49 . Pas de course ?

EZIA

Affalée sur le lit, j’attrape mon portable pour regarder l’heure : 17h30. Ce petit boîtier n’a plus grand intérêt à mes yeux depuis la trahison de Mélinda, celle d’Ethan et l’absence de Léo… De temps à autre je reçois quelques nouvelles de Thaïs et Sacha, tous les deux vivent le parfait amour et ont décidé de faire une pause dans leurs études pour partir faire un tour du monde. Oui, oui, moi aussi je me demande qu’est-ce qu’il a bien pu leur passer par la tête, ils ont envoyé un message dans notre conversation groupée il y a quelques semaines en expliquant leur envie de “tout plaquer et se barrer à l’autre bout du monde !”. C’est bien une chose que je rêve de faire. Je ne leur souhaite que du bonheur !

Mes parents ne sont pas les premiers à donner ou demander des nouvelles. Ma mère met un temps fou à me répondre. Je la trouve froide et distante depuis la mort de Léo, quant à mon père, il est clairement aux abonnés absents… m’en veut-il d’avoir voulu rester ici ? Me pense-t-il responsable de la mort de son fils ? J’aimerais tellement pouvoir lui parler, l’entendre de vive voix me dire ce qu’il en est… Même si je ne le montre pas, cette situation me pèse… je me sens tellement seule. Heureusement que Zora est rentrée dans ma vie, grâce à Dhan. La jeune femme est devenue une vraie amie, c’est la seule qui peut faire sonner mon téléphone et me redonner le sourire… Ok, peut-être qu’un certain brun au yeux émeraudes a le même effet sur moi lorsque je vois son prénom s’afficher sur l’écran.

D’ailleurs, je suis toujours en train d’essayer de comprendre à quel moment mes sentiments pour lui ont viré de la haine à l’amour, même si je ne veux pas me l’avouer. Il y a un peu plus d’un mois, je haïssais Aodhan de tout mon être, je voulais m’enfuir, qu’il me foute la paix, le voir loin de moi, lui qui m’a arrachée à ma vie déjà assez compliquée. Aujourd’hui, je ressens tout l'inverse, le savoir loin de moi fait naître une étrange sensation d'oppression dans mon cœur, je me sens en équilibre et en sécurité lorsque je le sais proche de moi. Je n’ai pas peur de me donner entièrement à lui, j’ai compris la personne qu’il est : sous ses airs de chef, de dominant, il y a un cœur tendre à l’écoute, présent pour les gens qu’il aime. Un homme qui respecte son prochain et ne dépasse pas les limites qui sont posées, les règles d'or d'une relation amoureuse et sexuelle qui peut se permettre de tester de nouveaux horizons. Pourquoi ? Parce que vous êtes en confiance et qu’au moindre signe d’inconfort, de malaise, de réticence de votre part, ce type de personne stoppera tout mouvement et ne vous forcera en rien à aller au bout de l’acte. Toute relation devrait être basée sur ces simples mots : respect, confiance et limite. 

Mon cerveau s’amuse à me rejouer la scène de notre ébat sous la douche hier soir. Encore une fois, Aodhan m’a amenée à le rejoindre dans les flammes de l’enfer.

Fermant les yeux, je repense à la sensation de sa langue et ses doigts à l’attaque de mon intimité, il a mené la danse avec une telle intensité qu’un petit cri de plaisir m’a malencontreusement échappé et je suis sûre que toute la villa nous a entendus. Dhan entre les jambes, la tête plaquée contre le mur à me laisser submerger par l'orgasme, j'ai rapidement mis ma main sur ma bouche, mais c’était clairement trop tard… Je suis devenue toute rouge de honte devant un mafieux se relevant pour me faire face et mort de rire en voyant ma mine déconfite. Il était tout fier de lui, de mon côté ce matin je me suis levée après, et seulement après, avoir été sûre que tous les gars soient partis pour le brunch chez l’autre abruti.

