14. Mon cœur n'attendait que toi 🧁
Good Luck, Babe ! - Chappell Roan
À 18h30, en plein mois d'août à Busan, le ciel est d'une teinte douce, entre le bleu encore lumineux du jour et les premières nuances dorées du soir qui commencent à apparaître.
Ce que j'aime sur les lieux de mon enfance, c'est l'heure bleue qui suivra bientôt.
Le soleil est bas sur l'horizon, presque prêt à plonger derrière l'océan. Ses rayons caressent la ville d'une lumière chaude, dorée, presque orangée. L'air est encore chaud, mais plus supportable qu'en pleine journée, avec cette brise légère qui souffle depuis la mer, apportant une fraîcheur bienvenue. Le ciel est parsemé de quelques nuages, blancs et légers, presque immobiles, flottant paresseusement au-dessus de l'eau. La lumière se reflète sur la surface calme de l'océan, donnant à la mer des reflets scintillants, comme si elle était recouverte de milliers de petits miroirs. Au loin, on peut apercevoir les montagnes entourant Busan, doucement embrumées par l'humidité estivale.
La plage est encore animée par les vacanciers, des rires se mêlant au bruit des vagues qui viennent lécher le sable. Mais peu à peu, tout se calmera à mesure que mon père et moi marcherons le long de la côte, comme si la ville elle-même commençait à s'apaiser, en attente du crépuscule.
Il y a dans l'air, cette sensation de fin de journée, ce moment suspendu où tout semble ralenti, prêt à basculer dans la tranquillité du soir.
Dois-je moi-même me sentir tranquille ou rester sur mes gardes ? Je ne sais toujours pas de quoi mon père veut me parler.
Il marche lentement à mes côtés, ses yeux fixés sur l'horizon où le soleil descend lentement, baignant tout dans une lumière douce et dorée. Il semble plongé dans ses pensées et me jette un regard de temps en temps, silencieux. Je suis certain que quelque chose plane dans l'air, que quelque chose d'important va être dit, mais je ne sais pas encore quoi.
Après un long moment de silence, mon père inspire profondément et je ne sais pas trop quoi faire de son attitude. Papa est la force tranquille de la famille, ce rocher romantique qui parle peu, mais dès que sa bouche s'ouvre, nous sommes tous unanimes pour penser que ses paroles résonneront en nous pendant longtemps.
Il fouille dans la poche de son pantalon en toile pour en sortir un paquet de cigarettes déjà entamé.
Depuis quand n'ai-je pas vu mon père fumer ? Depuis ma petite enfance ?
Je le regarde interloqué quand il se sert, il n'en manque qu'une à l'intérieur, et me tend le reste. Mes yeux s'arrondissent, même si c'est un peu difficile à le concevoir avec mes yeux étirés, mais machinalement, je le prends. Il allume nos deux bâtons de nicotine avec un briquet logé aussi dans sa poche et me dit :
— Ne dis rien à ta mère, je fume en cachette. Et encore, c'est seulement quelquefois par an. Seulement quand je repense au passé ou que je suis un peu stressé.
— Papa, je geins à moitié assez gêné mais honnête. Je ne suis pas le fumeur que tu crois. C'est juste qu'en mission, ça occupe parfois et-
— Et je t'ai déjà vu fumer ici en te cachant ! Les parents savent tout, tu sais. Et puis, les soldats et la cigarette... c'est toute une histoire, n'est-ce pas ? On ne dira rien à ta mère, en espérant qu'elle ait un sale odorat ce soir, finit-il avec un clin d'œil, avec cette confiance apaisée qui le caractérise, en expirant déjà la première fumée.
Je le regarde un peu de travers, en m'arrêtant quelques secondes, car je ne l'ai jamais vu ainsi, plus viril que d'habitude et borderline. Mais il a déjà repris la marche, alors je trottine jusqu'à ses côtés et tout ce à quoi je pense, c'est la raison pour laquelle il fume à l'instant et si j'en suis l'entier responsable. Leur ai-je mis autant la pression au Café pour que mon père se sente mal ? Est-ce qu'il s'inquiète pour moi ou est-ce pour quelque chose de plus grave ?
