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Je suis un peu gêné. Je devrais pas. C'est ridicule. Et pourtant, je ne peux pas m'empêcher de rougir. Tout ça à cause des messages insensés que m'envoie Catarina depuis hier soir ! Il a fallu que Ragnor lui rapporte notre conversation de la dernière fois, quand bien même je lui ai dit et répété qu'il se trompait sur toute la ligne. Résultat, mes deux meilleurs amis me harcèlent pour que j'arrête de leur mentir. Et moi, je me retrouve à rougir, comme un con, alors que je range des vêtements dans l'armoire d'Alexander.
« C'est comme si tu emménageais avec lui ! 🤭 »
Parfois, je déteste Catarina. Peut-être que – techniquement – elle n'a pas tort, mais est-ce qu'elle oublie qu'on vit dans le même appartement depuis six mois ? Ce n'est pas comme si on était un couple qui se mettait à vivre ensemble, on partageait déjà le même espace, avant ça. Pourquoi ce serait différent parce qu'on dort dans la même chambre ? Ça n'a rien de romantique. J'ai même un matelas sur le sol pour dormir. Bien que je ne m'en sois pas encore servi parce que je finis toujours par m'endormir dans les bras d'Alexander, dans son lit.
Embarrassé, je regarde le matelas que nos parents ont acheté. Ils ont compris que déplacer le matelas de ma chambre à celle-ci ne règlerait pas le problème, Maryse a même évoqué l'idée de s'en débarrasser. Je lui ai dit qu'il me fallait seulement du temps mais elle a insisté sur le fait que, même si rien de plus grave ne s'est produit, je ne devrais pas être obligé de dormir à nouveau sur ce lit après ce qui s'est passé puisqu'on peut faire autrement.
Je me sens un peu mal de ne pas l'utiliser maintenant mais, en y réfléchissant bien, savoir que je dormirai sur un autre matelas quand je retournerai dans ma chambre allège un peu mes angoisses.
Le bruit de mon téléphone me sort de mes pensées et je l'attrape pour regarder ce que mes meilleurs amis racontent encore comme conneries.
« Je croyais que tu pouvais pas entrer dans ta chambre 🤨 »
« C'est Alec qui est allé les lui chercher ! C'est trop mignon 😍 »
« Ou manipulateur... »
« J'avais juste besoin de mes affaires alors je
lui ai demandé d'y aller 😣 »
C'est un mensonge. Quand je me suis réveillé, mes affaires étaient sur son bureau. Il a même pensé à prendre mon ordinateur portable et certains des produits cosmétiques que je gardais dans ma chambre. Je leur mens encore mais je ne peux décemment pas leur dire la vérité alors qu'ils se font déjà des idées !
Je m'apprête à reposer mon téléphone sur la commode, pour continuer ma besogne, mais il sonne de nouveau. Sauf que ce n'est pas Ragnor ni Catarina qui répondent, c'est Imasu qui m'a envoyé un message. Je fixe l'écran quelques instants, surpris. Et un peu choqué. Je ne m'attendais pas vraiment à avoir de ses nouvelles, vu qu'il n'a répondu à aucun des messages que je lui ai envoyés. Cependant ma surprise augmente encore quand, après avoir ouvert le message, je réalise qu'il est long. Très long. Mon doigt fait défiler l'écran plusieurs fois avant de remonter au début.
« Hey. J'espère que tu vas bien. Enfin que ça va mieux.
Je suis désolé de pas t'avoir répondu. Comme tu l'as dit,
j'ai bien reçu des messages bizarres. Avec des photos
et j'ai fini par comprendre que c'était des photos de toi.
J'avais déjà tout effacé et j'ai bloqué les numéros qui
continuaient à en envoyer. C'est quoi leur problème ?
Je suis tellement en colère. Ils ont réussi à te dégoûter
de venir en cours alors que j'ai jamais rencontré
quelqu'un d'aussi déterminé que toi. Je savais déjà que
la plupart de nos chers camarades étaient débiles mais
j'imaginais pas qu'ils prenaient autant leur pied à humilier
les autres. Je te promets que j'ai effacé toutes les photos.
Je l'avoue, au début je me suis dit que tu les avais faites
pour quelqu'un qui les avait ensuite partagées, et je me
sentais désolé pour toi, c'était déjà dégueulasse. Mais
après, tu m'as écrit que quelqu'un était rentré dans ta
chambre pendant que tu dormais, et là j'ai carrément vrillé.
J'ose à peine imaginer ce que tu ressens en ce moment.
