8. Pink Paradise 🧁

🐥 C'est ma première soirée depuis notre mission merdique... fais-je, en avançant dans le long couloir en pente, bordé de néons rouges au sol et au plafond, et qui mène au sous-sol.

La musique du club est déjà forte, même à ce niveau.

🐻 Alors tu vas en profiter à fond, et ne penser à rien d'autre, ok ?

🐥 Je sais, même si c'est facile à dire. Être sur le terrain me manque.

Je salue avec le sourire trois garçons que je croise dans le sens inverse. J'ai oublié combien c'est agréable d'être dans ce genre d'endroit, soi-même, sans complexe et sans retenue excessive. J'ai tellement peu d'occasions de sortir dans ce genre d'endroit.

🐻 Oui et pour l'instant tu es à la chasse ce soir ! Ta mission, si tu veux bien l'accepter c'est de te trouver un beau gosse sympa qui te fera monter au ciel. Alors arrête de te prendre la tête avec ça et détends-toi. Je te connais et ce n'est pas ton fort le perfectionniste de service !

🐥 Ok ok mais tu sais très bien qu'une fois que je me lâche, on ne m'arrête plus ! je réponds en entrant dans la grande salle.

Il y a du monde sur la piste et au bar, mais pas encore trop. L'ambiance me semble agréable, avec beaucoup de néons colorés aux multiples couleurs, c'est frais et accueillant, la musique entraînante et le lieu est assez grand pour ne pas avoir à frôler tout le monde au passage. Je ne suis pas du genre à entrer en collision ou à fricoter avec le premier venu, il me faut un peu de temps et quelques bières pour me sentir à l'aise.

🐻 Ouais, je sais ça aussi ! Allez éclate toi, tu mets bien une capote, tu vérifies qu'il est propre et tu me raconteras tout dans les détails !

🐥 Tae, j'éclate de rire, je te raconte toujours le strict minimum, arrête ton char !

Je m'arrête de parler, songeur, et la nostalgie me prend.

🐥 Tu me manques.... Je n'imagine même pas si...

Le ton de ma voix se fait plus sombre, je pense même que mon regard aussi et je ne sais même pas pourquoi je repense à nos derniers instants dans ce pays de merde alors que nous agonisions tous les deux dans les bras l'un de l'autre. Je ne veux pas avoir ces images dans ma tête ce soir, je veux seulement me réjouir que nous nous en sommes sortis, même si c'était in extremis, et je veux seulement pouvoir être aux côtés de mon pote à fêter nos quatre-vingt-dix ans avec nos cannes à la main, en parlant de nos conquêtes et de nos exploits passés.

🐻 Si rien du tout ! On se voit bientôt mon frère, arrête de cogiter ! D'ailleurs à propos de mission, il faut que je te parle d'une proposition de job et-

🐥 Et moi de notre nouveau voisin que j'ai envie de trucider, je te jure, quand tu le verras, tu penseras la même chose ! Ma mère va être contente de préparer ta chambre. Bon je te laisse, je ne t'entends plus très bien...

Je crois l'entendre me saluer mais la conversation est déjà brouillée quand j'éteins mon téléphone. Je n'ai même pas fait attention à ce qu'il me disait, ni n'ai eu le temps de savoir comment il se sentait après tout cela.

Le sol brille, argenté et réfléchissant, le mur en face de l'entrée est d'un magenta vibrant, les autres murs sont d'une teinte lavande et rose, les lumières clignotantes blanches et lumineuses et le plafond clair rempli d'étoiles. C'est l'endroit où il faut certainement être, l'un des nouveaux clubs les plus populaires et inclusifs de la région, bien caché des non-connaisseurs. C'est une boîte de nuit où je peux être Jimin sans crainte de représailles, un endroit où je peux me lâcher et boire mon poids en alcool (que je peux supporter comme un champion) et oublier cette dernière année.