— Vous êtes devenus amis n'est-ce pas ? Toi et Jungkook ? me dit-il finalement en s'arrêtant pour regarder le feu du soleil se noyer dans l'eau turquoise.
Je ne sais pas où il veut en venir, mais je me décide à être honnête pour le reste de la conversation, enfin, en tout cas, pour ce qu'elle en deviendra. Je ne pourrai jamais mentir à mon père et la tristesse que j'ai vue dans les yeux de Jungkook m'a décidé à ne plus être lâche.
— Oui, on va dire ça comme ça. Je m'étais trompé sur lui et je n'ai aucune excuse sur la façon dont je l'ai traité, je réponds en me postant à ses côtés, inspirant ma nicotine.
— Je suis content que tu t'en sois enfin rendu compte. Que ton intelligence émotionnelle ait réalisé que ce que vous avez trouvé ensemble n'a pas de prix.
Je n'ose pas regarder mon géniteur. J'enregistre ses paroles pleines de sens profond, la vue devant nous, la brise marine qui me donne une légère chair de poule le long de mes bras, et j'attends, j'attends avec patience. Parce que je suis certain à l'instant, que mon cœur va battre d'où je suis, au même rythme que celui, au loin, de Jungkook.
— Ce que vous partagez, c'est assez unique. Il n'y a qu'à vous voir Jimin, m'avoue mon père d'une voix rassurante, en me jetant un regard dans lequel je perçois des émotions presque personnelles. Vous avez beaucoup de chance de vous être trouvés.
— Je n'ai pas été tendre avec vous, et encore moins avec lui, murmuré-je navré.
— Tu viens de vivre la pire année de ta vie mon fils, tu pensais mourir lorsque tu ouvrais les paupières chaque matin. Comment veux-tu revenir d'entre les morts sans être perturbé ? Sans avoir l'envie de montrer que tu existes toujours, et que tu en as le droit ? Nous sommes si heureux que tu aies accepté de venir ici pour faire un break et te retrouver, à nos côtés.
Un silence se fait comme si le temps s'arrêtait. Pourtant les vagues continuent leur rythme de va-et-vient, les enfants plus loin continuent à rire ou à se faire héler par leurs parents, et la Terre continue sa rotation.
J'aime tellement la façon qu'à mon père de me comprendre, d'exprimer par de simples mots, pourtant si forts, ce que je n'ose me dire à moi-même.
— C'est le fils adoptif de ton meilleur ami papa, je me suis aperçu que nous avions sympathisé il y a dix ans avant de partir à l'armée, et je n'ai plus eu aucun souvenir de lui ensuite. J'ai été infernal à mon arrivée ici, mauvais avec lui, sans rien chercher à comprendre, en voulant faire de lui mon ennemi, alors que je ne suis même plus un gosse. Et puis... Tout ça... ces dix années à tuer des vivants et défendre mon pays, ça a abîmé des choses en moi.
Mon père me regarde après avoir expiré la fumée de sa cigarette, la mienne se termine et il finit par poser son autre paume sur mon épaule.
— Tu es toujours toi, mon petit garçon que j'ai élevé. Et en ce qui concerne Jungkook, Heong-Joon l'a bien élevé, et Jungkook grâce à lui est devenu un homme très intelligent, de confiance et avec beaucoup de valeurs.
— Je sais, arrivé-je à dire malgré ma gorge nouée, bien plus que moi.
— Je suis sûr qu'il dirait la même chose de toi... En tout cas, sache que je suis là même si tu penses que tu es abîmé ou que ça n'en vaut pas la peine. Même si je ne suis peut-être pas la bonne personne à qui tu voudrais en parler, je suis certain que cette amitié entre vous est bien plus que cela. Et je vous envie. La majorité des parents dans notre pays te dirait de revenir à la raison, mais quelle raison ? Je ne suis pas ces parents-là, ce n'est pas moi, ce n'est pas notre famille. Pourquoi t'empêcher de ressentir, alors que tu as vingt-huit ans, que tu as ton libre arbitre, et que toi seul peux décider de ta vie ? J'ai quelque chose à t'avouer, si tu veux bien.
