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Plusieurs fois, ma torpeur s'amenuise et me laisse ouvrir un œil. J'ai l'impression que la nuit dure une éternité. Ça pourrait être bien, parfait, si ça me permettait de me reposer sauf que plus va et plus je me sens mal et fatigué. Ma tête me fait terriblement souffrir, je me sens vaseux. Je me tourne et me retourne, constate que je suis finalement tout seul dans ma chambre et que même la couverture qui avait été ramenée par terre a disparu. J'en viens presque à me demander si je n'ai pas rêvé qu'Alec est venu me voir.

Il est midi passée quand je m'émerge et que je m'extirpe enfin de mon lit. À grands renforts de gestes inutiles, je parviens à enlever mon crop-top et les bijoux qui me restaient sur les bras et autour du cou. Puis, une fois assis, je comprends que je n'ai pas rêvé la visite de mon demi-frère. Je serre les dents pour retenir une plainte de douleur. Ça ne m'avait pas fait si mal la dernière fois mais, du peu que je me souviens, ça a été très différent. Et on s'est même pas protégés. Mes joues virent au rouge alors que quelques bribes de ce que j'ai pu dire me reviennent. Qu'est-ce qui m'a pris ? J'aurais pas dû craquer... C'est fini, je ne boirai plus jamais...

Je m'enroule dans mon drap que je vais, de toute façon, devoir rincer et file dans la salle de bain avec des vêtements propres sous le bras. Je n'ose même pas me regarder dans le miroir avant de me glisser sous l'eau chaude. Mes muscles se détendent, je vire le maquillage qui me restait sur le visage et compte le nombre de traces qu'Alec m'a laissé sur le corps. Je crois que je ne suis pas le seul à avoir complètement lâché prise.

Devant le miroir, je passe mes doigts sur ses suçons et les marques de ses morsures. La plupart sont sur mon torse, j'en ai même dans le dos – et une sur la cheville ! –, personne ne les verra, mais je vais être obligé de cacher ceux sur mon cou avec du fond de teint ou bien Papa va me regarder de travers.

En descendant dans le salon, j'ai la joie de voir que d'une part, le ménage a été fait de fond en comble et de deux, tous nos invités de la nuit sont partis. Je pense que j'aurais été mal à l'aise de croiser Lydia ce matin. D'ailleurs, je suis très mal à l'aise de croiser le regard d'Alec quand j'arrive dans la cuisine. Mais les rires de nos parents accaparent vite mon attention.

— Vous pouvez pas rire moins fort ? râlé-je.

Évidemment, leurs rires ne font que repartir de plus belle – je crois qu'ils se moquent de moi – et je me sers un café en vitesse avant de m'enfuir sur la terrasse. Une chance, il fait beau et plutôt bon, je me roule en boule sur le canapé où j'ai failli m'endormir hier soir.

— Tu as passé une bonne soirée ? demande mon père en s'asseyant à côté de moi.

— Oui... Mais j'ai trop bu. Vas-y, fais-moi la leçon.

Je me tourne vaguement vers lui, attendant un grand discours sur les effets délétères de l'alcool. Mais il reste silencieux et me regarde très sérieusement.

— Apparemment, il y a eu un incident, hier soir, continue-t-il finalement.

— Ah bon ?

— Izzy nous a dit que le frère de Clary était venu sans être invité.

— Oh si, il a été invité... par Lydia. Mais on s'est assuré qu'il laisse Clary tranquille, ne t'en fais pas.

— D'accord... Alors pourquoi Izzy avait l'air de s'inquiéter de ta réaction à sa présence ?

Je dois me retenir de manifester mon agacement. Je ne devrais pas être agacé, mon père et ma demi-sœur – sans doute même ma belle-mère – s'inquiètent pour moi, je devrais être content et soulagé. Mais, parce que répondre honnêtement à cette question en amènerait de nombreuses autres auxquelles je n'ai pas du tout envie de répondre, je me contente de secouer la tête.

— Peut-être parce que je le connais et qu'on s'entend pas vraiment bien.

— Tu savais qu'il était à ton université ?

— Oui, Papa, on suit les mêmes cours.

Avec un sourire, j'essaie de lui signifier que tout va bien, et ça semble fonctionner. Il tend la main pour ébouriffer mes cheveux et me laisse agoniser en paix. Je remarque qu'il a déposé un cachet et un verre d'eau sur la table basse, je m'empresse de les avaler. Je mérite pas mon père...

Je bois tranquillement mon café. Izzy finit par me rejoindre et me fait un long câlin sans dire un mot, sûrement de peur que nos parents nous entendent. Et parce qu'elle aussi a un peu bu hier soir et qu'elle ne doit pas avoir plus envie de parler que moi.

— Merci d'avoir rangé, ce matin, dis-je quand même.

— Oh, c'est pas moi, marmonne-t-elle. C'est Alec. Il avait presque fini quand je me suis levée, et il y avait plus rien quand Maman, Max et Asmodée sont arrivés. Je crois qu'il avait peur de se faire engueuler et que Maman lui interdise de faire d'autre fête avec sa copine.