J’ai juste eu le temps de prendre un léger petit déjeuner qu’Aodhan est revenu à la charge pour remettre le couvert. Je ne vais pas dire que je n’aime pas, mais je persiste à penser qu’il n’est pas comme d’habitude, quelque chose le travaille et il refuse de m’en parler… je peux totalement concevoir qu’il n’ait pas envie de partager les problèmes avec son organisation mais si je peux l’aider, l’épauler, je suis tout ouïe pour le faire. Je lui ai reposé la question et encore une fois, il l’a totalement évitée.

Cela fait moins d’une heure que les autres sont rentrés du brunch, ils n’ont pas perdu de temps pour commencer leur débrief que, pour ma part, j’ai rapidement écourté en me réfugiant dans la chambre. Je n’ai pas envie d’entendre parler de Diego ou des divers paris lancés à mon sujet, nous sommes à quelques heures de la course et mes émotions sont déjà assez bordéliques pour rajouter du stress. Une pensée traverse mon esprit, c’est bientôt l’anniversaire de mon père, vont-ils venir à Los Angeles le fêter avec moi ? Cette question commençant à prendre une place trop importante dans ma tête, je déverrouille mon téléphone et sélectionne le numéro de mon géniteur.

Bip…Bip…Bip…Bip… Vous êtes bien sur la messagerie de Giuseppe Moretti merci de laisser un message après le signal sonore.

Une fois de plus, je tombe sur sa boîte vocale et ça me serre la cage thoracique… Déterminée, je sélectionne le numéro de ma mère.

Bip…Bip…Bip…

Pronto mia Bella ! (Allô ma beauté !)

La voix cristalline de ma mère résonne enfin dans mon oreille après des semaines à ne répondre à aucun de mes appels.

Mama ! dis-je doucement les larmes aux yeux. Ça fait tellement longtemps mama…

Ezia… ma petite chérie ! Comment vas-tu ?

Comment je vais ? Bien… Mal ? Je ne sais même pas quoi répondre à cette question… Je veux tout te dire maman, te parler de Dhan, de ma solitude malgré sa présence et celle des autres. Je veux te parler de Zora… Mais puis-je vraiment le faire ?

Je suis sur le point de répondre lorsqu'une voix rauque hurle en italien derrière ma mère.

Avec qui es-tu encore au téléphone ?

E..Ezia… répond ma mère d’une voix tremblante.

Elle a peur.

Je ne suis pas à côté d’elle, je ne la vois pas mais je le sens au timbre de sa voix qui vient de changer… Ma mère est effrayée par cet homme.

Mama… Tout va bien ?

Je tente de me remémorer mes conversations avec Aodhan, il ne s'en serait jamais pris à mes parents sans me le dire… Eux aussi ont-ils eu des problèmes à cause de Léo ? Une multitude de questions commencent à se bousculer dans ma tête.

Ma mère ne me répond pas, m’obligeant à la reposer la voix emplie d’inquiétude.

Mama !! Est-ce que tout va bien ?

Un reniflement se fait entendre avant la voix claire de ma génitrice.

O… Oui, oui chérie tout va bien ? Et toi, comment vas-tu ?

Quelque chose ne tourne pas rond… Sur mes gardes, je fais mine de rien.

Oui, je vais bien… malgré quelques petits soucis avec la fac… Je ne sais pas si vous avez reçu des nouvelles du doyen … ? demandé-je prête à me faire remonter les bretelles.

Eu… Oui… Oui… Nous avons reçu un mail concernant ton renvoi…

Étrange…

S’ils ont reçu le mail concernant mon renvoi, pourquoi mon père ne m’a pas appelée pour me passer le savon que je méritais ? Et surtout pourquoi ne pas m’avoir fait revenir en Italie auprès d’eux ? Il se passe quelque chose de pas normal… Je continue néanmoins comme si de rien n’était.

Mama… Comment va Papa ? Je n’ai pas de nouvelles depuis un moment et son anniversaire approche… je me demandais si vous veniez le fêter avec moi à Los Angeles ? dis-je.

Un long soupir se fait entendre à l’autre bout du téléphone.

Ezia… commence ma mère.

Elle est brutalement interrompue par la voix de cet homme que je ne connais pas.