Je bois les paroles de mon père sans réellement comprendre que ce qu'il va m'annoncer va tout changer. Je suis surpris par ses mots, je le regarde, son visage marqué par les années, mais aussi par cette tendresse et vulnérabilité que j'ai toujours connues de lui. J'attends, sentant que ce qui va suivre est crucial.
— Jimin, commence-t-il, sa voix grave mais empreinte de douceur, il y a quelque chose dont je ne t'ai jamais parlé. Quelque chose que je n'ai jamais partagé avec personne.
Ses yeux se fanent vers l'horizon, un sourire se dessine petit à petit sur les commissures de ses lèvres et je suis certain que ses yeux se parent de mille couleurs.
— J'ai été jeune moi aussi et j'ai vécu une histoire qui a marqué ma vie, continue-t-il, la voix légèrement tremblante. C'était l'été de mes 18 ans. Mes parents comme tu le sais, habitaient cette même maison qu'ils m'ont transmise et qui est la nôtre, et qui faisait maison d'hôtes. J'ai suivi l'évolution du quartier ici et l'arrivée des touristes chaque été depuis toujours. Et cet été-là... un jeune japonais de Tokyo est venu séjourner chez nous avec ses parents. Il avait le même âge que moi, il venait lui aussi d'obtenir son diplôme de fin d'année d'études, et il partait à la rentrée étudier la musique classique aux États-Unis, dans un grand conservatoire. Ses parents, à table, ne parlaient que de cela et de sa réussite. Il avait une excellente éducation, brillant, érudit, et il avait cette aura de quelqu'un qui en savait beaucoup plus que moi sur la vie. C'est ce que je croyais à première vue. Parce que finalement nous avons beaucoup appris grâce à l'autre.
Mon père s'arrête un instant, son regard perdu dans les vagues qui se brisent doucement sur la plage. Il semble replonger dans ce souvenir, l'émotion palpable dans sa voix.
— Il s'appelait Kaïto, dit-il finalement, avec un sourire doux-amer. Je me souviens encore de lui, comme si c'était hier. Il était beau et élancé d'une manière discrète, mais c'était surtout son esprit qui m'attirait. Il parlait de la musique et du piano avec une telle passion, une telle intensité. De la littérature aussi, il lisait tout le temps. Il me montrait des choses que je n'avais jamais vues sous cet angle. Nous passions des heures à discuter, mais aussi à visiter les rues de Busan ou courir sur la plage. Je le faisais rire, il me faisait réfléchir, et petit à petit, je me suis rendu compte que ce que je ressentais pour lui allait bien au-delà de cette amitié naissante.
J'écoute attentivement, le cœur battant, sentant que cette histoire est sur le point de basculer dans quelque chose de plus profond, de plus intime.
— Un jour, alors que nous étions seuls ici sur ce bord de mer assis dans le sable sans personne autour, il m'a regardé d'une manière que je n'ai jamais oubliée, continue son père. Il n'y a pas eu de mots. Juste un regard tu vois, et je savais. Je savais qu'il ressentait la même chose que moi. Et la veille de son départ, à la fin de l'été... Il s'est passé ce qu'il s'est passé. Nous n'avons jamais reparlé de cela, nous nous sommes simplement dit au revoir le lendemain comme des copains de vacances et nous ne nous sommes jamais revus.
Il s'arrête encore une fois, la voix plus faible maintenant, comme si chaque mot lui coûtait.
— Je n'oublierai jamais cet été-là. C'était une autre époque, on ne parlait pas de ces choses-là avec qui que ce soit. Et puis ensuite, j'ai rencontré ta mère, et je n'ai plus jamais entendu parler de lui. Quelquefois nous avions des nouvelles des hôtes que mes parents accueillaient, mais pas ses parents. Il est simplement devenu un joli souvenir. J'ai juste fait quelques recherches et j'ai appris qu'il était devenu un grand pianiste. J'avais su voir en lui, comme lui avait vu en moi, et au début j'ai eu cette douleur en moi pendant un moment de certains regrets, du fait que je n'avais pas pris cela au sérieux, que ça devait être interdit. Mais, j'ai ensuite vécu une belle vie que je ne regrette absolument pas.
