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Je sors de ma torpeur, à moitié allongé sur Alec, la tête posée sur son torse et l'un de ses bras m'entourant. Lui semble dormir encore profondément. Je n'ai pas eu de réveil aussi doux depuis longtemps – hm en fait... probablement depuis jamais –, malheureusement mon esprit ne me laisse pas en profiter. L'accident de mon père me revient aussitôt en tête avec mon angoisse et un besoin irrépressible de récupérer mon téléphone, resté dans ma chambre, pour ne pas rater l'appel de Maryse. Je n'ai aucune idée de l'heure qu'il est mais, bien qu'il fasse encore nuit, je sais que je n'arriverai pas à retrouver mon calme sans avoir mon téléphone près de moi.
Je repousse le bras d'Alec le plus délicatement possible pour ne pas le réveiller et je m'extirpe du lit, en essayant d'ignorer la légère douleur causée par nos ébats. À tâtons, je retrouve mon t-shirt et mon boxer que j'enfile, au cas où je croiserais Izzy dans le couloir. Ce serait déjà bizarre qu'elle me voie sortir de la chambre de son frère mais si, en plus, je suis nu, aucune excuse ne serait suffisante.
— Ça sert à rien de t'enfuir, résonne soudain la voix taquine de mon demi-frère. Je te retrouverai, ta chambre est de l'autre côté du couloir.
— Désolé, je voulais pas te réveiller...
Je soupire en terminant de mettre mon t-shirt. Il faut croire que je suis moins discret que je l'imaginais.
— J'ai pas mon téléphone et ta mère a dit qu'elle m'appellerait pour donner des nouvelles, lui expliqué-je.
Il se redresse et attrape son portable, la lumière illumine alors la pièce et j'aperçois ses cheveux en pagaille et ses yeux encore mi-clos, à moitié endormis. Il est plutôt mignon, comme ça.
— Il est que six heures, m'informe-t-il. Elle appellera pas tout de suite.
— Oh... Hm, je vais juste le chercher alors, et je reviens... Si ça t'embête pas.
— Pourquoi ça m'embêterait ? Fais vite.
— Okay.
Je quitte rapidement la pièce pour ne pas être tenté d'aller l'embrasser et file dans ma chambre. Mon téléphone m'attend toujours sur la table de chevet où je l'ai posé et je vérifie, tout de même, que je n'ai pas d'appel manqué. Rien. Alec a raison, il est sûrement encore trop tôt.
Il est toujours assis en train de regarder son portable lorsque je reviens dans sa chambre. Il ne relève pas la tête, donc je remonte sur le lit pour reprendre la place qui était la mienne cette nuit. Je pose mon téléphone à côté de ma tête en me demandant si je vais pouvoir me rendormir ou pas. J'ai dû dormir trois heures, peut-être. Si je dois m'inquiéter toute la journée, ce n'est clairement pas assez. Rien ne le serait, cela dit.
Mon demi-frère repose finalement son portable et nous nous retrouvons dans le noir, allongés l'un à côté de l'autre, sans oser se toucher. J'hésite à chercher sa main mais mes tergiversations doivent être trop longues parce qu'il finit par se rendormir. Je suis un idiot. Hm c'est sans doute mieux comme ça, non ? Agacé par moi-même, je me tourne vers le mur et attrape mon téléphone en essayant de retenir un soupir. J'ouvre Facebook et commence à scroller sans vraiment lire mais après quelques instants j'entends Alec bouger derrière moi. Ses bras passent autour de ma taille et il me prend mon téléphone des mains. En tournant la tête vers lui, je le vois le poser sur sa table de chevet, avec le sien, puis il vient se coller contre mon dos.
— Il faut que tu dormes, grogne-t-il, la voix ensommeillée.
Il cale sa tête contre mon cou avant de se laisser à nouveau emporter par les bras de Morphée. Il m'a surpris, je croyais qu'il dormait. Son souffle sur ma peau me fait frissonner et m'apaise, je ferme les yeux et me concentre sur son étreinte et sur mon cœur qui palpite.
Quand je me réveille de nouveau, plusieurs heures plus tard, le soleil est enfin levé. Je me frotte les yeux et me tourne vers Alec, qui est déjà réveillé et ne m'enlace plus. Et il détourne rapidement la tête. Je remarque qu'il s'est rhabillé et est allongé sur la couverture.
— Est-ce qu'elle...
— Non, rien encore, me coupe-t-il. Sinon je t'aurais réveillé.
Je me redresse pour tendre le bras vers la table de chevet, j'essaie de ne pas penser à quel point nous sommes proches quand je fais ça. La situation est bizarre et on dirait que ma présence le met mal à l'aise. Je m'excuse en me rasseyant, mon portable dans la main. Je devrais sans doute le laisser tranquille – parce que je sais d'expérience qu'il est difficile de lui faire dire ce qui ne va pas.
— Tu crois que je suis gay ? demande-t-il soudain.
— Pardon, quoi ?
Un bras sous la tête, il me regarde une seconde avant de baisser les yeux. Je ne m'attendais pas à ce qu'il pose une question pareille, mais il attend visiblement que j'y réponde. Sauf que je ne sais pas ce que je suis censé lui dire, je n'ai pas vraiment compris comment on en est arrivé à coucher ensemble, même si je ne regrette pas que ce soit arrivé.
— Eh bien, je... tu n'as pas couché avec des femmes ? Tu n'as pas... couché avec une femme après qu'on a...
