⬪⬫⬪ 39 ⬫⬪⬫
Alec est tendu, bien qu'il fasse de son mieux pour ne pas me le montrer. Nous sommes allongés sur le canapé, profitant du fait que nous soyons seuls avant que ma meilleure amie ne revienne de l'université. Je lui ai dit que je ne compte pas porter plainte, ni contre Jonathan, ni contre les étudiants qui ont diffusé mes photos. Peut-être le ferais-je si je m'attendais à ce qu'ils aient une véritable punition ? Mais je sais que ce ne sera pas le cas.
— Ils diront que c'est à cause de sa maladie qu'il a fait ça et que ça ne lui ressemble pas, continué-je. Et puis... il a menacé de t'impliquer, toi aussi.
— Qu'il le fasse ! Je mérite d'être puni pour ça.
Il se redresse sur ses coudes pour me regarder, un air déterminé sur le visage. Il ne serait sans doute pas plus puni que les autres, sauf que ça le suivra... et que Papa ne le lui pardonnera jamais.
— Je ne prendrai pas ce risque. C'est ridicule. Je dois juste... je dois juste faire comme je faisais au collège et au lycée, me tenir le plus éloigné possible de lui. Ça ira.
— Et tu ne te demandes pas qui a affiché les photos ?
— Bien sûr que si, mais je ne saurai peut-être jamais qui c'est !
Peu importe, je serai plus vigilant à l'avenir, voilà tout.
Le portable d'Alec se met encore une fois à sonner sur la table basse. C'est la dixième fois, au moins, depuis qu'on est arrivé. C'est Lydia, évidemment, et sa façon de marteler sa présence dans nos vies me met mal à l'aise. Je tends le bras pour prendre le téléphone et le donner à Alec.
— Décroche.
— Je n'ai pas envie de lui parler maintenant.
— Et je n'ai pas envie qu'elle continue à appeler tous les quarts d'heure. Décroche. Écoute ce qu'elle a à te dire et elle te laissera tranquille.
Il soupire et prend son téléphone pour décrocher. Je m'apprête à me lever pour ne pas écouter leur conversation, mais il attrape ma main pour me garder près de lui et met le haut-parleur. Je l'interroge du regard mais il commence à parler à Lydia.
— Qu'est-ce que tu veux ?
— Tu te moques de moi ? s'insurge-t-elle aussitôt. Ça fait deux heures que j'essaie de te joindre ! T'es où ? J'ai eu ta sœur, elle m'a dit que tu n'es pas chez toi.
— Non, je n'y suis pas et tu n'avais pas à appeler Izzy, elle va s'inquiéter !
La blonde souffle dans le téléphone pour montrer son mécontentement, je lève les yeux au ciel. Cela attire l'attention d'Alec, je ne montre pas souvent de mépris aussi évident. Mais cette fille m'insupporte.
— Tu es jaloux ?
Je me fige avant de comprendre qu'il a coupé le micro alors que Lydia continue de se plaindre sans même se rendre compte qu'il ne répond pas.
— Qu'est-ce que tu racontes ? bredouillé-je en rougissant.
De nouveau, j'essaie de me lever mais il m'en empêche encore et me fait tomber sur le canapé. Il plonge ses yeux dans les miens, attendant une réponse. Une réponse honnête. Comme les mots ne veulent pas sortir de ma bouche, je hausse bêtement les épaules. Mais ça ne lui suffit pas.
— Tu veux qu'on aille boire un verre ? demande-t-il en remettant le micro.
— Tu... Euh, d'accord, répond Lydia. Quand ça ? Et puis, tu veux aller où ? Il y a ce nouveau café dont Laura m'a parlé.
Il coupe à nouveau le micro alors que sa petite amie se remet à palabrer. Pour ma part, j'ai du mal à comprendre ce qui se passe et des larmes me montent aux yeux.
— Pourquoi tu fais ça ?
— Tu es jaloux ? répète-t-il.
— Évidemment que je le suis ! crié-je en essayant de me relever.
Il s'approche pour capturer ma bouche, je n'ai pas la force de le repousser. Mes bras passent autour de son cou pour l'empêcher de s'écarter s'il lui en venait l'envie, il se couche sur moi.
— Ne pleure pas, s'il te plaît.
Il vient essuyer mes joues, ce qui me fait comprendre que je n'ai pas réussi à contrôler mes larmes. Je ne sais pas à quoi il joue, ni pourquoi il donne rendez-vous à Lydia après ce qu'on s'est dit. Notre situation n'a pas changé, c'est vrai, mais je pensais qu'on avait décidé d'être, au moins, honnête l'un envers l'autre. Maintenant, j'ai seulement l'impression d'être vulnérable.
— Alec ? crie brusquement Lydia. Tu m'écoutes ?
Il rompt le baiser mais je n'enlève pas mes bras. Il tend la main pour pouvoir réactiver le micro.
— Oui, je t'écoute !
— Qu'est-ce que tu fais ? souffle-t-elle, suspicieuse. Tu es avec quelqu'un ? Oh me... me dis pas que tu es avec une fille ! Tu me trompes ? Alec, c'est...
— Je suis avec Magnus, dit-il simplement.
— Ah.
Le ton de cette malheureuse syllabe est le mélange parfait entre soulagement et agacement. Elle ne m'aime pas, elle non plus, et ça l'embête qu'il soit avec moi.
— Pourquoi ?
— C'est l'anniversaire de Max, demain. Il fallait que je le convainque de revenir à la maison.
— Je pense que ton petit frère est mieux sans lui...
— Lydia...
Non seulement, je relâche Alec, mais je le pousse pour enfin quitter le canapé. Quelle conne ! Et moi aussi, quel con d'avoir oublié l'anniversaire de mon petit frère.
