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La curiosité de ma demi-sœur est sans limite, ou alors je ne l'ai pas encore trouvée. Elle ne cesse de m'asticoter pour que je lui avoue que je suis tombé amoureux d'Imasu et me répète que je dois lui déclarer ma flamme.

— Je suis sûre qu'il ressent la même chose, n'arrête-t-elle pas de dire. Regarde tous les messages qu'il t'envoie !

C'est vrai qu'on se parle beaucoup mais je doute qu'il attende quoi que ce soit d'autre de moi, dans la mesure où nous avons déjà eu cette conversation. Nous sommes amis et je tiens beaucoup à lui. Je n'ai pas envie de risquer de le blesser en lui rappelant que je n'en suis pas là.

Cependant, j'ai remarqué quelque chose d'étrange. Plusieurs fois, il m'a dit avoir remis des étudiants à leur place parce qu'ils disaient du mal de moi, sauf qu'Alexander m'assure que l'histoire se tasse et que des rumeurs plus fraîches attirent l'attention. Déjà ? Je sais que je devrais être soulagé qu'ils oublient si vite, mais ça m'a fait tant de mal. Il me faudra probablement des mois pour m'en remettre – peut-être même plus – alors que ça ne représente déjà plus rien pour eux. C'est injuste.

Les questions et remarques incessantes d'Izzy m'ont poussé à accepter de rejoindre Imasu à la bibliothèque de la cinquante-troisième rue pour qu'il m'aide avec les cours. J'aurais préféré l'inviter à la maison mais je n'ai pas envie qu'elle dise des choses bizarres devant lui – et encore moins devant son frère.

Lorsqu'il arrive, je suis en train de relire un cours. Il s'assoit sur la chaise d'à côté avant de se tourner vers moi. Je lève les yeux pour le saluer, il me sourit mais ses sourcils sont légèrement froncés.

— Qu'est-ce qu'il y a ? m'enquiers-je en chuchotant.

— Tu vas bien ? Tu as l'air fatigué, tu arrives à dormir correctement ?

Sa main vient se poser sur ma joue, rien qu'une seconde, avant qu'il ne s'excuse pour son geste. Il se fait du souci pour moi, j'ai beau essayer de le rassurer depuis des jours, visiblement rien ne marche.

— Oui, ça va, lui réponds-je en souriant.

Quant à dormir « correctement », c'est difficile en partageant la chambre d'Alexander. J'en viens à me demander comment on arrive à se contenir devant tout le monde, parce que dès que la porte de la chambre se ferme derrière nous, on se saute dessus.

— Ça doit pas être facile de dormir dans cette pièce, souffle-t-il.

— E-en fait, je partage la chambre d'Alec. Je n'arrive pas à entrer dans ma chambre.

— Ton demi-frère ? Je savais pas que vous étiez si proches. À la fête, il donnait l'impression de ne même pas supporter ta présence.

— Non, on n'est pas... Enfin, ça s'est un peu arrangé entre lui et moi.

— Oh, tant mieux.

Son téléphone attire son attention et la conversation en reste là – ouf. C'est un peu bizarre de lui parler d'Alec, je n'aime pas mentir mais je ne peux décemment pas lui dire ce qui se passe entre nous.

On se met finalement au travail et je réalise vite à quel point j'en avais besoin. Il parvient à m'expliquer certains cours avec lesquels je n'arrivais à rien.

— C'est normal, t'en fais pas, me dit-il en posant sa main sur mon épaule. Ce serait peut-être plus simple si tu venais en cours. C'est compliqué de travailler en dehors.

— Oui, mais c'est pas une option, pour le moment.

— Me dis pas que tu vas devenir agoraphobe à cause de quelques photos !

Son ton méprisant me glace et il doit se rendre compte de ce qu'il a dit parce qu'il souffle longuement en secouant la tête. Je m'écarte un peu mais il glisse son bras autour de mon cou.

— Je voulais pas dire ça, je suis désolé. C'était maladroit.

— C'est bon, râlé-je. Laisse-moi.

— Mags, allez... C'est juste que tu me manques beaucoup !

