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Je suis d'une humeur de chien. Ni plus ni moins. Et heureusement pour lui qu'Alec n'est pas dans les parages sinon je lui sauterais à la gorge pour m'avoir laissé préparer le salon avec sa copine ! D'accord, nous ne sommes pas seuls, mais n'empêche...
Clary et Simon, vêtu d'un costume de Han Solo – c'est lui qui me l'a dit, je n'aurais pas reconnu sans son aide – sont en train de mettre les chips dans des bols alors que Lydia et moi ramenons les bibelots fragiles dans la chambre parentale. Maryse nous a laissé une liste d'instructions longue comme le bras pour éviter le plus de dégât possible. Enlever les bibelots. Fermer leur chambre et celle de Max. Fermer la salle de projection. Elle a même carrément choisi ce matin pour faire enlever tous les tapis et les envoyer au nettoyage. Son appréhension m'a fait rire jusqu'à ce que je tombe nez à nez avec Lydia, en début d'après-midi, alors qu'elle sortait de la chambre de mon demi-frère. Belle. Blonde, les yeux bleus. Parfaite. Je la déteste.
J'ai réussi à convaincre Alec de laisser Izzy inviter Clary et Simon. D'abord parce qu'il a invité Jace et qu'il aurait probablement fait venir Clary, donc Izzy aurait fait la tête parce que Simon ne serait pas là. Ensuite parce que mes propres meilleurs amis m'ont lâché. Si ça ne me surprend pas de la part de Ragnor – parce qu'il va y avoir beaucoup de gens –, j'ai été déçu que Catarina me dise qu'elle avait déjà des projets. Et ça non plus, ça ne m'aide pas à être de bonne humeur.
Une fois tous les objets dans la chambre, je la ferme à clé puis je vérifie que celle de Max l'est aussi. Les parents ont décidé d'emmener Max faire la tournée des bonbons avant d'aller au cinéma puis ils vont passer la nuit à l'hôtel. En réalité, je suis à deux doigts de les appeler pour leur dire que je les rejoins.
Quand je reviens dans le salon, il n'y a toujours pas un Lightwood en vue. Izzy est probablement en train de finir de se préparer et Alec... Je doute que son costume lui prenne autant de temps, alors il évite sûrement juste d'avoir à faire le sale boulot. Et, pour ça, je vais le tuer.
Agacé au dernier stade, je monte à l'étage et vais frapper fort contre sa porte. Le bruit résonne probablement jusqu'au salon mais personne ne m'en voudra, j'en suis certain. La porte finit par s'ouvrir même si j'entends mon demi-frère râler derrière. Je suis prêt à l'engueuler à la seconde où il sera en face de moi, pourtant je me fige en le voyant. L'expression sur son visage m'apprend qu'il n'a pas eu son mot à dire à propos de son costume. Je me retiens très fort de rire et de le saluer d'un « Ahoy ! » qui le mettrait encore plus mal à l'aise. Pourquoi je ne le fais pas ?
— Quoi ? grogne-t-il alors qu'il doit voir que j'ai envie de me moquer.
J'ai oublié que j'étais en colère. Il a même le petit chapeau blanc !
— T'as de la chance, elle aurait pu te déguiser en Popeye, lui lancé-je en souriant.
— Tu t'amuses bien ?
— Oh, t'as pas idée ! Maintenant bouge ton cul et va aider !
Je m'écarte et tends le bras vers les escaliers pour l'inviter à descendre rapidement. Il soupire et passe devant moi en refermant sa porte. Lydia n'est pas idiote, je ne sais pas ce qu'elle a choisi pour elle mais le costume d'Alec lui va foutrement bien. Le t-shirt bleu foncé à col blanc et rouge met en valeur ses épaules musclées et le pantalon moule parfaitement les courbes de ses jolies fesses.
Après avoir fait quelques pas, il se retourne et je relève très vite les yeux.
— Tu ne viens pas ?
— Hm non, réponds-je. Il est près de dix-neuf heures, je dois aller mettre mon costume.
