Partie 2

Durant son adolescence, Willem dut découvrir ce que voulait vraiment signifier avoir un tel don tout en se cherchant en même temps. Certains avaient du mal avec cet âge, entre les amours, les amitiés, le corps qui se modifie... Lui, il finissait par se détester.

Il rêvait de ses prétendus amis qui ne faisaient que profiter de lui pour savoir si telle personne était intéressée ou quel devoir allait donner les profs. Ou de ces garçons qui n'arrêtaient pas de l'embêter en ayant eu vent de ce soi-disant don. Il en avait assez. Il voulait changer, être comme les autres. Mais la vie en voulait autrement pour lui.

Quand son rêve lui fit voir cette journée, il n'en parla pas le matin à ses parents. Il encaissa sans broncher. Ses affaires finir dans une des cuvettes des toilettes du collège et lui avec ces mots violents dans la tête. "Menteur", "Taré", "Cinglé", "Tu devrais être enfermé"... Des mots que l'on ne peut pas oublier à quatorze ans.

En rentrant chez lui, il serra fort sa petite sœur Hailee dans ses bras. Son don l'avait sauvée. Il n'était pas fou. Grâce à lui, il avait également protégé son père. Il était capable de préserver les gens auxquels il tenait et ça lui suffisait. Son don ne servait qu'à ça et à rien d'autre. Peu importait s'il devait souffrir. Eux comptaient plus que tout. Les seules personnes qui le comprenaient vraiment. Ses parents et sa petite sœur qu'il chérissait.

Mais il ne raconta plus ses rêves. C'était une promesse qu'il s'était faite. Ça faisait bien trop de mal aux gens.

Puis il eut ce rêve. Celui qui lui paraissait bien étrange et impossible. Un garçon entrait dans sa vie et faisait battre son cœur. Willem tombait amoureux avant même de vraiment savoir ce que c'était et tout ce que ça pouvait lui faire ressentir.

Le lendemain, il rencontra ce fameux Paul. Lui aussi était différent à sa manière. Un peu timide, un sourire qu'il trouvait adorable et des petites joues rondes. Willem rencontrait enfin quelqu'un qu'il pouvait apprécier sans rien risquer. Mais il ne prit jamais le risque de tenter autre chose que de l'amitié. C'était si flou l'amour. Les deux garçons étaient malgré tout inséparables durant leurs dernières années de collège. De vrais amis. Ils partageaient tout. Même cette aversion pour les betteraves à la cantine. Le seul point que Willem ne lui avait jamais avoué, c'était son don. Il n'en avait pas besoin avec lui après tout.

Puis au dernier jour d'école, alors que Paul partait à l'autre bout de la région afin de poursuivre son lycée, Willem fut pris au dépourvu. Il s'attendait à tout, sauf au baiser que son ami lui donna. Un vrai baiser sur les lèvres. Celui un peu étrange qui donne des frissons. Celui un peu maladroit. Celui qu'on réclame à nouveau après coup. Aucun rêve de Willem ne lui avait prédit ce moment et c'était perturbant, mais en même temps si parfait.

Paul emporta une petite particule du cœur de Willem avec lui. Le premier amour que l'on n'oublie jamais vraiment.

Le lycée signifiait de nouvelles choses pour Willem. Une vraie découverte. Il pouvait enfin être lui-même. Enfin presque. Son don restait un secret.

Il se fit de vrais amis, un groupe soudé avec qui il se sentait vraiment bien. Et il eut quelques relations. Avec des filles et des garçons. Mais il se rendait rapidement compte que les garçons avaient autre chose. Quelque chose qui lui plaisait vraiment et que les filles ne possédaient pas. Davantage quand il découvrit cette chose qu'il trouvait fabuleuse. Le sexe. Surtout avec des garçons. Exclusivement avec des garçons en vérité.

Willem était gay et ça, il l'avait découvert par lui-même. Aucun rêve ne pouvait prétendre à ça. Il en était heureux.

Et ses parents n'étaient pas gênés de le savoir homosexuel. Juliette et André avaient fait face à bien pire par le passé, alors le fait que leur fils préférait les hommes aux femmes ne changeait rien. Willem était qui il était et ils l'aimaient très bien comme ça.

Les mois, puis les années passèrent, et Willem devint un jeune homme.

Son don n'avait jamais disparu.

