Chapitre 2

On a roulé toute la nuit sans savoir où aller. Ça aurait pu être cool mais Jim et moi on étaient fatigués et blessés. Le truc, c'est qu'il y avait pas de pharmacie ouverte la nuit alors on devait attendre le lendemain matin et puis on pouvait pas non plus rester sur place parce que si ça trouve les flics étaient déjà au courant de l'accident. Quand Jim commençait à fermer les yeux, on faisait l'échange et c'était moi qui conduisait. On a bien dû échanger les rôles une dizaine de fois. La nuit s'est décomposée de cette façon : une conduite d'une demi-heure et une sieste de vingt minutes. Parfois on éteignait la radio parce que la musique nous berçait et on voulait surtout pas avoir un accident. On aurait fait comment sans voiture pour s'enfuir ?

On a quand même fini par s'arrêter pour dormir. Il devait être quatre heures du matin et c'était en plein milieu des bois. On a dormi pendant cinq heures. Ça parait peu et ça l'est mais je crois qu'aucun de nous deux n'arrivaient vraiment à dormir. Je dormais sur Jim, la tête sur son épaule et lui sa main sur ma taille. Je crois qu'on avait besoin de ce contact physique pour se rassurer et se dire qu'aucun de nous deux ne partiraient sans l'autre. J'ouvrais parfois les yeux et je le regardais dormir en me demandant de quoi il rêvait.Je l'ai fait la première nuit qu'on a passé ensemble et toutes les autres nuits qui ont suivies. Mais jamais je ne lui ai demandé vraiment à quoi il pensait en dormant. J'imaginais simplement. Je suis sûre qu'il ne pensait pas à moi... La première nuit dans la voiture, je crois qu'il pensait aux ennuis qui pourraient nous arriver. Ça m'arrivait moi aussi d'y penser et assez souvent d'ailleurs. Mais cette nuit là, j'ai rêvé que j'étais dans mon lit chez mon père, comme si rien ne s'était passé. Puis j'ai ouvert les yeux, j'ai vu Jim et j'ai compris que plus jamais je ne dormirais dans mon lit. Ça m'a fait bizarre de me dire ça parce que, en dehors de chez Wendy de temps en temps, j'avais jamais dormi nulle part ailleurs que chez mon père. Mon lit me manque.

Je me suis réveillée aux premier rayons du soleil. Il ne faisait pas chaud dans la voiture. On avait pas de couverture et le seul moyen de se réchauffer s'était de se blottir l'un à côté de l'autre.Comme les rayons du soleil ont caressé ma joue et que j'avais froid,j'ai voulu me blottir contre Jim mais mon corps n'a pas trouvé le sien. J'ai ouvert aussitôt les yeux et comme je ne l'ai pas vu, j'ai commencé à avoir peur. Je me suis dit qu'il m'avait abandonné,laissée avec la caisse, l'arme et mes dix dollars. Jim aurait été un connard de faire ça. Un connard oui, mais un humain. On fuit tous devant le danger. Jim était soit parti me balancer aux flics soit ils'était juste volatilisé. Si c'était le cas, c'est moi qui serait allée le balancer. J'aurais joué les victimes et à coup sûr ça aurait marché. Il devait être parti à pied et ne devait pas être bien loin. Je suis sortie de la voiture en trombe et je l'ai vu adossé contre le capot avant. Il a dû sûrement entendre la portière s'ouvrir car il s'est retourné et m'a souri. Je l'ai rejoins et me suis adossée à côté de lui.

''T'en veux une ? '' qu'il me proposa en marmonna avec sa cigarette dans la bouche.

''Je fume pas. ''

Il arien dit de plus et à continuer à fumer sa cigarette comme si je n'étais pas là. Je regardais le ciel bleu et je me demandais quelle heure il pouvait être. Il faisait beau et c'était notre premier jour de cavale. Des belles journées comme ça on allait encore en passer. Jim avait remis sa veste en jean, peut-être qu'il avait froid lui aussi.

''J'aurais aimé te proposer de quoi faire un petit-déjeuner mais j'ai rien sous la main. '' déclara Jim après avoir soufflé une bouffée de fumée.

