22 . Piège ?
AODHAN alias Connor
Assis dans le garage, au circuit de Diego, en compagnie des autres gars sélectionnés pour la mission, j'ai les yeux rivés sur mon portable, me baladant sur le faux profil facebook que l'on m'a créé pour mon immersion chez les fous. Quand je suis parti de la villa ce matin, j'ai eu droit au magnifique spectacle de leur beuverie dans le salon avant de tomber sur Léo et Dalia. La jeune femme marchait difficilement en se tenant le ventre, je leur suis venu en aide et par la même occasion, je suis rentré chez moi sans demander mon reste. Un peu plus tard, Léo m'a appelé pour me raconter sa petite bagarre avec son beau-frère. Ne rien pouvoir faire pour le moment afin d'aider et de sortir Ezia de cette situation m'énerve au plus haut point, mais je dois tenir ma couverture.
— On se met au travail ! crie la voix de Diego à travers l'atelier, nous sortant tous de notre léthargie.
Les traits de son visage tirés, Diego va droit au but en nous épargnant toute politesse, il semble sur les nerfs.
— Cet après-midi, on s'entraîne pour déterminer qui entre en premier dans le camion. Nous vous armerons au cas où il y aurait un problème. Si ça venait à dégénérer...
— Vous devrez protéger ma fille au péril de votre vie ! finit une voix grave à la place de Diego.
Francesco Mancini en personne vient de faire son entrée dans l'atelier, suivi de près par son fils. Je cache mon air surpris, je ne pensais pas le voir aussi vite, lui qui reste toujours terré dans un coin, jouant les marionnettistes.
— Mia principessa ! (ma princesse) dit-il en ouvrant les bras à l'attention de ma partenaire de mission. Je suis si content de te voir.
— Plaisir non partagé... chuchote la concernée en avançant en direction de son paternel.
Elle se laisse enlacer par son cher papa en feignant un sourire sur son doux visage. Je n'avais jamais vu l'homme le plus craint du milieu, il est grand et taillé dans la pierre, ses muscles sur le point de rompre sa chemise dont les premiers boutons sont ouverts et couverts d'une chaîne en or. Le cinquantenaire représente très bien la classe à l'italienne avec ses cheveux grisonnant parfaitement coiffés en arrière, son pantalon de costard tiré à quatre épingles et ses chaussures en cuir noir tellement cirées qu'il doit y voir son reflet. Son aura ne m'inspire pas confiance, il sent le danger à des kilomètres. Un frisson traverse mon échine alors que je contemple ma proie, mon ennemi, l'homme que je tuerais sans aucun remords. Je n'aurais jamais cru qu'il prenne la peine de se déplacer pour une si petite mission, est-ce le fait que sa "princesse" soit des nôtres ? Il nous passe tous au peigne fin de ses iris polaires, sûr de lui.
Tu feras moins le malin ce soir...
Tenant sa fille par la taille, Francesco reprend un sourire de fierté sur son visage au teint hâlé.
— Elle ne devrait pas être là, mais comme elle est apparemment plus compétente derrière un volant que vous tous... j'autorise une exception face à l'opportunité que nous avons ce soir, il finit en insistant. S'il lui arrive quoi que ce soit parce que vous n'avez pas été foutus de faire votre travail, vous le paierez de votre vie.
Un rapide regard sur ma femme, je la vois trembler de peur aux paroles de son père.
Francesco lâche enfin Ezia qui rejoint la voiture garée à côté de la mienne. discrètement, je ne peux m'empêcher de la taquiner.
— Sacré paternel, toujours aussi protecteur ?
Ezia lève les yeux jusqu'à croiser les miens et lâche un rire sans joie avant de monter à bord de la Maserati.
L'entraînement se passe parfaitement bien, Diego et Francesco ne m'ont pas laissé le choix concernant notre ordre d'entrée dans le camion : Ezia monte en première, point barre. Nous avons effectué le même enchaînement une dizaine de fois afin d'être sûrs que la musique soit juste, à vrai dire c'est ce que j'avais prévu et ne me fais aucun souci pour ce soir.
Il est parfait !
— On se retrouve ici à six heures. On vous donnera des armes ! ordonne Pedro, le bras droit de Diego.
***
Ezia
Installée dans le bureau, j'écoute d'une oreille peu attentive la discussion des hommes qui m'entourent : mon père, Léo et Diego. Mon mari et moi sommes en guerre froide depuis la mésaventure de ce matin, mes cheveux cachent ma blessure, contrairement à lui. Francesco ne passant pas à côté, Diego a inventé une pipe sur la façon dont elles sont apparues. Je ne pense pas que Léo ait vendu la mèche, mais notre paternel n'est pas idiot et a du faire le choix de passer outre l'état des deux hommes et le pourquoi du comment.