— Et tu en as pour longtemps ?
— Le temps nécessaire ! Je te rappelle que « ça », dis-je en désignant son costume, t'a pris une heure. Et que pendant ce temps, il a bien fallu que quelqu'un s'occupe de la déco !
— Oh ça va, c'est pas comme si tu étais tout seul...
Il lève les yeux au ciel, blasé, et ma colère revient. Plus forte encore. Merde, c'est quand même son idée cette fête. C'est moi qui aurais dû « aider », pas l'inverse !
— Non mais... Ce sont nos invités en bas, c'est pas à eux de faire ça, c'est... Bordel il t'arrive d'avoir du respect pour quelqu'un d'autre que toi ? Il t'arrive de penser à ce que les autres peuvent vouloir ou ressentir ?
Les mots sortent trop vite de ma bouche, je n'ai pas le temps de les penser et encore moins de les retenir. Ses yeux plongent dans les miens et il tend la main mais je recule pour l'empêcher de me toucher.
— Non c'est pas... Je voulais pas dire ça.
— Mags.
— Va chercher ta sœur et descendez finir, pour que Clary et Lydia puissent aussi avoir un peu de temps. Pour leur costume.
Je n'attends même pas sa réponse et file dans ma chambre. C'est pas vrai, c'est pas possible, j'ai pas pu dire un truc pareil ! C'est ridicule. Pourvu que personne d'autre que lui ne m'ait entendu.
Je m'appuie contre ma porte et me laisse glisser jusqu'au sol. J'ai l'impression qu'une partie de moi continue de s'accrocher à lui, alors même que je sais que c'est une mauvaise idée et que ça ne m'apportera que de la souffrance parce qu'il a été clair : c'est une passade.
Je m'accorde quelques minutes pour me reprendre puis je me relève, je dois encore me préparer. Le costume est posé sur mon lit, un costume que j'attends de mettre depuis un an. Depuis que je suis gamin, j'ai l'habitude de réfléchir à mes costumes d'Halloween d'une année sur l'autre pour ne pas avoir à me creuser la tête au dernier moment. Après la fête de l'an dernier, où je me suis déguisé en diable – oui, on a les idées qu'on a... – j'ai décidé de me trouver un costume de danseur oriental. Il m'a fallu quelques mois pour trouver mon bonheur et puis, voilà la merveille : un pantalon de voiles pourpre, resserré sur mes chevilles pour le rendre bouffant, une ceinture de danse d'un rouge à peine plus foncé brodée de perles noires et de pièces dorées, et un crop-top noir bordé des mêmes pièces dorées que la ceinture, légèrement transparent. Moins que le pantalon, cela dit, lequel m'a demandé de bien réfléchir à ce que j'allais pouvoir porter comme sous-vêtement pour que ça ne soit pas inesthétique. Un jockstrap m'a paru le mieux adapté, surtout que la ceinture couvre mes fesses donc personne ne devrait s'en rendre compte à moins d'y regarder attentivement – ce qui n'arrivera certainement pas.
J'enfile ce costume qui me redonne confiance en moi quand je me regarde dans le miroir, j'y ajoute quelques bracelets dorés le long de mes bras, quelques colliers, des boucles d'oreille et, enfin, je m'installe à mon bureau pour me maquiller et me coiffer. Hors de question de sortir de ma chambre à moitié prêt alors que je ne sais pas qui je pourrais croiser sur le palier.
Il s'écoule plus d'une heure avant que je ne ressorte de ma chambre mais, honnêtement, à aucun moment je n'ai ressenti le besoin de me presser. Pourquoi me serais-je pris la tête pour ça alors qu'Alec ne l'a pas fait ? Et même si lui n'est pas très habitué à ce genre de préparatifs, je sais très bien qu'Izzy et Clary sont rodées, et notre sœur saura le mettre au pas s'il rechigne.
— Oh mon Dieu, ton costume est magnifique !
