Noah 

C'est le premier soir depuis une semaine que je suis chez moi et il se trouve que mes deux parents sont à une visite d'appartement pour une fille qui vient d'arriver en ville, tandis que ma sœur est enfermée dans sa chambre en train de regarder sa série tranquillement. Si j'avais su que personne ne serait à la maison, je serais sorti aujourd'hui aussi sans me poser de question. Je me pose dans le canapé et prends mon téléphone pour appeler Evan.

— T'es chez toi là ? je lui demande la voix enrouée.

— Oui pourquoi ?

— Viens manger chez moi, mes parents ne sont pas là et ma sœur est dans sa chambre, je crois.

Il n'hésite pas une seconde avant de dire oui et s'empresse de sortir de chez lui pour me rejoindre. Une chose est bien, c'est que je sais que mes parents ne seront pas surpris de le voir ici. J'appelle ma sœur du bas de l'escalier pour être sûr qu'elle est bien là et lui demander ce qu'elle veut manger.

— Lana ?!

— Quoi ?! hurle-t-elle en sortant de sa chambre.

— Tu veux manger quoi ce soir ?

Elle me regarde d'un air intrigué comme si une chose horrible venait d'arriver. Je sais très bien pourquoi elle me regarde comme ça, elle n'a pas l'habitude que je lui demande, d'habitude elle mange ce que j'ai décidé de commander. Elle sourit et descend des escaliers en imitant la démarche des stars descendant un tapis rouge. Je lève les yeux au ciel et lui redemande une deuxième fois agacé par son attitude. Je ne lui demanderais plus.

— Italien.

— Pizza ? je lui propose.

On a le même caractère, elle est capable de me dire des pâtes, juste pour me faire chier.

— 4 fromages, me répond-elle du tac au tac.

De toute façon, même si elle m'avait dit pâtes, je lui aurais pris une pizza sans lui demander son avis une troisième fois.

— Evan mange là.

— Comme d'habitude, me dit-elle d'un ton désinvolte.

— Oui.

Je lui réponds d'un ton sec et commence à prendre mon téléphone pour appeler la meilleure pizzeria de la ville. Je sais très bien qu'Evan prendra la même pizza que Lana, contrairement à moi qui préfère les Margherita. Simple et efficace.

Je ne prends même pas la peine de me retourner lorsque j'entends la porte d'entrée s'ouvrir. Il me tape légèrement sur la tête en guise de bonjour et fait son check avec ma sœur qu'ils ont inventé tous les deux depuis bientôt deux ans.

Je raccroche mon téléphone et me tourne vers Evan tranquillement.

— Nono ! Tu dates ! s'exclame-t-il en m'ouvrant ses bras.

— On s'est vu hier soir mongole !

Il rigole avec ma sœur tandis que moi, je ronchonne et tente de suivre mon livreur sur la nouvelle application qu'ils ont inventé. Il ne devrait pas tarder heureusement, je suis en train de crever de faim. Il est presque vingt heures, mes parents devraient être de retour dans pas longtemps. Je ne leur ai rien fait à manger ni commander, ils se débrouilleront.

Ma sœur regarde son téléphone et me prévient que nos parents viennent de partir de l'appartement. L'appartement dans lequel ils étaient est incroyable, il se trouve juste à côté de là où je vais travailler avec Evan, j'avais prévu de le squatter, mais malheureusement, il est loué tout l'été et l'année prochaine par la même personne.

La sonnerie de la porte d'entrée retentit et Lana me propose d'y aller. Je lui lance un regard noir.

— Même pas en rêve, j'y vais. Tu restes avec Evan.

Les livreurs Uber eat à Miami n'ont qu'une idée en tête : récupérer le plus de numéro et avoir le plus de meuf possible dans leur lit. C'est hors de question que ma sœur se retrouve face à l'un d'entre eux.

J'ouvre la porte et je le vois passer la tête par-dessus mon épaule pour chercher je ne sais quoi. Je le foudroie du regard et à mon plus grand bonheur, il baisse les yeux en me tendant les pizzas que nous avons commandées.

— Bonne soirée, me lance-t-il avant de partir.

Je ne prends pas la peine de répondre et lui ferme la porte au nez après un léger signe de tête qui a dû passer inaperçu.

— La politesse Noah ça te dit quelque chose ? me dit mon meilleur ami avec un petit coup de coude.

— Je peux de moins en moins me les voir ces livreurs, je déclare agacé de leur comportement de bête sauvage.