Je porte un jean moulant qui met mes fesses en valeur, associé à une chemise en soie dans un dégradé de rose dont j'ai laissé la majorité des boutons ouverts jusqu'au milieu du torse, après être sorti de chez mes parents. J'ai enlevé mes plaques militaires pour une fois (alors que je n'ai pas le droit) pour les remplacer par mon collier Chanel préféré, le plus cher que j'ai, plusieurs bagues aux doigts et mes cheveux séparés sur le côté et coiffés en arrière de mon visage. Je pense que cela fait son petit effet quand je me dirige droit vers le bar pour commander.

L'endroit plus intimiste est lui aussi plaisant, tout autant je crois que le barman. Il est de quelques années plus jeune que moi, et se déhanche sur la musique en me demandant ce qu'il me sert. Son sourire est franc et sincère, lorsque je me fraie un chemin jusqu'à lui. Beaucoup sont accoudés, le garçon à ma gauche et qui discutait avec lui tourne d'ailleurs le visage vers moi lorsqu'il entend ma voix. Il est un peu plus jeune que moi lui aussi, peut-être un étudiant occidental, blond et plutôt dans mon genre, autant dans sa façon simple de s'habiller, non tapageuse, que dans son attitude un peu timide.

Je commande un Pink Paradise, paie avec un grand sourire et avance de quelques pas vers la piste avec mon cocktail à la main. Je me sens bien ici, en paix avec moi-même, pas le moins du monde gêné par le fait qu'il n'y ait que des hommes, coréens mais aussi beaucoup d'étrangers, et même certains torse nu. Je commence à me déhancher légèrement au son de la musique, un couple se positionne à mes côtés, l'un d'eux me fait un clin d'œil, je souris tandis que l'autre se penche pour me parler malgré la musique. Il doit avoir la quarantaine et l'autre mon âge. Ils ne sont pas coréens mais japonais, il essait de me parler dans ma langue et je réponds parfaitement dans leur pour les détendre. Il rit avec reconnaissance, et gentiment me demande si je les trouve à mon goût. Il n'y va pas par quatre chemins, me dit que je suis très beau, que je leur ai tapé dans l'œil dès mon arrivée, qu'ils aiment les plans à trois et aimeraient savoir si nous pourrions avoir un bon feeling.

Ce n'est pas que je suis contre, j'ai déjà passé une nuit de folie à l'étranger lors d'une permission, pendant laquelle j'ai osé les pires cochonneries avec deux mecs totalement débridés, me laissant même aller sous chemsex. Ce que je regrette d'ailleurs, car selon moi, le sexe est tellement meilleur sans être sous l'emprise de substances, en ayant ses pleines capacités. Ce n'est pas que je ne veux pas m'éclater ce soir avec un couple, mais quand il me parle du fait qu'ils viennent de rompre avec leur troisième amoureux dans leur trouple, je décline l'invitation. Je n'ai pas envie d'être le lot de consolation ou le pansement. Ils comprennent très bien mon refus poli et repartent en me souhaitant une bonne soirée.

Les lumières d'ambiance tournoient toujours et bougent avec la musique qui devient plus rythmée et moins feutrée. Je retourne au bar me commander une simple tequila cette fois-ci, le jeune qui m'avait souri est toujours là assis et me regarde en osant me dire en anglais "Ils n'étaient pas ton style ?". Sa voix est douce et son sourire aussi et je ne sais pas s'il se doute que je parle anglais couramment ou s'il a simplement osé le tout pour le tout. Il me semble lui aussi sincère et je lui chuchote "je suis un peu plus exclusif ce soir" avec un sourire ravageur en hélant le barman pour lui commander la même boisson qu'il vient de finir. "C'est pour moi ! Passe une bonne soirée" je lui fais en levant mon verre vers lui puis m'inclinant légèrement avant de repartir vers la piste de danse.