Mon père, le premier homme de ma vie, serre légèrement les poings, comme pour contenir une émotion trop longtemps enfouie et je suis certain que ses yeux se voilent d'un brouillard.
— Au fond de moi, je savais que quelque chose avait changé en moi, depuis lui. J'ai continué ma vie, je me suis marié, j'ai eu deux beaux garçons dont je suis fier, puis des petits-enfants, mais cette histoire, la seule, cette brève connexion, m'a marqué à jamais... Puis dans ma vie d'adulte, mon regard a changé et s'est beaucoup plus ouvert. Je pense de temps en temps à lui, même après toutes ces années. Juste, comme un joli souvenir.
— Maman est-elle au courant ? je chuchote.
— Je ne crois pas, non, me répond-il avec un sourire dont lui seul a le secret.
Les émotions me transpercent, me bouleversent. Je n'ai jamais imaginé que mon père, cet homme que je voyais solide et posé, avait vécu quelque chose d'aussi intense, interdit et secret. Je n'arrive pas à croire que cette histoire ait pu rester enfouie pendant toutes ces années, et que mon père me la révèle maintenant. Et que peut-être grâce à sa vision de la vie, il m'avait en fait élevé avec cette ouverture d'esprit qui m'a construit.
— Je te raconte cela, continue mon père, parce que je ne veux pas que tu fasses les mêmes erreurs que moi. J'ai laissé la peur, les conventions, m'empêcher de parler, même à toi et Jihyun. Je n'ai jamais revu Kaïto et parfois, je me demande ce qui se serait passé si j'avais eu le courage de lui dire ce que je ressentais vraiment. Je ne veux pas que tu imagines, maintenant que je t'ai raconté ce bout de ma vie, que c'est quelque chose que je regrette. Nous sommes ce que nous voulons devenir ! J'ai choisi délibérément d'aimer ta mère comme un dingue parce qu'elle me complète parfaitement, j'ai choisi cette vie et je n'ai aucun regret. Mais je ne veux surtout pas que toi, tu passes ta vie avec des regrets.
Je sais qu'il ne me ment pas. Et je n'ai aucune envie de faire un parallèle ou un transfert sur moi de son histoire, avec l'amour que Jungkook a pour moi depuis ses quatorze ans. La situation est bien différente. Mon père a eu une expérience, quant à Jungkook, il ne s'est jamais empêché de m'aimer. Et moi... Tout ce que mon père veut pour moi, c'est mon bonheur, me voir heureux en amour, puisque je ne me le suis jamais permis.
Il se tourne alors vers moi, avec ce regard intense, plein de tendresse et de sagesse, qui en dit long.
— Tu as choisi cette vie de militaire pour ne jamais avoir à choisir. J'ai toujours plus ou moins su ton attirance masculine depuis ton adolescence mais j'ai été lâche, car je n'ai jamais abordé avec toi le sujet de la sexualité. J'ai été élevé comme ça, avec pudeur et on ne parlait de rien. Et regarde... entre toi qui n'oses rien nous dire et ton frère...tout se termine bien pour lui et ils s'aiment, mais il a mis enceinte une étudiante américaine à vingt ans ! J'aurais dû avoir une discussion avec vous deux.
Je ne sais pas quoi lui répondre, car je ne lui en veux absolument pas. Mes parents nous ont toujours élevé dans l'amour des autres, dans la bienveillance, le respect de tous sans un regard de travers, et la générosité, et j'aime d'ailleurs plus que tout notre famille, même un peu différente.
— Si tu ressens quelque chose pour quelqu'un, peu importe qui c'est, n'aie pas peur, Jimin. Ne laisse pas le poids des attentes des autres t'empêcher de vivre ce que tu ressens. L'amour est rare et précieux. Ne le laisse pas filer parce que tu as peur de ce que les autres pourraient penser.