Mio angelo ! (Mon ange!) Quel bonheur d’entendre ta voix depuis toutes ces années ! s’exclame l’inconnu. Tu as tellement grandi. Tu es devenu une très belle jeune femme, mia bambina. (ma petite fille)

Mon cœur s’arrête l’espace d’un instant. Qui est cet homme ? Ce n’est pas mon père…
Seul résonne mon souffle court dans le combiné en guise de réponse.

Et bien mia cara (ma chère), tu as perdu ta langue ? Ta mère et moi sommes au États-Unis en ce moment même. Le pauvre Giuseppe n’a malheureusement pas pu faire partie du voyage. J’ai hâte de te revoir mia bambina !  Nous allons bientôt pouvoir être réunis, comme avant !

Mia bambina…? Être réunis … ?
C’est quoi cette histoire encore ?

A la recherche de l’oxygène qui s’est raréfié autour de moi, je me redresse et m'assois au bord du lit, une main sur le cœur pour tenter de me calmer. Je ne réponds rien. Me laisser sans voix était apparemment la chose attendue par l’homme à l’autre bout du fil à en croire par son rire sadique. Au loin, la voix de ma mère crie.

Ezia, fais attention à toi !!

Le bruit d’une violente claque et d’un cri de souffrance suit cette exclamation, mais ça n’a pas l’air de décourager ma mère qui tente de me dire encore une chose.

Ezia ! Ezia ! Ne fais pa…

La fin de sa phrase est remplacée par des bruits de lutte avant que l’appel ne se coupe. Accrochée à mon téléphone, je tente quand même de la rappeler.

Mama ! Mama ! Réponds moi.

Je fais tout ce qui est en mon possible pour ne pas laisser la panique me gagner, mais c’est peine perdue.

Réponds !! Réponds !! MAMA !! crié-je à travers la chambre, m’arrachant les cheveux de ma main libre.

Qu’est-ce qui vient de se passer ? Je ne comprends rien… Qui est cet homme… que nous veut-il… Comment va ma mère…

Interpellé par mes cris, Aodhan entre en trombe dans la chambre suivi de près par le reste de l’équipe. Le mafieux avale rapidement la distance qui nous sépare avant de se placer accroupi en face de moi, ses deux mains sur mes genoux.

Eh ! Eh ! dit-il en passant une main sur mon visage. Qu’est-ce qu’il se passe Bella ?

Dépassée par ce qu’il vient de se jouer, je laisse mon bras, tenant le téléphone contre mon oreille, retomber de façon lourde sur ma cuisse. Sans me demander mon accord, Aodhan s’empare de l’appareil et regarde le nom de la dernière personne avec qui j’ai eu un échange. Même s’il essaie de ne rien me montrer, je sens une vague d’angoisse le traverser, c’est la première fois que je le sens aussi faible.

Ezia, c’était qui ? me demande-t-il fermement. C’était vraiment ta mère ?

Le regard dans le vide, je n’arrive pas à sortir un mot et ça n'aide pas Aodhan à garder patience, il me saisit brutalement les épaules pour me secouer.

Ezia ! Putain c’était qui ???

Dhan, doucement ! Elle a l’air sous le choc ! lui lance Matt en posant une main sur son épaule dans l’espoir de l’apaiser. Laisse la reprendre doucement son sang froid.

Suivant les conseils de Matt, Aodhan se redresse et me serre contre lui en me câlinant les cheveux. Il me faut dix bonnes minutes avant de reprendre mes esprits et de pouvoir enfin aligner trois mots à la suite. Après m’être réhydratée, je raconte aux garçons mon échange téléphonique avec ma mère et cet homme mystérieux.

Ce que je lis sur leurs visages ne me rassure pas du tout, ils sont tous dépités, inquiets… Aodhan m’ordonne :

Bella… Ce soir tu ne nous quittes pas d’une seule semelle… d’un centimètre… d’un poil ! tu restes avec nous comme si nous étions ton ombre ! Je suis clair ?
D’un hochement de tête, je répond par la positive.

***

Aodhan

En début d’après-midi

Oui, je suis inquiet… Je n’avais pas ressenti cette émotion avec autant d’intensité depuis un long, très long moment. Je ne devrais pas, ce n’est pas bon pour moi et pour la place que j’occupe. C’est un gros signe de faiblesse et si je ne me ressaisis pas, cela pourrait me coûter très cher. Mais comment faire quand la cause de toute cette inquiétude n’est autre que celle paisiblement endormie dans mes bras ? Pourquoi les choses ne peuvent-elles pas être plus simples ?

