chapitre 4

Kalhne était installée devant un ordinateur au lycée, profitant d'une connexion Internet plus stable qu'à la maison. Cependant, la discrétion n'était pas de mise, car le CDI était envahi par une centaine d'élèves. Cela semblait être le moment choisi par tous pour se rassembler, comme par hasard, alors qu'elle voulait mener ses recherches en toute tranquillité.

Elle tapota le dernier "a" de "wicca" dans la barre de recherche, déclenchant l'afflux d'une multitude de liens.

Histoire de la wicca

Gérald Gardner

La sorcellerie et la magie blanche

Les plantes spirituelles...

Kalhne se trouvait perdue parmi ces titres. Son curseur hésitait entre l'histoire et la sorcellerie, jusqu'à ce qu’Angeline, son amie, s'asseye à ses côtés.

— Moi, je choisirais l’histoire, ça a l’air plus fiable, assura Angeline, un sourire aux lèvres.

Kalhne sursauta, la main sur le cœur.

— Tu m’as fait peur ! Euh, je fais des recherches sur quelque chose que j’ai vu à la bibliothèque...

Angeline inclina la tête, curieuse.

— Oui, la wicca, je connais. C’est une religion païenne.

— Ce n’est pas une secte ? demanda Kalhne, un frisson d’inquiétude la traversant.

Angeline éclata de rire.

— Je crois pas, ça dépend de chacun. La pratique est assez libre, mais un groupe de pratiquants s’appelle un Coven. C’est fascinant, avec des sorcières et tout. J’adore.

Kalhne hocha la tête et ouvrit le premier lien. Les mots défilaient sous ses yeux, évoquant les religions païennes, la nature, les cycles, les chrétiens, la chasse aux sorcières, l’établissement de la wicca à la fin du XXe siècle, et le néo-paganisme. L’information l’assaillait, mais elle était avide de savoir.

— Tu as appris ça où ? souffla-t-elle, fascinée.

Angeline sortit un collier en forme de pentacle qu’elle portait sous sa chemise.

— C’est un héritage de ma grand-mère, elle est sorcière. Je ne le dis pas à tout le monde, les gens sont souvent fermés d’esprit.

— Tu n’es pas... sorcière ? demanda Kalhne, une lueur d’inquiétude dans les yeux.

Angeline rangea son collier avec un sourire.

— Non, si vraiment l’univers existait, il ne m’aurait pas faite comme ça. Et vu la société... Bref, je venais te dire qu’on organise une grande battue ce soir dans la forêt pour ton frère.

Kalhne esquissa un sourire timide.

— Merci, Angeline. Mais j’ai peur que mon frère soit parti bien loin, ou qu’il soit violent. Il a toujours eu un don pour se trouver de l’alcool.

Angeline tendit la main à son amie pour l’entraîner vers leur prochain cours.

— Il a déjà essayé de fuir ?

Kalhne réfléchit, le visage marqué par l'inquiétude.

— Non, mais il était bizarre ces derniers temps. Je suis sûre qu’il est impliqué dans le trafic de drogue. Sa chambre sentait l’alcool, et il a même disparu pendant plusieurs jours, revenant sans se souvenir de ce qui lui était arrivé. Il avait parlé de forêt et de fantômes.

Arrivées en classe, Kalhne se sentit mal à l’aise en voyant qu’il ne restait qu’une place à côté de Mathilde.

— Salut, souffla-t-elle.

Mathilde ne daigna même pas répondre, trop occupée à jouer avec ses cheveux noirs lissés et à mâcher son chewing-gum.

Kalhne ressentait souvent le besoin d'aider les gens à mieux se présenter. Elle imaginait comment elle pourrait transformer l'apparence des autres pour refléter ce qu'ils étaient vraiment au fond d'eux, mais avec Mathilde, c'était un vrai défi. La jeune fille ne pouvait pas supporter son rire faux et son attitude désinvolte.

— T’aurais les réponses de l’exercice trois ? Celui sur la pyramide, là, ouais.

Kalhne leva les yeux au ciel. Si elle disait non, Mathilde se moquerait d’elle, et si elle disait oui... elle se ferait utiliser.

— Tiens, dit-elle en montrant son cahier à sa voisine qui l'agrippait de son stylo.

Mathilde sourit d’un air sadique, faisant semblant de ne pas voir que Kalhne avait truffé son cahier de mauvaises réponses.

— Merci, chérie, entonna Mathilde avec une fausse tendresse.

Kalhne se mordit les lèvres pour ne pas répliquer. Elle savait que Mathilde n’était gentille qu’avec elle quand elle avait besoin de quelque chose.

— Au fait, ta pote Angeline a prévenu tout le monde pour la battue. Elle l’organise avec l’association forestière du village, j’y serai, évidemment. Je ne veux pas rater l’événement de l’année, assura Mathilde, se balançant sur sa chaise.

