Je prends place dans la Jaguar de Tay et direction le Muchacha, un bar tendance situé en rooftop avec une vue sur l'océan.
Dans l'ascenseur, le regard de Tay posé sur moi se fait insistant, à tel point que je n'arrive pas à en faire abstraction, mes mains sont moites et sans que je ne le veuille mon cœur accélère.
Le point positif, c'est que cette fois, ce n'est pas à cause d'un cauchemar ou d'une crise d'angoisse !
Je lève la tête à la recherche de ses yeux qui scrutent mon visage sous tous ses angles.
— J'ai quelque chose sur le visage ? lui demandé-je en espérant qu'il n'ait pas remarqué l'effet qu'il me fait.
— Tu es vraiment magnifique ! dit-il en fixant ses yeux marrons verts dans les miens.
J'étouffe un rire nerveux. C'est moi ou il fait de plus en plus chaud dans cet ascenseur, je sens une goutte de sueur descendre le long de ma colonne vertébrale. Furtivement, je jette un coup d'œil sur l'écran indiquant le nombre d'étages qu'il reste à monter. Cinq, encore cinq étages avant d'avoir accès à l'air frais du rooftop.
Tayron ne me laisse pas répondre et enchaîne.
— La robe te va super bien... même si je préférais la tenue d'hier soir !
Un sourire malicieux étire ses lèvres, me faisant avaler ma salive de travers.
— Désolée de ne pas me balader en sous-vêtement tous les soirs, dis-je de façon sarcastique.
Ses yeux s'illuminent en me matant de haut en bas. Sa langue glisse délicatement sur sa lèvre inférieure.
— Est-ce que ça voudrait dire que tu n'en portes pas ? dit-il d'une voix suave.
— Ne m'en veux pas, Tay, mais je ne t'inviterai pas à vérifier ! lui dis-je, les sourcils relevés. Que les choses soient claires entre nous, on vient boire un coup entre collègues de travail !
Tay répond par un mouvement de tête affirmatif.
L'ascenseur s'ouvre enfin sur le bar. J'accueille l'air frais comme si j'en avais été privée depuis des années. Notre petit échange m'a donné chaud.
L'ambiance qui se dégage du Muchacha est chaleureuse et relaxante. La déco est un équilibre parfait entre bois, plantes vertes et guirlandes lumineuses blanches. Des braseros sont installés un peu partout entre des mange-debout et sur le côté, qui surplombe l'océan, se trouvent des banquettes faites à partir de palettes, recouvertes de gros coussins blancs. Les banquettes sont agencées en une dizaine de zones, bien distinctes, pouvant accueillir entre cinq et dix personnes. En général, c'est dans ces zones que nous nous installons avec mes amis, c'est d'ailleurs ici qu'ils viendront plus tard dans la soirée et que, je l'espère, nous les rejoindrons avec Tay. La musique latino a pris possession des lieux, me donnant instinctivement envie de bouger les hanches et les épaules.
Ça fait si longtemps que je ne suis pas sortie, je crois que ça me manque !
Nous passons commande au bar, un verre de whisky et un cocktail, puis nous nous installons sur des tabourets autour d'un des mange-debout.
— Bon et si tu me parlais un peu de toi ? me demande Tay en posant ses coudes sur la table.
— Et si, tu me parlais de toi ? Parce que pour le moment, tu me connais plus que je ne te connais ! dis-je un sourcil relevé.
— Pas faux ! Que veux-tu savoir ? réponds Tay un petit sourire en coin.
Je bois un peu de mon cocktail avant de lui poser ma première question.
— Comment tu t'es retrouvé au Splendide hier soir ?
Il rit.
— Tu as dû trouver ça louche... surtout que quelques heures avant je te proposais d'aller boire un verre !
J'acquiesce d'un mouvement de tête. Effectivement, avant de quitter le boulot il m'invite et je le retrouve quelques heures après dans un club de strip-tease, n'importe quelle nana trouverait ça louche.
— Un de mes cousins, qui est déjà venu à Los Angeles, m'a dit que c'était un bar sympa pour faire des rencontres. Je ne m'attendais pas du tout à trouver un club de strip-tease, mais bon une fois sur place, autant en profiter... C'est ce que j'ai fait. Jusqu'à ce qu'une jeune femme se fasse agresser par un client, m'explique-t-il me rappelant l'incidant de la veille.
— Tu étais dans le club depuis longtemps ?
— Assez pour être jaloux de la barre autour de laquelle tu dansais ! lance-t-il le regard plein de sous-entendus.
J'avale mon cocktail de travers et m'étouffe pendant que mon cœur rate un battement. Portant ma main devant ma bouche, je me racle la gorge.