Il se réveilla ce matin-là avec une douleur dans la poitrine. Rémi... Même si son rêve ne concernait que la fin de la journée, il préférait prendre des précautions. Willem attrapa son téléphone et tomba directement sur la messagerie en tentant de l'appeler.

Pour ses parents, la relation qu'il entretenait avec lui n'avait rien de sain. Il devait toujours le sauver de sa dépression, constamment le surveiller et le protéger de lui-même.

Il y avait comme quelque chose de malsain dans sa relation avec ce garçon qu'il refusait de voir, mais que tout le monde remarquait.

Willem abandonna l'idée de pouvoir lui parler et passa sa matinée à ranger son appartement pour enfin partir retrouver Hailee à la gare.

Il l'attendait sur le quai, faisant attention aux regards des gens qu'il croisait, n'étant jamais à l'abri d'une nouvelle prédiction.

Un train s'arrêta et Hailee en descendit. Elle lui sourit et courut vers lui pour sauter dans ses bras.

Elle était toujours cette petite fille qu'il aimait tant. Même si elle avait tendance à vouloir lui tenir tête.

Elle savait de quoi son frère était capable, mais pour une raison inconnue, elle ne possédait pas le même don. À vrai dire, elle n'en possédait aucun. Ce qui accentua les questionnements de la famille sur ce que Willem était capable de faire. Jusqu'où pouvait-il aller ? Quand son don disparaîtrait, et si même, c'était possible ?

Aucune de leurs interrogations ne trouvait réponse. C'était peut-être simplement impossible d'avoir des explications.

Willem invita sa sœur à le suivre dans un café pour partager un goûter avec elle. Ils commandèrent des boissons chaudes ainsi qu'une part de tarte aux cerises. Hailee ne s'arrêtait pas une seconde de parler. L'adolescente avait toujours des choses à raconter. Surtout concernant son fameux "Tom" que son frère ne pouvait même pas voir en peinture. Cet ado ne savait même pas que sa sœur existait ! Mais Willem l'écouta sans intervenir. Elle allait bien finir par se rendre compte que c'était un idiot. Enfin Willem l'espérait.

— Pourquoi tu fixes ta montre toutes les cinq minutes ? Je suis si chiante que ça ? demanda Hailee en croquant dans sa pâtisserie.

— Désolé. C'est Rémi... Il... Enfin, je l'ai vu.

— Encore une vision... soupira-t-elle. Tu sais que tu vas finir par te faire du mal en restant avec lui ?

Évidemment, elle ne comprenait pas. Personne ne comprenait de toute manière pourquoi il restait avec lui alors que les sentiments n'existaient plus. Willem attrapa son téléphone et appela son petit-ami. Pour arriver enfin à le joindre.

Il s'excusa auprès de sa sœur et parti reprendre sa conversation dehors.

— Allô ?

— Tiens ! T'en as de nouveau quelque chose à foutre de moi ? cracha Rémi.

— Arrête. Tu sais très bien que c'est pas ça. En plus, c'est toi qui ne répondais pas au téléphone.

— Putain... T'as le chic pour tout faire capoter...

Il l'entendait renifler et pleurer de l'autre côté du combiné. Décidément, ses rêves ne se trompaient jamais.

— Rémi, je vais passer chez toi, ok ? Et on discutera tous les deux.

Il attendit de longues secondes avant d'entendre une confirmation et il finit par raccrocher en s'assurant qu'il n'allait pas faire de bêtises.

Willem prit le temps de déposer sa sœur à son appartement avant de filer en direction de celui de son petit-ami.

Il se pressa pour entrer -heureusement qu'il possédait un double des clefs- et découvrit Rémi emmitouflé sous un plaid, appuyé contre la vitre de la porte donnant sur sa petite terrasse. Un point qui différa de son rêve, puisque dans celui-ci, il était dans son lit. Mais il ne s'en formalisa pas.

Willem s'accroupit face à lui et le prit dans ses bras. Les sentiments qu'il avait ressentis pour lui avaient disparu depuis bien longtemps, mais il ne pouvait pas se résoudre à l'abandonner. Il n'était pas une mauvaise personne.

Il l'aida à se mettre debout et inspecta ses poignets avant de l'aider à se mettre au lit.

Rémi n'avait que de vieilles cicatrices blanches.

Il prit le temps de le recouvrir de la couette et s'assit près de lui, caressant doucement ses cheveux.

— Tu sais que tu aurais pu m'appeler. J'aurais pu prévenir ta mère...