Et je me sens coupable. J'arrête pas de penser que j'aurais
dû rester un peu plus longtemps, surveiller que tu allais bien
et que tu étais en sécurité. Tu avais tellement bu, c'était
dangereux, je le savais et c'est pour ça que j'étais énervé.
Que je suis parti aussi vite. Et maintenant j'ai peur que tu
m'en veuilles. Ça fait des jours que j'ai envie de t'écrire
mais tu dois être en colère contre moi pour t'avoir ghosté
comme ça. Je t'aime beaucoup, Mags. Je suis inquiet pour
toi. Si tu veux pas, on est pas obligés d'être encore amis ou
quoi que ce soit, mais dis-moi au moins que tu vas bien. Je
t'en prie. J'ai besoin de savoir qu'ils ont pas réussi à te briser,
que tu te laisses pas écraser par tout ça. C'est tous des
connards. Ce matin, j'ai encore entendu les potes de ton
demi-frère dire que tu méritais ce qui s'était passé, juste parce
que tu aimes les mecs. Il a même pas réagi, alors j'ai pas pu
m'en empêcher, je suis allé leur dire ma façon de penser. J'en
peux plus d'entendre leurs conneries. Enfin bref. Tu me manques. »
Je relis ce pavé plusieurs fois avant de me laisser tomber sur la chaise de bureau. Je me sens un peu bizarre. Non seulement je ne m'attendais plus à recevoir quoi que ce soit de sa part, mais certainement pas à ce qu'il me dise des trucs pareils. S'excuser ? Pourquoi devrait-il s'excuser parce qu'il a été choqué par les photos ? Ce n'est pas comme s'il les avait diffusées. Et je le crois quand il me dit qu'il les a supprimées aussitôt, parce que c'est quelqu'un de bien. Il se sent même coupable que j'aie bu et que je n'aie pas été prudent... Ce n'est pas de sa faute si j'ai voulu noyer mon malaise dans l'alcool.
« Je ne t'en veux pas. J'ai eu peur que tu te sois fait
des fausses idées avec tout ce que les autres ont écrit.
Je me sens un peu mieux mais je ne vais pas revenir en
cours. Pas tout de suite en tout cas. Désolé.»
Après une légère hésitation, j'envoie le message tel quel. J'ai dû me retenir très fort pour ne pas lui demander ce qu'il a entendu venant des amis d'Alec. Ça ne peut pas être si grave si Alec n'est pas intervenu, de toute façon. Ce n'est pas bizarre qu'il ne l'ait pas fait, je ne devrais pas attendre ça de lui, sans doute.
On continue de se parler jusqu'à ce que Max rentre à la maison. J'ai fini de ranger mes affaires depuis longtemps et suis en train de lire dans le salon quand mon demi-frère arrive, tout heureux de me raconter sa journée. Il me parle – pour la énième fois – d'une de ses camarades de classe qu'il aime bien. Ses joues rougissent un peu mais il fait semblant que ce n'est pas vrai.
Cela fait plusieurs jours que son anniversaire est passé, je suis content que le cadeau de son père n'ait pas fait l'objet d'une autre conversation. J'ai seulement entendu Papa expliquer à Maryse combien cela le met mal à l'aise d'avoir une arme à la maison, elle était d'accord avec lui. C'est comme ça que j'ai appris que l'arme à feu d'Alec est restée à Austin. Mais ni Alec ni Max n'en ont reparlé – en tout cas pas devant moi.
Grâce à Max, j'arrive à trouver la motivation pour relire mes cours et avancer un peu dans mes dossiers à rendre. On s'installe tous les deux sur la table de la salle à manger et c'est ainsi qu'Alec et Izzy nous retrouvent lorsqu'ils rentrent, tour à tour. Mais ils ne nous rejoignent pas tout de suite. Si ça ne m'étonne pas vraiment d'Alec – qui aime être au calme après avoir passé la journée à l'université –, je suis surpris qu'Izzy parte étudier directement en revenant de cours. Finalement, on entend leurs voix sur le palier.
— Dis, tu saurais pas de qui Magnus est amoureux ?
Je sursaute si violemment que mon genou cogne contre la table, je jure entre mes dents et Max étouffe un petit rire. Mais de quoi parle Izzy ?
— Pourquoi je saurais ça ? demande Alec.
— Bah je sais pas... Vous avez l'air plus proches, ces derniers temps.
— Si tu le dis.
Au ton insouciant de sa voix, je devine qu'il hausse les épaules.
— Je suis sûre que c'est celui qui était là l'autre soir... Hum... Imasu !