Je n'ai plus de limite ce soir et je n'ai pas envie de m'en donner. Draguer ici, c'est facile et même si on m'appelle Playboy au travail, ce titre n'a pas la même saveur. Me dire que je peux avoir sous ma langue le goût de la peau d'un homme plutôt qu'une femme comme le font mes collègues soldats à chaque sortie ensemble m'envoie des frissons incontrôlables. C'est intense et tellement plus bandant.

Ici il n'y a pas dans chaque coin de la piste de danse des plateformes où des danseurs professionnels qui divertissent la foule en riant et dansant sans se soucier du monde. C'est plus familial et plus intime et je m'avance au milieu sans me poser de question. Boire mon verre et danser les yeux fermés a quelque chose de cathartique, tandis que la musique imprègne ma peau et que la foule se déplace joyeusement autour de moi.

Pendant tous ces mois où j'ai développé malgré moi une forme d'anxiété puis mes troubles, je n'ai pas pu profiter d'une seule soirée. Là, maintenant, j'ai juste envie de libérer toutes mes inquiétudes infondées et mes luttes ridicules contre le voisin d'en face pour être simplement moi, Park Jimin, le gay qui n'a pas encore fait son coming out à sa famille, mais qui s'aime comme il est dans ce genre de lieu, libre et assumé. Je ne veux pas penser aux cupcakes, je fais tout pour ne pas avoir sa vision. Alors je me laisse aller, bouge mon corps avec la musique, ferme les yeux en sirotant ma Tequila.

Bien sûr, je le sens arriver derrière moi. Comme il me l'avait semblé, il est plus grand que moi, il me domine d'une bonne dizaine de centimètres, son buste est assez large pour que je le sente entourer le mien dans mon dos. Mais il est plus fin, ses muscles ne sont pas aussi durs que ceux de Jungkook et je me perds dans mes envies des derniers jours que je veux oublier. Et c'est mon sauveteur que je vois tout autour de moi, c'est son visage que je transpose sur tous les mecs autour de moi.

- Je peux danser avec toi ? J'entends doucement de sa part, alors que je me retourne vers lui pour me recentrer et oublier. Il se mordille la lèvre inférieure pendant un moment, les yeux légèrement plissés comme si je l'éblouissais et ses petites boucles d'oreilles scintillent. Le blond me fait face dans sa tenue cool d'étudiant et grâce à lui je souris, car je suis certain à l'instant que je pourrais passer une très bonne nuit avec lui. Je m'avance, j'ose, lève mes bras pour croiser mes mains dans sa nuque et me rehausser sur mes pieds pour lui murmurer avec du désir plein la voix à l'oreille :

- Si tu es majeur, alors oui, fais-moi danser.

Il glousse et son rire est plaisant dans mes tympans. Il ose à son tour poser ses mains sur ma taille et me rapprocher de lui, un peu gauchement mais c'est mignon et attirant. Cela me change des mecs trop brutaux ou égoïstes qui ne pensent juste qu'à fourrer leur queue dans ma bouche ou mon cul quand ils ne savent pas encore à qui ils ont affaire.

- J'ai vingt-deux ans et j'adore danser.

- Au fait, je suis Jimin.

- Isaac, répond l'homme, et je soupire presque de bien-être.

Son prénom est aussi doux que lui, presque comme un petit chiot dont on voudrait prendre soin. Son prénom lui convient bien, mais est-ce qu'il est du genre à être aussi délicat dans le sexe ou au contraire se déchaîne, est-ce qu'il a des attentes particulières ou est versatile ? J'essaie d'imaginer sa bite en moi, mais je secoue la tête car c'est un autre visage qui vient se coller au sien. Celui du sauveteur d'Alerte à Malibu et j'en ragerai presque. Concentre-toi, Jimin, concentre-toi.

- Je crois que la nuit va être sympa, trouvé-je juste à dire, et je ne manque pas l'étincelle qui s'allume dans ses yeux. Il hoche la tête, et c'est tout ce dont j'ai besoin pour obtenir sa permission. J'attrape sa main, l'utilise comme point d'ancrage alors que je me retourne, puis presse mon dos contre sa poitrine, me rapprochant le plus possible et enroulant le bras droit du blond autour de ma taille, avec toujours mon verre dans mon autre main. Je ne suis pas surpris qu'il se frotte rapidement à moi ne trouvant pas mon audace déplacée, il n'est pas aussi timide que je ne le pensais.

