18. Renaître de ses cendres


Aodhan

5 mois plus tôt

Allongé à l'arrière de la berline, je me sens perdre connaissance. Si je meurs maintenant, j'aurais au moins eu la satisfaction de faire enrager Diego une dernière fois et de la revoir elle, de goûter à sa peau si douce. Pourquoi n'est-elle pas montée avec moi dans cette voiture. ?

— Dhan ! Dhan ! Ne t'endors pas bordel ! crie la voix de Liam au loin.

Il a raison, je ne devrais pas mais c'est si simple et ça à l'air confortable. Mes yeux sont de plus en plus lourds et j'abandonne, mon cœur ralentissant tout seul son rythme.

Une semaine plus tard.

Difficilement, j'ouvre les yeux avec l'étrange sensation d'être passé sous un train. Mes membres sont engourdis et je peine à bouger le bout de mes doigts.

— Il se réveille ! Il se réveille ! aboie une voix féminine à travers la pièce. Allez chercher Kenan, vite !

Mes paupières enfin grandes ouvertes, je scanne la pièce pour savoir où je me trouve. Les appareils autour de moi font un bruit d'hôpital, pourtant j'ai l'impression d'être dans une des chambres du manoir à Dublin. J'aimerais me redresser et sortir de ce lit, mais je n'arrive pas à coordonner mes mouvements et c'est en train de m'énerver. Depuis combien de temps suis-je ici ? Que m'est-il arrivé ? Où est Ezia ? Tous mes souvenirs s'embrouillent et m'empêchent de réfléchir. Avec peine, je lève mon bras et réussis à caresser mon visage, frottant mes yeux dans l'espoir de reprendre mes esprits.

— Aodhan ! lance la voix que je reconnais être celle de Tayron.

La bouche sèche, je peine à parler, mon cousin comprenant ma gêne attrape un verre d'eau et m'aide tant bien que mal à me réhydrater.

— Tranquille cousin... Prends ton temps, tu es resté une semaine dans le coma... m'apprend-il.

Mes yeux sortent de leurs orbites à la prononciation de cette nouvelle. Une semaine ! La seule chose qui me revient en tête est mon échange avec Ezia dans la boutique de Mr Moreau, son hôtel, puis c'est le noir total. Il me faut quelques minutes pour réussir à articuler.

— Qu'est-ce qu'il s'est...

Pas besoin de finir ma phrase que Tayron me coupe la parole et m'explique tout : la fusillade, Ezia qui s'interpose, Liam qui m'amène le plus vite possible dans notre antenne du réseau à Paris pour m'opérer d'urgence et retirer les multiples balles qui se sont logées un peu partout dans mon corps. Notre chirurgien se demande encore comment j'ai pu survivre à une telle chose. J'ai perdu beaucoup de sang et par chance aucun des bouts de plombs n'a touché un organe vital.

— Shanyce était folle de rage et d'inquiétude... enfin on l'était tous. souligne Tayron. Kenan est parti régler quelques affaires en Russie, il devrait rentrer aujourd'hui. On a bien cru te perdre Dhan !

— Le réseau à L.A. qui s'en occupe... Des nouvelles de Léo ? C'est lui qui m'a appelé... commencé-je à m'emporter en remettant les éléments dans l'ordre.

— Calme-toi ! gronde Tay. On s'en fout de tout ça pour le moment. Tu as failli mourir Dhan ! Tu l'entends ça, m-o-u-r-i-r ! dit-il en articulant.

Essayant de me lever pour la quatrième fois, une vive douleur se propage dans le bas de mon dos, me faisant grogner. J'ai l'impression d'être un mollusque, mes mouvements sont mous et d'une lenteur enrageante. Aidé de mon cousin, j'arrive à me redresser et m'assoir dans le lit. Ce n'est qu'à ce moment que je prends conscience de tous les tuyaux qui me relient à différentes machines.

— Ezia ? demandé-je.

Exaspéré par cette question, Tayron secoue la tête.

— Le mariage a eu lieu hier...

Ma cage thoracique se comprime, mon cœur pompe au ralenti, faisant sonner un des appareils autour de mon lit.

— Je suis désolé Dhan... chuchote mon cousin.

Le regard perdu dans les couvertures qui couvrent mes jambes, mon cerveau commence à reprendre du service, dissipant les derniers voiles qui m'empêchent de réfléchir. Me terrant dans le silence les heures qui suivent, Tay finit par me tendre une manette de console de jeu, s'installe confortablement sur un sofa et demande à nous amener de quoi grignoter. Il ne s'arrête pas sur mon air exaspéré par son attitude.