J'ai haussé les épaules et lui ai répondu que j'avais pas faim de toute façon. Après ça, il s'est remis à fumer. On était deux parfaits étrangers que le destin avait fait croiser les chemins. Personne parlait parce que personne savait quoi dire. On allait pas se demander si on avait bien dormi parce qu'on connaissait déjà la réponse de l'autre. On avait rien à se raconter. A la place, chacun était dans ses pensées.

''C'est quoi le plan ? '' lui demandai-je après un long silence de réflexion.

Jim écrasa sa cigarette au sol et monta dans la voiture. Je le suivais en écoutant ce qu'il comptait faire. '' Le plan c'est comme tu l'as dit hier, on va chercher de quoi se soigner, de nouveaux fringues et après on avisera. ''

Il amis le contact et on est reparti.

''Tu sais où on va au moins ? ''

Jim a ri. '' Foutre non ! Je vais là où la route me conduit en espérant que ce soit une ville avec une supérette. ''

Il semblait confiant et moi ça me rassurait. Il savait ce qu'il faisait et c'était bon à savoir. J'avais juste à suivre sans rien dire.


On a atterri dans une petite ville de campagne perdue dans la forêt, une vingtaine de minutes plus tard. C'était plutôt charmant, le genre cadre idyllique qu'on voit sur les cartes postales. Jim s'est garé sur le parking de la supérette et m'a énoncé rapidement comment les choses allaient se passer.

''Ok. '' Il regarda vers l'entrée du magasin. '' Ça a l'air calme mais on va devoir se dépêcher quand même pour que tu puisses voler le maximum. ''

''Voler ? '' lui fis-je répéter. '' Mais j'ai... j'ai jamais volé quoique ce soit... ''

En vérité j'avais déjà volé quelques trucs avant, quand j'étais gosse. Mais ça s'arrête à une pomme sur un stand et trois stylos à l'école. Là, Jim parlait de vrai vol !

''Tu sais ce qu'on dit; il faut une première fois à tout ! Tu vas rentrer dans le magasin sans rien faire pour le moment. Je vais arriver après et faire diversion pendant que tu voles tout ce que tu peux. Tu prendras au passage une carte de la région. ''

''Qu'est-ce que tu vas faire ? '' demandai-je peu rassurée.

''Je vais rentrer et prétendre qu'on m'a blessé dans une rue plus loin... Ils vont voir les blessures et voudront m'aider. Ça te laissera assez de temps pour prendre ce qu'il nous faut. ''

L'idée était bien mais je ne me sentais pas prête à faire un truc pareil et Jim a dû déceler ça dans mon regard. Il m'a attrapé la main et a tenté de me rassurer. Aujourd'hui Jim n'a plus besoin de me rassurer. Je crois avoir pris le plis. J'ai fait bien pire que voler... Quand je repense à ce moment, ça me donne le sourire.J'étais tellement innocente il y a deux mois de cela.

''Tu vas y arriver June t'en fais pas ! Je crois en toi ! ''

Il m'a embrassé en vitesse et je suis partie. Pendant ma marche jusqu'à la supérette, j'ai pensé à faire demi-tour mais je l'ai pas fait parce que je ne voulais pas décevoir Jim et je voulais lui prouver que j'étais pas une trouillarde.

Dans la supérette, il y avait la radio et la clim. J'ai baissé la tête et me suis rendue dans le coin pharmacie. En marchant tête baissée,personne ne pouvait voir mon visage et par conséquent les bleus que m'avaient laissé ces cons la veille. Il y avait une famille qui faisait ses courses ainsi que deux jeunes. Du coin de l'œil,j'inspectai les environs. Les battements de mon cœur étaient rapides et je le sentais cogner contre ma poitrine. J'ai posé la main sur une bouteille d'alcool à désinfecter et ai fait mine de lire les instructions d'utilisation. Je donnai l'air occupée comme ça. Je posai ensuite la bouteille et en pris une autre puis lis une nouvelle fois le mode d'emploi. De temps en temps, je relevai les yeux pour voir ce que fabriquait Jim. Ne le voyant pas arriver je commençai à paniquer.

''Excusez-moi, je peux vous aider ? '' demanda une voix étrangère à droite, me faisant aussitôt sursauter.

J'ai reposé en vitesse la bouteille et me suis retournée aussitôt.