— Ça va ? dit Tay en me tapotant le dos.
— O..Oui, merci !
S'il me fait des sous-entendus comme ça toute la soirée... elle va être longue !
— Et si nous pimentions notre conversation avec un jeu... Pierre-papier-ciseaux ? propose-t-il. Le gagnant de chaque tour pose la question de son choix à l'autre. Partante ?
Je me voyais plutôt l'interroger tout le reste de la soirée ça m'éviterait de parler de moi mais mon côté joueuse aime bien l'idée.
— Partante !
Nous plaçons nos mains, les poings fermés, face à face et disons les mots "Pierre-papier-ciseaux" en même temps. Tay joue les ciseaux et moi la pierre. Je remporte donc la première partie. Je ne perds pas de temps et débite la multitude de questions qui me viennent en tête.
— D'où tu viens ? Qu'est-ce qui t'amène à Los Angeles ? Et tu as quel âge ?
Il boit une gorgée de son whisky avant de répondre.
— Le but n'est pas de poser toutes les questions d'un coup, princesse, souligne-t-il avant de répondre. Je viens de Dublin et j'ai 25 ans. J'ai toujours eu envie de découvrir le monde et j'avais besoin de changer d'air. J'ai donc fait mes valises, posé mon doigt au hasard sur la carte du monde et le destin a choisi L.A. pour une durée indéterminée ! m'explique-t-il, en finissant avec un sourire sincère.
Quel courage de partir seul à l'autre bout du monde, je ne sais pas si j'en serais capable. Il faut dire que mes parents m'ont mal habitués, nous avons voyagé un peu partout dans le monde mais toujours tous les quatre. Quand j'ai eu l'occasion de partir avec des amis, ils n'ont jamais accepté... Alors partir seule... y penser ça me fait peur.
En fait, beaucoup de choses me font peur comme perdre le contrôle. Pourtant, derrière le volant d'une voiture, je me suis toujours sentie puissante. J'ai toujours eu la sensation que rien ne pouvait m'atteindre, rien ne pouvait m'arriver. Je roulais à une vitesse complètement folle pour la plupart des mortels, mais je me sentais vivante. Je ne me suis pas arrêtée sur le fait que la voiture puisse décrocher de la route et partir dans le décor, ça ne m'a jamais fait peur. Alors que même si l'on pense maîtriser la voiture, le risque zéro n'existe pas.
L'accident de Léo m'a fait réfléchir et j'ai arrêté de rouler comme si j'avais plusieurs vies.
J'ai arrêté de rouler tout simplement !
Nous replaçons nos poings l'un face à l'autre. La deuxième manche, c'est Tay qui la remporte.
— Tu étudies quoi à la fac ? Tu as quel âge d'ailleurs ?
— Je vais avoir 23 ans. Et j'étudie l'ingénierie automobile. prenant les devants sur, je développe. J'ai toujours été passionnée par les sports automobiles et la mécanique. Avec mon frère, nous passions des heures sur les moteurs de ses voitures de courses pour améliorer leurs performances. C'est ce qui m'a donné envie de faire ce métier.
Je baisse mon visage sur mon verre en pensant à mon frère, laissant échapper une longue expiration. Jusqu'au moment où le poing de Tay fait apparition dans mon champ de vision. La chance n'est clairement pas avec moi ce soir, le grand brun gagne une seconde fois.
Merde !
Un sourire satisfait sur le visage, il boit un peu de son whisky avant de me poser sa prochaine question.
— Elle est à toi, la Mustang Shelby, que tu m'as expressément demandé de ne pas toucher ?
Attention terrain glissant.
De toutes les questions qu'il peut me poser, il faut que ce soit celle-ci. C'est bien la dernière chose dont j'ai envie de parler. Je me tends, mais ne laisse rien paraître.
Réponds et passez vite à autre chose ma fille ! Aller ! Courage !
— Non...enfin Oui... je bois une gorgée de cocktail avant de continuer. Elle appartenait à mon frère.
Le regard insistant et interrogateur de Tay sur moi m'incite à en dire plus.
— Mon frère participait à des courses sauvages. Depuis sa mort, elle n'a pas bougé du garage. Tom la fait tourner de temps en temps pour s'assurer que tout va bien.
— Tu ne... commence-t-il.
— On n'a pas joué ! l'interromps-je le visage fermé.
Une victoire, une question, c'est ce qu'il a proposé. C'est aussi une bonne excuse pour moi, si je gagne, je peux changer de sujet.
Et merde !
Tay remporte encore cette manche. Fier de lui, il me pose sa question.
— Tu ne t'en sers pas ?