D'ailleurs il me tire plus près et attrape ma main gauche, entrelaçant nos doigts ensemble. Je finis ma boisson, me fonds à nouveau dans lui, et nous commençons à bouger au rythme fou de la musique. Un flash m'arrive pourtant en tête, car c'est un autre parfum que celui musqué et imposant qui arrive dans mes narines et j'en perds mes sens. C'est le parfum sucré de Jungkook dans lequel je veux me noyer, sa main tatouée que j'aimerais sur mon ventre et ses hanches fines que j'aimerais tout contre moi. Je ferme rapidement les yeux en essayant de ne pas geindre et le chasser de mon esprit.

Ensuite, l'alcool fait son travail, et j'arrête de trop réfléchir. Isaac pousse ses hanches contre les miennes, je sens son sexe à moitié durci contre mes fesses et je laisse ma tête retomber en arrière dans un état de bonheur presque ivre. Nous échangeons peu de mots, je retiens juste qu'il a entendu ma voix au bar et n'a plus vu que moi ensuite, et que je lui plais. Je lui retourne le compliment, je me retourne en même temps vers lui, et parce que ses yeux ne sont pas ces yeux de biche qui me hantent depuis des jours, je m'élance instantanément sur lui.

Il n'y a rien de poli ou de doux dans tout cela. C'est carrément dégoûtant, et Isaac geint directement dans ma bouche alors que je mords légèrement sa lèvre inférieure et que nous mélangeons nos salives. Nos poitrines se pressent l'une contre l'autre alors que je l'embrasse sauvagement, sa main s'emmêle dans mes cheveux et moi j'ai les deux mains sur son t-shirt, les ongles s'enfonçant dans son dos. Ce baiser n'a rien à voir avec celui qui m'obsède, celui que j'ai vécu aujourd'hui sur la plage et dont je ne peux me défaire. J'aurais rejoué la scène avec un millier d'autres garçons au même endroit et la même heure, personne n'arriverait à la cheville de Jeon Jungkook le psy-surfeur, et cette conclusion m'effraie plus que de raison. Nous nous embrassons jusqu'à ce qu'Issac halète :

- Je veux que tu me ramènes dans mon AirBnB et que tu me baises, ose-t-il enfin.

Au moins c'est direct. Ça, j'en suis capable, c'est donc moi qui tiendrai les rênes, tirerai violemment ses cheveux quand il cambrera les reins et le dos devant moi, dans son canapé ou son lit qu'il souillera ensuite très vite.

Pourquoi pas. Même si d'autres envies envahissent salement mon esprit avec un autre. Je halète à mon tour en pensant aux mains rudes de Jungkook qui empoignent mes poignets derrière mon dos pour me pencher en avant sans me demander mon avis et me pénétrer. L'expression de mon visage doit paraître bizarre, car Isaac prononce :

- N'est-ce pas ce que tu voulais ?

- Mhm je n'attends que cela, je fredonne pour satisfaire ses fantasmes, mes yeux fermés alors que je pose mes lèvres une dernière fois sur les siennes pour être sûr qu'un seul homme embrasse comme un dieu, et réaliser qu'il n'est pas dans cette pièce.

Ce sont les lèvres déjà gonflées, la chemise et le t-shirt un peu de travers, mais qui s'en soucie ?, que nous partons lui et moi alors que je l'entraîne par la main vers la sortie.

🧁


Nous passons la porte, je souris comme un con en pensant au fait que je n'ai pas baisé depuis presque un an et qu'enfin ce soir ce n'est pas ma main qui va faire le travail. Nous nous regardons en avançant, les yeux pétillants comme deux ados en manque et bientôt satisfaits. Ce soir, je ne suis pas soldat, rien ne me distingue des autres, je suis un civil comme les autres sans mission ni besoin de sauver quelqu'un.

