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Après un court instant, je cesse finalement de grommeler et de ruminer. Certes, je dois ce rapide lâcher prise à des descentes de bière répétées, mais j'y parviens, et c'est tout ce qui compte. J'ai autre chose à faire qu'à me prendre la tête avec les accusations débiles de Miss Baskets.

Terence a raison. Pourquoi ça m'a fait dégoupiller comme ça ? Peut-être parce que quoi qu'on puisse penser de moi, j'ai des principes. Je suis probablement un salopard, mais je ne suis pas pour autant un connard fini. Démerdez-vous pour trouver la différence... Je n'éprouve aucun plaisir à faire du mal aux gens. Merde quoi ! J'ai choisi de devenir médecin ! Si je n'en avais rien à faire des êtres humains, je ne me cognerais pas onze ans d'études. Je ne nie pas que mon choix de métier est probablement en lien avec celui de mon père, mais en dehors du fait d'avoir besoin de lui prouver certaines aptitudes à être un homme socialement aussi bon que lui, il se trouve que je le fais également parce que j'aime aider les autres. Alors que cette imbécile m'accuse d'être un putain de violeur me fait sortir de mes gonds.

Je ne suis pas toujours correct avec les filles, je suis même parfois borderline, mais je n'irais jamais leur faire du mal intentionnellement. Tous les batifolages, aussi limites puissent-ils paraître, sont toujours consentis, et très souvent, je ne fais qu'offrir à ces nanas ce qu'elles-mêmes veulent. Merde ! C'est quand même Anna-Livia qui a demandé à ce que je monte après s'être tapé mon pote, non ? Et le cas d'Anna-Livia n'est qu'un exemple parmi d'autres. Toujours facile de dire que c'est le mec le salaud, mais il y a aussi un bon paquet de nanas qui aiment ça et qui prennent même les devants.

Et voilà. J'enrage. Encore.

De nouveau, je n'arrive plus à me concentrer sur les conversations autour de moi. J'entends au loin les rires et la musique se mélanger dans un brouhaha à peine audible, alors que mes pensées prennent largement le dessus sur mon sens auditif.

Comme si j'avais besoin d'un point de mire qui me ferait dévier de mes ruminations, je détourne la tête vers tout ce qui m'entoure. Toujours assis sur le salon d'été, je regarde mes acolytes rire aux anecdotes de stage qu'ils échangent. Plus loin, des bandes éparses s'adonnent à la même activité que mes potes. Elles parlent et rient. Il y a aussi ceux qui s'occupent du barbecue, ceux qui s'embrassent, ceux qui dansent, et un mec est en train de pisser sur des rosiers alors qu'un autre gars cuve au sol, à un mètre à peine de son jet d'urine.

Je continue mon observation, tourne la tête, et termine de porter mes yeux sur la maison. Je distingue des formes obscures qui mouvent mécaniquement sous les stroboscopes, sans qu'elles ne s'accordent au rythme de la musique. Ils sont tous largement défoncés. Je balaie en suivant de mon regard les murs qui encadrent les baies vitrées du salon, laissées ouvertes, et je finis par le bloquer sur une fille en contrebas. Célia.

La responsable de mon humeur est assise sur les marches de la terrasse qui surplombe le jardin, un verre entre les mains. Totalement seule, elle regarde elle aussi ce qui l'entoure, mais elle s'arrête net, quand elle me voit en train de l'observer. Elle détourne aussitôt son regard et le fixe sur ses chaussures qu'elles époussète dans un geste nerveux.

Impossible pour moi de laisser passer cette chance d'aller l'envoyer chier.

Je me lève et m'avance vers elle, sentant ma jauge de rancœur blindée à son paroxysme. Je n'ai aucunement l'intention de laver ma réputation comme l'a mentionné Terence, mais bien celle de lui faire ravaler ses jugements à la con.

— Célia, c'est ça ? posé-je ma question rhétorique sans l'once d'une quelconque amabilité.

La concernée redresse aussitôt sa tête, mais la rebaisse aussi vite lorsqu'elle réalise qu'il s'agit de moi. Les yeux qu'elle a levés au ciel durant ce court instant ne m'ont cependant pas échappé. Putain, elle ne peut vraiment pas me blairer.

— Qu'est-ce que tu veux, William ? J'ai froissé ton égo ? me demande-t-elle froidement sans daigner me regarder.

« Froisser mon égo » ? Ouais, on peut dire ça.

— J'aimerais surtout savoir quel est ton problème avec moi.

Cette fois elle me regarde enfin, mais pour mieux se foutre de ma gueule, je pense. Elle secoue la tête et accompagne son sourire dédaigneux d'un bruyant souffle nasal. Elle termine son verre en une gorgée et l'abandonne à ses pieds.