Je lâche un souffle d'exaspération.
— Non, je ne l'ai plus touchée depuis l'accident. Et je ne suis pas prête à le faire...
Pour la première fois depuis que nous nous connaissons, Tay me regarde avec tendresse. Je m'attendais à de la pitié, ou de la tristesse, parce qu'en général c'est ce que affichent les personnes lorsque nous en parlons, inconsciemment ça me réchauffe le cœur.
— Je pense que je vais aller sur un terrain glissant, me lance Tay avant de poursuivre. Mais pourquoi tu ne courrais pas toi aussi ? Tu gagnerais plus d'argent et tu n'aurais plus besoin de travailler au club.
Mes yeux sortent de leurs orbites et mon corps se tend encore plus. Il vient vraiment de me proposer de participer aux courses qui ont tué mon frère.
— Rassure moi, tu plaisantes !
— Non, Ez ! Je suis on ne peut plus sérieux !
Je plonge dans ses yeux en espérant y trouver une lueur qui me ferait dire qu'il ment. Malheureusement, ce n'est pas le cas, il est vraiment sérieux. À la mort de Léo, je me suis fait la promesse de ne plus mettre les pieds dans ce genre de rassemblement, encore moins d'y participer.
Mes traits et ma voix se durcissent.
— Je crois que tu as oublié le passage où mon frère a perdu la vie pendant une de ces courses ! À moins que Tom ne t'ai pas tout dit.
Tayron soutient mon regard, il ne semble pas surpris par ma réaction.
— Si. Il m'a tout dit.
— Donc, si tu réfléchis ! j'insiste sur le dernier mot. Je ne vais pas aller faire la chose qui a coûté la vie à mon frère
Tay souffle d'exaspération et lève les yeux au ciel.
C'est une blague, ma réaction l'agace !
— Il n'a pas eu cet accident avec sa voiture ! Tu po...
Les nerfs me montent, je lui coupe la parole dans l'espoir de clore le sujet.
— Je pourrais rien du tout ! Même pas en rêve, Tayron !! ma voix monte d'un ton et attire l'attention des clients autour de nous.
Un flash de la voiture en feu fait son apparition dans mon esprit. Les mains tremblantes, je finis mon verre cul sec. J'attrape le paquet de clopes de Tayron posé sur la table. Je sors une cigarette et la porte à mes lèvres. Je m'empare du briquet, avec lequel Tayron est en train de jouer, et l'allume sous son regard surpris. J'aspire la première latte comme une bouffée d'oxygène.
— Tu fumes ?
Je lui lance un regard noir, qu'est-ce que ça peut lui foutre ?
Je ne fumais pas avant. Léo aurait pété un plomb s'il m'avait surprise avec une cigarette à la main. Après son décès, je n'étais que l'ombre de moi-même. J'ai réussi à cohabiter avec la tristesse et la colère pendant six mois. En journée, lorsque j'étais en cours, ou au garage, j'arrivais à penser à autre chose mais dès lors que je franchissais la porte de l'appartement, tout me revenait en pleine figure. Au début, mes amis se relayaient pour ne pas me laisser seule. C'était un moyen pour eux d'avoir un œil sur moi. Un soir, Ethan fumait un joint par la fenêtre de la cuisine, n'en pouvant plus de ces émotions qui me rongeaient je lui ai demandé d'essayer. Comme tout fumeur débutant, je me suis étouffée aux premières lattes. Mon ami a ri, a récupéré le joint de mes mains et m'a dit que de toute façon ce n'était pas bien. Bien entendu, je ne l'ai pas écouté, je lui ai arraché des mains en m'empressant de recommencer.
Le cannabis me donnait ce que je voulais. Grâce à lui, tristesse et colère se dissipaient le temps de quelques heures. Puis j'ai voulu recommencer, encore et encore. Ethan a alors posé ses conditions : je fumerais qu'en sa présence, c'est lui qui roulerait le joint, ainsi il gérait le dosage de la drogue et surtout je ne chercherais jamais à en acheter par moi-même.
Quand il m'a annoncé qu'il partait en vacances pendant un mois en août, je me suis rabattue sur la cigarette. Elle ne me donne pas le même effet que le cannabis, mais elle détend mes nerfs.
— C'est la seule chose que j'ai trouvé pour détendre mes nerfs ces derniers temps ! Et tu viens de les pousser à bout ! crachai-je à Tay.
Son téléphone sonne, mettant fin à notre conversation.
Merci mon dieu !
Il s'excuse et s'écarte pour prendre l'appel, me laissant à notre table en compagnie de nos verres vides et de ma clope. Je passe une main dans ma nuque pour essayer de détendre mes nerfs, qui ont été mis à rude épreuve à cause de Tay.