''Aidez-moi.... On m'a frappé... ''

C'était Jim. L'employé et moi on a regardé par-dessus les étagères et on l'a vu rentrer dans le magasin, le dos voûté, titubant et se tenant les côtes à pleines mains. Il avait retiré sa veste pour que tout le monde puisse voir son t-shirt blanc taché de sang. Jim tremblait et exagérait tous ses gestes, ses expressions et ses paroles. Il était plutôt bon comédien. Je crois que si je n'avais pas été impliquée dans cette histoire j'y aurais cru, comme cette famille qui faisait ses courses, les deux jeunes, l'employé à la caisse et celui dans les rayons. Jim est allé jusqu'à la caisse où il s'est appuyé comme épuisé et toutes les personnes dans le magasins sont allées lui porter secours. Tous, bien sûr sauf moi. L'employé m'a abandonné et est allé rejoindre les autres.

''Monsieur... Qu'est-ce qu'il vous est arrivé? Vous voulez qu'on appelle quelqu'un ? ''

Jim disait que ça ne servait à rien et à la place, il raconta son histoire avec le plus de détails précis pour me faire gagner du temps.

''Moi j'suis pas d'ici. Je connais pas la région et tout, alors je me gare là, juste en face d'vôtre petite supérette. '' Il désigna une voiture imaginaire sur le parking. '' Et v'là que deux gros costauds viennent vers moi et me sortent de ma caisse sans raisons !'' Il a rit et a ajouté. '' J'suis pas très costaud comme gars enfin pas comme eux vous voyez alors j'ai essayé de calmer la situation mais v'là qu'ils veulent que je leur donne mon fric. Sauf que moi, je suis à sec alors ils me frappent... ''

Pendant que Jim racontait tous ces bobards, j'ai eu le temps de mettre des cotons, des pansements et des compresses dans chacune de mes poches,de cacher dans ma veste deux bouteilles d'alcool à désinfecter,sans oublier de prendre la carte de la région que Jim m'avait demandé. J'ai commencé ensuite à me diriger vers la sortie et Jim a cessé de jacasser. Il s'est relevé d'un coup en affirmant que finalement il allait mieux puis a pris la fuite avec moi. Les personnes présentes essayaient d'abord de le retenir en lui disant que si quelqu'un l'avait blessé, il ferait mieux d'appeler la police mais Jim n'écoutait rien. Il les a juste remercié puis est parti.

''Whaou ! '' qu'il a crié en accélérant le pas sur le parking.

Dans le magasin, les personnes nous regardaient avec étonnement. Ils ne comprenaient sûrement pas ce qu'il venait de se passer.

Arrivés devant la voiture, Jim m'a ouvert la portière et je me suis assise en vitesse jetant les bouteilles sur la banquette arrière et vidant mes poches.

''Tiens... range ça. '' me souffla t-il en retirant de sa ceinture l'arme de poing qui avait servie hier et en me la donnant. Il a ensuite mis le contact et on a quitté fissa le parking.

L'arme encore posée sur les genoux, je me demandai bien quelle idée avait eu Jim derrière la tête.

''Quoi ? '' qu'il a fait en jetant un rapide coup d'œil vers moi. ''C'était au cas où ça tournerait mal. Je comptais pas m'en servir... ''

Je suis restée longtemps comme ça à fixer l'arme sans rien dire. Je dois avouer que pendant l'espace d'une seconde je me suis demandée ce qui arriverait si je tirai sur Jim...ou sur moi. J'avais le doigt sur la détente et la petite voix en moi me disait de tirer. Vous savez, cette même petite voix qui vous dit lorsque vous êtes sur le bord d'une falaise de sauter pour voir ce qu'y arriverait. C'est tentant avouez-le. On a tous cette petite voix qui nous lance ce genre de défis à la con. Parfois, cette voix prend le dessus sur notre conscience et les gens font alors des choses regrettables : ils sautent dans le vide, ou tirent dans le tas. Alors quand cette petite voix me disait de tirer c'était pour voir ce que ça faisait de tuer ou d'être blessé par balle. Hier j'avais tiré dans le vif de l'action sans forcément me rendre compte de ce que tirer voulait vraiment signifier. Je sais ce que vous devez penser au moment même où vous lisez ces lignes de mon journal; cette fille est folle, bien trop bercée par la télé. Je voulais être aussi charismatique que Sigourney Weaver dans Alien. Et c'est cette impression que le flingue sur mes genoux reflétait.