Pourquoi a-t-il fallu qu’elle soit la fille d’un des mafieux les plus dangereux présents sur ce globe, ennemi de mon père ? Je ne sais pas si “ennemi” est le bon terme.

J’ai cru comprendre qu’il fut un temps où les deux organisations travaillaient main dans la main, maintenant elles ont signé un traité de paix pour ne pas interférer dans les affaires des autres.

Les droits de passage sont toujours en place, il y a une entente cordiale entre les deux familles, mais nous sommes loin des meilleurs amis que nos géniteurs étaient dans le passé.

Si nos parents étaient toujours en bon terme, les choses seraient sûrement différentes aujourd’hui… Serais-je tombé amoureux d’elle ? Serait-elle celle qu’elle est aujourd’hui ? Me plairait-elle autant ? Un tas de questions que je tente de balayer d’un revers de la main embrume mon esprit, refaire le passé ne sert strictement à rien.

Je profite du fait que ma Bella soit tendrement endormie pour faire un point sur les équipes présentes ce soir ainsi que celles qui m'apporteront leur soutien en cas de problème. Je souris en l’entendant ronronner tout en changeant de côté, il faut dire que depuis hier soir je ne l’ai pas ménagée. Si nous vivions dans le palais d'Hadès, toutes ses pièces n'auraient plus aucun secret pour nous au vu du temps que nous venons de passer en enfer. Je connais le goût, les formes et les gémissements de cette femme sur le bout des doigts, je n’aurais jamais cru que cela soit possible un jour. Cette mauvaise idée que tout peut prendre fin sous peu me pousse à en profiter un maximum. 

17h00

Les gars rentrent enfin de chez Esposito. Je suis impatient de savoir ce qu’ils ont pu voir ou entendre lors de ce brunch. Ezia n’a pas l’air de vouloir écouter le discours de l’équipe et ça m’arrange, d’un pas décidé elle retourne dans la chambre se préparer pour ce soir et échapper au debrief.

Racontez-moi tout ! lancé-je.

Tout le monde prend place sur le canapé en cuir en forme de L. Tayron est le premier à prendre la parole.

Diego est complètement malade ! commence-t-il. Sa villa ressemblait à un bordel, nous pensions Peters Litwood pro dans ce domaine là… Esposito le surpasse de loin…

Me massant la tempe, je tente de me réveiller pour bien comprendre la suite et ne louper aucune information qui pourrait être importante.

Le plus choquant, Dhan… C’était les nanas qui étaient à son service… enchaîne Lane en marquant une petite pause. Elles étaient toutes blondes aux yeux bleus, des formes généreuses là où il faut comme il faut…

Son intervention a le mérite de me réveiller en quelques secondes… des jeunes femmes blondes au yeux bleus… D’un geste rapide je lève la tête en direction de Lane, un sourcils relevé. Je n’ai pas besoin de poser la question et je connais déjà la réponse, mais Lane me confirme ce qu’au fond je n’ai pas envie d’entendre.

Des sosies parfaits de Blondie, Dhan ! Elles lui ressemblaient toutes…

Le plus choquant c’était celle qui passait avec les plateaux… continue Sébastian, les poings fermés à en avoir les phalanges blanches.

D’un geste de la main je l’invite à continuer.

En sous-vêtements érotiques, elles avaient des ceintures desquelles partaient des chaînes rattachées à leurs chevilles et poignets…

Mes yeux s’ouvrent en deux billes sous le choc de son information. Esposito est vraiment un grand dérangé.

Ce n’est pas tout, enchaîne Matt. Il a bien insisté sur son cocktail phare créé pour rendre hommage à un parrain et ami… Le Mancini !

Victor et Owen n’étaient pas présents. Comme toi, ils ont envoyé quelques hommes. continue Tayron. Diego est venu nous voir, il était déçu que vous ne preniez pas part aux festivités. Je le cite : “ J’avais tellement hâte de recevoir Ezia à la maison pour lui faire visiter…”

Fils de pute ! craché-je les dents serrées.