Elle rit, gentiment moqueuse, et je me force à faire de même bien que je n'en ai pas vraiment envie. Je préfèrerais que Maryse nous interdise toute fête jusqu'à la fin de l'année, ou même de nos études, pour ne pas avoir à revivre celle d'hier.

Quand Izzy repart à l'intérieur, je prends mon portable pour vérifier si je n'ai pas reçu de message de la part d'Imasu. Mais rien. Même pas un pauvre emoji comme il a l'habitude d'en envoyer. Est-ce que je devrais envoyer quelque chose ? M'excuser, même si je sais pas trop pourquoi...

À force de réfléchir, je finis par vraiment m'endormir sur ce canapé et mon sommeil est un peu plus efficace, car quand Max vient me réveiller, une ou deux heures plus tard, je me sens mieux et mon mal de tête a enfin disparu. Je retourne chercher de quoi manger dans la cuisine et décide d'aller essayer de relire mes cours et de les recopier, vu que je n'ai pas pu le faire hier soir.

Sans surprise, je suis plus lent que d'habitude, et j'ai du mal à rester concentrer bien longtemps, puis c'est encore pire quand j'entends du bruit derrière ma porte. Je ne sais pas comment mais je reconnais Alec, alors je tends l'oreille. Je m'attends à ce qu'il frappe à ma porte mais il reste juste là et hésite avant de repartir.

Bon, reconcentre-toi...

Putain...

Je ne cesse de relever les yeux vers la porte, à me demander ce qu'il voulait. J'essaie d'admettre qu'il voulait sûrement me dire qu'hier soir ne signifiait rien, qu'il est avec Lydia et qu'il ne veut pas que ça change. Et j'arrive plus du tout à me concentrer.

Un coup sur ma porte me fait soudain sursauter et je me lève précipitamment pour aller ouvrir. C'est bien Alec, il entre sans attendre que je l'y invite. Il s'approche du lit et le fixe, réalisant sans doute que j'ai dû changer entièrement les draps à cause de ce qu'on a fait hier soir sur les anciens.

— Qu'est-ce qu'il y a ? demandé-je doucement pour qu'on ne nous entende pas.

— Rien, je voulais savoir comment tu vas... e-et si tu te souvenais de ce qu'on a fait...

Je fronce les sourcils. Heureusement que je n'ai pas oublié ! Sinon j'aurais carrément flippé à mon réveil vu l'état dans lequel j'étais ! Je grogne et tire sur le col de mon pull pour lui montrer l'un de ses suçons.

— Comment j'aurais pu oublier ? En plus, j'ai mal... et on s'est même pas protégé.

Il écoute même pas ce que je dis, son regard ne quitte pas l'ecchymose. Il tend la main pour la caresser, avec une tendresse qui me fait frissonner. Il se reprend et s'écarte.

— Excuse-moi... Mais ne t'en fais pas, c'est pas grave.

— Si, ça l'est ! rétorqué-je très sérieusement.

— Je me protège toujours avec les autres, c'est rien...

Ses paroles font revenir d'un coup la jalousie qui me taraude bien trop dangereusement depuis que je sais qu'il a une copine. Et je sais que ce n'est pas quelque chose que je devrais ressentir mais il est vraiment obligé de venir me balancer ses conquêtes au visage dans ma chambre, où on a encore couché ensemble, le lendemain où il l'a fait ?

Mon expression doit être assez claire parce qu'il essaie de se défendre.

— Je veux dire que je me suis toujours protégé...

— Comme hier soir ? Excuse-moi de ne pas être très confiant, là, tout de suite...

— Mais hier c'était la première fois que j'étais trop...

Il s'interrompt et son visage prend une adorable teinte rouge. On ne devrait pas avoir cette conversation. Je n'ai pas envie d'entendre ce qu'il s'apprêtait à me dire. Pourtant, il reprend le cours de sa pensée.

— Enfin avec les femmes, tu sais que c'est pas aussi...

— La ferme ! le coupé-je en le frappant au torse.

Et je le frappe encore et encore parce que je ne veux même pas qu'il pense qu'il a le droit de dire ce genre de chose. Il finit par attraper mes poignets et me plaque au mur derrière moi.

— C'était une erreur, lâché-je, le souffle écourté par ma colère. T'as une copine...

— Et je suis pas gay.

— Non, bien sûr.

Il me lâche et quitte ma chambre en claquant la porte, je regrette déjà d'avoir dit que c'était une erreur. Mais pour lui ça l'était, assurément.

Je fais le trajet seul, le lendemain matin, prêtant bien peu attention au fait qu'Alec semble commencer à la première heure lui aussi. Je pars avant lui, préférant le métro bondé à un silence inconfortable. J'arrive donc seul à l'université et me dirige vers mon cours, quand un attroupement attire mon attention. En fait, il attire mon attention parce que c'est le troisième depuis que je suis entré dans le bâtiment. Chaque fois autour des panneaux d'affichage, et je me rends compte que c'est étrange parce qu'aucune annonce n'attire autant de monde d'un coup, sauf les résultats des examens sans doute et ce n'est pas pour tout de suite.

Curieux, je m'approche. Les étudiants murmurent entre eux, il y a quelques rires moqueurs, des réflexions parfois vulgaires et je me demande ce qui peut bien être à l'origine de ça.

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