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OK. OK. Ne pas paraître embêté par leur présence. Ne pas leur donner l'impression que j'aurais préféré ne pas passer la soirée avec eux. Parce que ce n'est pas vrai. Pas totalement.

Clary vient m'enlacer et je lui rends son câlin.

— Tu croyais quand même pas que tu fêterais ton anniversaire sans nous ! lance Izzy en s'ajoutant à l'étreinte.

— Comment aurais-je pu ? réponds-je.

Je dépose un baiser sur leur front à l'une puis l'autre. Elles me font un sourire si grand que je soupire légèrement, soulagé de ne pas avoir eu de réaction visiblement bizarre. Jace et Simon me saluent à leur tour et je reste à une distance correcte d'Alec, qui ne cherche pas non plus à s'approcher. Malgré tout, je sens le regard de Jace qui s'attarde sur moi alors qu'Izzy me raconte comment elle a convaincu ma meilleure amie de les « laisser s'incruster ». Quand je croise ses yeux, il les détourne aussitôt. Ce qui est étrange, c'est que j'ai plutôt l'habitude qu'on regarde la façon dont je m'habille – et qui ne plaît pas à tout le monde – mais il m'a dévisagé, et je n'ai même pas l'impression que c'est à cause de mon maquillage.

Je connais assez peu Jace et j'en sais davantage d'après ce qu'Alec et Clary m'ont dit que des conversations que j'ai pu avoir avec lui. Et il me semblait qu'Alec n'avait pas osé lui avouer qu'il est gay, mais vu la façon dont Jace me regarde, je me pose des questions.

— Vous voulez boire quelque chose ? propose soudain Ragnor en posant sa main sur mon épaule.

Je dois me mordre la lèvre pour ne pas me mettre à râler à propos du fait que le barman ne voudra pas nous servir d'alcool puisque nous avons tous moins de vingt-et-un ans et lui demande simplement de me ramener un soda. Il s'éloigne avec Alec, et Simon les rejoint après qu'Izzy a fait son choix de boisson.

Mon questionnement sur Jace ne se poursuit pas longtemps, à peine les filles se remettent-elles à discuter qu'il attrape mon bras pour attirer mon attention puis me fait signe de le suivre. La curiosité l'emportant sur la méfiance, je lui emboîte le pas jusqu'aux toilettes. L'endroit n'est pas très propre mais il est désert et relativement calme.

— Je peux savoir ce qui se passe entre Alec et toi ? lance-t-il tout à trac, une fois la porte refermée derrière nous.

Je ne m'étais pas trompé, Alec ne lui a pas parlé. Mais, dans ce cas, pourquoi cette question ?

— De quoi tu parles ?

— Écoutes, je suis pas aveugle. Je connais Alec depuis qu'on a dix ans et on s'est toujours tout dit. Enfin, jusqu'à récemment je croyais que c'était le cas.

Sans répondre, je m'éloigne vers le miroir pour inspecter mon maquillage. Autant que notre temps ici serve à quelque chose, parce que je ne sais pas vraiment ce que je peux lui dire. À mon sens, je ne devrais rien lui dire à propos d'Alec, si ce n'est qu'ils doivent se parler.

— Bon, peut-être que j'ai été aveugle, reprend-il devant mon silence. J'ai toujours trouvé bizarre qu'il sorte avec des filles, je l'avoue, ça ne lui ressemblait pas... Mais je me suis persuadé que j'aurais été autant surpris qu'il sorte avec des mecs, que c'est juste qu'il ne s'intéressait pas aux autres de cette manière.

— Je ne crois pas que c'est avec moi que tu devrais avoir cette conversation, réponds-je enfin, mal à l'aise.

— Si. Parce que je vois la façon dont il te regarde, j'entends la façon dont il parle de toi, comme il l'avait jamais fait avec personne.

— Tu dis n'importe quoi...

Je me détourne en essayant d'avoir l'air naturel, je veux lui cacher que je suis en train de rougir comme une pivoine – j'ai vu mon reflet dans le miroir ! Ça me fait un drôle d'effet qu'il dise qu'Alexander me regarde différemment des autres.

— Il a changé depuis quelques mois, continue Jace en s'appuyant contre le mur. Mais encore plus ces dernières semaines. Ce qui est bizarre, parce qu'il a rompu avec Lydia il n'y a pas si longtemps et qu'il lui disait qu'il était amoureux d'elle.

— Ça fait pourtant plus d'un mois qu'ils sont plus ensemble !

