Partie 3

Lucien était apparu dans sa vie sans prévenir. C'était inattendu et renversant. Comme une bourrasque. Non. Un ouragan. Lucien était extraordinaire. Il avait une façon de voir le monde qui lui plaisait sincèrement. Et quand il venait régulièrement aider sa grand-mère, il passait du temps avec Willem, restant un peu plus longtemps à chaque fois. Si bien que les deux jeunes hommes finirent par devenir de véritables amis.

Mais Willem n'aborda jamais le sujet de son don.

Car il savait que Lucien avait lui aussi un secret. Un secret que le jeune homme gardait précieusement pour lui. Et il était bien déterminé à découvrir lequel.

Un soir, en pleine discussion sur le canapé autour de bières, Lucien lança un sujet qu'il n'avait pas vraiment osé aborder avant.

— Sinon... Tu as quelqu'un dans ta vie ? demanda-t-il avant de boire une gorgée de sa boisson.

Willem percevait une pointe d'appréhension dans sa question, mais il ne fit pas plus attention que ça. C'était peut-être simplement une idée qu'il se faisait.

— Actuellement, non. Et toi ?

Lucien recula au fond du dossier, sa tête contre le dossier, en triturant la petite bouteille.

— Disons que j'attends la bonne personne...

Puis il tourna le visage dans sa direction.

— Et je veux savoir si j'ai une chance avant de tenter le coup...

Son regard transperça le sien. Le cœur de Willem se prit le plus violent coup qu'il n'avait jamais reçu. Le genre qui empêche de reprendre une course normale. Ce serait Lucien et personne d'autre.

Willem le savait au plus profond de lui.

Il prit doucement la main de Lucien dans la sienne et la porta à ses lèvres avant d'embrasser le bout de ses doigts.

— J'espère que je peux, moi aussi, tenter ma chance.

Lucien s'empourpra et se mit à rire comme un adolescent. Un frisson glissa le long du dos de Willem. C'était peut-être ça, l'amour, le vrai. Celui avec un grand A comme dans les histoires.

Les deux jeunes hommes décidèrent de se lancer dans un jeu de séduction, en prenant leur temps. Ils flirtaient et se cherchaient souvent. Quelques caresses discrètes, des baisers déposés au coin des lèvres. Rien de plus.

Puis une nuit, Willem rêva de son premier baiser avec Lucien. Au fond, il était déçu de l'avoir vu avant qu'il n'arrive, mais profita malgré tout de sa journée avec lui et de la soirée qui en découla.

Dans l'appartement de Willem, ils se câlinaient tendrement sur le sofa, puis il le sentit se crisper un peu et Lucien quitta ses bras.

— Quelque chose ne va pas ?

— J'ai l'impression de tout faire capoter... se blâma-t-il.

Willem se rapprocha de lui et vit ses yeux s'embrumer. Sa paume se posa doucement contre sa joue et il se raccrocha à celle-ci, avant de se mettre à pleurer.

— Hey...

— Je suis terrifié, Willem.

Il le prit doucement dans ses bras et le laissa se raccrocher à lui.

— Qu'est-ce qu'il te fait peur ?

— J'ai l'impression que tu ne seras jamais heureux avec moi...

— Pourquoi tu dis ça ?

— Je suis du genre garçon bousillé. Personne ne m'a jamais supporté longtemps. Et ça me fait peur, parce que je me sens bien avec toi. Sincèrement. Si tu venais à partir, je-

Willem le coupa en posant ses lèvres contre les siennes.

— Peu importe ce que tu as vécu, je serai là pour t'aider à surmonter tout ça. Je serai là aussi longtemps que tu le voudras.

Lucien sourit à travers ses larmes et prit son visage entre ses mains pour lui voler un baiser. Puis un autre.

Son rêve ne rivalisait pas avec ça. C'était encore mieux. Plus fort. Plus renversant. C'était l'amour, le vrai. Willem aimait sincèrement Lucien. Tout comme Lucien l'aimait sincèrement.

Ce n'était pas comme avec Rémi ou avec les autres. Lucien n'était pas eux. Chacun de ses baisers lui donnait un peu plus de force et le rendait un peu plus heureux. Chacun de ses mots savait lui donner le sourire.