— Elle me déteste.

— Ne dis pas ça. Elle t'aime.

— Pourquoi... Pourquoi tu es comme ça avec moi ? demanda Rémi en s'accrochant à ses doigts.

— Parce que je t'aime.

— C'est faux... On le sait tous les deux...

Willem reposa sa main sur la couette et se redressa un peu, mal à l'aise de savoir que Rémi savait depuis le début.

— Rémi...

— Tu l'as vu dans tes rêves, hein ? On va se séparer ?

— Je t'assure que je ne voulais pas que ça arrive.

— Tout ce que tu vois finit par se réaliser. Alors si, au fond, tu le souhaitais. Je vais te faire un cadeau, nous deux, c'est fini.

Il resta un instant sans savoir quoi dire. Puis il finit par soupirer, résigné.

— Je... Je vais appeler ta mère...

Willem l'abandonna sur le lit et composa le numéro de Christiane. Elle allait faire le plus vite possible pour rejoindre son fils.

En racontant à Rémi ce dont il était capable, Willem avait eu l'espoir que ce serait différent, que Rémi comprendrait et qu'il aurait pu l'aider. Mais il avait échoué encore une fois. Rien n'était de sa faute, il ne désirait pas que toutes ces choses arrivent. Son don le prévenait simplement et rien d'autre.

Il attendit Christiane et s'assura que Rémi était en sécurité avant de rentrer chez lui. Il passa la soirée à parler avec sa sœur, jusqu'à ce que quelqu'un ne frappe à sa porte. Il ouvrit la porte et tomba sur un inconnu avec un bouquet de fleurs qu'il ne connaissait ni d'Ève ni d'Adam.

— Bonsoir, je peux vous aidez ?

— Ah ! Visiblement, vous n'êtes pas Adèle, s'amusa-t-il avec un sourire gêné.

— Non. Elle habite juste en face.

L'inconnu sourit et le remercia avant de faire volte-face et toqua à la porte de la sexagénaire. Willem eut le temps d'apercevoir sa voisine ouvrir la porte à l'inconnu en l'appelant Lucien. Il referma sa porte et s'adossa contre celle-ci en se mordant la lèvre. Ça, c'était inattendu.

— C'est moi, ou ton rêve t'avait pas prédit ça ? l'interrogea Hailee avec un sourire en coin.

— Tu sais, que tu es du genre perspicace.

— Je sais. Tout comme je sais que tu ne vas pas arrêter de rêver à partir de maintenant.

Et effectivement, Willem rêva de lui, mais pas le genre de rêve qu'il aurait voulu faire. Adèle avait une attaque en pleine nuit. Il ne pouvait pas laisser ça arriver. En pyjama, Willem sortit de chez lui en réveillant sa sœur sur le canapé au passage et toqua à la porte de l'appartement. Lucien lui ouvrit, épuisé, lui aussi habillé pour la nuit et l'observa avec un air dur.

— J'espère que vous avez une bonne raison pour me réveiller à deux heures du matin, gronda le jeune homme.

— Adèle fait un malaise.

— Quoi ?

Il dut le lui prouver en pénétrant dans l'appartement, non sans se faire interpeller et toqua à la porte de la chambre. N'ayant pas de réponse, Willem ouvrit la porte et les deux jeunes hommes découvrirent la femme étendue par terre. Lucien s'accroupit près d'elle, paniqué et tenta de la réveiller, tandis que Willem composa le numéro des urgences.

Elle fut prise à temps par les secours et Willem laissa Lucien partir avec eux pour rejoindre sa sœur. La journée se déroula sans qu'il n'ait aucune nouvelle. Il espérait que son intervention ait permis de la sauver. C'était pour ça que son don existait avant tout.

Il fut surpris de voir débarquer le petit-fils de sa voisine au milieu de l'après-midi. Lucien le remercia une bonne dizaine de fois en attrapant sa main et la serrant fort.

— Je ne sais pas comment vous avez fait, mais grâce à vous, elle aura encore de longues années devant elle.

— Tant que j'ai pu aider, c'est l'essentiel.

— Je ne crois même pas que des remerciements peuvent suffire pour tout ce que vous avez fait. Merci.

Encore secoué, par tout ce qu'il venait de se passer, Lucien serra Willem dans ses bras.

Et enfin, Willem eut l'impression que son don pouvait à nouveau le rendre heureux.

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