Je sens son regard se poser à nouveau sur moi et je crains que le ton jaloux de ma voix n'ait pas été que dans ma tête. J'ai beau savoir qu'Alec n'était pas amoureux d'elle, pas plus qu'il n'était véritablement attiré par elle, rien que de penser au temps qu'ils ont passé ensemble me fait bouillir.

— Il m'a dit qu'elle essaye de le reconquérir et qu'elle lui envoie des messages plutôt chauds !

— Ah oui ? soufflé-je en essayant de me maîtriser. Encore une fois, je vois pas bien ce que ça a à voir avec moi, Jace.

Il pouffe de rire dans sa main. Putain mais comment ce mec que je connais à peine peut-il lire en moi aussi facilement ? C'est tellement frustrant.

— Et il dure depuis combien de temps, votre petit manège ? Je vous juge pas, je suis juste content qu'Alec ait trouvé quelqu'un qui le rend heureux et que tu ne lui en veuilles plus pour ce qu'il t'a fait.

Je me crispe en l'entendant garder ce ton léger pour parler des souvenirs les plus douloureux de ma vie. Bien sûr, ce n'est pas de sa faute si mes cauchemars continuent de me réveiller toutes les nuits et que la présence d'Alec y est de plus en plus persistante. Mais je ne peux m'empêcher de lui répondre, le ton acide :

— Ne plus lui en vouloir pour quoi ? Pour la brûlure, la douleur et les larmes ? Pour ses remarques insultantes et les années passées à me demander pourquoi ce mec que je ne connaissais même pas me haïssait aut...?

Je m'interromps en réalisant que, derrière Jace, la porte s'est ouverte. Et je n'ai pas besoin de me poser la question pour savoir qu'Alec a parfaitement entendu l'entièreté de ma réponse. Eh merde...

— Mags...

Je sors en trombe, l'évitant quand il essaie d'attraper ma main. Je ne voulais pas qu'il entende ça et je ne voulais pas que quiconque sache que ça me hante encore. Ça ne regarde personne d'autre que moi et je n'ai même pas envie que ça continue. Je ne veux plus de ce sentiment qui me tord le ventre quand je me réveille dans ses bras après l'avoir vu sourire en brûlant ma peau. Ce n'est même pas de la rancœur ou de la colère, c'est seulement de la peur.

Je me dirige vers le bar dans l'espoir, sans doute vain, de réussir à acheter un verre d'alcool. N'importe quoi, idéalement quelque chose de fort. J'arrive à poser mes avant-bras sur le comptoir alors que le barman sert d'autres clients. Du coin de l'œil, je surveille qu'aucun de mes amis n'arrive et, finalement, croise le regard du mec à côté. Il me fait un sourire auquel je ne réponds que vaguement, il m'observe et ouvre la bouche pour parler mais le barman arrive au même instant.

— Je te sers quoi ?

— Un daiquiri.

— Sans alcool, je suppose. À moins que tu aies une carte d'identité à me montrer.

— Bien sûr, sans alcool, réponds-je en me retenant de lever les yeux au ciel.

J'aurais dû m'en douter, je savais qu'il ne me servirait pas mais j'ai juste envie de boire quelque chose de fort. Je savais que j'en aurais besoin et c'est pour ça que je ne voulais pas sortir ce soir, seulement passer la soirée chez Catarina.

Le barman me donne le verre et je pars après avoir posé un billet sur le comptoir. Je ne retourne pas avec mes amis, je n'ai pas envie de répondre aux questions qu'ils se poseront, donc je vais simplement m'asseoir à une table vide pour essayer de me calmer. Perdu dans mes pensées, j'attrape le citron posé sur le bord et le mords distraitement.

Je ne relève les yeux que lorsque quelqu'un s'assoit en face de moi, probablement quelques minutes plus tard. Reconnaissant l'homme qui m'a souri au bar, je hausse les sourcils et il glisse un verre dans ma direction, sans le lâcher.

— Tu as bien vingt-et-un ans, n'est-ce pas ? me demande-t-il avec un ton qui me laisse comprendre qu'il sait que ce n'est pas le cas.

— Évidemment, mens-je.

Il lâche le verre et lève le sien pour trinquer, ce que je fais avant de boire une gorgée.

— J'espère que tu aimes le punch, je me suis dit que demander un daiquiri juste après qu'il te l'ait refusé paraîtrait louche.

— Merci beaucoup, vous n'aviez pas à faire ça...

— J'ai l'impression que tu ne passes pas une très bonne soirée.