— Max l'adore, il serait triste qu'il ne soit pas à la maison.
— Hm. Alors, quand est-ce qu'on se voit ?
— Je passe te chercher dès que je l'ai ramené, d'accord ?
— D'accord ! répond-elle, bien plus enjouée. À tout à l'heure !
Elle raccroche et le silence tombe dans la pièce. Je me laisse tomber sur la chaise de bureau de Catarina, incapable de retourner près de lui.
C'est dans cette lourde atmosphère que ma meilleure amie débarque soudain.
— Oh Mags, tu es déjà rent-
Elle s'interrompt, découvrant Alec dans son salon. Elle le salue, perplexe, et vient poser son sac sur le bureau.
— Je suis venu le chercher, lui dit Alec.
— Oh, vraiment ?
— J'avais oublié que c'est l'anniversaire de Max, demain, lui apprends-je pour qu'elle ne se fasse pas d'idée comme ça a été mon cas. Il faut que je rentre, je vais rassembler mes affaires. Tu peux aller m'attendre dans la voiture, Alec, j'en ai pas pour longtemps.
Je quitte la pièce sans le regarder pour aller dans la chambre de Catarina – puisque, comme souvent, nous avons dormi ensemble – et je commence à remettre mes affaires dans mon sac. Je n'entends la porte d'entrée que plusieurs minutes plus tard et ma meilleure amie me rejoint.
— Tout va bien, Mags ?
— Oui, oui. Je suis juste un peu stressé de rentrer et de voir Papa...
— Donc ça n'a... rien à voir avec Alec et la tension palpable qu'il y avait quand je suis arrivée.
— Non, pas du tout.
Elle accepte ma réponse, j'imagine qu'elle entend dans ma voix que je suis contrarié. Et comment pourrais-je ne pas l'être ? Je n'ai même pas envie de rentrer et si ce n'était pas pour Max, je ne le ferais pas. Un peu à cause de mon père, mais surtout à cause d'Alec.
Après avoir fermé mon sac, j'enlace ma meilleure amie.
— Merci de m'avoir hébergé.
— Quand tu veux, tu es ici chez toi, tu le sais.
Je resserre un peu mon étreinte avant de quitter l'appartement à mon tour. Il fallait bien que je rentre à un moment, de toute façon, mais je ne m'attendais pas à ce que les choses deviennent encore plus compliquées entre Alec et moi. Pourquoi a-t-il fallu que je lui montre que je tiens à lui au point d'être jaloux de sa petite amie ? Pourquoi l'ai-je admis de vive voix ? C'était ridicule...
Ce trajet-ci se fait également en silence, je n'arrive à prononcer un mot que lorsqu'il me dépose sur le parking de la résidence.
— Tu vas vraiment aller la voir ? demandé-je en me retenant de justesse de me frapper.
— Oui, c'est ce que j'ai dit. Tu pourras prévenir ma mère ?
— Hm-hm... Elle voudra savoir à quelle heure tu as prévu de rentrer.
— Tard.
Je déglutis difficilement et attrape mon sac avant de m'extirper de la voiture. Il m'interpelle quand je m'apprête à fermer la portière.
— Tu me fais confiance ?
— J'en sais rien...
Je claque la porte et pars vers l'ascenseur pour monter jusqu'au penthouse. J'aurais du mal à mettre des mots sur mon état, tant il y a d'émotions différentes qui se battent pour une part de ma lucidité. Mon cœur bat beaucoup trop fort, j'ai une boule dans la gorge quand je marche dans le couloir.
— Magnus ! hurle mon petit frère alors que j'entre dans l'appartement.
Un seul cri et il parvient à attirer l'attention d'Izzy, de leur mère et de mon père, puis il se précipite vers moi. Je lâche mon sac pour le prendre dans mes bras, je ne m'attendais pas à un accueil aussi bruyant, je l'avoue. Maryse arrive également.
— Enfin, tu es rentré, souffle-t-elle, soulagée. On s'est fait tellement de souci.
— Je suis désolé, Maryse.
Elle secoue la tête et me dit d'aller déballer mes affaires, mais Max attrape mon sac en me disant qu'il le monte pour moi.
— Je suis... allé en cours, aujourd'hui. Pas toute la journée, mais...
— C'est bien, va à ton rythme. Alec t'aidera à récupérer les cours, s'il le faut. Tu l'as vu, aujourd'hui ?
— Oui. En fait, c'est lui qui m'a ramené. Et il m'a dit de te prévenir qu'il passait la soirée avec Lydia.
— Je vois. Merci de me l'avoir dit.
Elle s'éloigne en râlant qu'il aurait pu la prévenir lui-même. Je suis complètement d'accord. Je retire mes chaussures dans l'entrée et monte à mon tour. Je vois Max poser mon sac devant ma porte, puis il redescend. Quand il passe près de moi, je pose ma main sur sa tête pour ébouriffer ses cheveux. Et puis je me fige devant la porte de ma chambre.
Mon retour s'est décidé si vite que j'en avais presque oublié le fait que je ne suis même pas certain d'être capable de retourner dans ma chambre. Ou alors pas plus loin que le pas de la porte, c'est pathétique. Je pose ma main sur la poignée, cherchant le courage d'ouvrir.
Des bruits de pas attirent mon attention et, un peu surpris, je vois mon père arriver. Gêné, les mains dans les poches, il s'avance vers moi.
— Salut, fiston...
— Salut, répond-je en me tournant à nouveau vers la porte.
— Je me suis inquiété, même si je savais que tu étais en sécurité avec Cat. Tu vas bien ? Tu...
Mes larmes lui volent ses mots et je fais « non » de la tête. Non, je ne vais pas bien. Il franchit la distance qui nous sépare et me prend dans ses bras. Je me blottis contre son torse, oubliant toute retenue.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top