Le regard d'Evan m'agace, car je sais ce qu'il signifie. Comme quoi je ne suis pas mieux qu'eux.

— Nono, tu es bien gentil, mais j'ai faim, s'agace ma sœur en me prenant les pizzas des mains.

Nous nous installons tous les trois dehors pour regarder le coucher de soleil. Je me lève pour aller chercher une bière, Evan m'en demande une aussi, j'acquiesce et en attrape deux dans le frigo.

— Je peux aussi ? m'interroge ma sœur avec une petite voix.

Je lâche un rire jaune et la regarde d'une telle façon qu'elle comprend très bien ma réponse.

— Non.

Je ne me justifie pas et lui attrape un coca dans le frigo sans lui laisser le choix. Au même moment, mes parents débarquent dans la maison avec des papiers pleins les mains. Ils ne sont même pas choqués de voir Evan et après nous avoir saluer, ma mère s'adresse à nous pour nous informer que la fille de l'appartement travaillera avec nous cet été.

— Elle vient d'où ? demande Evan intriguée.

— De Los Angeles, lui répond ma mère.

— Et donc ça nous avance à quoi de savoir ça ? je m'exclame sans prendre la peine de me tourner vers eux.

Je continue de décapsuler ma bière, mais je sais très bien que ma mère est agacée de ma réponse et doit sûrement être en train de prendre sur elle pour ne pas s'énerver.

— On va bien l'accueillir Emily, ne t'en fait pas, annonce mon meilleur ami.

Je sens son regard noir sur moi, mais je n'y fais pas attention.

— Noah, tu as intérêt à être gentil avec elle, si elle a un problème avec l'appartement, elle s'adressera à toi, me prévient mon père de sa voix grave et imposante.

— Ce n'est pas mon problème ça, vous n'avez qu'à lui donner vos numéros de téléphone.

Je lève les yeux au ciel et rejoins ma sœur dans le canapé. Le regard qu'elle me lance me fait sourire, elle ne sait pas mal me regarder même quand elle est en colère.

— Je m'occuperais d'elle, déclare Evan gentiment.

Le sourire narquois que je lui lance ne le fait pas rire apparemment. Il préfère me foudroyer du regard.

— Parfait, on compte sur toi Evan, lui dit mon père en souriant.

Je les vois monter et il ne faut pas deux secondes avant qu'Evan se plante devant moi pour m'engueuler.

— Quoi ?! je lui lance.

— Tu te fous de moi ? Mais Noah, sérieux, sociabilise-toi merde, c'est une fille en plus !

Je souris et bois une gorgée avant que ma sœur ne rajoute son grain de sel.

— Je suis d'accord, tu abuses Noah. Tu ne la connais même pas.

— Justement, je ne la connais pas, je dis agacé que tout le monde se retourne contre moi.

Je les vois s'adresser un regard désespéré et lorsqu'ils comprennent enfin que ça ne sert à rien d'insister, ma sœur finit par changer de sujet.

J'attrape mon téléphone qui était à charger à côté de mon lit et découvre une trentaine de messages d'Adrian.

On va à la salle aujourd'hui ?

Je regarde l'heure et commence déjà à me préparer pour y aller, car connaissant Adrian, il serait capable de débarquer dans ma chambre d'un moment à l'autre. Mon téléphone qui est posé sur mon lit n'arrête pas de vibrer, je décroche et le mets sur haut-parleur pour pouvoir continuer de me préparer.

— Tu étais mort ? me demande Adrian d'une voix enrouée.

— Le réveil a été dur ? je lui demande en rigolant.

— Rigole pas, je suis sorti moi hier ! Il est encore tôt pour moi là.

Je rigole sachant très bien que la nuit a été courte pour lui. Il est à peine dix heures et demie et il va falloir qu'on se motive mutuellement pour ne pas s'arrêter au café à côté de la salle de sport.

— J'y vais tout seul si tu veux, je le taquine.

— Tu es un grand malade Noah Smith, je viens avec toi.

— Bouge-toi alors, je ne vais pas t'attendre quinze ans.

— Ta gueule ! me hurle-t-il dans l'oreille.

Je souris derrière le téléphone et attrape une casquette et une gourde avant de sortir de ma chambre.

— Arrête de parler, je suis devant chez toi dans cinq minutes, je continue pour le presser.

— Tu me fais chier.

Je raccroche et descends dans la cuisine pour manger une pomme. J'ébouriffe les cheveux de ma sœur en passant à côté d'elle. Elle relève les yeux de son téléphone pour me parler alors qu'elle est à peine réveillée.