Je me tourne vers Lydia qui me fixe avec un immense sourire. Beurk, en plus elle veut faire la gentille... Elle s'approche rapidement de moi, dans son costume de sirène brillant de mille feux. Putain je suis jaloux. Elle a coiffé ses cheveux en une épaisse tresse – avec sans doute des extensions –, porte une couronne de coquillages, un soutien-gorge et une jupe à motif d'écailles, couverts de perles par endroit, la jupe resserrée juste au-dessus de ses cheville avant de s'évaser et de couvrir le sol, cachant ses pieds, un filet entoure élégamment sa taille fine. Et son maquillage est du même niveau. C'est sublime et sans aucun doute fait sur mesure dans des étoffes dont j'ai probablement jamais entendu parlé !
— Tu l'as fait toi-même ? demandé-je.
— Quoi ? Non ! lance-t-elle en riant. J'aimerais avoir ce talent, mais je l'ai commandé sur Internet. Ça te plaît ?
— À qui ça ne plairait pas ?
— Han merci, t'es adorable !
Elle s'approche en faisant des tout petits pas et vient m'enlacer une seconde. Je suis content que mon maquillage soit un tant soit peu élaboré, parce qu'à côté d'elle, mon costume paraît complètement fade... alors que je l'adorais il y a deux minutes.
On descend, je laisse passer Lydia devant moi et disparaît complètement quand les filles la voient. Izzy s'est déguisée en Princesse Leïa et je crois deviner que Clary est Kim Possible.
— Dis-moi que tu as convaincu Jace de se déguiser avec toi, lui dis-je en me hissant sur un des tabourets du comptoir.
— Oui ! s'exclame-t-elle. Tu vas voir, ça lui va trop bien !
Je ne peux m'empêcher de rire devant son excitation manifeste et je ne saurais dire si ça vient d'Halloween, de leur costume de couple, ou bien du fait qu'elle participe à une fête d'étudiant – j'ai cru comprendre qu'elles ont rendu leurs copines jalouses toute la journée avec ça.
Dans la demi-heure qui suit, la plupart des invités arrivent et je n'en connais pas la moitié. Je ne suis pas sûr qu'Alec en connaisse plus que moi et Lydia agit comme si c'était sa fête, ce qui a tendance à me hérisser. Je voudrais lui dire d'arrêter de faire comme si elle était chez elle mais je ne me sens même pas assez légitime pour ça... alors que je vis ici depuis cinq mois ! Je n'ai toujours pas l'impression d'être chez moi, c'est vrai, et ce soir ne m'aide vraiment pas. J'essaie de me satisfaire du fait que les trois lycéens s'amusent et Jace est effectivement parfait en Robin Trépide. Quand je lui en ai fait la remarque, il a levé les yeux au ciel en disant qu'il faisait ça pour Clary, c'est adorable.
Seul dans mon coin, je les regarde en enchaînant les bières. Il y a du monde partout, dans le salon, la cuisine, l'entrée, la terrasse et le pallier de l'étage, peut-être même sur le balcon mais je n'ai pas encore pu accéder aux escaliers. La musique résonne dans tout l'appartement, ça danse un peu partout et je n'ai même pas la tête à le faire aussi. Si seulement Lydia arrêtait d'embrasser Alec toutes les deux minutes. J'ai l'impression que, dès que je les regarde, elle fait la ventouse sur lui.
Un verre de punch à la main, je finis par sortir sur la terrasse pour essayer de prendre l'air, je prends une poignée de bonbons en passant à côté d'un bol et m'installe contre la rambarde.
— Ah ! Enfin, je te trouve !
Imasu s'approche et soupire en s'appuyant à côté de moi. Je me mets à sourire, heureux et soulagé d'avoir un ami au milieu de cette masse indéterminée.
— Qu'est-ce que tu fais là ? demandé-je, surpris par sa présence. Tu m'as dit que tu ne pourrais sûrement pas venir !
— Je me suis arrangé, il paraît que c'était la fête à pas manquer !