Je reste silencieux, même si les larmes ont envie de couler, même si je suis aussi émotif que mon paternel et que nous nous retrouvons tous les deux l'un en face de l'autre à nous serrer dans les bras. Les mots de mon père résonnent en moi avec une telle force, je réalise à quel point cette confession est importante, et à quel point elle change la manière dont je vois mon propre père. Ce dernier, malgré toutes les années, porte encore en lui ce souvenir secret et si personnel, qui l'a construit mais qui ne l'a pas empêché de vivre heureux.
Je le regarde, lui, un homme qui a toujours été une figure de douce autorité dans ma vie, et le voit maintenant sous un jour nouveau : un homme qui, malgré sa force apparente, a aussi connu la douleur d'émotions enfouies.
— Merci, papa, murmuré-je finalement, les yeux brillants.
— Il est peut-être temps que nous rentrions à la maison, ta mère va s'inquiéter.
Je hoche la tête, et alors que nous continuons de marcher sur la plage pour revenir vers la maison, je me promets intérieurement de ne jamais laisser qui que ce soit ou moi-même m'empêcher de vivre ce que je ressens.
Je marche à ses côtés, le sable chaud sous mes pieds, mais c'est comme si le temps s'était arrêté à nouveau. Ses mots résonnent en moi, se répètent dans ma tête. Jamais je n'aurais imaginé qu'il ait vécu une telle histoire d'amour, cachée et silencieuse. Je suis tellement touché par ce qu'il vient de me révéler, que je ne sais même pas quoi dire. Il m'a toujours semblé si fort, si inébranlable, comme une montagne qui ne bouge jamais. Mais aujourd'hui, pour la première fois, je le vois différemment. Je le vois vulnérable, humain.
C'est étrange, j'ai toujours pensé connaître mon père. Cet homme qui m'a élevé, qui m'a appris tant de choses. Mais voilà qu'il me dévoile une partie de lui que je ne soupçonnais pas, une partie cachée, un amour secret qu'il a gardé en lui pendant des décennies. Je sens mon cœur se serrer pour lui, pour ce jeune homme de 18 ans qu'il était, amoureux et silencieux, incapable d'exprimer ce qu'il ressentait vraiment.
Je le comprends. Plus que je ne peux le penser. Je ressens cette même peur, ce même poids des attentes des autres, de ce que la société pourrait dire. Et son histoire... elle me touche au plus profond. C'est comme s'il me parlait directement, à moi et à tout ce que je vis en ce moment avec Jungkook. Mon père a vécu dans le silence, dans la peur de ses propres sentiments, et il ne veut pas que je fasse la même erreur. Ses mots m'atteignent en plein cœur. Il ne s'agit pas seulement de son passé, mais aussi de mon présent, de ma propre vie.
Je sens une vague d'émotions monter en moi, mêlée de gratitude et d'apaisement. Je me tourne vers lui, les mots coincés dans ma gorge. Je veux lui dire combien ça me touche, combien ça compte pour moi qu'il partage cette partie de lui. Mais tout ce que je parviens à dire, c'est un simple "merci". Un "merci" qui semble si petit par rapport à ce que je ressens vraiment, mais c'est tout ce que je peux prononcer.
Je veux lui dire que je ne laisserai plus la peur me paralyser, que je n'étoufferai pas mes sentiments. Que je vivrai cet amour, peu importe ce que le monde pourrait en penser. Parce que c'est ça, la leçon qu'il me transmet aujourd'hui.
L'amour, c'est trop précieux pour être laissé de côté, pour être abandonné par peur. En marchant à ses côtés, je ressens une nouvelle force en moi, une résolution. Je ne veux pas finir avec des regrets, pas après tout ce qu'il vient de me confier. Comment ai-je pu nier ce que nous vivions depuis le tout début ? Il m'a donné son amour sans réserve, et moi, j'ai pris peur, cherchant encore à me cacher. Mais je ne veux plus fuir.
Il est temps. Je dois me faire pardonner et me pardonner à moi-même, mais cela commence par ne plus vivre dans le déni. Cela commence par reconnaître ce que nous sommes, devant tout le monde, et surtout devant ma famille. Jungkook mérite que je le choisisse, que je le revendique. Il mérite que je lui montre que je suis prêt à tout pour lui.
