même élégance et ce regard envoûtant qu'il apprécie tant.

― Mère va te tuer en apprenant ton retard, dit-il.

― Peut-elle vraiment faire du mal à son enfant favori ?

Nous descendons rapidement les marches en riant, ce qui attire l'attention des invités présents dans le hall d'entrée. Il est interdit de pénétrer dans la salle de bal avant que le roi décide de faire son apparition. Nous aurions très bien pu emprunter le couloir secret menant directement à la salle, mais je ne veux pas prendre le risque de salir mes vêtements. Les gardes remarquent notre présence et s'empressent d'écarter la foule afin d'ouvrir les portes pour nous laisser entrer. Orwell et moi marchons sur le grand tapis installé spécialement pour l'occasion puis pénétrons dans la pièce décorée avec le plus grand soin. Les décorations sont dans les tons bleutés semblable à ma tenue.

Je m'approche de ma mère portant une merveilleuse robe de soirée dorée avec une tiare brillant de mille dans sa chevelure blonde. Comme toujours, je me penche en avant puis dépose un baiser sur sa main. Elle me me lance un petit sourire satisfait tout en retournant auprès de son époux. Je monte les marches de la petite estrade sur laquelle est installée un trône pour chaque membre de la famille royale. Mon père adorait ces bals pour danser avec mère aussi longtemps que possible. Ce couple était une véritable source d'inspiration pour tout le monde. Il a fallu une trentaine d'années pour qu'elle retrouve cet éclat de vie dans les yeux. Je m'installe sur le trône en question puis observe les invités présents.

― Majesté, c'est une joie de vous voir.

Kane Simmel est un noble que je méprise depuis mon accession au trône. Il me pousse toujours à rencontrer ses filles les plus belles en excluant volontairement les autres. J'ai eu la malchance de faire la connaissance de Carmilla, une grande beauté avec une grâce éblouissante, mais peu intelligente je le crains. Elle devrait étudier un peu plus pour espérer trouver un bon époux. La famille Simmel est composé exclusivement de filles, huit si mes souvenirs sont corrects. Combien de fois ai-je entendu ce cher Kane se plaindre de ne pas avoir de fils.

― Vous n'avez jamais eu le plaisir de rencontrer ma troisième fille, Vasilisa.

Une jeune femme aux cheveux blonds cendrés s'incline devant moi en me souriant. Elle porte une robe bouffante dont le bustier est tellement serré qu'il semble sur le point de craquer et exposer la poitrine de celle-ci à la vue de tous. Son parfum à la violette embaume la pièce, ce qui provoque immédiatement une violente nausée. Je suis allergique à cette plante. Je me contente de lui sourire le plus poliment possible pour ne pas passer pour un mauvais souverain en guettant la salle de bal à la recherche d'une distraction. Le protocole exige de moi que je sois le premier à ouvrir la danse en choisissant une partenaire.

Kane remarque mon manque d'intérêt pour Vasilisa puis s'empresse de vanter les plus grandes qualités de sa fille. Il n'est pas le premier à le faire, mais je trouve ce comportement indigne. La pauvre jeune femme est incapable d'ouvrir la bouche toute seule pour parler d'elle-même. Je n'écoute que d'une oreille distraite afin de camoufler mon envie de vomir.

― Vasilisa est la plus grande danseuse de la famille ainsi qu'une excellente musicienne. Vous devriez entendre ces dernières compositions, une véritable merveille pour les oreilles. Lors de la prochaine rencontre, n'oubliez pas de les apporter, ma chère.

― Ce n'est pas nécessaire, je vous crois sur parole.

Mon regard rencontre brièvement celui de la plus jeune fille du clan Simmel. Installée seule dans un coin, la jeune femme détourne son attention de moi pour se replonger dans la lecture d'un ouvrage. Elle ne possède pas le même charme que les autres filles de Kane, ce qui la rend bien plus attirante à mes yeux. Lors des bals, elle veille toujours à ne pas se faire remarquer et reste silencieuse. Je quitte le trône pour la rejoindre sous les yeux écarquillés des invités. Ils s'attendent tous à ce que je danse avec les plus belles femmes, mais la beauté n'est pas la seule chose qui compte.

― Accepteriez-vous de danser avec moi ?

Izora lève les yeux dans ma direction, surprise de ma proposition. Elle hoche timidement la tête puis dépose son livre sur la chaise la plus proche puis glisse sa main dans la mienne. Nous prenons place au centre de la piste de danse afin de lancer officiellement cette soirée. Les musiciens débutent les premières notes de la chanson, ce qui me pousse à prendre les devants. D'autres couples se forment autour de nous, ma mère et Stelian sont les premiers. Je veille à ne pas écraser les pieds de ma partenaire qui virevolte, un grand sourire aux lèvres.

― Vous semblez heureuse.

― Personne ne me remarque jamais, murmure-t-elle.

― C'est faux, je vous ai remarqué.

― Vous avez juste éprouvé de la pitié pour moi, majesté.

Je secoue la tête en plongeant mes yeux dans ses pupilles émeraude. Les hommes n'apprécient pas les femmes comme Izora, elle est intelligente et possède une beauté différente des autres femmes. Son corps n'est pas parfait, elle possède des formes ce qui la rends très jolie selon moi. Je replace ma main sur le bas de son dos en continuant de suivre le rythme de la musique.

― J'éprouvais l'envie de danser avec moi, lady Izora.

― Merci pour votre gentillesse.

La danse s'achève finalement au bout de quelques minutes. Ma partenaire s'écarte en me remerciant à nouveau puis profite de l'occasion pour rejoindre son ancienne place. Un domestique passe devant moi avec un plateau sur lequel repose des verres, je m'empare d'une coupe puis la vide en quelques secondes. Orwell ne tarde pas à me rejoindre, un toast à la main.

― Tu ne souhaites pas danser un peu ? demandé à mon frère en riant.

― Certainement pas.

Orwell ne déteste pas la compagnie des femmes, mais son coeur est encore blessé par la mort de celle qu'il aimait comme un fou. Aerin vivait auparavant au château et travaillait en tant que femme de chambre, mais est soudainement malade. Cela fait maintenant cinq ans que celle-ci est décédée néanmoins mon frère n'arrive pas à tourner la page et aller de l'avant. Il lui arrive bien sûr de profiter de la compagnie de certaines femmes lorsque la solitude devient trop pesante, mais cela arrive rarement.

― Souhaites-tu que j'aille espionner le village aujourd'hui ?

― Si seulement tu arrives à t'éclipser sans te faire remarquer.

Orwell boit le reste de son verre puis dépose sur un plateau puis me lance un rapide clin d'oeil en s'éloignant. On pourrait presque le confondre avec un humain lorsqu'il adopte cette attitude nonchalante. Il profite que notre mère soit en grande discussion avec lady Weiskopf pour quitter la salle de bal en secouant la main dans ma direction. J'aimerais avoir la possibilité de faire de même, mais la soirée ne fait que débuter. Impossible de m'échapper sans affronter la colère de mère.

27.04.2022

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