Je lève les yeux au ciel alors qu'il se met à rire. Lydia et ses amis ont fait la promotion de la fête pendant des jours à la fac. Pas étonnant qu'il y ait autant de monde.
J'observe finalement le costume d'Imasu qui s'est déguisé en cow-boy et c'est étrangement sexy. Je saisis le bandana qu'il a noué autour de son cou entre mes doigts.
— C'est pas très original, je sais, dit-il en riant. Alors que toi !
Il prend ma main et me tire doucement pour que je me redresse. Je ne dis rien quand il me regarde parce que j'ai fait la même chose, mais je suis un peu gêné. Je le vois se mordre discrètement la lèvre avant de secouer la tête.
— Tu es superbe, sublime, souffle-t-il. J'espère que je suis pas le premier à te le dire.
Embarrassé, mais charmé par son compliment, je ris nerveusement et bois une gorgée de punch. Puis je remarque qu'il n'a pas de verre.
— Oh, tu veux boire quelque chose ?
— Hm je veux bien un soda.
— Petit joueur ! le taquiné-je.
— Je suis en voiture, je voulais pas prendre le métro dans cette tenue.
Comme je le comprends, même un soir d'Halloween. Je pose mon verre, lui fais signe d'attendre et retourne à l'intérieur pour lui prendre un soda dans le réfrigérateur. Après avoir sorti une canette, je me retrouve coincé dans le coin juste à côté. Mon regard court sur le torse du beau marin jusqu'à ses yeux noisettes qui lancent des éclairs.
— Qu'est-ce qu'il fait là ? demande-t-il, et je sais qu'il parle d'Imasu.
— Je l'ai invité.
— Pourquoi ? Je le connais même pas, c'est la moindre...
— Ah non ! le coupé-je. Pas de ça. C'est qui, lui ?
Je désigne un mec qui m'est inconnu, au hasard, dans la foule près de nous. Alec jette un œil et hausse les épaules.
— J'en sais rien, sûrement un ami de Lydia.
— Donc elle, elle a le droit d'inviter ses amis, mais pas moi ?
— C'est différent.
— Effectivement ! Je suis chez moi, je te le rappelle, alors j'invite qui je veux, quand je veux... où je veux...
Il comprend le sous-entendu – même si je ne compte évidemment pas inviter Imasu dans ma chambre – et ça le calme instantanément. Je le pousse et retourne auprès de mon ami pour lui donner sa canette.
— C'est ton demi-frère, le marin ? questionne Imasu. Il a l'air... pas très sympa.
— Non, il est pas très sociable, c'est tout. Les fêtes, c'est pas son truc.
— Oh. C'est mignon, tu le défends.
— Hein ? Euh... pas vraiment.
Son sourire attendri me serre le cœur. S'il savait ce que ça cachait, il ne sourirait certainement pas comme ça. Je change de sujet en lui montrant Izzy qui s'éclate sur la piste de danse.
Quand il a fini sa canette – et que j'ai fini mon verre de punch et une autre bière –, il me propose d'aller danser. J'accepte sans hésiter, grâce à lui je me sens mieux et Lydia et Alec restent loin de mon champ de vision, ce qui me permet de profiter un peu plus de la fête. On danse un long moment, d'abord l'un à côté de l'autre, puis il vient poser ses mains sur ma taille nue. Je frissonne.
— J'ai les mains froides ? s'amuse-t-il.
Je hoche la tête. En fait, c'est tout le contraire, ses mains sont brûlantes sur mon corps. C'est si agréable que je me rapproche un peu plus de lui. J'oublie un peu ce qui se passe autour et ça me fait un bien fou... Jusqu'à ce que le monde se rappelle à moi – trop vite – en la personne de Clary qui se fraie un chemin jusqu'à moi. Son expression bouleversée m'inquiète aussitôt.
— Biscuit ? Qu'est-ce qui se passe ?
— Mon frère... Il est là.
Je suis son regard et me tourne pour voir Jonathan, apparu comme une fleur au milieu du salon.
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