🧁
Lorsque nous arrivons à la maison, mon père presse légèrement mon épaule pour me donner toutes ses ondes positives.
Le moment est venu.
Lorsque lui et moi rentrons à la maison, je sens déjà la boule dans mon estomac. Ce n'est pas tant l'idée de leur dire que j'ai toujours été gay, que j'aime les hommes et surtout un en particulier, c'est plus l'idée de le dire à toute ma famille en même temps. Mais plus vite ce sera fait, plus vite ce sera derrière moi.
Jungkook est encore là, entouré de ma famille, avec ses cheveux ondulés, sa tenue de la veille, mon odeur encore sur sa peau et j'ai juste envie de le serrer dans mes bras pour nous apaiser tous les deux et lui dire que tout va bien.
Je les trouve tous dans le salon, assis là, complètement inconscients du fait qu'ils vont bientôt assister à une grande révélation familiale. Titi est devant un nouveau Drama, celui de 19h, avec ma tante à ses côtés qui adore les romances à l'eau de rose et les déclarations romantiques.
Je ne me moque pas d'elle, je le suis secrètement moi aussi certainement, mais pas dans les mêmes attentes que ma tante Nana qui, elle, au contraire de moi avec les mots d'amour de Jungkook, n'en a jamais reçu de mon oncle en dehors de ses blagues foireuses.
Ma mère est en train de ranger des assiettes avec toujours son tablier, mon oncle se dispute avec mon frère Jihyun de je ne sais quel sujet, tandis que mon neveu Johnny le regarde en éructant et vomissant son biberon sans aucune gêne. Le fameux reflux gastro-œsophagien. Mon œil oui, c'est juste une manière de rétorquer aux parents "et les gars, votre lait est dégueu, je veux les frites et le poulet du dimanche de mamie !". Patience petit Johnny, tu y goûteras bientôt. Mon frère le félicite de ses cochonneries, on aura tout vu, ma nièce de 6 ans, quant à elle, fait des allers-retours entre les pièces avec une énergie débordante, jusqu'à me sauter dessus à mon arrivée, puis ensuite dans les bras de mon père.
Quant à ma belle-sœur, Taylor, elle est assise tranquillement et me regarde avec ce sourire vainqueur qui dit "je t'attends au tournant", l'air de tout savoir à l'avance, comme toujours. Et peut-être que j'aurais préféré qu'elle soit à l'un de ses cours de yoga plutôt que me dire dans quelques minutes "il était temps".
Je ne vois pas Taehyung et ma cousine, je ne sais pas ce qu'il fricotent, même si j'ai ma petite idée, mais bon apparemment "toute la famille est tellement contente !". Je range ma jalousie évidente et qui n'a pas lieu d'être pour me concentrer à nouveau. "Portons nos couilles !", comme dirait mon oncle, même si tout ce qu'il dit n'est pas forcément très intelligent.
C'est parti et je sens que le ton de la conversation va être bien différent de celui avec mon père.
Je toussote pour attirer leur attention, mon père me jette un coup d'œil d'encouragement.
Bon, c'est maintenant ou jamais.
— Alors, euh... j'ai quelque chose à vous dire, si vous pouviez m'écouter, commencé-je, sentant déjà ma voix trembler légèrement.
Tous les regards se tournent vers moi, et je sens mes joues commencer à chauffer. Super.
— Je... enfin, voilà... vous avez peut-être remarqué que j'étais un peu... stressé ces derniers temps. Je fais une pause. Et, eh bien... c'est parce que... je suis... amoureux, et en couple.
Silence. Jihyun lève un sourcil. Ma mère arrête net de ranger les assiettes. Mon oncle commence à sourire d'un air étrange, et je sais déjà qu'il prépare une blague.
— En couple ?! s'exclame ma tante avec enthousiasme. Avec qui ?!
— Moi je sais avec qui est Captain Mimi, dit Titi. Moi aussi, je suis presque en couple avec Haneul, il faut juste que je lui dise.
— Oh, c'est qui cette Haneul ?
— Titi vous racontera plus en détail ses petites envies. Donc, en ce qui me concerne...
Bon, pas de retour en arrière.