— C'est qui « Imasu » ? me demande Max.
Malheureusement, il n'essaie pas d'être plus discret que son frère et sa sœur, et sa voix résonne tout autant dans l'immense pièce. Quelle idée d'avoir un palier ouvert, aussi ! Alec et Izzy cessent aussitôt leur conversation.
— C'est un ami de l'université, réponds-je simplement.
Mon petit frère hoche la tête et retourne à ses devoirs. Alec passe finalement la porte qui mène aux escaliers, il ne semble même pas faire attention à ma présence alors que je scrute ses traits à la recherche d'une quelconque réaction. Mais son expression est neutre, comme souvent, et je ne sais pas si je dois en être soulagé ou effrayé.
Une fois ses devoirs terminés, Max range ses affaires et part dans sa chambre. J'hésite un peu à aller rejoindre Alec qui s'est installé sur le canapé mais, au moment où je veux me lever, j'entends du bruit dans les escaliers. Je fais alors mine de me concentrer sur mon cours, ce qui ne suffit pas pour garder ma demi-sœur à l'écart.
— Désolée pour tout à l'heure, souffle-t-elle en s'asseyant en face de moi.
— D'avoir joué les curieuses ou d'avoir été entendue ?
— Les deux ?
Ses lèvres s'étirent en un grand sourire angélique et je ne peux m'empêcher de pouffer de rire. Cependant, la situation est un peu gênante.
— Allez, dis-moi qui c'est et je serai plus curieuse ! attaque-t-elle avant de me laisser nier.
— Qu'est-ce qui te fait dire que je suis amoureux de quelqu'un ?
Même moi je peux entendre que ma voix déraille un peu. Pourquoi présument-ils tous que je suis amoureux ? C'est n'importe quoi.
— J'ai aperçu le message de Cat quand tu l'as reçu.
— Le message ?
— C'est Imasu, hein ? Je suis sûre que c'est lui ! T'arrêtais pas de me parler de lui avant que... E-enfin...
— Ce n'est pas Imasu, dis-je pour ne pas laisser la discussion revenir au soir de la fête.
— Donc c'est quelqu'un.
Je rougis en regardant Alec qui a décidé de participer. Seigneur, c'est pas possible, il ne va pas s'y mettre lui aussi ! Je fronce les sourcils mais son sourire ne fait que grandir un peu plus. J'ouvre la bouche pour lui répondre mais le vibreur de mon téléphone m'interrompt et le nom d'Imasu apparaît sur mon écran, ainsi que le début de son message.
— Oooooh ! s'exclame Izzy. Quand on parle du loup !
J'attrape mon téléphone et réalise que c'est comme ça qu'elle a vu le début du message de Catarina, hier soir :
« J'ai parlé avec Rag, il m'a dit que tu es amoureux
d'Alec ! C'est vrai ça ? 😍🥰😍🥰 »
Le cœur battant furieusement et les joues probablement plus rouges que jamais, je ferme mon ordinateur et l'emporte avec moi à l'étage. Ma demi-sœur rit de ma gêne et me demande de revenir mais je lui fais un doigt d'honneur en arrivant à l'étage et l'entends rire de plus belle.
Je pose l'ordinateur sur le bureau puis me laisse tomber sur le lit. Quelques instants plus tard, la porte s'ouvre à nouveau mais je ne rouvre pas les yeux.
— Ça faisait longtemps que je ne l'avais pas entendue rire autant, merci pour ça.
J'attrape le second oreiller pour le lui balancer, mais son rire m'apprend que je n'ai pas du tout visé au bon endroit. Il le récupère pour le remettre sur le lit, je tourne la tête vers le mur.
— Et moi, je peux savoir de qui tu es amoureux ? demande-t-il en s'allongeant près de moi.
— Mais ça suffit, je suis amoureux de personne !
Je suis énervé, gêné au plus haut point, agacé qu'il se moque de moi. Il rit à nouveau et me serre dans ses bras, bien plus perspicace que je le voudrais. Sa bouche glisse sur mon visage mais je l'évite, repensant soudainement au message d'Imasu.
— Est-ce qu'il s'est passé quelque chose à la fac, ce matin ?
— Euh pas à ma connaissance...
— Tes... tes amis ont pas dit des trucs sur moi ?
— J'en sais rien, ça fait plusieurs jours que je ne leur ai pas parlé. Pourquoi ?
— Hm... Pour rien.
Il me fixe quelques instants mais je souris pour le rassurer. Imasu s'est sans doute trompé, ou alors j'ai mal compris en lisant le message. Oui, c'est sûrement ça.
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