Ils étaient amoureux et heureux ensemble.

Et enfin, cet après-midi arriva. Après une visite impromptue de Lucien chez Willem, ils firent l'amour. Pas simplement du sexe vraiment plaisant, il y avait plus. Plus que deux corps unis. C'était Willem qui aimait Lucien et Lucien qui aimait Willem. Des caresses, des frissons et des baisers à n'en plus finir.

La chaleur envahissait la pièce, recouvrant leurs corps à moitié recouverts par les draps. Willem caressait distraitement le torse de son petit-ami après avoir repris son souffle. Ses doigts descendirent sur son épaule, qu'il couvrit de baiser, puis sur son bras. Il s'arrêta au niveau de son poignet, recouvert de vieilles blessures. Lucien retira son bras de sa prise et le ramena contre lui.

— Pardon, s'excusa aussitôt Willem.

— C'est pas... Tu n'as pas à t'excuser. C'est juste que je les déteste.

— Pourquoi ? Enfin non. T'es pas obligé de me le dire si ça te fait du mal. Ou même si tu veux le garder pour toi. Tu as le droit d'avoir tes secrets.

Lucien observa son poignet de longues minutes, avant de revenir contre le torse de Willem.

— Prends-moi dans tes bras...

Il s'exécuta, câlinant tendrement son petit-ami. Il souffrait de le voir avoir si mal, mais le laissa prendre son temps pour parler. Lucien se laissa aller, se sentant complètement en sécurité contre lui.

— Mon père me trouvait rêveur, toujours la tête dans les nuages, pas assez bosseur. Il avait la brillante idée de me frapper les poignets avec une règle pour me faire la leçon dès que j'étais pas aussi parfait qu'il le souhaitait. Que ce soit pour mes notes ou ses foutues sonates de violon. Quand j'ai expliqué la situation à ma mère, elle a baissé les yeux et m'a envoyé chez ma grand-mère. C'est elle qui a fini par m'élever jusqu'à ce que je sois assez grand pour me débrouiller.

— Et tu as revu tes parents après ça ?

— Une seule fois. Pour leur faire mon coming-out. Je voulais leur montrer que je n'avais pas besoin d'eux pour vivre. Et je m'en sors très bien tout seul.

Lucien caressa du dos de sa main le visage de Willem, qui se laissa faire, resserrant sa paume dans la sienne avec tendresse.

— Mais c'est encore mieux depuis que tu es là...

Willem pensait exactement la même chose. Si bien qu'il ne pût s'empêcher de prononcer les trois petits mots qui avaient enfin du sens ce jour-là. Lucien le prit dans ses bras, non sans parsemer ses joues de baisers avec un sourire.

— Je t'aime aussi...

Les deux jeunes hommes étaient décidés à construire quelque chose ensemble. Quelque chose de solide. Les jours, les semaines et les mois passèrent. Ils s'aimaient toujours plus fort. Si bien que Willem prît la décision de lui faire rencontrer ses parents.

Lucien étaient intimidé de cette entrevue, mais il fut rapidement mis à l'aise par André et Juliette, heureux d'enfin rencontré un gentil garçon qui partageait la vie de leur fils.

Pour préparer le dessert, Juliette demanda à Willem de le rejoindre dans la cuisine. En vérité, elle voulait s'assurer que tout allait bien dans leur relation.

— Tu sembles vraiment heureux avec lui.

— Je le suis, la rassura-t-il.

— C'est bien mon chéri. Mais... Est-ce qu'il sait pour... Enfin, tu sais. Ton don.

— Non. Non et je ne compte pas lui dire.

— Willem...

— Non, je ne lui dirais rien. Je ne veux pas prendre le risque de le perdre.

— Imagine qu'un jour, tu fasses un rêve le concernant. Tu seras bien obligé de tout avouer.

— Et bien, je le ferais à ce moment-là. Pas avant.

— Tu es une vraie tête de mule ! s'exclama Juliette. On dirait ton père !

Willem sourit un peu et s'appuya contre le meuble en bois.