Alors qu'elle reste assise sur ses marches, je choisis fièrement de la dominer de toute ma hauteur, une lumière dans mon dos projetant mon ombre gigantesque autour de son frêle corps recroquevillé sur lui-même.

— Tu ramènes toujours tout à toi, n'est-ce pas ? me lâche-t-elle cependant, bien loin d'être apeurée comme je l'espérais.

— Mais qu'est-ce que tu racontes ? Tu viens me cracher à la face que je suis un enfoiré de violeur, et tu voudrais que je ne ramène pas ça à moi ? T'es vraiment pas nette.

— Ouais, t'as raison, c'est moi qui ne suis pas nette. Toi, bien sûr, tu es un mec parfait ! Tellement génial ! se met-elle presque à gueuler en se levant enfin.

Elle continue de déblatérer, agitant ses bras autour d'elle, la haine collée au visage. Moi, statique, je la regarde évacuer sa colère dont je semble être l'origine, sans pour autant en connaitre les raisons.

— C'est facile pour toi de te pointer avec toute ton arrogance là et ton physique de playboy, de servir tes disquettes à deux balles et de faire plier les filles pour les coucher dans ton lit !

Physique de playboy ? Mais quelle connasse ! Je vais la...

Pause.

— Attends... Est-ce que tous les deux on a déjà... lui demandé-je alors avec hésitation, pendant que je cherche activement dans ma mémoire l'hypothétique souvenir dans lequel j'aurais couché avec elle et me serais mal conduit.

— Hein ? rétorque-t-elle aussitôt, l'air pleinement choqué.

— Je suis désolé si j'ai été...

— Quoi ?! Nooon ! Jamais de la vie on a... Plutôt mourir oui !

— Ah, carrément ! Bon, écoute, je ne sais pas ce qu'on t'a dit sur moi ou ce que tu t'imagines à mon sujet, et à vrai dire j'en ai rien à branler. Mais soit tu m'expliques pourquoi tu as autant la haine après moi, soit...

Je me perds dans mes pseudos menaces, butant sur mon propre mensonge, parce que si, il semble que j'en ai quelque chose à branler.

La colère de Célia est contagieuse et j'en subis à mon tour les symptômes. Je serre ma mâchoire plus que de raison, et je sens tous mes muscles se contracter. Mes yeux se plissent, tant je l'ai mauvaise, et je ne cesse de plaquer mes cheveux derrière mes oreilles dans un geste répétitif et nerveux. Parallèlement, je m'oblige à ne pas terminer ma phrase, car je sais que je vais réellement être ce connard qu'elle voit en moi.

Nous nous jaugeons un long moment et je me sens presque con à jouer au plus dur avec une nana que je pourrais faire tomber juste en lui soufflant dessus. Mais on y est, elle m'a sérieusement gonflé.

— Excuse-moi, me surprend d'un coup Célia sur un ton maussade, si bien que mes muscles se relâchent d'un coup.

Je la regarde dubitatif. Cette fille est complétement hystérique. Elle me gueule dessus, m'accuse de je ne sais quelle merde, puis elle s'excuse comme ça. Un peu trop facilement à mon goût d'ailleurs.

Comme il y a une minute, nous nous fixons en silence, sauf qu'aucun de nous ne laisse cette fois plus rien paraître d'interprétable, tant dans l'attitude que dans le regard. Je ne vois plus en elle de colère, et je suis certain qu'il en va de même pour moi. Enfin, jusqu'à ce que...

— Hé ! Mais pourquoi tu pleures ?

— Je ne pleure pas, ment-elle, alors qu'elle détourne son visage dont elle essuie les pommettes d'un rapide revers de main.

Les bras ballants le long de mon corps ramolli, je ne sais comment réagir. Je ne connais pas cette fille plus que ça, et de façon générale, je ne suis pas du tout du genre de mecs qui savent y faire avec les nanas qui pleurent. J'ai bien ma petite sœur, Lena, mais soyons clairs, je suis plus souvent celui qui lui extirpe les larmes que celui qui les lui sèche.

Le silence et un malaise évident s'installent, si bien que je décide de rompre les deux en prenant la parole. Mais Célia en fait de même, et à l'unisson nous balançons un dialogue parfaitement calqué :

— Écoute...

— Oh, pardon !

— Vas-y.

— Non, toi vas-y.

— Stop !

Je mets fin à ce mimétisme involontaire, amusé par la situation. Célia répond à mon sourire, et d'un coup, elle m'apparaît bien plus jolie que je ne l'avais jugée.