Je tourne la tête et son visage est si proche du mien, ses yeux descendent sur mes lèvres. Je repousse son bras, mal à l'aise. Je ne le reconnais pas. Qu'est-ce qui lui prend de me parler de cette façon ? Je croyais qu'il comprenait à quel point tout cette histoire m'a perturbé.

Le silence s'installe entre nous mais j'ai davantage de mal à me concentrer. Imasu n'arrête pas de me fixer, ce qui est très gênant. Après un long moment, je trouve le courage de lui demander ce qui se passe, mais il a baissé les yeux sur son portable une nouvelle fois et jure dans un murmure.

— Qu'est-ce qu'il y a ? demandé-je en essayant de ne pas être trop froid.

— Hm, j'ai... J'ai peut-être dit à Cristina et Emma que je te voyais ici.

— Quoi ? Je t'avais dit que je ne voulais pas...

Un « chut » me coupe la parole parce que je me suis mis à parler plus fort. Évidemment.

— Je leur ai pas dit de nous rejoindre, je te le promets, se défend-il. Mais elles s'inquiétaient pour toi et j'ai voulu leur assurer que tu vas bien. Elles arrivent dans quelques minutes...

Je ne sais même pas quoi lui répondre. Je pensais qu'il était pourtant clair que je n'étais pas prêt à retourner à l'université et je ne le suis pas plus à les voir, elles, après les messages que j'ai vus sur notre conversation de groupe ! Je commence à rassembler mes affaires. Autant rentrer à la maison, je ne supporterai pas de rester là. L'angoisse commence déjà à m'envahir.

Imasu attrape mon bras en me voyant refermer mon ordinateur.

— Non, ne pars pas, s'il te plaît.

— Je n'ai pas envie d'être là, Imasu. Je n'ai pas envie de les voir, pourquoi tu ne comprends pas ?

— Je pensais que ça te ferait du bien, justement.

— Je... croyais que tu ne leur avais pas dit de venir.

Il se fige. Il est en train de me mentir ! Je vois sur son visage qu'il cherche comment se rattraper mais je suis trop énervé pour attendre qu'il trouve un autre mensonge pour couvrir les autres. Malheureusement, les filles débarquent avant que j'aie fini de tout ranger.

— Oh Mags ! s'exclame Emma.

Elle s'approche de moi pour me prendre dans ses bras et je dois lutter contre moi-même pour ne pas la repousser brutalement. Je ne sais même plus qui a envoyé quoi. Qui était la dégoûtée ? Qui voulait me « croquer » ?

— Je dois rentrer, désolé, soufflé-je en me dégageant le plus doucement possible.

— Oh allez, reste ! demande Cristina. On peut discuter ? Tu ne peux pas continuer comme ça. Imasu nous a dit que tu te terres carrément chez toi. C'est pas sain.

Surpris, je regarde mon ami pour comprendre de quoi il parle mais il fuit mon regard. Cette fois, c'est trop. Je balance mon sac sur mon épaule et m'en vais, profitant d'un énième appel de ma demi-sœur. Ça fait six fois qu'elle essaye de me joindre. Elle ne sait pas où je suis mais si c'était vraiment urgent, elle aurait envoyé un message donc je ne m'en fais pas trop.

Je traverse la bibliothèque puis le hall, en direction de la sortie. C'est là que je le croise. Il s'arrête en me voyant et se met à sourire.

— Magnus, quelle bonne surprise, ronronne-t-il.

— Ne t'approche pas de moi !

Mon téléphone vibre à nouveau et je décroche avant de m'élancer vers l'extérieur.

— Où est-ce que tu es ? demande aussitôt Izzy. Ton père n'a pas su me dire !

— Euh, à la bibliothèque mais je rentre, là...

— Laquelle ? crie-t-elle.

— Cinquante-troisième rue, pourquoi ?

— Cinquante-troisième rue, répète-t-elle. On arrive.

— Non, je rentre, Isabelle. Je veux juste...

— Écoute-moi, m'interrompt-elle avant de se mettre à parler plus vite. Je suis allée à Columbia, ce matin, pour apporter un truc à Alec et je les ai vus. Je voulais pas t'en parler comme ça, mais quand Asmodée m'a dit que tu étais avec lui... Ça peut pas attendre, tu dois bien m'écouter !