— Je l'aime sincèrement. C'est vraiment quelqu'un de fantastique et je n'ai aucune envie que mon don à la con le fasse fuir.

— Willem...

— Je vis avec depuis que je suis né ! Pour une fois, j'ai juste envie qu'on me laisse tranquille. Vraiment. J'en ai plus qu'assez que ce truc interfère dans mes relations. Je voudrais être normal, Maman.

— Mais tu es normal ! Quoi que ce mot puisse signifier pour toi.

Elle se rapprocha de son fils et le prit dans ses bras, s'apercevant que son sourire avait disparu.

— S'il t'aime, il saura le comprendre, le consola-t-elle.

Il se laissa aller dans l'étreinte de sa mère et s'accrocha à elle, avant que Lucien ne fasse son apparition dans la cuisine.

— Vous avez besoin d'aide ? Qu'est-ce qu'il y a mon cœur ?

— Je vais vous laisser discuter, les garçons.

Juliette s'éclipsa, confiant son fils au soin de Lucien. Il prit Willem dans ses bras, tentant de le rassurer comme il le pouvait.

— Tout va bien ?

— Promets-moi simplement que tu ne partiras pas... soupira-t-il.

— Ce n'est dans aucun de mes projets actuellement.

Cela ne le rassurait qu'à moitié. Il n'avait aucune idée de comment Lucien pouvait réagir en apprenant la nouvelle. C'était une zone d'ombre qu'il détestait.

Le temps passa et il abandonna l'idée de tout lui avouer. Leur relation prenait l'impasse sur tout le reste. Ils étaient bien ensemble et il voulait que cela dure.

Jusqu'à cette nuit où il fit le rêve qu'il aurait préféré ne jamais vouloir faire. Il se réveilla en pleine nuit, complètement en sueur et les larmes aux yeux. Son cœur lui faisait si mal. Lucien marmonnait de son côté, alerté par ses mouvements.

— Tu trembles mon cœur... T'as fait un cauchemar ?

Willem quitta précipitamment le lit, se retenant d'éclater en sanglots et Lucien se contenta de s'asseoir sur le matelas, encore un peu endormi.

— Willem ?

— Je... Il... Il faut qu'on parle...

Il devait se calmer, tenter de mettre des mots sur ce qu'il avait vu. Mais rien que d'y repenser, ça lui donnait envie de pleurer et d'insulter la terre entière.

— Il est deux heures du matin... Tu ne veux pas attendre un peu ? Au moins qu'il fasse jour.

— Non ! Non, ça peut pas attendre !

— Calme-toi. Tu me donnes le tournis à faire les cent pas, plaisanta son petit-ami.

— Putain, Lucien ! Je veux te parler d'un truc grave, là ! Qu'importe si tu ne me crois pas...

Le sourire de Lucien disparut et il se cala contre la tête du lit, ramenant ses jambes contre lui.

— Je t'écoute.

— Depuis que je suis tout petit, j'ai un don qui me permet de faire des rêves sur ce qui doit arriver dans ma journée et l'impact que ça a sur les gens.

— Attends, donc tu-

— Laisse-moi finir. Aujourd'hui, tu dois avoir un accident de voiture en te rendant au magasin.

Lucien émit un rire nerveux. Sa réaction était... inattendu.

— Donc t'es en train de me dire que nous deux, c'est juste à cause d'un rêve idiot ? Que c'est juste un rêve à la con qui t'as dit qu'on devait être ensemble ?

— Quoi ? Mais pas du tout ! Je suis en train de te dire que tu ne dois pas sortir aujourd'hui !

— En plus, tu me donnes des ordres ?

Lucien quitta le lit, en colère par le comportement de Willem et attrapa des vêtements pour s'habiller rapidement.

— J'en ai rencontré des connards dans ma vie, mais toi, tu gagnes le gros lot.

— Qu'est-ce que tu fais ?

— Je rentre chez moi. J'ai aucune envie de rester ici.

Willem se mit en travers de son chemin, l'empêchant de franchir la porte de la chambre. La panique le gagna. Si Lucien sortait de son appartement, il ne le reverrait jamais. C'était une certitude.