Sa bouche, largement étirée, découvre de parfaites dents blanches, contrastant avec le teint mat de son visage soudainement illuminé. Ses yeux sombres se révèlent plus doux pour la première fois, malgré les dizaines de petits vaisseaux rouges dilatés par les larmes récemment évacuées.

Nerveusement, tout comme moi tout à l'heure, elle plaque ses longs cheveux bruns derrière ses oreilles, puis place ses paumes ouvertes dans ma direction. Elle mâchouille avec fermeté ses lèvres, avant de les rouvrir pour inspirer un bol d'air et reprendre la parole.

— Écoute, William, je suis désolée, lâche-t-elle alors avec une sincérité certaine. Rien ne justifiait que je t'insulte de la sorte. En ça, tu n'as pas tort. Mais j'ai également mes raisons d'agir ainsi et...

Elle s'arrête là, et son air sévère reprend sa place sur son visage, annihilant d'un coup le soupçon de charme qui avait pu s'y installer, il y une minute à peine.

— Salut, conclut-elle notre tête à tête sans plus de prose, avant de déguerpir et de pénétrer dans la maison.

J'hallucine !

Très vite, elle disparaît au milieu des fêtards, et comme un con, je me retrouve seul sur la terrasse, à essayer de classifier les adjectifs que j'attribue à cette fille. Mais peu importe leur intensité, ils appartiennent tous à la même catégorie : tarée, zarbe, space. Un seul, de nature différente, s'immisce au milieu d'eux : déroutante.

Sans plus prêter attention à ce qui vient de se passer, je retourne m'assoir auprès de mes potes, silencieux.

Malgré le nombre élevé de synonymes que j'ai réussi à trouver au mot « folle », je m'attarde pourtant sur le seul qualificatif qui s'est démarqué, et je cherche alors ce qui a bien pu me troubler, me déconcerter, me surprendre chez Célia. Mais bon sang, la psychologie et moi, ça fait deux. Voilà également pourquoi j'ai choisi la traumatologie comme spécialité. Au moins, je n'aurai pas besoin d'essayer de comprendre les agissements et les pensées de mes patients pour réparer leurs os.

À présent, sans que je les contrôle, mes pensées vont vers mon ami Charles qui lui a choisi la psy. Je me demande si ce sont ses propres difficultés qui le poussent à vouloir traiter celles des autres, ou si c'est parce qu'il a baigné là-dedans avec son père depuis qu'il est gamin, et que du coup, il ne se pose même pas la question.

Bon sang, ce n'est pas comme ça que j'avais imaginé ma soirée ! Une nana qui me pète les couilles parce que je suis un connard qui ne la bisouque pas, alors qu'elle vient de s'envoyer deux mecs à la suite. Une autre, que je ne connais même pas, qui me les broie parce que je suis un playboy fornicateur. Et enfin, je passe plus de temps qu'il ne le faudrait à me questionner sur mon pote et ses aspirations à vouloir devenir psychiatre.

En l'instant, je ne vois qu'une solution pour éradiquer toutes ces mauvaises ondes.

— Terence ?

— Ouaip ? me répond mon frère, vautré à côté de moi sur la banquette.

— On joue ? Je m'ennuie. Besoin de diversion.

Terence détourne son visage, plante ses yeux noirs dans les miens, et en à peine deux secondes, il démarre la partie.

— Cheveux, couleur des yeux, taille, mensurations, fringues, liste-t-il machinalement.

Et pour cause, voici un des jeux qu'il a lui-même inventé pour nous deux.

— Rousse, bouclée, marrons ou noisettes, humm... un mètre soixante-quatre, 95 C, short.

— Rousse ? me demande-t-il pleinement surpris.

— Plein le cul pour ce soir des blondes et des brunes.

— OK. Accorde moi dix minutes.

Mon ami se lève, s'étire de tout son long, et avant d'aller chercher dans la foule la fille qui correspondrait parfaitement à mes désirs, il me tend son poing que je cogne aussitôt du mien.

Sept minutes et quarante-quatre secondes après, il revient avec une minette dont les boucles rousses tombent en cascade jusqu'au bas des reins. Elle porte un short en jean noir, et ses mensurations semblent répondre à ma demande.

Il me fait un signe de tête, et nous partons ainsi tous les trois trouver une quelconque chambre où nous pourrons satisfaire nos désirs respectifs – et consentants, bordel !

******

Jour de fête, 2 chapitres pour retrouver nos deux engins !

Ne sont-ils pas choux à 24 ans ? Non ? Tu m'étonnes !!!

Quant à la Miss, maintenant qu'elle a fait son entrée, nous ne sommes pas près de la laisser partir ;)

Bisous chirurgicaux ****

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