— L’événement de l’année ? s’étonna Kalhne, le ton plus fort qu’elle ne l’aurait voulu.

Mathilde posa une main sur son épaule, encadrant son visage avec ses cheveux.

— Mais oui, chérie ! Ce n’est pas tous les jours qu’un homme disparaît dans notre petit village. Tout le monde y va, parce qu’il y a enfin un peu d’ambiance ici. Mais s’il pleut trop, je ne viendrai pas, j’ai pas de bottes. Tu m’excuseras ?

Kalhne gribouilla des chiffres sur son cahier, l’esprit ailleurs.

— Oui, oui, pas de soucis.

— Il était drogué, ton frère ? Il est tombé dans un trou ? pouffa Margot, la meilleure amie de Mathilde.

Les deux filles se ressemblaient tellement, avec leurs cheveux blonds et leurs manières, qu'il était difficile de les distinguer.

— Ce n’est pas une question à poser, voyons, rétorqua Mathilde avec un sourire moqueur.

Kalhne, quant à elle, sentait la colère monter en elle. Heureusement, la sonnerie annonça la fin de l’heure, libérant une pression qui pesait sur ses épaules. Margot se tourna vers Mathilde, qui leva les yeux au ciel, déjà lasse de la situation.

Elle se dirigea vers Angeline, qui accourait vers elle.

— Évaluation la semaine prochaine... Oh, et au fait, pourquoi tu cherchais ce qu’était la Wicca sur Internet tout à l’heure ?

Kalhne se sentit rougir. Pouvait-elle lui dire la vérité sans que cela ne l'amuse ? C’était sa meilleure amie, après tout.

— J’ai rencontré un garçon...

Angeline sauta de joie, les mains battant l’air.

— Nom, prénom, âge, adresse et photo s’il te plaît !

Kalhne lui prit les épaules pour la calmer.

— Non, non, il est un peu bizarre. Il fait cours chez lui, j’ai l’impression qu’il vit dans la forêt. Et il pratique la Wicca, je crois. Il m’a donné un grimoire rempli d’histoires. Ça fait deux fois qu’on fête les saisons ensemble. Je voulais ne plus le voir, mais je n’arrive pas à me détacher de lui. Crois-tu qu’il vient d’une secte ?

Angeline marchait en silence, réfléchissant.

— Je pense que le mieux serait que tu me fasses rencontrer ce garçon. Je pourrais mieux évaluer la situation.

Kalhne hocha la tête, soulagée d'avoir quelqu'un à qui en parler.

— De toute façon, on le croisera peut-être ce soir, il a construit une cabane, dit-elle en riant.

Angeline baissa les yeux, perdue dans ses pensées. Allait-elle enfin rencontrer l’amour ? Elle se sentait toujours un peu en marge, à cause de ses rondeurs et de ses cheveux indomptés. Pour être en couple, elle devait être moins bizarre, moins démonstrative, se disait-elle.

Mais pour l’instant, il était essentiel de retrouver Dan. Angeline se dirigea vers le groupe pour finir d’organiser la battue avec les forestiers, laissant Kalhne seule un moment.

Arrivée chez elle, Kalhne s'arrêta devant la forêt. Elle n’avait pas prévenu Diallo, mais elle espérait qu’il ne serait pas là ce soir. Malgré tout, elle avait l’impression qu’il vivait dans ces bois.

Elle rentra chez elle pour enfiler des vêtements chauds. En descendant l’escalier, elle aperçut sa mère se lever du canapé, prête à sortir.

— On y va ?

Un sourire éclaira le visage de Kalhne. Elle prit sa mère dans ses bras avant d’enfiler sa propre veste.

Oui, allons-y !

La mère et la fille descendirent la rue jusqu’au poste de police. La nuit était tombée sur le village, plongeant les maisons de pierre et les ruelles étroites dans une obscurité épaisse. Les habitants, inquiets, se rassemblaient sur la place, où un feu de camp crépitait faiblement, projetant des ombres vacillantes sur leurs visages anxieux. Depuis des semaines, Dan, avait disparu sans laisser de trace, et les rumeurs courraient vite ici. Si certain considérés que Dan avait simplement trop bu et qu'il était adulte, d'autres ne laissaient plus leur enfant sortir le soir.

Armés de lampes torches et de lanternes, une cinquantaine de villageois, jeunes et vieux, hommes et femmes, se préparaient à pénétrer dans la forêt dense qui bordait le village. Kalhne reconnu Angeline et ses parents, et même Mathilde qui semblait avoir mis des talons pour marcher dans la forêt.

Les arbres, immenses et serrés, formaient une muraille noire, et le vent soufflait à travers les branches, produisant un murmure sinistre. On entendait les cris des chouettes et le froissement des feuilles mortes sous les pas nerveux des chercheurs.

- Pourquoi on fait ça de nuit déjà ? demanda Kalhne en s'approchant d'Angeline.