— Ne pars pas... J'aurai pas dû te parler comme ça, excuse-moi.

— C'est bien si tu t'en rends compte. Maintenant, laisse-moi passer.

— Je peux pas te laisser faire ça.

— Willem...

— Je ne t'ai jamais menti. Jamais. Alors crois-moi quand je te dis que je t'ai vu avoir un accident.

— Comment tu peux penser que je vais te croire ?

Lucien insista pour passer, parvint à traverser le couloir avant de se faire de nouveau arrêter par Willem qui attrapa violemment son poignet. Une vive douleur lui lacéra le bras et d'un pur réflexe de protection, il leva son autre main pour venir le gifler en lui ordonnant de le lâcher.

Un silence pesant s'engouffra dans le petit appartement. Willem porta sa main à sa joue qui chauffait et virait au rouge sous la violence de l'impact.

— Willem... débuta Lucien. Je ne voulais pas...

Il leva ses mains vers lui, tentant de voir l'étendue des dégâts qu'il avait provoqué. Ses doigts eurent simplement le temps d'effleurer sa joue pour que la douleur disparaisse un peu. Mais Willem le repoussa aussitôt.

— Va-t'en...

Lucien n'en demanda pas plus et claqua la porte derrière lui.

Willem lui-même ne savait pas comment il aurait pu réagir si les rôles avaient été inverser. Mais la douleur qui lui enserra le cœur, il ne l'avait ressenti. Les larmes lui montèrent aux yeux et il ne put s'empêcher de pleurer. Il venait de perdre Lucien, sans même avoir à réellement intervenir.

— Espèce de don à la con...

Les jours qui suivirent furent les plus terribles pour Willem. Lucien était parti avec son cœur tout entier. Et c'était affreusement douloureux.

Hailee avait bien tenté de le réconforter, mais au fond, tout ce que Willem voulait, c'était de revoir Lucien et lui dire à quel point il avait été stupide d'insister autant.

Un autre matin, après avoir pleuré de longues heures la nuit, il ouvrit la porte en entendant toquer. Sa surprise fut immense en l'ouvrant.

— Lucien ?

— Tu avais raison et j'en suis désolé...

— Qu'est-ce que tu as au visage ?

— J'ai eu un accident, mais rien de grave, le rassura Lucien.

— Tu vas bien ? Vraiment ?

— Oui. Et c'est grâce à toi. J'ai été stupide de ne pas te croire. De te traiter de la manière dont je l'ai fait... J'espère que tu me laisseras une autre chance. Une chance de me racheter et de te montrer que je t'aime.

Willem n'eut pas besoin de plus pour le faire entrer chez lui et le serrer dans ses bras.

— Je suis désolé... Mais j'ai eu tellement peur en te voyant dans ce rêve.

— Tes parents m'ont tout raconté. Ton don. La fois où tu as sauvé ton père et ta sœur... Jamais plus je ne douterais de toi. Et je veux que tu saches qu'à partir de maintenant, je t'aiderais du mieux que je peux pour que tu puisses supporter ce don. C'est une promesse que je te fais. Celle que je tiendrais jusqu'à la fin.

Lucien marqua une pause et prit le visage de Willem entre ses mains.

— Est-ce que tu veux encore d'un idiot dans ta vie ?

Willem ne put s'empêcher de sourire.

— Tant que cet idiot m'aime, ça me va.

— Imbécile... Évidemment que je t'aime.

Ils s'embrassèrent avec amour et tendresse. Lucien posant sa main sur la poitrine de Willem, réparant un par un les morceaux déchirés de son cœur.

Le don de Willem n'était peut-être pas une malédiction finalement.

Et peut-être que celui de Lucien pouvait enfin protéger la personne qu'il aimait.


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Et bien ce fut un texte fort en émotion ! J'espère que celui-ci vous aura plus et qu'une petite part de mystère subsiste encore. ( c'est purement fait exprès)

Peut-être que Lucien trouvera le courage de tout avouer à Willem ? 

En tout cas je suis heureuse que cette histoire vous ais plu ! On se retrouve bientôt pour la suite d'Aubade avec ce cher petit Armand. 

Plein d'amour sur vous :)

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