J'ai quand même fini par le ranger et pendant que Jim conduisait, j'ai attrapé à l'arrière de quoi me soigner. J'ai abaissé le pare-soleil et me suis regardée dans le miroir. J'étais beaucoup plus amochée que Jim mais mes joues étaient parsemées tout de même d'ecchymoses et d'égratignures et du sang avait séché autour de mon nez. Jim m'a regardé quelques secondes avant de ramener son regard sur la route.

''Putain.. quelle bande de salauds... je te jure June, j'espère qu'ils sont en Enfer pour t'avoir fait ça. ''

Mon père m'a appris à jamais dire du mal des morts mais je crois que pour ces types, on pouvait faire une exception. Si Dieu existe, il a dû sûrement s'occuper de leurs cas. J'ai commencé par désinfecter les égratignures à l'aide de l'alcool et j'ai ensuite appliqué une sorte de pommade pour faciliter la cicatrisation. J'ai lâché quelques jurons et j'ai serré les dents quand la compresse approchait de mon nez. Puis j'ai relevé mon t-shirt pour voir les dégâts qu'avait causé le coup de pied que je m'étais pris. Ma peau avait gonflé et avait pris une couleur allant du rouge au violet. Je me suis dit qu'une compresse d'alcool allait sûrement faire dégonfler la zone. Là aussi, j'ai fait la grimace. Jim a voulu que je lui prépare une compresse d'alcool pour qu'il puisse se soigner au volant mais j'ai refusé, préférant qu'il se soigne pendant que moi je conduirais. Il a hésité quelques minutes mais a finalement cédé sa place de conducteur. Jim avait bien plus de blessures que moi et quand il a relevé son t-shirt, j'ai cru voir une cicatrice. C'était impossible qu'elle avait été faite hier. Il devait forcément l'avoir avant. Je lui ai pas demandé ce jour-là d'où venait cette cicatrice. J'ai attendu bien des nuits plus tard pour lui demander. On était alors dans un motel de la région et on avait couché ensemble comme presque toutes les nuits à vrai dire.J'étais allongée à ses côtés, la tête contre sa poitrine.

''Comment t'as eu cette cicatrice ? '' lui avais-je demandé en la caressant du bout des doigts.

Jim a relevé la tête de l'oreiller et à regarder sa cicatrice. '' Oh ça ? ''

Il a reposé sa tête et m'a entouré de ses bras.

J'aimais bien quand il faisait ça parce que je me sentais protégée. Je savais que si les flics débarquaient dans la minute, lui il m'aurait protégé.

''Quand j'étais gosse, mon père et moi on a eu une violente dispute.Je devais avoir treize ans je crois et mon père m'avait frappé ce jour-là comme tous les autres jours à vrai dire. ''

Jim m'avait déjà parlé de son père violent lors de nos nuits dans les multiples motels.

''Il a frappé plus fort ce jour là; pour me punir de lui avoir répondu qu'il a dit. J'en avais marre alors j'ai couru dans la cuisine et j'ai pris un couteau dans le tiroir pour me défendre.J'allais le tuer et je crois que lui aussi. Il a attrapé lui aussi un couteau et on a commencé à se poursuivre dans toute la maison.Je me suis pris un meuble dans la jambe ce qui a ralenti ma course et lui a permis de me blesser avec le couteau de cuisine. ''

Il a marqué une pause, m'a regardé et a achevé son récit. '' Et voilà l'origine de cette cicatrice. ''

Jim en parlait comme si ce n'était rien de grave, avec une certaine aisance déconcertante. Je sais pas pourquoi mais je voulais moi aussi une cicatrice. Une cicatrice, ça vous donne de la profondeur,une histoire, un passé chargé d'émotions. Je me suis dit que Jim et moi on pourrait avoir la même cicatrice comme ça, ça prouverait qu'on aurait eu un passé en commun. Il y a des couples qui se font bien des tatouages en commun, pourquoi nous on pourrait pas avoir de cicatrices communes ?


https://youtu.be/S-LO6dctBms

Risin'up, back on the street. Did my time, took my chances. When the distance, now I'm back on my feet. Just a man and his will to survive.

Jim faisait lui aussi la grimace et laissait échapper quelques jurons au passage. Moi je chantais et claquais mes bagues contre le volant en rythme.