Et pourtant.

Je salue les deux colosses de vigiles à l'entrée et ne fais pas attention à la file qui attend pour rentrer et se prolonge sur le trottoir. Je souris toujours à Isaac, il pose sa main gauche dans le bas de mes reins et me murmure un truc cochon avant que mon regard ne s'accroche à celui d'un autre.

Je crois que je m'arrête de respirer, que le temps se fige une nouvelle fois, que je ravale ma salive à presque m'en étouffer. Mais je continue à avancer alors que ses grands yeux ronds ne veulent pas lâcher mon regard. Sa bouche reste grande ouverte de surprise, ses sourcils se froncent durement quand Isaac se penche vers mon cou, et je réalise soudainement qu'il est là et que mon visage est tourné vers lui alors que j'avance. J'arrête finalement cette tension entre nous, et zieute mes pieds en me saisissant du poignet de mon amant d'une nuit.

Mais l'autre n'a pas dit son dernier mot.

J'attends un cri, puis un geignement atroce.

Je me retourne, Jungkook sautille un peu et se retrouve soudainement à terre en se tenant le genou. Il semble avoir mal et je ne peux pas le laisser comme ça.

- Bordel, qu'est-ce qu'il a foutu ? je souffle en voulant me précipiter vers lui. C'est... c'est le voisin idiot de mes parents, j'explique en anglais à Isaac en même temps.

Je ne sais pas si je suis inquiet, mais en bon soldat que je ne suis pas ce soir, je me dois de porter assistance à Jungkook.

- Pourquoi tu hurles comme ça ? je lui fais au-dessus de lui.

Il sent bon d'ici, ses cheveux ondulés ont l'air humide de la douche, il sent le shampoing au Monoï et moi je ne dois pas fondre ni me liquéfier sur place parce ce qu'il lève doucement la tête vers moi, avec ses grands yeux ronds de chien battu qui commencent à pleurer, et qu'il me fait pitié.

- Oh, Jimin, tu es là ?

Comme s'il n'avait pas remarqué avant. Je ne réponds rien, levant juste les yeux au ciel pour lui signifier qu'il ne peut pas m'avoir, rien qu'en faisant semblant. Isaac est à mes côtés et ne semble rien comprendre.

- Je crois que je me suis foulé la cheville, couine le beau gosse en short et débardeur noir, et accroupi comme il est, de la hauteur à laquelle je le regarde, j'ai l'impression que ses biceps vont explosés tellement ils sont gonflés. Et ce tatouage intégral à son bras...Ressaisis-toi Jimin.

- Mais tu racontes quoi ? j'argue sans ménagement ni apitoiement, alors qu'il semble vraiment souffrir.

Il ne va pas pleurer, quand même ?

- Je me suis pris le trottoir !

Je traduis en anglais.

- Mais c'est dangereux ici, fait le gentil Isaac de sa petite voix

- Y a rien de dangereux, je ne l'ai pas vu se faire mal ni trébucher ! fait l'une des deux armoires à glace qui surveillent l'entrée.

- Vous n'avez même pas fait attention, pleurniche Jungkook, mais ça gonfle, regarde Jimin, ça gonfle bordel, je vais mourir. C'est sûr, je ne vais pas pouvoir aller bosser demain et si je ne fais pas mon chiffre, je vais devoir arrêter mon activité et-

- N'importe quoi, je réponds sans émotion, en essayant de ne pas paniquer.

- Et je vais devoir retourner faire l'escort et vendre mon corps. C'est sûr, ça va finir comme ça, fait-il en lâchant un souffle tragique.

Il a l'air de s'essuyer les yeux larmoyants de douleur, et moi, je ne sais pas quoi faire.

- Il raconte quoi ? me fait mon coup d'un soir, en anglais, inquiet de la situation.

