— Faye, dépêche-toi ! On va être en retard à l'aéroport !
— Oui, je me dépêche !

En réalité, Faye mentait. Elle était encore en peignoir, assise sur le bord de son lit, les genoux ramenés contre sa poitrine. Ses doigts jouaient machinalement avec la serviette qui retenait ses cheveux encore humides. Tout semblait flou dans sa tête. Ce voyage... est-ce qu'il allait vraiment changer quelque chose ?

Elle soupira, détacha la serviette et la laissa tomber sur le lit. Allez... C'est le moment de se lever. D'un geste brusque, elle enfila un jean taille haute et un sweat bleu trop large qui la rassurait par son confort. Ses cheveux roux furent rapidement rassemblés en un chignon décoiffé, et ses chaussures — le dernier achat impulsif qui avait englouti une bonne partie de son salaire — complétèrent l'ensemble.

Faye attrapa sa valise posée près de la porte et descendit les escaliers. Elle trouva Anastasia dans l'entrée, bras croisés. Impeccable, comme toujours. Ses pommettes rosées, son trait d'eyeliner parfait et son rouge à lèvres noir détonnaient avec l'heure matinale. Anastasia était de ces personnes qui semblaient maîtriser le chaos, toujours apprêtées comme si elles allaient poser pour un magazine.

— Faye, tu te fiches de moi ou quoi ? Ça fait trente minutes que je t'attends ! L'avion, tu sais, il va pas nous attendre, lui. — Je sais... Désolée. J'avais besoin de... réfléchir. — Réfléchir ? Tu réfléchiras dans l'avion ! s'exclama Anastasia en roulant des yeux. Allez, on y va. Ce voyage, c'est pour toi, je te rappelle. Tu vas voir... on va s'éclater, et tu en ressortiras changée ! — J'espère... Merci, vraiment.

Faye posa sa tête sur l'épaule de son amie, cherchant un instant de calme. Anastasia était une bouffée d'énergie positive dans ses journées ternes. Ces derniers mois avaient été une lutte incessante : travail, fatigue, et ce sentiment lancinant de courir après quelque chose d'insaisissable.

— Alors, ça va aller ? murmura Anastasia. — Oui... Je crois. Juste besoin de temps.

Elles sortirent enfin dans l'air frais du matin. Les roues des valises crissèrent sur les pavés irréguliers devant leur immeuble. Le taxi les attendait, moteur allumé, mais Faye ne pouvait s'empêcher de réfléchir à ce qui les attendait. Deux semaines loin de tout, dans un endroit choisi sur un coup de tête... ou plutôt sur un coup de verre de trop.

Narbonne. Une petite ville du sud de la France. Le nom avait été griffonné sur un coin de serviette pendant une soirée arrosée, au milieu d'une liste absurde de destinations. Aucun plan, aucun renseignement. Elles avaient décidé de tout découvrir une fois sur place. Une aventure totale, comme Anastasia l'avait dit en riant.

Faye, elle, n'était pas si sûre. Cette liberté improvisée la mettait mal à l'aise, mais elle n'avait pas eu la force de refuser. Elle avait besoin de s'échapper de son quotidien, de cet emploi à rallonge et de son obsession pour son projet... Cette maison qu'elle rêvait d'acheter, de rénover, et de transformer en Airbnb. Un échappatoire qu'elle construisait dans sa tête, mais qui n'avait encore rien de concret.

Partir. Ce mot résonnait en elle comme une promesse. Mais quelque chose, au fond, continuait de lui murmurer que ce voyage ne serait pas qu'une pause. Il serait différent. Déterminant. Elle ne pouvait pas encore mettre le doigt dessus, mais elle le sentait : ces deux semaines allaient changer bien plus que son humeur.

Et, alors qu'elles montaient dans le taxi, Faye jeta un dernier regard vers leur immeuble. Une vague de nervosité traversa son ventre.

Narbonne les attendait.