— Je suis en couple... Avec Jungkook.
Encore un silence. Et là, ma mère pousse un cri. Elle se couvre la bouche avec ses mains, comme si je venais d'annoncer que j'avais remporté le prix Nobel ou quelque chose du genre. Ou peut-être comme lorsque l'armée l'a appelé pour lui dire que finalement son fils n'était pas porté disparu depuis six mois ni mort sous les tortures, mais bien vivant avec de "légères" séquelles, comme le stress post-traumatique.
— Oh mon Dieu... je le savais, je le savais ! Mon fils est amoureux... de Jungkook ! Oh, c'est tellement beau...
— Tu as bien compris maman, ce que cela veut dire ? je fais avec un sourcil levé.
Jungkook s'approche de moi, je lui tends la main pendant que mon père le laisse prendre sa place à mes côtés. Son contact tout contre moi me rassure et réchauffe mon cœur. Je serre doucement sa main, cherchant à puiser de la force dans sa présence. Il n'arrête pas de me lorgner sans un mot comme si j'étais son dieu, et s'il continue ainsi, je pourrais lui sauter dessus devant mes parents. Mais je crois que nous l'avons déjà fait, non ?
— Oui j'ai bien compris, je ne suis pas née au dix-huitième siècle, me fait ma mère, les yeux embués de larmes. Ça change quoi ? Je veux juste que tu sois heureux, c'est tout ce qui compte. Je pensais que tu... comment dit-on ? Que tu n'aimais pas le sexe ou l'amour ? Je me suis renseignée sur internet, ça fait partie aussi de la communauté LGTBQ... Je sais, je n'aurais peut-être pas dû et il n'y a aucun mal à cela, mais je voulais tellement te voir avec quelqu'un.
J'imagine ma mère sur l'ordinateur familial faire ses recherches en secret la larme à l'œil, en surveillant en même temps ceux qui arrivent dans la pièce, vu que tout le monde rentre dans cette maison comme dans un moulin.
— Je ne suis pas asexuel maman. C'est juste qu'avec mon métier, je dois faire attention et rester concentré.
Je ne sais pas si ma réponse lui convient mais elle opine de la tête avec un sourire ému.
— Dans LGBTQIA+, il y a Q, moi je dis ça, je dis rien, dit mon frère en soufflant. Hanni bouche tes oreilles, merci ma puce ! Donc maman rassure-toi, je peux te dire qu'il n'est pas coincé du cul, vu le nombre de fois quand on était ado où je l'ai entendu ou surpris en train de se branler devant des films porno dans sa chambre ! D'ailleurs, c'était déjà du porno gay ? me demande-t-il curieux.
— Ba....je réponds en faisant la moue.
Jungkook explose de rire, je vois le sourire en coin de mon père et ma tante fait la choquée. Mon oncle, bien sûr, ne peut pas se retenir plus longtemps en entendant tout cela.
— Ah, je me disais bien qu'il se passait quelque chose avec toi Jungkook !
— Ouais enfin, il fallait être aveugle pour ne rien voir, essaie de leur faire comprendre Taylor.
— Eh bien, j'espère qu'il sait faire autre chose que des "gâteaux", même si Jungkook, tu dois savoir fourrer la crème comme personne. C'est lequel qui préfère se prendre la bûche de Noël ? Non parce que Jimin, avec son caractère, ça ne doit pas être un tendre !
Il explose de rire, le seul à trouver sa blague drôle. Personne ne réagit, mais lui, il rit aux éclats. Et c'est Jungkook qui lui répond pour lui clouer le bec :
— Bien plus que vous ne le croyez, le plus tendre que je connaisse !
Ma tante, ma mère et ma belle-sœur font des "Ohhh" comme des princesses devant leur prince charmant et c'est là que je comprends que Jungkook qui faisait déjà l'unanimité est déjà adopté par ma famille.
Ma tante, bien plus empathique que mon oncle, en essayant de passer outre, tape dans ses mains, un peu hystérique avec une voix qui part dans les aigues.