- La journée personne n'est libre, le soleil se couche tôt.

Mathilde s'approcha d'elles en massant ses pieds.
- Il aurait pas pu disparaître en été ton frère ?

Angeline et Kalhne la regardèrent quelques instants en marchant et finir par ne jamais lui répondre.

Les groupes se dispatchairent, avançant prudemment dans l'obscurité. Chaque craquement de branche faisait sursauter certains, et les conversations se faisaient à voix basse, comme pour ne pas troubler le silence oppressant de la nuit. Les faisceaux de lumière balayaient les troncs d'arbres, les buissons et les clairières, révélant parfois des yeux brillants d'animaux nocturnes, ajoutant une touche d'inquiétude à l'atmosphère déjà tendue.

Les recherches étaient méthodiques. Chaque groupe suivait une direction précise, scandant le nom de Dan à intervalles réguliers, espérant un signe, un bruit, une réponse. Les heures passaient lentement, et les murmures morbides se passaient de chercheur en chercheur. Avec des villageois, les histoires d'horreurs allaient de bon train, et l'espoir que Dan puisse encore être retrouvé vivant s'amoindrissait à mesure que Kalhne écoutait les histoires.

Pourtant une retient son attention, c'était Huber, le vieux qui habitait dans une maison à l'écart de tout le monde.

- Et puis il y avait un trou grand ouvert. La Juliette elle est tombée dedans. Mais on arrivait pas à voir le bout du tunnel. Elle est revenue de nulle part la gamine. Elle est tombée dans le trou, elle est revenue par le chemin du champs, complètement dérangée. C'était il y a cinquante ans. Un trou de terre, un tunnel sans fin. Je l'ai vu moi. Des murmures s'en échappaient. Même qu'une fois, le soir d'halloween, trois fantôme en sont sortis.

Le groupe d'adultes à ses côtés commencèrent à rire et à se moquer. Pourtant Mathilde fronça les sourcils.

- Le trou derrière le grand arbres prêt du lac ?

Tout le monde s'arrêta de parler.

- Tu connais ? Demanda Angeline.

Mathilde se mit à lever les bras au ciel.
- Bien-sûr, cet endroit est terrifiant. C'est pas loin du cimetière. Jordan nous y avait emmené pour nous faire peur une fois. J'y ai fait tomber mon téléphone dans ce trou, je l'ai retrouvé le lendemain, posé sur un buisson devant l'église. Jamais su comment il avait atterri là.

Angeline se frotta le menton.
- Kalhne on devrait aller voir ! Ça peut-être un de ces trucs quantique. T'imagine si ton frère est tombé dedans ?

- Pas possible, un adulte ne passe pas. Un jeune enfant oui à la limite, expliqua le vieux Huber.

Angeline ignora l'homme et reposa la question à Kalhne qui ne semblait pas l'écouter. Sa mère s'était éloignée plus loin pour ne plus entendre les idées morbides de ses voisins.

- Kalhne, tu m'entends ?

La jeune fille en question sursauta.
- Euh oui oui, allons-y...

Elle se demandait surtout comment cela se faisait-ils qu'ils n'est pas croisés la cabane de Diallo. Elle était portant certain que l'abris se trouvait dans cette clairière... Peut-être que de nuit, elle ne s'y retrouvait pas. Peut-être qu'elle avait imaginé tout ça...

- Je viens avec vous !

Mathilde venait de sortir Kalhne de ses songes. Pourquoi cette fille les suivait partout maintenant ? Le vieux s'apprêtait à les suivre aussi.

- On y va maintenant ou demain ? grogna Huber.

Angeline saisit une lampe torche en suivant Huber. Mathilde retira définitivement ses chaussures et marcha à leurs côtés. Kalhne du courir un peu pour les rattraper. Ils marchèrent quelques minutes, s'éloignant du bruit des autres villageois dans la forêt. Ils étaient maintenant seuls dans la nuit opaque, à se reprocher du cimetière. Peu rassurant.

- C'est ici les jeunes, indiqua l'homme.

Kalhne remarqua qu'ils étaient derrière le cimetière, aux abords de la forêt, là où aucun chemin ne passait. Heureusement personne ne pouvait avoir idée de ce qu'il se trouvait là.

- Je m'en souviens, mais le trou était plus petit à l'époque. Il semble s'être agrandi.

Angeline s'accroupit au bord du trou d'environ un mètre de diamètre. La terre s'effondrait un peu sur elle même avant de disparaitre dans le noir des profondeurs de la terre.

- On peut pas juste le reboucher ? demanda Kalhne.

Après tout, ce n'était qu'un trou. Certe à l'allure étrange, mais un trou qu'en même.

Angeline saisit un caillou qu'elle laissa tomber dedans. Personne n'entendit le son de la chute jusqu'à ce que...

- Aille !

Tout le monde se tourna vers Mathilde, qui venait de se recevoir la pierre sur sa tête.

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