Chapitre 2

WILD 2

La nuit a été assez douloureuse. Mon dos en souffre, ça fait trop longtemps que je n'aie pas dormi par terre, dans cette salle. D'habitude, je ne l'utilise jamais. Plutôt, on ne l'utilise jamais.

La salle de danse que nous occupons le plus souvent depuis nos débuts est celle du troisième étage. Parfaitement ventilée et grande, nos répétitions de groupe et d'élaboration de chorégraphie se font toujours là-bas. Sauf qu'hier, quand j'ai débarqué ici, cette dernière était fermée à clé. Habituellement, elle ne l'est pas.

Par conséquent, ce matin je me suis réveillé dans un lieu qui a perdu de sa familiarité.

Quand j'étais encore qu'un simple trainee, je venais souvent ici. J'y passais plus de 18 heures. Je mangeais ici, dormais et dansais à en tomber sur les genoux. Toute ma vie de trainee s'est déroulée entre ces murs. Et hier soir, j'ai fait ça. Après ma confession, le dortoir est devenu aussi calme qu'un cimetière. Je suis resté avec YunGi qui tentait d'atteindre ma lèvre que je refusais qu'il touche.

La colère.

Contre tout le monde, contre tout.

Je n'ai pas compris leur réaction et ne comprend d'ailleurs toujours pas. J'étais prêt à exploser et je voulais épargner ça à la tête blonde. Puis comme j'ai vite – comme un crétin – culpabilisé de refuser  son aide, alors qu'il a été le seul à rester à mes côtés, je suis parti du dortoir.

Je me suis enfui.

Ma course m'a guidé ici, dans cette étroite pièce où l'air se réchauffe trop rapidement. Ensuite, j'ai dansé à m'en couper le souffle. J'ai aussi hurlé, frappé et insulté ces types que je considérais comme des amis proches, comme une famille. J'ai souhaité leur mort et qu'il aille brûler en enfer pour l'éternité. Bien sûr là encore, j'ai rapidement culpabilisé. Souhaiter ça, ce n'est pas si bien.

Alors de nouveau, j'ai dansé. Mes jambes m'ont crié de m'arrêter, ma raison stopper cette torture que j'imposais à mon corps, mais mon cœur m'a dicté que suivre le rythme d'une chanson était le seul moyen d'oublier la soirée.
Je l'ai écouté. J'ai manqué d'air et n'arrivant plus à respirer confortablement, la transpiration faisant coller mon débardeur à mon torse, mon corps s'est écroulé. Lamentablement.
Une fois de plus, je n'ai pas pleuré mais hurlé.

Aujourd'hui, je n'ai plus envie de ça. De toute façon, quand je tente d'ouvrir la bouche pour émettre un son, ma gorge me fait mal. J'ai trop exploité mes cordes vocales, comme un idiot. Demain, comment vais-je pouvoir assurer notre prestation ? Mais question encore plus compliquée : que va-t-il se passer dorénavant ? Tout est de ma faute. Cependant, je ne regretterais pas. Je ne peux pas faire ça. J'ai été honnête, ça a été la meilleure solution, surtout pour moi.

Je soupire et me lève. Je dois prendre une douche et  boire. Je me dirige vers le petit sac que j'ai apporté avec moi hier soir et y sors la bouteille d'eau. Une gorgée, une seconde puis une dernière. Cela fait du bien. L'instant de quelques secondes, ma gorge paraît plus apaisée. Mais ceci, c'est avant que j'entende la porte de la salle de danse s'ouvrir.

_ Sunbae, le manageur t'attends dans la salle 212.

Ma gorge se noue. Je ne sais pas pourquoi, mais je le sens mal. M'essuyant le visage pour chercher à ne pas imaginer le pire, je remercie ensuite le stagiaire qui s'empresse de s'incliner. Dans ma misérable tenue, je rejoins la pièce qu'il m'a indiquée. Il y a une table en bois blanc au centre, huit chaises et un grand tableau. Comme toujours, cet endroit est réservé aux annonces et à des mises au point de dernières minutes. Rien de bien grave.

_ Oh, te voilà. À ce que je vois, tu as passé la nuit à danser, encore.

Je hoche la tête en salutation et réponds par un faible « hm », tout en prenant place en face de lui, à l'autre bout de la table.

_ Tu as manqué les autres de cinq minutes.