Ce petit con a bien calculé l’organisation de sa fête. Ne pas m’y rendre était la plus logique et la meilleure des solutions. Le frère de ma Bella ne m’a pas parlé de tout cela… mais au fond qui me dit que Léo m’a dit toute la vérité ? Toutes les informations qu’il m’a données jusqu’à présent sont bonnes… mais est-ce que ce n’était simplement pas pour gagner ma confiance et me planter un couteau dans le dos ?  Je commence à douter des intentions de l’italien, je n’ai pas de nouvelles de lui depuis notre échange avant la soirée chez Victor.

Des cris provenant de la chambre me sortent de mes pensées et mettent fin à la conversation. Moi en tête, nous partons tous rapidement voir ce qu’il se passe.

Ezia est assise au bord du lit aux prémisses d’une crise d'angoisse, son téléphone pendu à son oreille. Je tente de contenir mon inquiétude mais plus ça va, moins j’en suis capable. Sans demander je saisis son portable et jette un regard sur la dernière personne qu’elle a eu en communication…
Sa mère ?

Même si Léo ne m’a peut-être pas tout dit, je sais que Mancini a mis la main sur leur mère et qu’il n’aura aucune pitié à se servir d’elle pour atteindre Ezia…

Ma Bella ne répond à aucune de mes questions. Perdant patience je la saisis par les épaules pour la faire revenir le plus vite possible à elle…

Ezia ! Putain c’était qui ??? demandé-je un brin affolé même si je tente de garder la tête froide.

Dhan, doucement ! Elle a l’air sous le choc ! lui lance Matt en posant une main sur mon épaule dans l’espoir de l’apaiser. Laisse la reprendre doucement son sang froid.

Je me concentre pour prendre une profonde inspiration, me redresse et prends ma petite blonde dans mes bras. Au bout d’un temps qui semble durer une éternité, elle reprend enfin ses esprits et nous explique ce qu’il s’est passé.

Eu.. Je… J’ai appelé ma mère… C’est bientôt l’anniversaire de mon père… Je voulais simplement savoir s’il viendrait le passer ici… avec moi… Mais… Mais il y avait cet homme avec ma mère, je ne le connais pas… Lui avait l’air de me connaître… Dhan, tu ne t’en serais pas pris à mes parents sans me le dire ? me demande-t-elle totalement perdue.

D’une main je saisis son menton pour plonger dans ses beaux yeux bleus.

Je ne m'en serais pas pris à tes parents sans que tu ne le saches Ezia…

Je n’ai pas à lui avouer mon plan de départ et ma réponse n’est pas un mensonge pour une fois… M’en prendre à ses parents n’avait aucun intérêt pour moi… encore moins maintenant que je sais qui elle est.

Qui est-il alors ? Tu le sais ? enchaîne-t-elle.

Oui… C’est ton père… C’est la réponse qui devrait sortir de ma bouche.

Non. Je ne sais pas ! dis-je fermement en détournant les yeux.

Un jour je te dirais toute la vérité…

Un a un, je regarde les gars avant de souffler longuement et de lâcher une bombe…

On ne participe pas à la course ce soir ! affirmé-je d’un ton sec qui a le mérite de faire sortir les yeux des orbites de toute mon équipe.

Dhan ? T’es sérieux ? me lance mon cousin. Tu vas dire quoi à ton vieux ?
Et oui… Mon paternel… il est là le problème…

Ne pas courir ce soir pénalise mon équipe et nos chances de remporter la totalité de la compétition.

Mon père a participé à la création de ces championnats il y a de ça une vingtaine d’années. Même s’il est resté vivre en Irlande, notre réseau n’a jamais loupé une seule édition de cette compétition, je ne saurais l’expliquer mais j’ai l’impression que c’est quelque chose qui lui tient à cœur. M’en voudra-t-il si je ne vais pas jusqu’au bout cette année ?