— Quoi ? Ça fait longtemps qu'on a pas joué, je veux ma revanche sur WRC ! piochant dans un paquet de bonbons, il finit. Et je sais que tu vas pas tarder à me sortir une connerie ou un plan farfelu pour te venger... et c'est pas trop tôt ! J'ai hâte d'aller décimer du bouffeur de pizza !

Levant les yeux au ciel, j'accepte de jouer et sans surprise ma tête réfléchit déjà à comment venir à bout des italiens.

Une bonne heure s'écoule quand je lâche.

— Je suis mort !

Tayron fait un bon dans son canapé alors que mon père entre dans la pièce au même moment.

— Qu'est-ce que tu racontes, Dhanny ! lâche mon père inquiet.

Déterminé, je répète en ajoutant.

— Je suis mort ! Dites-le à tout le monde... J'ai un plan et pour cela, je n'ai pas survécu.

D'un geste, mon père pose sa main sur mon front pour vérifier que je n'ai pas de fièvre, mais étrangement je suis bien lucide et simuler ma mort est un plan qui portera ses fruits. Mort, on passe facilement sous les radars... Après tout, c'était la technique de Léo, autant m'en servir contre eux.

De nos jours.

Je déteste le blond, quand il ne fait pas un mètre soixante et possède de beaux yeux bleus, cette couleur n'a jamais matché avec mon teint et mes yeux verts devenus ébène ces derniers mois. Simuler ma mort a été beaucoup plus bénéfique que je ne l'aurais cru, hormis ce changement physique horrible mais nécessaire, le plus dur a été de camoufler mes tatouages. Aujourd'hui, je suis un homme nouveau : Connor Boswell, vingt six ans, tout droit arrivé de Londre à Los Angeles il y a trois mois, passionné d'automobile et de toute chose illégale. Vêtu des mêmes fringues de mécanicien du dimanche que la veille, j'entre dans mon petit garage pour me remettre à bosser sur ma Mustang Shelby de 1967.

"— Aodhan ! Ton plan est complètement fou ! crache mon père pendant ma séance de rééducation avec le kiné.

Enfin, deux jours après mon réveil, ils ont arrêté de me ménager pour m'aider à récupérer toute ma mobilité au plus vite. Je n'ai pas le temps de rester allongé dans ce foutu lit, Francesco va payer pour tout ce qu'il a fait et j'ai décidé que cela allait enfin arriver. Je ne sais pas pourquoi mon père n'en a jamais eu la force jusqu'à présent. L'italien est peut-être un homme extrêmement craint mais sa soif de vengeance pour sa femme ne devrait-elle pas l'être encore plus ?

— Léo a répondu à mes messages ! Ce plan est très bien et c'est le seul moyen de pouvoir agir sans être surveillé. appuyé-je.

La nouvelle de ma mort s'est très vite répandue à travers le globe, des hommages arrivent de tous les continents, même Francesco, ce fils de pute, a osé envoyer des fleurs à notre famille. Vous n'imaginez pas à quel point je me délecterais de le voir mourir.

— Aodhan, tu es mon seul fils... Si Francesco, ou même Diego venaient à découvrir ton identité, ils...

Il ne finit pas sa phrase, se contentant de serrer avec fermeté mais tendresse sa main posée sur ma nuque. La tête penchée sur mes jambes en mouvement sur ce vélo d'appartement, je réponds.

— C'est eux qui mourront, pas moi ! mon ton a le mérite d'être tranchant.

Ils n'auront pas ma peau je m'en fais la promesse, c'est moi qui aurai la leur.

— Trouvez-moi une petite maison en banlieue de L.A., quelque chose de simple qui ne paie pas de mine et... j'hésite puis finis. Faites venir l'épave de la Mustang qui se trouve dans le garage du manoir."

Pendant tout le long de ma rééducation, Tayron, Shanice, mon père et les autres n'ont eu de cesse de me faire reculer face à cette idée complètement farfelue : intégrer les hommes de Léo, faire entièrement partie de leur réseau, en connaître toutes les forces et les faiblesses. J'aurais pensé que l'italien soit réticent à mon idée, mais ça n'a pas du tout été le cas, lui aussi est déterminé à se débarrasser de son père. Il m'a tout de même mis en garde, il ne pourra pas faire de moi un de ses hommes les plus proches aussi rapidement, je vais devoir faire mes preuves et prêter allégeance et loyauté au réseau de Francesco... cela a coûté cher à mon égo, mais il sera vite remboursé. Je me donne une année pour réussir et cela fait déjà trois mois. Lane a pu me trouver une petite maison qui ne paie pas de mine en banlieue de L.A., ma transformation physique a été un simple détail, et ma Shelby est dans ce petit garage... bon, j'ai tout de même hâte de finir cette mission et retrouver le confort de ma villa.