— Ton frère ne m'a pas dit de connerie pour une fois, me dit mon paternel en me tendant un verre d'eau. Tu es douée avec un volant entre les mains, néanmoins principessa, ne t'y habitue pas, tu n'as rien a faire ici. Bientôt, tu couveras gentiment chez toi et penseras à autre chose qu'aux voitures.
Je n'ai pas besoin de tourner la tête en direction de Diego pour voir son sourire de satisfaction face aux mots de mon père.
— En parlant de ça, les clans commencent à s'impatienter. Cela va faire six mois que vous êtes mariés...
— Nous y travaillons... répond Diego en posant une main possessive sur ma cuisse. J'ai été pas mal pris par le réseau... se justifie-t-il.
— Je ne veux pas savoir, Diego, tu connais les clauses du contrat. À toi de te débrouiller... Je peux toujours revenir sur votre union, continue-t-il, . ton frère, Andréa, en sera peut-être capable, lui !
Voulant être sûre de comprendre le sous-entendu de mon paternel, je joue la naïve.
— Qu'entendez-vous par là, père ?
— Que si Diego n'est pas capable de t'engrosser, j'offrirais l'honneur à un autre. , affirme-t-il d'une voix dure.
Sa remarque me fait me sentir d'autant plus comme un simple objet et j'en suis écoeurée, j'ai la nausée et mes muscles se tendent de colère.
— Il n'y aura pas besoin ! lâche Diego en renforçant sa poigne sur ma cuisse.
Francesco lâche un rire grave.
— Tout dépend de toi, Diego... mais ne me déçois pas encore une fois ! Quand à toi Ezia, profite bien de cette soirée et des sensations que tu auras avec ce volant entre les mains, elles seront les dernières.
— Un de mes hommes montera avec elle, s'empresse d'ajouter Diego.
Mon paternel approuve son choix d'un mouvement de tête.
— Et si nous revenions à l'essentiel, intervient Léo. Vous avez trouvé des acheteurs ? Voler ces voitures aux Irlandais c'est une chose, mais nous devons être sûrs de pouvoir les écouler et ne pas les garder trop longtemps, ça serait risquer et se tirer une balle dans le pied.
— Tu n'as aucun souci à te faire avec ça, Léo, répond notre père. Elles sont déjà toutes vendues et nous avons reçu les acomptes. Reportant son attention sur moi, il finit. Ne tente rien de fou ce soir, ne joue pas à l'héroïne ou je ne sais quoi ! Si la situation dérape, tu t'en tiens au plan et tu rentres le plus vite possible.
Je réponds d'un hochement de tête en vissant mes yeux dans ceux de mon géniteur.
Je suis heureuse de reprendre le volant, je me sens vivante à nouveau. Ça me permet d'évacuer les tensions et la colère que Diego a fait naître en moi ces dernières heures. Une pointe d'amertume me reste sur la langue lorsque mon paternel me fait comprendre qu'il s'agit de ma dernière fois. Suis-je folle de vouloir continuer à croire que je pourrais reprendre ma vie d'avant avec Aodhan ?
Il est mort ma fille !
Pourtant, il vit toujours dans mon souvenir et je le chéris comme je ne l'ai jamais fait avec personne d'autre. Pourrais-je mourir pour le rejoindre ? L'idée m'a clairement traversé l'esprit et je me suis gardé d'en parler à quelqu'un, j'ai déjà assez de gardes sur le dos pour avoir une surveillance plus renforcée et être privée de davantage de liberté. Et il y a cet homme... Connor... depuis la première fois que je l'ai vu, il sème un grand doute dans mon esprit. Il me fait penser au mafieux, mais la seconde d'après, il a un comportement complètement à l'opposé de celui qu'Aodhan aurait pu avoir. Ce soir, quand nous serons dans le camion, je me fais la promesse de lever le voile sur ce doute qui persiste.
Il est enfin l'heure de rejoindre les autres pour partir en mission, j'avais hâte et cela commençait à être compliqué de cacher mon excitation. J'ai tenté à plusieurs reprises de négocier le port d'une arme, au cas où, mais les trois hommes m'ont répondu d'un "NON" unitaire et catégorique, me rabâchant que j'aurais un garde du corps avec moi et que ce serait son rôle.
Lui il m'en aurait donné une... Je rage intérieurement.
La nuit commence à tomber sur la ville de Los Angeles, deux fourgons noirs, encadrés de trois camions et de quelques véhicules en renfort, sont garés devant le circuit, prêts à partir. Une quinzaine d'hommes nous attendent, ils s'empressent de se ranger en rang d'oignon lorsqu'ils nous voient arriver. À la vision de leur tenue, je comprends pourquoi Diego m'a fait changer pour des vêtements full black et un gilet pare-balles. J'avais peur que la dorsale m'empêche de me mouvoir comme je le souhaite, mais le fait est qu'elle n'entrave en rien mes mouvements et même si nous sommes censés n'avoir aucun problème durant cette mission, je suis rassurée de porter un tel accessoire.