It's the eye of the tiger, it's the thrill of the fight. Risin' up to the challenge of our rival. And the last know survivor stalks his prey in the night. And he's watchin' us all with the eye of the tiger. J'ai regardé Jim à la dernière parole du refrain pour l'inciter à chanter avec moi mais il ne l'a pas fait.

''T'as déjà vu Rocky ? ''

''Non. ''

J'ai regardé Jim à deux fois '' Attend tu rigoles ! Tout le monde a déjà vu Rocky ! ''

Jim s'est senti vexé et a répondu aussitôt '' Faut croire que je suis pas tout le monde. ''

Il a continué ensuite à se soigner comme si de rien n'était.

J'ai reporté mon attention sur la route. '' Te vexes pas pour ça c'était juste un constat. ''

Quand j'ai appris plus tard que Jim avait passé beaucoup de temps en prison; presque même toute son adolescence, j'ai compris qu'il y avait plein de chose qu'il avait raté que ce soit dans le domaine musical ou cinématographique.

''Si tu veux, on aura qu'à voir Rocky ensemble. '' lui dis-je en souriant.

Il arien dit alors je savais pas s'il était d'accord mais on l'a quand même fait. Un soir, alors qu'on était encore dans un de ces motels,on a loué la cassette dans le vidéo club au coin de la rue et on l'a regardé. Jim avait l'air d'apprécier le film. Et moi, même si je l'avais déjà vu, le voir avec lui ça m'a fait plaisir.

They stack the odds 'till we take to the street. For the kill with the skill to survive...

''T'as pris le guide que je t'avais demandé ? '' me demanda Jim après avoir terminé de soigner ses blessures.

''Il est derrière. T'as qu'à fouiller. '' lui répondis-je en désignant d'un bref coup de tête la banquette derrière moi.

Ils'est mis à lire le guide pendant que moi, je continuai à chanter la musique qui passait à la radio.

''On va où maintenant ? '' lui demandai-je.

''Essaye de trouver une friperie dans les environs. On va aller se trouver de nouveaux vêtements. ''

Je connaissais pas la ville et aucun panneau n'indiquait une espèce de friperie ou quelque chose dans le genre. Jim releva la tête de son guide et me dit de prendre à droite. Dans une petite rue, il y avait un magasin de l'Armée du Salut. Les vêtements sont pas chers là-bas et comme nous, on avait pas beaucoup d'argent, c'était parfait.

''Gare toi. ''

Jim me désigna un parking à l'arrière de la boutique. Il n'y avait pas de voitures sur le parking. C'était très calme. Je me suis garée,ai coupé le moteur et ai attendue les instructions de Jim.

''T'as combien déjà ? ''

J'ai sorti de la poche de ma veste en cuir un billet de 10$.

''Ok. ''

Jim a sorti ses 75 $ et m'a donné 20 $ en plus.

''Le but c'est qu'on dépense le moins. Prends ce que tu veux mais des vêtements passe-partout qui peuvent nous fondre rapidement dans lamasse. T'as compris ? ''

J'ai hoché rapidement de la tête et on a quitté le parking.


Dans la boutique, j'aurais pu y rester des heures entières. J'aurais aimé essayer tous les vêtements qu'il y avait. Toutes les robes, tous les manteaux, tous les jeans, toutes les chaussettes et chaussures. Sauf que je ne pouvais pas, parce qu'on devait se dépêcher. C'était toujours pareil avec Jim; toujours dans la vitesse et la précipitation même pour les vols et les meurtres. Moi j'aime bien prendre mon temps et faire les choses proprement. Mais non, il faut toujours se dépêcher. Je voudrais prendre mon temps parfois, même si ce n'est qu'une fois. Parfois, je voudrais être au bord d'une piscine ou au bord de la mer et penser à autre chose que la vitesse et la course infernale contre les flics.

On est parti chacun de son côté avec Jim mais on se surveillait du coin de l'œil comme si au fond, on avait peur que l'autre parte sans nous et nous abandonne. Je faisais le tour des rayons en prenant comme Jim l'avait dit, des fringues sobres et pas chers. J'ai pris une robe à bretelle blanche avec des motifs en dentelle et une veste en jean légèrement trouée et trop grande pour moi. Je me dirigeai vers les chaussures quand j'ai vu Jim au bout du magasin avec une veste en fourrure. Il m'a regardé et a posé comme les modèles dans les magazines. Il m'a fait pensé à Jim Morrison comme ça, et ça m'a fait rire parce qu'ils partagent le même prénom. Le manteau de fourrure lui allait bien et j'aurais aimé qu'il le prenne parce qu'il était vraiment beau dedans. Mais à cette époque, on devait utiliser l'argent à bon escient et se faire plaisir plus tard. Jim a eu un manteau de fourrure qu'il avait acheté avant qu'on parte pour Vegas avec l'argent du braquage. J'adorais le voir avec. Malheureusement, on a dû s'en séparer comme beaucoup d'autres choses.