Mon téléphone sonne dans ma poche. Lâchant Ezia, je m’empare de l’appareil et souffle en voyant le nom de l’interlocuteur…
Quand on parle du loup…

Un simple regard à Tayron suffit pour qu'il comprenne de qui il s’agit. Ni une ni deux, je sors de la chambre en direction de la terrasse avant de répondre sous les yeux interrogateurs d’Ezia.

Dad ! (Papa) dis-je en décrochant.

Enfin j’entends la voix de mon cher fils ! lance mon paternel. Tu n’as pas des choses à me raconter à tout hasard ? finit-il tranchant.

A quel moment j’ai cru pouvoir cacher ce qu’il se passe ici à Kenan O’Neil… Ce n’était qu’une question de temps avant qu’il ait écho des emmerdes que nous avons ici, je suis même surpris qu’il ne m’ait pas appelé plus tôt.

Comme le fait qu'il fait toujours chaud sur la côte ouest ? demandé-je en essayant une esquive.

Qui ne tente rien, n'a rien paraît-il …

DHANNY ! crache-t-il d'un ton accusateur. Trois de mes camions en direction de l'est de l'Europe se sont fait arrêter par les fédéraux. Pile sur deux axes appartenant aux Calabrais… Et ne crois pas que je ne suis pas au courant des embuscades auxquelles tu fais face et de l'entrepôt qui a pris feu ! Caleb est rentré au pays il n'y a pas longtemps, il m'a appris que tu avais enlevé une jeune femme qui serais responsable de la mort de son frère… Qu'est-ce que tu fous ?

Tout en écoutant le monologue de mon père sur toutes les choses que je lui ai caché, je saisis mon paquet de clopes, en sors une, et ne perds pas de temps à l'allumer.

Caleb… Caleb… Caleb… ce prénom me donne mal à la tête. Ce petit bâtard est allé pleurer dans les bras de nos paternels.
Prenant une grande inspiration, je décide de raconter tout ce qu'il s'est passé ces derniers mois… en précisant bien qui est la jeune femme, ses talents derrière un volant et la rencontre avec Léo. Volontairement, je tais mes sentiments pour Ezia… A l'autre bout du fil, mon père reste bouche bée quelques minutes avant de répondre.

Aodhan ! Tu vas rendre sa fille à Francesco et c'est un ordre. Peu importe l'accord que tu as passé avec son frère ! Suis-je assez clair ou dois-je venir régler la chose par moi-même ?

Mais… Si je fais ça, je romps l'accord que j'ai fait avec son frère. Et je peux pas le nier, les dernières infos qu'il m'a donné nous on été d'une grande aide.

Ecoute-moi bien Dhanny ! J'ai déjà perdu trop de choses à cause de Mancini et je n'ai pas envie de te perdre toi ou qu'il s'en prenne à ta sœur parce que tu détiens sa fille. Rends-la à sa famille et sors de ses emmerdes ! C'est un ordre.

Je comprends au ton employé par mon père que je ne suis pas en position de riposter, Kenan O'Neil a donné son verdict et il n'en sera pas autrement. Je reste tout de même focalisé sur une partie de son discours…

Comment ça tu as perdu trop à cause d'eux ? demandé-je.

Rends lui sa fille et ne cherche pas à comprendre ! coupant court sur le sujet mon père enchaîne. Et les championnats, pour l'honneur de la famille, gagne-les ! Même sans cette jeune femme, je sais que tu as de bons pilotes.

Après quelques brefs échanges sur la compétition, les voitures et les concurrents, l'appel avec mon père prend fin.

Assis dans un des fauteuils du salon de jardin, la cheville droite sur le genou gauche, je m'amuse à faire tourner mon téléphone entre mes doigts complètement perdu dans mes pensées.

Rends lui sa fille…
Rends. lui. sa. fille…

Et si j'avais parlé de mes sentiments pour Ezia, mon père aurait-il tenu un discours différent ? Son ton était des plus durs lorsqu'il m'a donné l'ordre de rendre Ezia à sa famille.

Arg… pfff… que dois-je faire ??

