Chapitre 7 Ressentir


Bonne lectuuuuure ❤️

Hunter

La journée a été épuisante. Terrassante, même. La seule envie que j'ai à cet instant est de rejoindre le club Dolce et de m'enfouir entre les jambes de Taylor.

Sauf que je suis même trop fatigué pour bander, putain.

J'arrive devant chez moi à 21 heures 15 et étouffe un bâillement en me garant devant la maison à deux étages. Les lumières sont encore allumées, signe qu'Amaya est là.

Amaya.

Cette gamine – enfin plutôt cette femme – foutrement insupportable. Je repense à sa comparaison avec un hot dog et pousse un grognement.

⎯ Je sens qu'elle va me rendre dingue, putain.

Elle m'oblige à ressentir de la colère, moi, l'homme qui ne ressent rien pour personne.

Une briseuse d'équilibre et une chieuse, voilà ce qu'elle est. Un fardeau que je dois supporter.
Et en parlant de cette tornade, le prénom de Tao s'affiche sur l'écran central de ma Maserati. Je laisse le moteur tourner tout en décrochant. La voix de mon meilleur pote résonne directement dans mon véhicule :

⎯ Hunt ? Je n'arrive pas à joindre Amaya, ça va ?
⎯ Je ne suis pas son putain de baby Sitter, Tao. Mais merci de me demander si moi, je vais bien.

Mais qu'est-ce qui m'arrive ?

Ma voix colérique ne déstabilise pas Tao qui rigole à travers le micro.

⎯ Pardon de t'avoir vexé, docteur Bamford. Comment vont tes jolies petites fesses, ce soir ?
⎯ Ta gueule, Tao.

Il rigole de plus belle. Entre lui et Alec, je me demande lequel je vais tuer en premier.

⎯ Je viens seulement de me garer devant chez moi, je reprends. Je pense qu'Amaya était occupée et n'a pas pu prendre ton appel.
⎯ Je déteste quand elle fait ça. Je passerai la voir demain.

Je m'en fou totalement, mais je le laisse me parler de son inquiétude tout en traitant mes mails directement sur mon portable.

⎯ On devrait déjeuner tous les trois, reprend Tao.
⎯ Je ne crois pas, non.
⎯ Pourquoi pas ?

La perplexité résonne dans son ton.

⎯ Peut-être parce que ta sœur se nourrit apparemment exclusivement de sucre et de céréales ?

Et parce que je n'ai aucune envie de me retrouver en tête à tête avec cette petite teigne.

⎯ Est-ce que vous vous entendez mal ? me demande finalement Tao. T'avais promis de faire un effort, mec.

Je plisse les yeux même si cet enfoiré ne peut pas me voir. Pourquoi est-ce que je serai automatiquement le problème ?

⎯ Je sais que tu n'aimes pas l'idée d'avoir quelqu'un chez toi, reprend Tao sans attendre ma réponse. Mais je n'avais confiance qu'en toi Hunter. Parce que je sais que tu resteras loin d'elle tout en veillant d'un œil sur elle. C'est temporaire. Elle n'a rien, à part moi. Et je n'ai qu'elle.

La peine que je ressens dans sa voix étouffe le véhicule, mais comme pour le reste des émotions humaines, elle passe sur moi, glisse sur ma peau sans m'impacter véritablement.

⎯ Tu me dois bien ça, Hunt'.

Mes mâchoires se serrent.

⎯ Je sais, Tao. Tu me l'a suffisamment rappelé.

Je m'apprête à lui dire autre chose, mais un double appel arrive. En découvrant qu'il provient d'une personne de mon équipe médicale, je me tends.

⎯ Je dois te laisser.

Je ne laisse pas le temps à Tao de répliquer et termine mon appel pour prendre l'autre.

⎯ Oui ?
⎯ Docteur Bamford ? C'est l'anesthésiste de demain. Désolée de vous déranger aussi tard.

Son ton ne me plait pas.

⎯ Qu'est-ce qui se passe ? Il y a une urgence ?
⎯ Je....

Un silence de mort prend place.

⎯ C'est au sujet de l'opération programmée pour demain matin. Pour Monsieur Fredrick Banner.

Je me tends. Est-ce qu'il y a une erreur dans les dates ? Je n'espère pas.

Je suis censé opérer le jeune homme demain matin à la première heure. Fredrick Banner est un jeune de vingt ans qui a vu sa carrière de sportif se terminer plus tôt que prévu. Je me rappelle encore de ses larmes dans mon bureau des mois plus tôt.

Il est atteint de glioblastome, de tumeurs cérébrales très agressives. Il a eu plusieurs lourds traitements, malheureusement les tumeurs cérébrales ne cessent de récidiver. La tumeur se redéveloppe. Le cancer recommence à progresser en dépit de l'arrêt soutenu de la néovascularisation.

Plusieurs tumeurs encore plus invasives s'infiltrent profondément dans le tissu cérébral, mais la chirurgie était toujours envisageable à ce stade.

Je sais à quel point Fredrick attendait l'opération de demain matin. Il n'en pouvait plus, de cette vie. Il ne la supportait plus.

⎯ Que se passe-t-il ? je demande à nouveau en me braquant.
⎯ L'opération n'aura pas lieu, Monsieur. Fredrick s'est suicidé cet après-midi.

Mon souffle se coupe. Les battements de mon cœur se perdent dans les méandres de mon esprit. 

Ce n'est pas possible, putain.

Je n'écoute plus les mots de l'anesthésiste. Je n'entends plus rien. Je raccroche, doucement.