— Bien, vous savez tout ce que vous avez à faire ! commence mon géniteur. Alors ne nous décevez pas.
Claquant dans ses mains, les hommes face à lui se dépêchent de rejoindre leur poste sans émettre la moindre remarque. M'attrapant par la taille, Diego me guide jusqu'au fourgon où m'attend Connor. Posté devant la porte, Taylor, un des hommes présents à la villa l'autre soir, est à ses côtés.
— Je vous la confie ! commence Diego. Chérie, Taylor montera avec toi dans la voiture et Connor assura tes arrières. fixant ses yeux aux miens, il enchaîne. Ne joue pas les héros et contente-toi de rentrer entière en suivant le plan et les différentes échappatoires que nous t'avons décrites. Je suis assez clair ? finit-il en caressant avec tendresse ma joue de son pouce.
D'un léger mouvement de tête, je réponds par la positive. Diego s'agrippe à ma taille, rapproche nos deux corps et m'embrasse comme s'il manquait d'air.
— Fais vraiment attention à toi, me chuchote-t-il en m'enlaçant avec fermeté.
Je sens bien qu'il a du mal à me lâcher pour me laisser monter à bord du fourgon et partir en mission mais de mon côté, j'ai hâte de vivre enfin quelque chose d'intéressant. Après avoir pris une grande bouffée d'air dans mes cheveux, Diego se décide à me lâcher et me laisse monter à bord du fourgon entre Taylor et Connor.
Le trajet se passe dans le calme, doigts entrelacés, mains posées sur mes jambes croisées, mon regard perdu sur la route. Je n'arrive pas à reconnaître la direction que nous prenons, mais je suis sûre d'une chose, nous n'allons pas en direction du Q.G. d'Aodhan.
— Prête ? me demande Connor, installé à ma droite.
— Très ! dis-je d'une voix déterminée.
— Alors c'est parti !
Sa phrase à peine finie, l'homme ouvre la porte latérale du fourgon et saute dans la nuit noire. me tendant la main, il m'invite à faire de même.
— Surtout tu ne fais pas de bruit et tu ne t'éloignes ni de moi, ni de Taylor, me chuchote Connor. La première équipe est allée pirater les voitures pour les ouvrir et démarrer, on les rejoint...
Sans un mot de plus, le grand brun saisit son arme rangée à l'arrière de son jean et se tapit contre le mur pour avancer à pas de loup en direction de notre but. Le cœur battant la chamade, je le suis comme son ombre. Il n'y a aucun bruit dans la nuit sombre, c'est à peine si nous entendons nos pas sur le sol. les fourgons n'ont pas bougés d'un yotat, ils sont notre porte de secours au cas où la situation viendrait à tourner au vinaigre. Nous sommes rapidement dans le hangar où se trouvent les six voitures, presque toutes démarrées. Il y a une chose qui m'échappe : pourquoi l'entrepôt n'est pas plus surveillé ? Cette mission semble beaucoup trop facile. Je veux bien entendre que le clan d'Aodhan soit dévasté par son décès, mais de là à ne plus garder ses bâtiments sous haute surveillance... Il y a quelque chose qui cloche. Tayron est beaucoup trop sur ses gardes, il n'aurait jamais laissé un lot de voitures aussi important sans une surveillance digne de ce nom. Un mauvais pressentiment fait frissonner mon épiderme de peur. C'est un piège ! J'en suis sûre et je vais devoir me sortir d'ici sans une égratignure.
Nous arrivons enfin au niveau des voitures dont les moteurs rugissent à l'unisson dans le hangar désaffecté.
— Prends la Lambo ! nous ordonne Connor.
Sur le point d'entrée dans la supercar, les portes du bâtiment s'ouvrent d'un coup sur une armée de SUV dont les phares sont braqués sur nous. Derrière les portes ouvertes, j'arrive à distinguer des hommes dont les armes sont braquées sur nous, faisant s'emballer mon cœur.
C'est un piège !
Il va me tuer !
— Apparemment, tuer mon cousin ne te suffisait pas... Ezia ! crache la voix de Tayron.
Éblouis par les phares, je n'arrive pas à savoir d'où provient la voix de celui que je considérais comme un ami.
— Je... Ce n'est pas ma faute ! crié-je pour me défendre en essayant de me convaincre moi aussi.
Le rire de Tayron arrive à mes oreilles qui commencent à siffler de peur lorsqu'un coup de feu est tiré dans notre direction.
— MENSONGE ! hurle-t-il.
Le bruit des balles qui fusent commence à être de plus en plus sourd.
— Monte ! me crie Taylor en s'engouffrant côté passager.