Je me sens brusquement rougir. L'embarras m'a fait évoquer ce que je n'avais pas très envie de ramener sur le tapis. Ni ce qu'on a fait dans la salle de projection, ni le fait que j'ai vu le message que cette femme lui a envoyé dix jours plus tard.
— Alors t'as vraiment vu le message...
— Ouais.
— Je suis trop con... J'aurais jamais dû faire ça.
Ma gorge se noue, il s'assoit à son tour et pose ses mains sur son visage. Je dois dire qu'une partie de moi s'attendait un peu à ce qu'il regrette ce qu'on a fait, mais j'aurais préféré que ça n'arrive pas devant moi. Surtout que, là, tout de suite, je ne suis pas certain d'arriver à gérer un rejet brutal.
— Je vais te laisser, dis-je en commençant à me lever.
Il attrape brusquement mon bras pour me retenir mais j'ai juste envie d'aller dans ma chambre pour ne pas me mettre à pleurer devant lui.
— Lâche-moi, s'il te plaît, murmuré-je.
— Non, c'est pas ce... Je parlais pas de ce qu'on a fait.
— C'est vrai ?
Il fait « oui » de la tête et me lâche. Beh alors de quoi ? Je ne comprends plus ce qu'il essaie de dire. Je m'assois en appuyant mon dos contre le mur.
— J'aurais pas dû laisser mon portable sur le comptoir, comme ça. Je l'ai fait sur un coup de tête parce que... parce que j'arrivais pas à m'ôter de la tête ce qu'on a fait dans la salle de projection. Je voulais que tu ne te fasses pas d'idées... que tu comprennes que je ne suis pas comme toi.
Il tend sa main vers la mienne mais se ravise et croise les bras, il regarde à nouveau ailleurs.
— Ça a marché, réponds-je pour rompre le silence.
— Je suis désolé... Je vais ajouter ça à la liste de ce dont je dois me faire pardonner.
— Juste... Explique-moi ce qui se passe, je ne comprends pas.
Il n'a pas à se faire pardonner le fait de ne pas être attiré par moi, mais alors pourquoi hier soir ? Comment ?
— J'ai déjà couché avec plusieurs femmes mais quand je me suis retrouvé avec toi, l'autre jour... J'avais jamais rien ressenti d'aussi fort et d'aussi bon alors qu'on a juste... enfin... Je crois que j'ai pris conscience de ce que je suis et ça m'a fait peur. Et puis je me suis dit que coucher avec une femme, après ça, me rendrait normal à nouveau que... que tu avais fait quelque chose pour me mettre dans cet état, que c'était de ta faute...
Encore une fois, il se frotte le visage, sourcils froncés. Je pourrais me sentir blessé par ses paroles mais il est évident que ce sont des choses qu'il ne pense plus et qu'il n'assume plus d'avoir pensé. Je suis surtout triste pour lui, ça n'a pas dû être facile à gérer, je suis bien placé pour le savoir.
— Non seulement ça n'a pas marché, mais en plus j'ai commencé à me dire que je n'étais peut-être pas du tout attiré par les femmes.
— Elle avait... pourtant l'air content de l'expérience.
Je l'entends pouffer de rire alors que, gêné, je regarde mes mains. Je suis sûrement trop curieux pour mon propre bien mais, si je me souviens bien, elle avait très envie de le revoir.
— En réalité, si j'ai pu coucher avec elle c'est parce que... je pensais à toi. Je pensais... aux sons que tu as fait ce soir-là.
Oh Seigneur ! Je me cache dans mes mains et je crois avoir vu qu'il est aussi rouge que moi. Pourquoi me dit-il une chose pareille ? Est-ce que j'avais vraiment besoin de savoir ? Putain... Je crois que ça me fait plaisir... Qu'est-ce qui cloche chez moi ?
— Pardon, je voulais pas t'embarrasser, dit-il avec un léger rire dans la voix.
J'écarte un peu mes doigts pour le regarder, ses joues sont encore cramoisies et il ose se moquer de moi ? Il ose même attraper mon poignet pour voir mon visage. Le sourire sur sa bouche m'empêche de faire semblant de bouder, mon coeur se met à battre plus fort.
— Idiot, murmuré-je en baissant les yeux.
Il m'attire doucement contre lui pour m'embrasser. Et je n'ai même pas la force de le repousser tant mon envie d'être dans ses bras est vive. Alors je me laisse aller à oublier tout le reste.
Des coups sur la porte de la chambre nous font sursauter et je recule brusquement.
— Alec ? fait la voix d'Izzy, de l'autre côté. Magnus est avec toi ?
J'échange un regard alarmé avec mon demi-frère. Elle a dû aller dans ma chambre pour voir comment je vais, sauf qu'elle ne m'y a évidemment pas trouvé.
— Oui, il est là, lui répond-il. On vient de se réveiller, on arrive.
— D'accord !
Je soupire, passant une main dans mes cheveux. Ça y est, tout le reste nous rattrape. Notre famille et, surtout, l'état préoccupant de mon père, ainsi que la culpabilité d'avoir voulu y échapper quelques minutes de plus.
Alec me laisse me lever, cette fois, et je me rends compte que, lorsque je serai sorti de sa chambre, on devra faire comme si de rien n'était. Mais c'est pas comme si il pouvait arriver quoi que ce soit après, hein ? C'est toujours mon demi-frère, après tout.
Incapable de mettre des mots sur ce que j'aurais envie de faire de ce « nous » nébuleux, je me contente de filer. C'est pas le meilleur moment pour faire ce genre de chose, pas alors qu'une grande partie de mon esprit se focalise sur mes angoisses à nouveau.
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