En attendant, je redonne vie à ma Mustang lâchement abandonnée dans le garage du manoir depuis une dizaine d'années. Carrosserie, mécanique, la belle a le droit à une chirurgie complète et occupe mon temps entre les diverses missions que les hommes de Léo me confient pour prouver ma loyauté : transport de drogue, vol de voitures et le pilier que j'aime le moins, livraison de jeunes femmes pour Litwood et d'autres "acheteurs". J'appréhendais que Peters me reconnaisse mais la seule fois où je l'ai croisé, il n'y a vu que du feu et de toute façon je fais partie des fourmis, un simple homme de main sur lequel personne ne s'attarde... enfin jusqu'à ce que je sauve le cul à tout le monde dans une course poursuite. Depuis, je suis monté en grade, j'ai été promu au poste de chauffeur pour Léo et sa femme.

— C'est donc toi l'homme dont tout le monde parle ! lance une voix à l'accent italien qui me fait sortir la tête du moteur.

Un léger rictus étire mes lèvres en croisant le regard de Léo.

— Attendez-moi dans la voiture ! aboie-t-il à ses hommes.

D'un geste, je l'invite à me suivre à l'intérieur de la maisonnette.

— Félicitation "Connor" tu t'es fait une sacré réputation auprès de mes hommes, même mon père a entendu parler de toi.

— On peut passer à la suite ? demandé-je sans tourner autour du pot.

Les événements ne vont pas assez vite pour moi et ça commence à me faire perdre patience.

— Ça arrive ! Déjà, tu passes de simple homme de main à chauffeur personnel. Et j'ai une nouvelle qui devrait plaire... enfin à moitié.

L'italien a piqué ma curiosité, levant un sourcil j'attends la suite.

— Diego a aussi entendu parler de la course poursuite et de la façon dont tu as sauvé les fesses au groupe que vous étiez... il veut te rencontrer !

— Il veut me rencontrer ! je relève un sourire dédaigneux sur les lèvres.

Enfin après toutes ces petites missions de merde, je monte en grade et j'ai réussi à retenir l'attention de l'autre abruti.

— Quand ? ajouté-je.

Scannant ma tenue de bas en haut, Léo m'assomme.

— Maintenant !

Soufflant de détermination, je m'empresse de rejoindre ma chambre pour attraper une tenue digne de rencontrer un "grand patron" du réseau : jean sobre et chemise noire.

— On prend ta voiture ? demande Léo alors que je reviens dans le salon.

— Je ne l'ai pas encore essayée... avant que tu arrives j'ai fini trois bricoles qu'il me manquait.

— Ça sera l'occasion de l'essayer.

De retour dans mon garage, je m'installe derrière le volant de la Mustang. Cette voiture... la première que mon grand-père m'a offerte avec laquelle j'ai fait mes premières courses et malheureusement mon premier grave accident. Sentimentalement, je n'ai jamais réussi à la jeter ou revendre, tout comme je n'ai jamais pris le temps de la réparer. C'est pour elle que je l'ai fait, elle qui aime tant sa Mustang Shelby 500GT, celle-ci lui plaira t-elle ? Peut-être aussi un peu pour moi, remettre cette voiture en état, c'est comme partager un lien avec elle. Ezia était présente dans chaque étape de réparation, je sais qu'elle lui plaira et j'ai hâte de voir sa jolie petite tête en extase devant cette mamie de mécanique.

Retenant ma respiration, j'insère la clé dans le démarreur et la tourne, pas très sûr du résultat. Finalement, le moteur ne rechigne pas à fonctionner comme sur des roulettes et me berce de son agréable ronronnement. Fermant un instant les yeux pour profiter de cette victoire, j'en oublie la présence de Léo en passager. Une éternité que je n'avais pas fait de mécanique, ou tout autre travaux sur une voiture, mon travail au réseau ne m'en laissait pas le loisir et la facilité d'embaucher une équipe performante pour le faire était très alléchante. C'est comme ça que j'ai créé le circuit au sud de L.A. et embauché les meilleurs dans leurs domaines, Ezia y avait toute sa place. Je me demande si elle conduit toujours ?

— On y va ! me lance Léo, me sortant de mes pensées.