Ils ne m'ont rien dit. Pour vérifier, je sors mon téléphone et remarque qu'effectivement, il n'y a aucun appel ni message.

_ Êtes-vous en froid ?

_ Non. Mentis-je trop vite.

_ Vraiment ?

L'atmosphère semble pesante.

_ Je n'irai pas par quatre chemins JungKook. Si je t'ai demandé de venir aujourd'hui, c'est parce qu'ils m'ont tout dit.

Je me sens... trahi.

_ Très tôt ce matin, JiMin m'a téléphoné pour savoir s'il était possible d'avoir une petite réunion sans toi, poursuit-il en joignant ses mains sur la table.

Il n'aurait pas osé. Non, impossible car je le connais. Je les connais tous. Ils sont mes amis malgré tout, alors ils n'auraient pas pu lui dire. J'ai beau assumer mes sentiments, mais je ne suis pas non plus prêt à ce que le monde entier en soit au courant.

_ À propos de quoi ?

Je commence à jouer nerveusement avec mes doigts, me préparant à voir mon monde s'écrouler sous mes pieds.

_ De toi. Comme souhaité, nous nous sommes vus. Excepté YunGi, tout le monde était là et ils m'ont parlé de hier, et j'ai trouvé une solution.

Je suis à la fois complètement sonné, déçu et perdu.

_ Une solution à quoi ?

Perplexe, je me suis emporté

Il reste trop vague sur le sujet. Tant qu'il n'aura pas employé les mots exacts, je refuserais d'y croire.

_ Avant de continuer, je voudrais que tu saches que c'est normal. Il pose ses paumes contre le verre de la table en espérant apaiser la situation. Tu es encore jeune et tu es dans une période dans laquelle tu te cherches. Pour ça, pour ne pas t'écarter du bon chemin, il y a besoin d'aide. C'est pourquoi nous avons trouvé ensemble une solution qui pourrait arranger ça. Celle-ci serait que tu vois un psychologue. J'ai déjà contacté une personne qui a accepté de venir, tout en signant un contact de confidentialité. Tu pourras lui parler sans réserve et ce problème rentrera dans l'ordre d'ici quelques semaines.

_ J'ai peur d'avoir très bien compris...

Le sol s'effondre mais pas seulement. Tout mon moral et ce que j'ai pu ressentir se brisent. Je suis totalement vide. Vide d'émotion, de pensée et mon cœur se serre si fortement, que j'aimerais l'arracher de ma propre main pour arrêter la torture qu'il me fait subir.

_ Tu n'as pas écouté comme toujours ! J'ai dit qu'une professionnelle viendra t'aider pour soigner ce que tu as.

_ Mais j'ai quoi ?!

Ma voix s'est craquée et mon corps s'est levé dans un élan de rage. J'ai l'impression d'être un monstre ou un malade incompris.

_ Yah, calme-toi tout de suite ! Moi aussi je veux t'aider JungKook. C'est en parlant que les choses se calmeront et pas en te convainquant que tu n'es pas soignable !

_ Donc, un soupir aussi dur que le fait de croire à tout cela s'échappe de ma bouche, selon vous, vous tous, avoir des sentiments c'est être malade ?

_ Tu avoueras que dans ta situation, c'est différent.

_ Dans ma situation ?

Je pensais qu'hier avait été la pire journée de ma vie, mais celle-ci commence à battre son record.

_ Ah... fis-je en riant sans en savoir la raison. Alors, je suis un dingue car j'aime un homme, c'est bien ça ?

_ Tu es juste perdu. Ne me fais pas dire ce que je n'ai pas dit.

_ Hm, pardon... Désolé, j'ai mal compris alors.

Tout comme tout à l'heure, je ne réagis plus.

J'ai l'impression d'avoir appuyé sur le bouton off.

Le manageur me regard avec des yeux emplis de pitié qu'à nouveau je n'arrive pas à comprendre. Je ne suis pas malade. Je n'ai pas non plus besoin de voir un psychologue et dans ce putain de monde, il y aurait-il une personne capable de m'accepter ?

_ Ne t'excuse pas, tu dois simplement être surpris mais les garçons m'ont assuré que ce serait une bonne chose.

_ ... Désolé, je dois... Je dois sortir prendre l'air.

Je ne sais même pas comment mon corps a réussi à me traîner hors de la salle, mais il l'a fait. Je me retrouve à marcher dans les couloirs de l'agence tel un zombie. Je ne peux pas expliquer dans quel état je suis. Je ressens beaucoup trop de choses qui me font perdre la tête.