Puis j'inspire brusquement. Je suis tellement coupé de l'extérieur, habituellement. Surtout des patients. Ça m'aide à mieux travailler, plus efficacement. Je suis comme ça. Je ne ressens rien. Mais là, en pensant à ce jeune homme qui a perdu foi en la vie. Qui a perdu l'espoir.

Je sens. Je ressens.

La rage de pas avoir pu le sauver. La tristesse de son geste. Le désespoir.

Je ressens la putain de douleur de mon patient.

Je laisse chaque vague d'émotion me terrasser peu à peu. Mes mains frappent mon volant. Une fois, deux fois. Et encore d'avantage.

⎯ Putain de merde ! j'explose.

Divaguant et vacillant sur mes propres jambes, je récupère mes affaires, et rejoins la maison. Un bruit sourd continue de bourdonner dans mes oreilles. Je...Je ne vois rien autour de moi. Ou plutôt, si, je vois rouge face à la nouvelle qui vient de m'éclater en pleine gueule.

Je préfère quand je ne ressens rien. Je préfère quand la douleur des autres ne vient pas me tuer.

Je claque la porte dans mon dos. Une odeur d'ail et de beurre me vient dans les narines mais je l'ignore. Ensuite, c'est la silhouette d'Amaya qui prend place devant moi. Mais je la distingue à peine, encore aussi choqué.

Je crois qu'elle me parle, je vois ses lèvres pulpeuses s'ouvrir plusieurs fois. Peut-être me lance-t-elle une réplique acerbe pour me rendre dingue.

Mais je le suis déjà, fou.

Je passe près d'elle, hermétique à mon propre environnement. Tout se mélange en moi. Tout prend feu. Tout explose sans que je ne puisse me protéger. Je dois...je dois refixer mes propres barrières. Reconstruire mes propres murs avant d'exploser moi-même !

Je me laisse tomber sur le canapé du salon et entend Amaya arriver près de moi. Elle se desse debout devant moi, vêtue de son foutu long tee shirt comme pyjama.

⎯ Eh, oh, Hunter ? Tu vas bien ?

Bien ? Est-ce que je vais bien ? Non putain ! Je veux que tout disparaisse. Je veux qu'elle disparaisse, elle !

⎯ Bien ? je rigole.

Amaya fronce un peu plus ses sourcils, perdue. Elle s'éloigne vers la cuisine. Mais son départ ne me redonne aucun souffle. J'étouffe toujours autant.

Mes murs ne se redressent pas pour me couper du monde. Pourtant, il le faut !

Ses pas sont étouffés par le tapis tandis qu'elle revient. Elle pose un verre d'alcool devant moi, sur la table basse. Puis elle installe ensuite une assiette avec de la nourriture.

⎯ Tu devrai manger.

Je n'entends pas ce qu'elle raconte. Je ne pense qu'à mon patient. Et j'ai de nouveau envie de hurler. Je veux hurler à Amaya de dégager de ma vue. Je veux respirer, à nouveau.

J'ouvre la bouche mais aucun mot n'en sort. Et elle reste là, debout devant moi. Sa main se tend dans ma direction mais ses doigts s'arrêtent à mi-chemin.
Elle ne me touche pas, comme si elle savait quel danger elle encourait à cet instant.

Jamais, sa peau n'a été en contact avec la mienne. Et ça ne commencera pas ce soir, pas vrai ?

Amaya recule sa main et la ramène près de son propre corps. Elle in spire brusquement, se demandent sans doute quels démons sont actuellement en train de me tourmenter. Moi, je fixe le vide, perdu dans ma propre tête.

Je tombe, encore et encore.

Je la sens s'éloigner.

C'est exactement ce que je voulais.

Mais quand son corps quitte mon champ de vision, ma main agit par la force de sa propre volonté.

Un glapissement sort de la bouche d'Amaya quand mes doigts s'entourent autour de la peau de son poignet.

C'est la première fois que nos deux peaux se rencontrent. Le temps d'une seconde, je me sens encore plus perdu dans ma tête. Puis, je ne suffoque plus.

D'autres flammes, inconnues, prennent place autour de moi.

Amaya s'immobilise, debout devant moi. Elle fixe mes doigts, sa langue passant sur ses lèvres.

⎯ Qu'est-ce que tu fais ? chuchote-t-elle.

Alors je prends conscience de ce que je fais. Je comprends mon geste. Je l'ai touchée, putain. Sans même y réfléchir à deux fois.

Ma bouche s'ouvre et enfin, je me reconnecte avec la réalité. Mes murs se redressent peu à peu. Je me reprotège de tout et de tous. Mon équilibre revient au galop.

Et je fixe les yeux d'Amaya une seconde avant de reporter mon attention sur la table basse. Elle m'a apporté de la nourriture.

⎯ Merci.

Je la relâche comme si sa peau venait bruler la mienne, ce qui est sans doute le cas, au fond. Elle était si chaude. Si brulante, putain !

Amaya fait un pas en arrière, puis recule à nouveau et quitte la pièce sans répondre. Peut-être s'est-elle brulée, elle aussi.

J'entends ses pas marteler les marches de l'escalier pendant qu'elle rejoint l'étage.

Je reste seul. Et c'est mieux ainsi. La crise est passée.

Alors, je laisse de côté l'assiette et récupère le verre l'alcool. Je l'avale d'une traite puis me laisse tomber en arrière contre le dossier du canapé. Mes yeux se ferment durement.

Mon équilibre est de retour. C'est le plus important.

C'est tout ce que j'ai, après tout. Tout ce qu'il me reste.

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J'espère que ce chapitre vous a plu ! Vos impressions ?

A tres vite ❤️

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