Passant la marche arrière, j'appuie légèrement sur l'accélérateur et sors du garage.

— Dhan... Tu es sûr d'être prêt à la revoir ?

— Plus que jamais... dis-je la voix grave.

Je n'attends que ça, mais le graal sera de pouvoir la retoucher et la faire mienne mais pour le moment je vais me contenter de la regarder comme une œuvre d'art insaisissable.

— J'ai réussi à transmettre les adresses de nos prochaines livraisons en Europe à ton père. De ce que mon messager m'a expliqué : ton paternel va faire appel aux Russes pour l'aider à semer la pagaille dans nos transports. Tu ne m'en veux pas, je me suis gardé une marge de manœuvre pour ne pas faire couler mon réseau... Je veux faire tomber mon père, mais je n'ai rien contre reprendre entièrement la main en faisant les choses différemment.

Je lâche un rire du nez.

— Tu prends finalement goût à l'illégal, Mancini ! le taquiné-je.

— Je ne peux pas dire le contraire, en deux ans avec mon père j'ai beaucoup appris et j'avoue aimer ça... après tout c'est mon héritage, mais je veux faire ça autrement. Francesco règne avec la terreur et tout le monde sait que cela ne peut-être éternel. Il a beaucoup trop d'ennemis dans le monde, au moindre signe de faiblesse c'est toute ma famille qui peut mourir et je veux protéger ceux qui me sont chers.

— En parlant d'être cher... Dalia doit accoucher quand ?

— Encore deux mois... lâche d'un ton las l'italien.

— C'est toujours compliqué ?

Ces derniers mois, Léo et moi nous sommes rapprochés, hors notre objectif commun, nous avons appris à nous connaître l'un l'autre et passé des heures à réfléchir à la façon dont nous pourrions faire tomber son père. Ne pouvant voir ni ma famille, ni Lane, Sébastian ou Matt, les conversations et moments passés avec Léo me faisaient étrangement chaud au cœur. C'est un homme simple qui essaie de faire les choses avec justesse, il est calme et posé, tout le contraire de sa sœur qui peut-être davantage tête brûlée.

— Elle est de plus en plus insupportable mais j'ai enfin réussi à lui faire comprendre qu'elle n'avait pas son mot à dire sur mes choix ou comment je pouvais occuper mon temps. Je n'ai pas apprécié, mais j'ai été obligé de me comporter un peu comme mon père en lui disant qu'elle n'était qu'une femme et rien d'autre. Je pense avoir blessé son égo de princesse, mais enfin elle me lâche la grappe. J'aimerais la laisser se démerder toute seule dans son coin... elle subit cette situation autant que moi et maintenant il y a ce bébé... j'ose espérer qu'avec le temps nous arriverons à trouver un terrain d'entente. m'explique-t-il.

Me raclant la gorge, je me décide à poser cette question qui brûle mes lèvres.

— Ta soeur, tu sais si elle est? Enfin...

— Elle n'est pas enceinte. il prend une profonde inspiration. Diego m'a appelé, fou de rage, il y a quelques jours. Il trouvait étrange qu'après tant "d'efforts" cela ne fonctionne pas. Il a pris rendez-vous chez un médecin, mais en fait Ezia a réussi à se procurer une contraception depuis tout ce temps... dit-il un tantinet rieur. Elle est vraiment maline ma soeur !! se raclant la gorge, il finit. Malheureusement, quand il l'a appris, cela s'est retourné contre elle...

Comprenant son insinuation, mes doigts se referment de colère sur le volant à en avoir les articulations blanchies, mon être complet est tendu par la rage de savoir qu'il a pu s'en prendre à elle.

— Oh et pour finir, puisque nous arrivons. Elle n'a appris ta mort qu'hier, de la bouche de Mélinda. Je ne te cache pas qu'elle n'est que l'ombre d'elle-même, déjà que c'était compliqué.

Je suis indigné, cela fait tout de même cinq mois maintenant que je suis "mort"...

L'allée qui remonte jusqu'à la villa de Diego est parsemée de grands palmiers. Sa demeure se trouve à une dizaine de minutes au nord de L.A. et surplombe l'océan. Dans un style très moderne, elle expose très bien la richesse de l'homme qui vit à l'intérieur. La voiture contenant les hommes de Léo se gare dans une grande cour dallée et m'invite à me garer à côté d'eux. Nous sommes rapidement dans le hall d'entrée duquel il faut descendre quelques marches pour rejoindre le salon. La pièce à vivre est spacieuse, d'une décoration de blanc et de beige, chic et épurée de toute personnalisation, hormis quelques oeuvres d'art par-ci par-là. Ce qui attire l'attention, ce sont les grandes baies vitrées qui donnent une vue plongeant sur le bleu de l'océan.