- Que s'il est blessé, il va perdre son job et devra retourner faire l'escort boy pour avoir un peu d'argent.

- Oh mais mon pauvre ! s'exprime Isaac (je crois qu'il est tellement empathique qu'il ne se rend pas compte que Jungkook joue un rôle à l'instant), franchement je te promets, il y a d'autres solutions que la prostitution. Il faut que tu ailles dans des associations pour les jeunes en difficulté, il doit y en avoir ici en Corée. Jimin dis-lui.

Les trois garçons qui attendent derrière suggèrent, eux, de mettre un pain de glace et surtout de nous pousser pour passer, car je cite, ils en ont "raz le cul d'attendre". Le vigile nous confirme que le Club ne fait pas dans la charité, il se baisse, prend Jungkook sous les aisselles et les genoux, et le déplace de cinquante centimètres sur le trottoir comme s'il pesait deux kilos, pour laisser passer ses clients. Il nous dit aussi qu'il y a des vidéos de surveillance, là, là et là, et que nous pouvons aller les visionner ensemble pour qu'il nous confirme que Jungkook joue bien la comédie.

Et tout à coup, Jungkook marmonne que ça va sûrement aller mieux.

Je ne sais plus quoi faire, je ne peux pas le laisser ici tout seul à se morfondre, et mon sexe dans mon boxer est de toute façon en berne. Il a tout fait foirer pour mon plan cul de ce soir et je me vois contraint de dire à Isaac :

- Écoute, je suis désolé chaton, mais je crois que pour ce soir c'est foutu. Si tu veux retourner à l'intérieur, vas-y, je ne t'en voudrais pas. Mais je suis dans l'obligation d'aider le voisin de mes parents, si je ne le fais pas, ils vont m'en vouloir. J'espère que tu comprends.

Son visage devient triste mais résigné, puis il sourit quand même en me disant "c'est mignon, chaton" alors que je l'ai prononcé sans vraiment réfléchir. Il semble comprendre puisqu'il me dit que ce n'est pas grave et que ce n'est que partie remise. Il me propose d'enregistrer nos numéros pour nous revoir dès le lendemain soir. Lorsque je sors mon téléphone pour rentrer les chiffres, Jungkook en profite pour se relever en sautillant comme un cinglé sur sa jambe valide et parle fort, en même temps qu'Isaac m'énonce son numéro.

- C'est dingue, mais je ne sais même plus le mien... 06, 08 non 75, 49, non 48. Aïe, aïe, aïe qu'est-ce que j'ai mal ! Oh... un avion dans le ciel !

Je souffle fort parce qu'il me met hors de moi avec ses réactions enfantines et sa voix plus forte que les deux nôtres réunies. Il n'arrête pas de se plaindre et de me casser les pieds. Avec tout cela, je note les chiffres de l'autre, sans être sûr que ce soit les bons, mélangés aux siens. Quelle poisse et je n'ose même pas lui redemander. Bordel, Jungkook va me faire foirer mon coup d'un soir, qui n'est même plus celui de ce soir.

Et pour couronner le coup, Isaac essaie de déposer rapidement un baiser sur ma joue sans que je le prévoie, mais Jungkook trébuche et atterrit contre mon épaule, ce qui me fait donner un cou sur la pommette du blond. Celui-ci couine un peu, je m'excuse mille fois, injurie en coréen Jungkook l'insupportable boulet alors qu'il couine lui aussi d'une soi-disant douleur, et ma conquête finit par partir, avec quand même le sourire et un petit au revoir de la main. Je ne le mérite pas, je crois.

Je me retourne vers Jungkook pour l'incendier de tous les noms.

- Tu as fait du théâtre, tu joues une scène, ce n'est pas possible, mince ! je hurle dans la rue quand je suis sûr qu'Isaac est loin.