C'est un crétin putain !
Me faire chanter pour boire un coup avec lui pour me parler de mon frère et oser me proposer de courir une de ces courses sauvages.
Crétin !
De toute façon, même si je le voulais, je n'ai pas conduit de voiture aussi puissante depuis trop longtemps. Je suppose que c'est comme le vélo, ça ne s'oublie pas.
La voiture dans laquelle mon frère était pris au piège des flammes ne s'oublie pas non plus... ma fille !
J'ai beaucoup trop peur de reprendre le volant de façon sportive. Conduire sur ces courses avec de l'appréhension, c'est aller à la faute directe.
" Aujourd'hui, j'ai 19 ans. Pour l'occasion, Léo va me faire conduire sa nouvelle voiture de sport, une Nissan GTR, pour la première fois. Je suis super excité et en même temps j'ai une boule au ventre. Ce n'est pas rien, passer d'une petite citadine de 110 chevaux à une coupé de 500 chevaux.
— Tu es prête mon petit aigle !
Il me surnomme ainsi car mon prénom, Ezia, signifie Aigle en latin. Moi je le surnomme mon petit lion. Ça a le don de l'énerver et de me faire rire !
— Je suis plus que prête mon petit lion !
Il râle en me lançant les clés de la voiture.
Je prends place côté conducteur et règle tout ce qui a besoin de l'être : le volant, le siège, le rétroviseur central.
— Bon pour commencer c'est une boîte automatique. Ce qui veut dire que tu as que deux pédales : le frein et l'accélérateur. Du coup, le levier ne te sert pas à passer les vitesses mais à mettre la marche avant, la marche arrière et en neutre lorsque tu es garée. Ça va jusque là ?
J'essaie de retenir toutes les informations qu'il me donne. Pour notre première séance, il va à l'essentiel. J'appréhende, même si l'objectif du jour se limite à aller au supermarché.
Je passe la marche avant. Lorsque je presse le pied sur l'accélérateur, la voiture répond au quart de tour, me laissant échapper un juron de surprise. Mes mains serrent si fort le volant que mes articulations deviennent blanches.
Léo pose une main rassurante sur ma cuisse.
— T'inquiète soeurette, c'est toujours surprenant la première fois.
J'arrive à repartir mais je n'ai pas confiance en moi. Léo le voit.
— L'appréhension ne t'amènera qu'à la faute avec ce genre de voiture. Détends-toi et fais-toi confiance. Tu peux le faire.
Le trajet jusqu'au supermarché se passe sans encombre, je prends confiance petit à petit, mais je nous secoue comme des pruniers lorsque je freine ou accélère, n'arrivant pas à doser.
Léo est quand même fier de moi.
— Garde en tête que ces voitures se conduisent avec délicatesse. Dis-toi que si tu y vas trop fort tu pourrais la casser. Je pourrais te dire que c'est comme quand tu couches avec une nana, mais je pense pas que tu comprennes.
Mes joues deviennent rouges. Léo éclate de rire.
— LEOO !! crie-je l'air faussement dégoûté, avant de rire avec lui."
Je suis sortie de mes pensées par le serveur qui pose un cocktail devant moi. Je l'interpelle.
— Excusez-moi, mais je n'ai rien commandé.
— Il vous est offert par ce monsieur. me dit-il en pointant le concerné avec son index.
Je tourne la tête dans la direction indiquée par le serveur. L'inconnu est installé sur une banquette en compagnie d'amis et la jeune brune à sa gauche est presque sur ses genoux. Au moment où nos regards se croisent, il lève son verre à mon attention, ce à quoi je réponds en haussant les sourcils d'incompréhension. Le regard intense de cet homme fait naître une sensation de malaise dans tout mon être, instinctivement j'attrape mon téléphone. Ça fait au moins dix minutes que Tayron est au téléphone.
Alors que je checke mes réseaux sociaux, le tabouret qu'occupait Tayron fait du bruit.
— J'ai failli... commençai-je en quittant mon téléphone des yeux.
— Vous avez failli ? dit une voix rauque qui m'est inconnue.
La sensation de malaise qui m'habite monte d'un cran faisant accélérer les battements de mon cœur. Ce n'est pas Tayron qui vient de récupérer sa place, mais le mystérieux inconnu au cocktail.
Il n'était pas en train de se faire chevaucher par une brune il y a deux minutes ?
Un sourire charmeur aux lèvres, il plonge profondément ses yeux dans les miens.
— Bonsoir, je m'appelle Aodhan ! dit-il d'une voix mielleuse.
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