Diego est confortablement installé dans son large canapé, le nez plongé sur son téléphone et mon regard est immédiatement attirée par la tête blonde posée sur ses jambes. C'est elle ! Ezia est là, profondément endormie sur Diego qui caresse délicatement sa joue, avec le pouce de sa main libre, en petits cercles. Une pulsion me gagne et m'incite à lui sauter dessus pour qu'il la lâche et j'ai besoin de tout mon self-control pour ne pas montrer que je suis à fleur de peau. Je ne saurais dire si son visage est paisible ou non, elle semble blessée et même endormie, ses traits sont tirés. Elle a l'air si faible et amaigrie... je ne peux empêcher mon coeur de se serrer.

Je te sortirai de là, ma Bella...

Remarquant enfin notre présence, Diego chuchote quelque chose à l'oreille d'Ezia qui ouvre difficilement les yeux avant de lever sa tête pour qu'il puisse se lever. La jeune femme n'a pas l'air dans son assiette, comme si elle avait été droguée. Je n'ai pas le temps de l'observer plus longtemps, Diego nous invite à le suivre sur la terrasse.

— C'est toi l'homme dont tout le monde parle ! dit-il en portant son attention sur moi.

D'un bref mouvement de tête j'acquiesce.

— Les bons pilotes se font rares. Tu peux m'en dire plus sur toi ?

— Connor Boswell, commencé-je à me présenter. Je suis britannique, arrivé dans la région il y a trois mois. Au départ je ne faisais que consommer vos produits, de temps en temps... puis j'ai eu besoin de tune et vous de transporteurs... dis-je en n'hésitant pas à le montrer d'un geste de la main.

Je connais ce genre de rendez-vous, et que ce soit moi, ou les autres, nous aimons bien voir que les hommes en face de nous ont des couilles et le répondant qu'il faut. Ça nous permet de juger leur détermination et je compte bien continuer à monter les échelons au sein de leurs organisations; tuer le poussin dans l'œuf, tel est mon plan.

— Je sais que Léo t'a promu chauffeur pour lui et sa femme, mais... j'ai besoin d'un bon pilote en plus dans mon équipe... course, vol de voiture à haut risque. Ça pourrait te faire un bon complément en plus du petit poste que te propose mon beau-frère. dit-il un mauvais rictus aux lèvres.

Léo ne relève même pas le ton sarcastique avec lequel Diego parle de lui. De mon côté, sa proposition sur un plateau d'argent je ne peux pas la refuser, alors d'un mouvement de tête j'accepte.

— En plus tu n'as pas l'air d'être un grand bavard... je vais apprécier ça je crois ! souligne Diego. Juste une précision, ne regarde plus ma femme comme tu l'as fait tout à l'heure.

Ne disant toujours rien, je hausse un sourcil.

— Juste une petite mise au point... et en garde, précise Diego.

— En parlant de ma sœur, commence Léo. Comment elle va ?

Ouvrant son paquet de clopes, Diego en saisit une, nous en propose à chacun avant de nous tendre son briquet. Posant son regard, à travers la vitre sur la jeune femme allongée sur le sofa, il avoue à Léo.

— Les nuits sont compliquées et c'est pire depuis que Mélinda lui a appris la mort de l'Irlandais... le médecin lui a prescrit des antidépresseurs et des somnifères. Je tente de la ménager, mais notre relation n'est pas des plus stable en ce moment... elle ne voit que par ces putains de cours de guitare ! Je ne comprends pas ce qu'elle a avec cet instrument.

Je loupe une respiration en écoutant Diego parler d'Ezia, je donne tout pour rester impassible et insensible face à son discours, me griller maintenant serait tellement bête alors que je viens de franchir un palier de plus. Par « nuits compliquées », je comprends que ma Bella s'est remise à faire des crises d'angoisses à répétition, elle se laisse facilement ensevelir par ses émotions et ce trop plein, son corps n'arrive pas à l'évacuer autrement... déjà lorsqu'elle était avec moi, ne serait-ce que de voir Diego au loin la mettait dans tous ses états, devenir sa femme ne peux pas être le paradis pour elle...

Affichant une figure la plus impassible possible, je retiens tous les détails que Diego me donne sur la jeune femme que je vois du coin de l'oeil se redresser sur le canapé, émergeant doucement du sommeil.

Elle prend des cours de guitare... 

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