— De quoi tu parles ?

Je soupire et surveille, du coin de l'œil, que Jonathan ne me rejoint pas, mais il n'est plus dans le hall.

— J'ai vu Imasu discuter avec Jonathan !

— Qu... Izzy, c'est pas un scoop, on est en cours ensemble...

— Mais tais-toi, deux secondes ! C'était bizarre... Imasu demandait à Jonathan d'arrêter de l'ignorer et Jonathan le repoussait en l'insultant. Imasu a dit qu'il avait fait quelque chose pour lui et qu'il pouvait pas faire comme si de rien n'était, et puis Jonathan s'est énervé encore plus...

Le sol vacille un peu sous mes pieds mais on me rattrape pour que je ne m'écroule pas. Je remercie la personne avant de me rendre compte qu'il s'agit d'Imasu.

— Hé, ça va ? souffle-t-il près de mon oreille. On peut parler, s'il te plaît ? J'ai besoin que tu comprennes...

Il caresse ma joue alors que son regard part vers l'intérieur de la bibliothèque. Je regarde à mon tour pour voir que Jonathan nous observe. Écœuré, je m'éloigne de celui que je croyais mon ami. Les paroles d'Izzy trouvent leur sens dans ce regard provocateur. Est-ce qu'il m'utilise ?

— Bordel, c'est pas possible !

— Quoi ? demande Imasu.

— Tu es... Tu as fait venir Jonathan pour lui montrer qu'on est proches ?

Ses yeux s'écarquillent et un sourire dérangeant étire ses lèvres. Il s'écarte d'un pas de plus en mettant ses mains dans ses poches.

— En fait, c'est Emma qui l'a fait venir quand elle a su qu'on se voyait. Il faut dire qu'il ne cache plus son côté amoureux transi. Moi, ce que je voulais, c'était lui envoyer un message après avoir réussi à me glisser dans ton lit. Qu'est-ce qui m'a vendu ? Hm ? Il me semblait que j'étais pas loin d'y arriver, pourtant. Je t'ai fait peur, peut-être. J'ai été trop entreprenant ? Il me le reproche aussi mais, toi, t'es un gentil petit soumis, tu prends pas les devants...

Je crois que je vais être malade, mon corps se met à trembler. Il revient près de moi et essaie d'enlacer ma taille mais je lui envoie mon poing sur le visage, presque par réflexe. Quelques exclamations me rappellent qu'il y a des gens autour de nous. Il recule en se tenant la joue.

— Je déteste les mecs comme toi, crache-t-il finalement. Il ne voit que toi et tu te fais encore passer pour une victime. Même les photos, ça crève les yeux que tu étais réveillé et t'essaies de faire croire à tout le monde que c'est qu'un pervers qui a profité de ton sommeil.

— Qu'est-ce... Je dormais ! Tu penses vraiment que je fais semblant ?

— Au début, je croyais que tu étais sincère quand tu disais qu'il t'avait harcelé, tu étais très convaincant. Mais il est venu me voir et il m'a raconté ce qui s'est vraiment passé, durant toutes ces années. Que tu lui avais demandé de te faire ça, parce que ça t'excitait qu'il te coure après, qu'il te maltraite ou te brûle.

— C'est n'importe quoi !

— Je ne l'ai pas cru tout de suite. C'est le soir de la fête que j'ai eu un déclic, après t'avoir vu le scruter en permanence. Il m'avait dit que, comme toujours, vous finiriez par coucher ensemble, et j'ai reçu les photos. Toutes ces photos de toi. C'est impossible que tu n'aies pas senti qu'il te touchait, tu savais forcément. Et tu l'as laissé faire, ne mens pas !

Il se mord la lèvre avec un long soupir très gênant. Je ne sais pas ce qui est le pire, ça ou les paroles dégoûtantes qui viennent de sortir de sa bouche. Jonathan lui a complètement retourné le cerveau...

— J'étais hors de moi. Tu disais à tous ceux qui voulaient bien l'entendre que c'est un taré, qu'il t'a fait du mal et, à la première occasion, tu le manipules ! Alors j'ai décidé de montrer à tout le monde ce que tu faisais, il fallait te remettre à ta place.

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