J'acquiesce d'un mouvement de tête, me sentant un peu coupable parce que c'est ma soirée d'anniversaire et que je devrais être plus heureux que ça. Plutôt que de m'auto-flageller, je discute un peu avec l'homme. J'essaie d'ignorer la façon dont il observe – sans doute pas aussi discrètement qu'il le voudrait – mon maquillage et ma tenue, ne sachant pas trop si c'est un regard désapprobateur ou non.

J'en suis à un peu plus de la moitié de mon verre quand Alec vient se planter à côté de moi.

— Ça fait plus de dix minutes qu'on te cherche ! me reproche-t-il.

— J'étais juste là, grogné-je.

Je reprends mon verre mais il disparaît de mes mains et Alec le porte à sa bouche avant de le reposer en soufflant.

— Comment t'as réussi à t'acheter un verre d'alcool ?

— C'est moi qui le lui ai offert, répond l'homme, sans réaliser qu'il aurait mieux fait de se taire.

— Vous êtes sérieux ? Vous offrez de l'alcool à un mineur ? Il n'a que dix-huit ans !

Comme Alec se met à élever la voix, je me lève pour plaquer ma main sur sa bouche.

— Ça va, un verre ne me tuera pas, soufflé-je.

— Tu veux bien me dire ce qui se passe ?

Son expression change, passant de la colère à l'inquiétude et je détourne le regard. Alors je laisse là mon verre et l'homme, et je tourne les talons. Mes pas me conduisent dans le sas, je continue vers l'extérieur. Le froid me saisit aussitôt mais je ne m'en inquiète qu'à peine. Je sais qu'Alec ne me laissera pas tranquille et je ne suis pas sûr de vouloir avoir cette conversation. Ni maintenant ni à n'importe quel autre moment, d'ailleurs.

Malheureusement, la porte s'ouvre peu après et je vois Alec me rejoindre, j'essaie de m'éloigner encore mais cette fois il agrippe mon bras et me pousse contre le mur avec une douceur étonnante.

— Je sais que tu voulais fêter ton anniversaire avec seulement tes amis et que ma présence te gêne, ce soir. Izzy a tellement insisté, je n'ai pas réussi à trouver d'excuse qui ne l'inquiète pas pour ne pas venir.

Il soupire et passe une main dans ses cheveux. Je me sens horrible... Comme si ce n'était pas assez qu'il m'ait surpris en train de déverser ma colère sur Jace, maintenant il pense que je ne veux même pas qu'il soit là.

— Je suis désolé, murmuré-je. Pour tout à l'heure, ce que j'ai dit, c'était... C'était injuste envers toi, tu m'as déjà présenté tes excuses et je les ai acceptées. Je t'ai pardonné, je te le jure...

Je renverse ma tête contre le mur, soupirant à mon tour. C'est insupportable de ne pas réussir à contenir mes pensées et mes sentiments. Insupportable et fatiguant. Je n'y comprends rien.

— Je suis désolé, répété-je. Ces derniers temps, je...

— Tu n'as pas à t'excuser, me coupe-t-il, en posant sa main sur le mur, à côté de ma joue. C'est à cause des cauchemars que tu fais, n'est-ce pas ? Tu m'as peut-être pardonné mais oublier, ou non, ce n'est pas un choix. Donne-toi du temps pour ça...

Sans doute. Si Jonathan n'était pas réapparu dans ma vie et n'avait pas recommencé à me persécuter, ça serait plus facile. Si je n'avais pas peur, chaque jour, de me retrouver en face de lui en sortant dans la rue, ça serait certainement plus facile.

Mes yeux croisent le merveilleux regard noisette d'Alexander et je sens mon cœur se mettre à battre son habituelle chamade. Je pense alors à ce qu'a dit Jace et une idée insensée se forme subitement dans mon esprit.

Et s'il ressentait la même chose que moi ?

Est-ce que son cœur bat aussi fort que le mien quand on est ensemble ? Est-ce qu'il a du mal à penser à autre chose quand je suis dans les parages ? Est-ce que sa seule envie est de se blottir avec moi quand il me voit ?

Sa bouche interrompt mes pensées en se posant sur la mienne. Son baiser est doux, d'abord, mais dès que je pose mes mains dans son cou en y répondant, il presse son corps contre le mien et glisse sa langue entre mes lèvres. Ses bras enlacent ma taille pour me rapprocher encore.

— Tu veux bien me promettre quelque chose ? demande-t-il contre ma bouche, un délicieux instant plus tard.

— Oui, quoi ?

— Ne bois plus de verre avec d'autres mecs... Enfin, avec des inconnus. Ce n'est pas prudent.

Il se redresse pour me regarder et attend que je hoche la tête pour m'embrasser à nouveau. Les pensées insensées s'enchaînent. Serait-il jaloux ?

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