Je n'ai pas envie de crier. Je n'ai pas envie de frapper. Je n'ai pas envie de pleurer et je n'ai pas envie de les voir. Tout de suite ce que je souhaite est de voir ma mère pour la serrer fort dans mes bras. Lui dire à quel point je l'aime et lui demander si elle est toujours autant fière de moi, parce que maintenant, à l'instant même ou j'ai l'impression d'avoir perdu tous mes repères et ma raison, j'ai besoin d'une personne à mes côtés.

Ne réagissant toujours pas à la décision prise par le groupe et le manageur, je retourne dans la salle de danse. Je n'ai plus la tête à danser. Je pense rentrer, prendre un bain et pourquoi pas, tenter de me noyer. Peut-être qu'une fois les poumons remplis d'eau, je n'aurai plus cette sensation d'être un corps vide, car à présent la douleur est immense. Se sentir comme je suis actuellement est horrible. Je ne peux pas supporter ça. Je ne veux pas continuer à être ainsi. En presque deux jours, la plupart de mon entourage m'a tourné le dos. Pourtant, j'étais proche des autres membres du groupe. Vraiment. Ce que l'on peut voir dans les émissions ou autres sont la pure vérité. Mais maintenant que sommes-nous ? Des amis, des ennemis ou des inconnus ? Le JiMin, victime de mon côté devil me manque. HoSeok, la personne avec laquelle je peux discuter pendant des heures me manque. NamJun, celui qui m'aide à repousser mes limites, me manque. SeokJin, mon coéquipier de conneries me manque. YunGi qui a pour l'instant l'air d'être toujours un ami, me manque tout de même. Quant à TaeHyung, je dirais que c'est celui qui me manque le plus. Pourquoi a-t-il fallu que je tombe amoureux de lui ?

_ T'es con JungKook.

Je rigole, amèrement et doucement. Voilà que je me parle. Finalement, peut-être que j'ai un problème au cerveau. Un petit, rien de bien grave.

Je secoue la tête. Stop. J'arrête de me parler à moi-même... Ah... Je ne réalise pas ce qu'il vient de se passer et je suis effrayé à l'idée de me dire que oui, tout ce que je vis en ce moment est bien réel. Et si un jour j'explosais ?

Bref. Stop, vraiment. Je me dirige vers le banc et vais attraper un t-shirt propre dans mon sac. Sauf qu'en y passant la main à l'intérieur, mon geste s'interrompt. Tout est mouillé.

Je vide rapidement le continu du sac sur le banc et attrape l'une des choses. Je refais cela, touchant à peu près tout. Mes écouteurs sont presque collants, mon t-shirt mouillé, mon portefeuille l'est tout autant, et comme le reste des choses, ils puent. L'odeur est repoussante. Ça sent l'urine. Tout est infecté par ce parfum désagréable.

D'accord. Calme.

Je lâche ce que je tiens dans la main et attrape le paquet de mouchoirs. J'en sors un et m'essuie les mains. Je frotte de toutes mes forces. Jette le tissu et frotte cette fois mes mains entre elles. Elles puent aussi. Ça empeste et ce sont eux, je le sais. Ils étaient là. Le manageur l'a dit ; je les ai ratés et ils ont en profité pour venir ici. Je dois me débarrasser de leur méchanceté gratuite. J'entends d'ici le rire de JiMin, vois le sourire de TaeHyung, l'air vainqueur de HoSeok, la moue quelque peu joyeuse de Nam', et SeokJin faisant le guet.

Arrive le moment où frotter ne suffit plus. Je gratte. J'enfonce tour à tour mes ongles dans mes mains. Les paumes, le dos et mes poignées y passent. C'est infect. L'urine a pénétré ma chaire, je la sens même si cela semble complètement dingue. Donc, je nettoie ma peau. Il le faut. Je gratte, griffe, enfonce, arrache de faibles morceaux de peau et en saigne, mais je ne ressens rien.

Lorsque que le mot « fou » traverse mes pensées, je me fige brutalement. Dans cet instant de folie, j'ai perdu mes moyens, mon courage et ma tête. Au final, peut-être que voir un psychologue n'est pas une si mauvaise idée.

○ Bonjour bonjour ! Les premiers chapitres sont assez courts, c'est vrai !

Le petit monde de JungKook semble plus méchant qu'il ne pensait huhu.

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