— Tu vas où ?

— À la salle, je lui dis pour l'informer.

— Tu manges ici ce midi ?

— Ouai, je vais essayer, tu me prépareras un truc avant que je rentre.

— Heureusement que tu as une sœur comme moi, me dit-elle en rigolant.

Je lève les yeux au ciel et commence à manger ma pomme avec mon sac sur le dos. Nos parents ne sont pas là de la semaine, ils partent en voyage cet après-midi. Ce qui veut dire qu'il y aura obligatoirement une soirée chez moi un jour de la semaine, il faudra que je prévienne ma sœur pour qu'elle aille dormir chez une de ses potes.

Je sors de chez moi et prends ma voiture pour aller chercher Adrian chez lui. Il a intérêt à être prêt, je me casse sans lui sinon. Je suis souvent en retard, mais je ne supporte pas les gens qui le sont lorsque je les attends. Si je suis prêt, les autres doivent l'être aussi, c'est logique.

— Allô ? me répond Adrian après trois appels sans réponse.

— Je suis devant chez toi, bouge-toi sinon tu y vas à pied, je grogne dans le micro.

Je finis par raccrocher sans attendre sa réponse. Heureusement que je le vois sortir de sa maison dans les cinq secondes qui suivent sinon je serais parti sans attendre une minute de plus.

— Tu ne veux pas être un peu plus agressif dès le matin ? me dit-il en rigolant.

— Je n'avais pas envie d'attendre, je réponds sèchement avec un petit rire pour ne pas paraître trop froid.

— Sans blague, Noah Smith attendre quelqu'un ? Impossible.

— Abuse pas. 

Il nous a fallu cinq bonnes minutes avant de trouver une place. Se garer à la salle, c'est toujours une galère à n'en plus finir. J'attrape mon sac à l'arrière de la voiture et nous descendons rejoindre les vestiaires.

— On fait le haut du corps ? je propose.

— Je fais le bas moi aujourd'hui, me dit-il.

Je lui lance un petit regard d'incompréhension et rentre dans la salle sans l'attendre. Ça ne sert à rien de s'attendre si nous ne travaillons pas la même chose. Putain, la salle est bondée, je prends une inspiration pour m'aider à supporter tout ce monde et m'installe dans un endroit le plus éloigné de tout le monde sauf d'une personne que je n'avais pas remarqué avant qu'elle ne se pointe devant moi. Une jeune fille, de mon âge je pense, que je n'avais jamais vu ici auparavant. Elle est nouvelle, j'en suis certain. Je la dévisage et ne porte pas attention à elle.

— Tu pourrais prendre une autre machine s'il te plaît ?

Pardon ? J'aimerais bien qu'elle répète sa phrase. Je manque de lui rire au nez. Plusieurs autres personnes nous regardent discrètement, eux-mêmes savent que je ne suis pas le genre de personne qu'il faut déranger.

— Pardon ? je lui réponds sans même la regarder.

— J'ai mes affaires posées juste devant toi au cas où tu n'aurais pas vu, elle réplique toujours avec une voix calme.

Sa voix est douce, elle ne comprend pas que je ne bougerais pas et que c'est plutôt à elle de se décaler même si elle était là avant.

— Tu peux te décaler du coup ? me redemande-t-elle, car je n'avais pas répondu à sa seconde intervention.

— Désolé, je suis installé maintenant.

Ma voix est dure comparée à la sienne. Je la regarde enfin et son regard change en un rien de temps lorsqu'elle entend ma phrase.

— J'étais là avant.

— Je n'ai vu personne ici en arrivant, je continue avec un sourcil haussez et un sourire flottant sur les lèvres.

Elle me lance un sourire narquois à son tour et croise les bras devant moi.

— Tu aurais dû mieux regarder, déclare-t-elle.

Elle me tient tête, je n'aime pas ça. Elle ne me connaît pas, c'est sûrement pour ça. Je ne sais pas de quel quartier elle vient, mais je me suis fait une réputation dans ce quartier et sans vouloir en jouer, beaucoup me connaisse et savent qu'il ne faut pas trop me tenir tête. Seul Evan peut le faire. Je m'accoude à la machine et ne détache pas mes yeux des siens.

— Je ne bougerai pas au cas ou tu aurais mal compris, je lui dis en rigolant gentiment.

Je ne l'intimide même pas un peu. Elle ne bouge pas et continue de se tenir en face de moi. Si elle croit que ça fonctionne comme ça ici, elle se trompe.