Mon instinct de survie prenant le dessus, je ne me fais pas prier plus longtemps et me jette dans l'habitacle. La ceinture à peine bouclée, j'avance d'un geste rapide le siège et passe la première. Les autres ont commencé à nous ouvrir la route, créant une brèche et de ce fait, un passage au milieu des SUV. Les balles qui ricochent sur la carrosserie me font sursauter et d'instinct, je me recroqueville légèrement sur moi-même. Je ne peux pas flancher maintenant, il faut que je sorte de là... Taylor sort enfin son arme pour riposter face à Tayron et ses hommes. Il se défend bien. Connor et moi sortons dans les premiers, mais alors que nous sommes sur le point de passer de l'autre côté des SUV et de rattraper la route, la vitre côté passager explose. Un liquide inconnu m'éclabousse et mon garde du corps, qui n'avait pas pris la peine de s'attacher, s'effondre sur le tableau de bord. Il ne me faut pas longtemps pour comprendre qu'il est mort.
Je suis sur le point de faire une crise d'angoisse et ce n'est pas le moment, mais la vue du corps sans vie de Taylor à mes côtés me donne la gerbe et fait monter les larmes dans mes yeux. Les grésillements du talki-walkie me font sortir de la léthargie dans laquelle j'étais en train de me laisser sombrer, donnant clairement le contrôle de mon corps et de la voiture à mon subconscient.
— Taylor...-grésillements- Taylor ! appelle la voix de Connor à travers le petit boîtier.
Je suis dans l'impossibilité de répondre, mon passager ne m'a pas donné de radio et n'a pas posé la sienne de façon à ce que je puisse l'attraper.
— Il y a un problème ! hurle d'un coup la voix de Diego.
— J'arrive pas à joindre la voiture d'Ezia... répond Connor.
Concentrée sur la route, j'écoute la conversation, impuissante.
— Comment ça ? lance la voix de mon mari.
— L'irlandais nous a tendu un piège. Il y a eu une fusillade et je n'arrive pas à joindre Taylor... explique mon coéquipier.
— Elle...
Connor ne laisse pas le temps à Diego de continuer.
— Elle roule devant moi... Mais Taylor ne répond pas... Ezia si tu m'entends, allume les warning.
Nous atteignons enfin l'autoroute, concentrée sur ma conduite, j'entends la demande de Connor et allume les warnings.
— ALORS ! s'impatiente Diego.
— Elle les a allumés... Ezia, mets le clignotant droit si tu n'as rien... sinon le gauche... demande la voix de Connor.
Mes yeux sont concentrés sur une seule chose : trouver le camion qui doit nous récupérer. Je n'ai qu'une envie, c'est monter à bord et sortir le plus vite possible de cette voiture de la mort. Le corps inanimé de Taylor à ma droite m'angoisse et je lutte pour ne pas céder et pleurer à chaudes larmes. Assimilant la demande de Connor, j'allume le clignotant droit.
— Elle a allumé le droit ! rassure Connor.
— Continuez ! crache Diego. Montez le plus vite possible dans ce putain de camion !
Au même moment, je trouve enfin le semi-remorque qui nous attend, le pont arrière ouvert.
Descendant d'un rapport, j'accélère pour faire monter la voiture dans les tours et me place face à la remorque. Pied planche, je lâche rien et entame ma montée dans la remorque, suivie de près par Connor. Arrêtant le moteur, je n'ose pas tourner la tête en direction de Taylor, je suis totalement paralysée par ce qu'il vient de se passer. Mes mains serrent le volant avec fermeté, comme si le lâcher aller me faire tomber dans un gouffre sans fond. Ma tête tombe en arrière, avec nonchalance, sur l'appuie-tête et je ne retiens plus les larmes qui se sont accumulées depuis toute à l'heure.
— Ezia, m'appelle Diego, récupère le talki... donne moi des nouvelles ! dit-il d'une voix inquiète.
Au ralenti, je me décide enfin à poser les yeux sur le corps de Taylor. Je beug face à la scène... L'homme semble se vider de son sang par la tête, remplaçant la noirceur de la moquette par son précieux liquide rouge. Une étrange odeur commence à remplir l'habitacle et me donne davantage la gerbe. D'un coup d'œil rapide, je tente de repérer où peut être la radio, mais je ne vois rien et je n'ai clairement pas la foi de fouiller le cadavre.
— Ezia ! recommence Diego.
Je n'y arrive pas. Je ne peux pas. Portant mes mains sur mon visage, je lâche les sanglots bloqués au fond de ma gorge jusqu'à présent.
— Ez... retente Diego qui est interrompu par un gros bruit sourd. C'était quoi ça ? demande-t-il.
— Il y... Il y a des bombes dans les voitures ! crie la voix d'un des gars que je ne connais pas.
Je vais mourir...
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