Je pouvais pas rester avec mes talons alors j'ai troqué ma paire contre des bottes de cowboy. J'ai pris une paire de lunette de soleil et je suis partie payer. En tout, j'en ai eu pour 24 $ ce qui faisait qu'il me restait 6 $, ça faisait pas beaucoup. J'ai attendu Jim à la sortie du magasin. Il avait lui aussi acheté une paire de lunette de soleil, un jean; parce que le sien avait quelques traces d'usures et une chemise style hawaïenne rouge. Il en avait eu pour 17 $. Il avait cet avantage sur moi qu'il pouvait garder sa veste en jean.Moi, ma veste en cuir bleu était trop hors du commun pour que je puisse la porter à nouveau; du moins pour le moment.

On s'est changé en vitesse à l'arrière de la boutique. Jim a dit que je ressemblai à un mélange entre Stevie Nicks et Linda Ronstadt habillée comme ça.

''Et moi, de quoi j'ai l'air ? '' avait-il demandé en tournant sur lui-même.

'' A Magnum. '' lui ai-je répondu en riant.

Jim m'a bousculé. '' Dis pas n'importe quoi. Je suis Tony Montana ! ''

Il a commencé à prendre un accent cubain et a parlé comme Al Pacino dans le film. Jim connaissait le film par cœur. Il m'a dit que c'était son film préféré. Ce qui l'aimait dedans, au-delà de l'interprétation incroyable de l'acteur, c'était le message que le film transmettait. Pour lui, le film lui montrait que le rêve américain est possible à condition de bien vouloir se salir les mains. Il faut juste avoir de l'ambition. Moi, la seule chose que le film m'a appris, c'est que peut importe à la hauteur où on est dans la société, la chute est toujours vertigineuse.

''Tu sais très bien de quoi je veux parler putain de cafard ! '' Jim imitait maladroitement Tony Montana et ça me faisait rire. '' Je dis toujours la vérité, même quand je mens. ''

Il se prenait pour lui et moi je continuai à dire qu'il avait plus la dégaine de Magnum que celle d'Al Pacino. Ça le faisait chier que je dise ça et moi ça m'amusait.

Jim a pris mes anciens vêtements et a dit qu'on allait les brûler. Il a ouvert le coffre pour les mettre mais à la place, je l'ai entendu jurer.

''Qu'est-ce qu'il y a ? '' demandai-je en le rejoignant.

''Rien ! ''

Il a balancé les vêtements à l'intérieur et a refermé aussitôt le coffre mais pas assez rapidement. J'ai eu le temps d'apercevoir les armes. J'ai ouvert le coffre à nouveau et suis restée sans voix envoyant la carabine, deux Ruger SP101 et un Glock 21, le même que celui dans la boîte à gant.

''Pourquoi il y a des armes dans le coffre... '' soufflai-je sans quitter des yeux la carabine.

Jim secouait la tête de droite à gauche. '' J'en sais rien. ''

Je me suis retournée complètement vers lui. '' Comment ça t'en sais rien ? C'est ta bagnole non ? Tu devrais savoir ce qu'il y a dedans !''

Jim n'a rien dit.

''Tu vas répondre putain ! '' m'emportai-je.

''C'est pas ma caisse voilà ! '' Jim faisait les cent pas, se tirant les cheveux et faisant de grands gestes. '' C'est pas ma voiture. Je l'ai volé. ''

''Fais chier... '' soufflai-je en prenant mon visage entre mes mains.'' T'as volé cette caisse ! On fait quoi si le propriétaire lance un avis de recherche sur sa voiture ! T'as pensé à ça ? '' J'ai marqué une pause rhétorique '' Non bien sûr que non. Et si les flics retrouvent non seulement la caisse, nous avec et les armes, on est fichu ! ''

''Ça n'arrivera pas. '' Jim avait l'air confiant. '' Maintenant qu'on a des armes on pourra se défendre. Et quand on braquera des magasins, on aura un moyen de pression. ''

''C'est n'importe quoi... '' crachai-je.