— Un problème par ici ? Enchanté, je suis Adrian, intervient-il en tendant la main à la fille qui se trouve en face de moi.

— Enchanté, je m'appelle Malia, c'est ton ami ? dit-elle en me désignant d'un signe de tête.

— Qui ? Noah ? Oui, on se connait depuis longtemps, continue-t-il en souriant.

Mais je rêve où il essaye de la pécho sous mes yeux ? Je pouffe de rire et ils se retournent tous les deux vers moi. La nouvelle attrape son sac et après nous avoir lancé à tous les deux un regard glacial, elle change enfin de machine.

— Ce n'est pas trop tôt, je déclare en commençant à réellement m'installer.

— Tu lui as fait peur, commence Adrian d'un air mécontent.

— Crois-moi que je ne lui ai pas fait peur, mais tu étais juste lourd donc elle a préféré partir.

Je rigole tandis que lui me dévisage méchamment.

— Je suis un mec sympa quand on me connait, je dis en jetant un coup d'œil vers la nouvelle qui est déjà en train de s'entraîner.

— Tout le monde t'adore, je ne comprendrais jamais pourquoi.

J'acquiesce et le laisse retourner à ses activités. C'est vrai que certains gars peuvent être cons et détestés par pas mal de monde. Moi, les gens m'adorent et je ne saurais dire pourquoi sincèrement, mais c'est appréciable d'arriver à un endroit et que tout le monde te sourit et te salut surtout les filles.

Je continue d'effectuer mes exercices et dévisage les filles qui me regardent avec trop d'insistance. Certaines sont là juste pour ça, je le sais très bien, car elles ne prennent pas en muscle alors qu'elles viennent trois fois par semaine depuis des mois. Je veux bien être le centre de l'attention en soirée, mais la salle, c'est mon moment. Je meurs d'envie d'enlever mon tee-shirt, mais de savoir leur regard sur moi me dégoûte. Je n'y fais pas attention et continue d'essayer plusieurs machines et de faire en sorte de ne pas me retrouver trop près de cette Malia.

Je regarde l'heure et décide d'appeler ma sœur pour savoir comment elle va et si elle a réussi à me préparer quelque chose à manger.

— Lana ?

— Oui Noah ? Tu rentres bientôt ?

Sa voix est calme, voire peureuse. Je me redresse et arrête mon exercice sur le champ.

— Ça va ?

— Oui, mais il y a eu une coupure de courant, je ne trouve pas le compteur électrique.

Je reprends ma respiration habituelle et interpelle Adrian pour lui dire que je rentre. On est à dix minutes de chez lui à pied, il se débrouillera pour rentrer.

— Il y a une coupure de courant chez moi, je vais voir ma sœur.

Je lui fais un clin d'œil et il soupire tout en rigolant lorsqu'il comprend qu'il doit rentrer à pied jusqu'à chez lui sous trente degrés.

J'attrape les clés de ma voiture et rejoins ma sœur à la maison. Elle m'ouvre la porte et je la vois d'un air pas rassuré. C'est seulement une coupure de courant pourquoi elle est si réservée ?

— Tu as fait quelque chose ou alors ça a coupé tout seul ? je lui demande.

Elle me cache un truc sinon elle ne serait pas aussi calme, elle est en début d'adolescence. 14 ans dans un mois, un caractère tempéré, mais sûrement pas calme comme elle l'est là.

— Je crois que j'ai mis ma petite cuillère dans le micro-onde, dit-elle tout bas.

— Lana, tu rigoles ?

— Non, mais je n'ai pas réfléchi, il fonctionne encore !

Je ne peux pas m'empêcher de rigoler lorsqu'elle essaye de se justifier. Je m'approche du compteur et heureusement, ça avait seulement disjoncté. Je remets en place les interrupteurs et la lumière revient instantanément.

— Bon du coup tu n'as rien à manger, désolé Nono, me dit-elle plus décontractée depuis que la lumière est revenue.

Je sais que ce n'était pas de moi qu'elle avait peur, mais de nos parents, car elle a une soirée ce week-end et elle ne voulait pas être privée de sortie. De toute façon, nos parents ne sont pas là et c'est moi qui dois l'emmener. Je ne suis pas serein de la savoir là-bas, je dois l'avouer.

— Je vais préparer quelque chose puisque madame n'en est pas capable, je lui dis en levant les yeux au ciel.

— N'importe quoi, pouffe-t-elle.