Écouter mon père ? Suivre mon instinct ? Ou bien mon coeur ? Qu'a-t-il bien pu se passer entre les deux chefs de gang pour en arriver là aujourd'hui ? Le peu d'enquête que j'ai fait m'a appris qu'il y a une vingtaine d'années, nos pères étaient très proches ; ils organisaient bon nombre d’événements ensemble et avaient formé une alliance les rendant tout-puissants. Personne ne pouvait les égaler ou tenter de les éradiquer. Nos mères étaient de bonnes amies… Que s’est-il passé pour qu’ils ne se parlent plus ?

Dhan ! Aodhan ! la voix d’Ezia me sort de mes pensées.

D’une main je pince l'arrête de mon nez dans l’espoir de revenir dans l’instant présent.

Aodhan ! enchaîne Lane.

QUOI ! craché-je agacé faisant sursauter tout le monde.

Aucun des membres de l’équipe n'ose prononcer un mot.

Qu’est-ce qu’il y a ? je tente à nouveau d’une voix plus calme.

On ne peut pas renoncer à la course ! lance ma petite blonde. Nous ne sommes pas venus jusqu’ici pour rien.

Redressant la tête, je plante mes yeux émeraudes dans l’océan des iris d’Ezia. Je ne réponds pas, laissant le temps à la bataille qui fait rage au fond de moi de faire son chemin.

Mon petit ange : Reste sur ta position et ne participons pas à cette course !

Mon petit diable : Oui, c’est ça ! C’est ça ! Écoute le cet abruti aux plumes blanches et soyons la risée de la famille ! Ton père va t’en vouloir Dhanny !

Mon petit ange : N’écoute pas cet allumé de diablotin ! Dhan, tu l’aimes ! Tu as entendu l’allumé de la gâchette ? Il l’aime !! Faire cette course c’est risquer de la perdre ! 

Mon petit diable : Oui, c’est ça écoute le cul-béni et fais toi expulser de la famille ! C’est l’ancêtre qui va être déçu… Que te disait-il déjà ?  Ah oui… “Ne t’attache à aucune femme, baise toutes celles que tu veux. Mais surtout ne tombe amoureux d’aucune, elle causera ta perte !”

Mon petit ange : Miséricorde ! tu t’entends parler le pyromane ?  L’ancêtre serait tombé fou amoureux de cette petite blonde lui aussi ! Elle est courageuse, douée et n’a pas froid aux yeux. Ne prenons pas de risques !

Mon petit diable : Peut-être… En attendant Dhanny n’a même pas dit à “Papounet” ce qu’il ressent pour elle ! La famille d’abord Dhan, ça a toujours été la famille d’abord… Alors cours cette course ! En plus elle est en train de te supplier de la faire…

Désespéré par la situation, mon petit ange secoue la tête, le visage caché dans une de ses mains. Il sait… Il sait tout comme moi que le Diablotin a raison… La famille ! Je ne peux pas décevoir mon père, ni mon grand père qui même s’il est de l’autre côté viendra me tirer les oreilles durant la nuit si j'abandonne. Le cœur lourd, j’écoute le discours d’Ezia me suppliant de participer à cette course, m'expliquant qu’elle n’a pas envie d’être un frein pour moi et qu’elle se sent totalement capable de conduire ce soir.

Je serais super performante ! finit-elle.

Ça j’en ai aucun doute… Mais quand tu verras Léo… Comment vas-tu réagir ? Cette question me brûle les lèvres, mais je ne peux pas la poser, putain. Puis de toute façon, au vu de sa course contre Caleb… je connais déjà la réponse. Tout ce qui touche à son frère fait totalement bloquer ma petite blonde…

Encore une fois, je sonde les iris de mes hommes et de mon cousin. Tayron a beau apprécier Ezia, elle n’est pas de notre famille… Sans lui demander, je connais déjà sa réponse : nous devons rouler ce soir, Ezia ou pas Ezia. Avant de donner mon verdict, je me fais une promesse.

Un jour Ezia… Un jour tu feras partie de ma famille… Tu seras complètement mienne et je n’aurais plus ce maudit choix à faire.

Prenant une longue inspiration je lance.

Nous participerons à cette course ce soir ! Par contre, je serai intransigeant là-dessus, en aucun cas on ne laisse Ezia toute seule ! C’est bien compris ?

Sans prononcer un seul mot l’ensemble de l’équipe acquiesce mon ordre.

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