En vérité, je suis finalement bien contente qu'on ait eu des armes dans la voiture parce qu'elles nous ont bien servies enfin sauf la carabine. Ça, on s'en ait jamais servi parce que c'est ni discret ni facile à transporter. Jim et moi on préfère les armes de poing,plus facile à dissimuler sous les vêtements.

Jim a fait un pas vers moi. '' C'est pas toi hier qui a dit que t'as adoré tirer ! Tu vas pouvoir recommencer alors ça ne devrait pas te déranger. ''

J'ai fait à mon tour un pas vers lui. '' Ce qui me dérange c'est que non seulement on va avoir les flics sur le dos pour meurtre et maintenant pour vol de voiture. Et ce modèle-là, ça court pas les rues... ''Je pointai du doigt la voiture derrière moi.


Jim n'a rien dit après ça. J'espérai qu'il avait un plan pour nous éviter la taule.

''Tu préférais baiser Magnum ou Tony Montana ? '' a sortit Jim de but en blanc.

C'était la seule chose qu'il avait à dire après ce qu'y venait de se passer? Sérieusement ?

''Tony bien sûr. ''

Jim s'est approché de moi et j'ai commencé à sentir son souffle chaud contre ma peau. '' Donc je te fais penser à Tony ?''

J'ai haussé les épaules et les regardai dans les yeux.

''Tu parles pas poupée... '' Jim avait adapté une citation de Scarface à sa façon alors j'ai fait pareil.

''Je ne suis pas ta poupée. Je ne suis pas ta poupée ! '' Je me suis détachée de lui mais il a continué dans sa lancée.

''Ouais pas encore, mais il faut me laisser le temps. ''

J'ai étouffé un rire puis reprenant mon sérieux, j'ai joué à la perfection le rôle d'Elvira. '' Même si j'étais mourante, ou au bord du suicide ou une femme complètement pétée sur une île déserte, vous serez bien le dernier avec qui j'aurais envie de baiser. ''

Si Jim voulait être Tony Montana, le gros dur, vendeur de came, eh bien je serais Elvira Hancock, la femme fatale qu'on couvre de bijoux.

Jim a été convaincu par mon interprétation et m'a soufflé à l'oreille que Michelle Pfeiffer pouvait aller se rhabiller. '' C'est toi la meilleure Elvira. ''

''Et toi le meilleur Tony Montana que je connaisse. '' lui murmurai-je.

Je connaissais aucun Tony Montana alors c'était facile d'être le meilleur.

Jim fut pris d'un élan fougueux et m'a embrassé en me soulevant du sol.Surprise, je me suis raccrochée à lui par le cou et en enroulant mes jambes autours de sa taille. Il m'a posé sur le coffre et a continué à m'embrasser. C'est sur le coffre de cette Oldsmobile volée qu'on a commencé et c'est à l'intérieur que s'est achevée notre course endiablée.

Welcome to the jungle. Feel my, my, my serpentine. Uh, I, I want to hear you scream.

On avait fini ce qu'on avait commencé la veille et cette fois-ci,personne n'est venu nous interrompre. Avec Jim, le sexe c'était toujours incroyable. Surtout après une dispute parce qu'il s'en voulait toujours alors pour se faire pardonner, il tenait à me rendre heureuse.

And when you're high, you never, ever wanna come down. So down, so down,so down, yeah !


Après ce moment de détente, Jim et moi on a brûlé nos fringues. Sans allumettes, les flammes prenaient moins et Jim a dû rallumer plusieurs fois son briquet. Nos deux t-shirts ont pris mais pas nos jeans. Alors Jim a eu l'idée de balancer les bouteilles d'alcool au feu. Les vêtements ont brûlés et on est parti. Jim a repris le volant, a fait un demi-tour sur le parking en faisant grincer les pneus et a quitté l'endroit en écrasant sous les roues, les morceaux de tissus sur le bitume. On venait de faire une croix sur notre passé, on l'avait littéralement écrasé. Le passé était à présent derrière nous et le futur loin devant.

June et Jim étaient en ville et ça allait faire des dégâts.

It's gonna bring you down, huh ! 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top