Je commets la plus grosse erreur de ma vie lorsque je me retourne, dans les lumières artificielles de la ville et de la nuit, vers Jungkook, pensant y voir des yeux encore mouillés de presque larmes et de douleur atroce, et que j'y trouve finalement des orbes brillants comme si des étoiles étaient emprisonnées à l'intérieur et ses lèvres qui se courbent instantanément en un énorme sourire forcé et vainqueur, comme je n'ai jamais vu sur lui. Et ses dents de lapin, et son nez qui se retrousse de victoire.... Ggggrhhhhhhhh j'ai envie de hurler pour me décharger de toute ma colère.

À ce moment-là, je jurerai voir une étoile filante au-dessus de lui dans le ciel sombre qu'elle éclaire.

C'est impossible.

Il n'a pas fait cela, le salaud.

La prochaine chose à laquelle Jungkook ne s'attend pas, c'est que je le saisisse par le bras pour l'entraîner un peu plus loin à l'angle de la prochaine ruelle, et qu'il se retrouve avec une clé de bras de ma part et une impossibilité de bouger. Je sais, à la façon dont il respire lourdement par le nez, à la façon dont ses lèvres se pincent pour former une ligne droite et s'empêcher de parler ou de sourire, qu'il est tout à fait conscient qu'il a eu tort de me mentir.

-- Tu t'es bien foutu de ma gueule ! je lui chuchote à l'oreille pour ne pas attirer l'attention sur nous.

- Oh ! Mon numéro de téléphone, je m'en souviens enfin, si jamais tu veux le noter aussi ! est la seule chose qu'il trouve à me dire avant de rire.

Ce rire qui me fait frissonner de toute part et me donne l'envie de tout oser, avec lui.

Il a eu ce qu'il voulait. Il m'a feinté, a fait semblant de tomber, d'avoir mal et de chouiner, tout cela pour que je ne parte pas avec ma conquête d'un soir, alors que lui-même allait entrer dans ce club.

Et la colère mêlée à un sentiment contradictoire addictif et désireux grimpe en moi. C'est fort, poignant, la tension entre nous explose, je le sens, en chacun de nous deux, ce désir mêlé à la répulsion, et nos yeux qui ne se quittent plus lorsque je le lâche et qu'il se retrouve face à moi. Ses iris descendent sur mes lèvres qui ont bien dû dégonfler depuis tout à l'heure et les miens n'arrêtent pas de faire des va-et-vient sur son corps, le lobe de son oreille que j'ai envie de mordre, son épaule que je veux caresser ou ses tétons que je lécherais bien, et je ne me retiens plus, je me jette sur ses lèvres.

Et c'est peut-être la meilleure décision de ma vie.

Nous deux, cette relation rivale et tout ce qui se passe entre nous depuis quelque temps, c'est naturel.

Il me reçoit, avide. Le baiser est aphrodisiaque. Mes mains s'aventurent sur ses joues rondes et juvéniles, les siennes soulèvent ma chemise de mon jean pour toucher ma peau qui frémit sous lui. Nous nous jetons l'un sur l'autre comme deux assoiffés, c'en est presque une question de survie. Il prend même les devants, me forçant à ouvrir davantage la bouche pour passer sa langue et lécher la mienne. Il en fait tous les contours, je me perds en lui et j'en deviens accro, il me fait geindre de plaisir quand avec force et sans prévenir, ses mains se saisissent de mes fesses. Il est entreprenant, nos souffles mêlés se font rares alors que nous ne nous détachons pas, il m'embrasse comme jamais on ne m'a embrassé. Ce n'est pas sale, mais divin, j'aime son odeur, la douceur de sa langue et la sensualité de ses lèvres, j'aime tout de lui et je pourrais jouir simplement parce que je suis dans ses bras, et parce que son seul toucher sur mon corps me fait me sentir en sécurité.

C'est peut-être la première fois que je ressens cela. De la part d'un homme.

Je me répète, je crois, mais je suis fou de lui et de tout ce qu'il me fait ressentir.

Nos corps se cherchent tellement, je frotte mon bassin contre lui, et tout ce que je veux, c'est effacer ce que j'ai pu faire dans le Club avec un autre homme juste avant, simplement parce que je voulais oublier à tout prix Jungkook. Je m'en veux maintenant d'avoir agi ainsi, avec désinvolture et immaturité, mais comment aurais-je pu déjà m'avouer qu'il m'était impossible de repousser ma profonde attirance pour lui ?

- Putain, fait-il, alors qu'il se détache légèrement de moi pour reprendre son souffle et me détailler de tous les côtés, comme s'il avait besoin de réponses avant d'aller plus loin. On est trop sexy tous les deux comme ça, j'ai trop envie de te baiser. Et je tiens à préciser que je n'ai jamais été un prostitué.

-- Alors fais ce qu'il faut Jeon ! je m'empresse de lui répondre en posant ma paume dans sa nuque pour le rapprocher de nouveau de moi. Il m'impose une brève résistance avant de me dire sur un ton plus soudain :

- Tu voulais y rester ? Je veux dire sous l'eau ?

- Quoi ? J'y comprends rien.

-- J'ai eu l'impression ne serait-ce qu'un instant, que tu n'étais pas sûr de vouloir remonter à la surface... Et j'ai décidé pour toi.

- Si...bien sûr que si... Arrête de parler Jeon Jungkook et saute moi dessus, bordel ! je lui ordonne durement.

Comment lui dire que je décide le plus souvent et qu'il est quelquefois plaisant de se laisser porter par le courant ? Mais à l'instant, tout ce que je veux, c'est me faire emporter par lui, par sa folie douce, sa chaleur, son rire et tout ce qu'il apporte de positif dans ma vie, même si jusqu'à présent, tout n'a été que chaotique entre nous.

Et cela va sûrement l'être encore un peu.

- Oui, chef, mais si on se barrait d'ici, hein ? Je préfère le bruit et l'odeur des vagues à celles du club et de ce mec sur toi, me fait-il sérieusement.

Nous nous regardons une seconde, je souris en coin de ce "Oui, chef" que j'aime dans sa bouche et je réponds "Si tout cela reste secret, alors ok !". Il opine de la tête, me prend par la main et m'emmène pour une course folle jusqu'à la prochaine plage.

🧁

Le bruit des vagues, les embruns, la jolie lune qui éclaire, la musique au loin de jeunes qui font la fête.... Tout ce qu'il faut de romantique pour THE Moment !

Mais il y a ce putain de sable ! Je serre les dents, je t'en foutrais romantisme à deux balles auquel semble tenir mon amant-voisin. Quelle idée de faire ça ici.

- Jungkook, attend, je crois que j'ai du sable dans la raie du cul, ça ne va pas le faire, je lui couine, alors que nous sommes tous les deux nus et pas le moins du monde gênés par ce que j'évoque. Nous ne sommes plus à cela près lui et moi.

Maintenant, c'est moi qui me plains. Mais c'est tellement bon avec lui. Je gémis comme une chienne en chaleur qui n'attend qu'une chose, c'est que son mâle le remplisse, mais sans les grains de sable. Je dois être vraiment en manque pour me comparer à cela, je n'ai même pas honte.

Si un jour, on m'avait dit comment allaient se passer ces vingt-quatre heures que je suis en train de vivre depuis ce matin, je ne l'aurais pas cru.

- Arrête de te plaindre soldat, on va changer de position !

Il me retourne comme une crêpe avec tout son sérieux, comme s'il avait une crépière en main, ou plutôt comme si c'était lui le capitaine, et moi tout ce que j'espère, c'est que personne ne nous surprenne, alors que nous nous y prenons comme des pieds.

Vous savez, ce truc chaotique entre nous ?




- T'es sûr que c'est pas une lampe torche qui s'approche de nous là-bas ?

🫧𓇼𓏲*ੈ✩‧₊˚


Voilà pour ce chapitre (plus long que les autres) en espérant qu'il vous ait plu.

Je vous dis à ce week-end pour la suite !

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