— Mais c'est merveilleux, après Haerin de casée, maintenant c'est Jimin ! Oh, je suis tellement contente pour vous tous, depuis le temps que je me disais que tu avais un faible pour notre concurrent, je ne m'étais pas trompée. Qui l'eût cru ? Tu le détestais. De toute façon, à notre époque, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise, tout le monde est avec tout le monde, alors quelle différence ça fait ? Et puis, il reste Titi...
Le sourire de ma tante se défait un peu, ils ont toujours su que mon cousin n'aurait pas la même autonomie que nous et qu'il devrait être souvent à leur côté. Réaliser une nouvelle fois que son enfant n'aura pas la même vie que les autres la rend émotive.
— Mais je crois que Titi a justement des trucs d'amoureux à vous annoncer lui aussi ! je fais avec enthousiasme pour ne pas casser l'ambiance.
— Bon en tout cas, cela explique pourquoi Jimin était insupportable ces dernières semaines, intervient mon frère, en râlant encore.
Je lui fais un petit sourire gêné, et ma belle-sœur, Taylor, intervient en secouant la tête avec amusement, puis se rapproche de moi pour me serrer dans ses bras et me murmurer à l'oreille :
— Franchement, Jimin, ce n'était pas trop tôt. On s'en doutait un peu, tu sais. Vous passiez tellement de temps ensemble. Et puis, ça y est, tu l'as dit, sois fier de toi grand frère ! Même si Jihyun ne te le dit jamais, il est très fier de toi et ce que tu viens de faire devant nous tous, tu peux en être fier aussi.
Puis vient le moment le plus inattendu. Ma nièce de 6 ans, Hanni, se plante devant nous, l'air totalement sérieuse, comme si elle avait une grande révélation à faire. "Moi, je savais aussi !" Elle prend une petite pause dramatique, puis ajoute d'un ton innocent : "C'est parce que t'embrasses Jungkook comme papa embrasse maman quand y a personne autour." Elle dit ça comme si c'était la chose la plus évidente du monde, et toute la pièce éclate de rire. Même moi, malgré mon cœur qui bat à tout rompre depuis que nous sommes arrivés.
Je cherche Jungkook des yeux, nos regards se croisent, et je sens enfin le poids quitter mes épaules. Tout est dit. Tout le monde sait. Et étrangement, tout va bien.
Tous semblent retourner à leurs occupations.
Après cela, ma mère se remet lentement de sa surprise et vient à son tour près de nous. "Je t'aime, Jimin. Nous t'aimons. Et si c'est ce que tu veux, alors nous serons là pour toi. Tu es heureux ?" me demande-t-elle d'une voix touchée.
— Oui, je réponds, regardant Jungkook à mes côtés. Il me rend heureux. Je ne savais pas qui me cœur attendait, mais je sais maintenant qu'il n'attendait que lui.
Un sourire timide apparaît sur le visage de mon père, comme s'il repensait à ce qu'il m'avait confié sur la plage. "Alors c'est tout ce qui compte," dit-il finalement, posant une main réconfortante sur mon épaule.
Mon meilleur ami trouve alors le moyen de faire son entrée dans la maison avec ma cousine à ses côtés. Il nous regarde tous, suspicieux avant de demander :
— Ça y est, vous êtes revenus ? J'ai loupé un truc monsieur et madame Park ?
— Jimin et Jungkook sortent ensemble, intervient mon frère qui nous a rejoint avec Johnny dans les bras qui sent toujours le vomi.
Taehyung nous regarde tour à tour, puis se penche vers Jungkook pour lui chuchoter :
— Tu feras gaffe, tu as encore un peu de sperme séché sur ta cuisse. Et tu as intérêt à faire attention à lui, civil Jeon Jungkook, je t'ai à l'œil. Je n'ai peut-être plus que quelques doigts, mais ils font des miracles et je peux en castrer des mecs rien qu'avec ça. Rompez !
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Jungkook et moi sommes maintenant dehors alors que je le raccompagne pour qu'il rentre chez lui. Le ciel a pris cette teinte magique, entre le bleu profond et le violet, ce qu'on appelle l'heure bleue.
L'heure bleue, c'est cet instant suspendu où la ville et la nature semblent retenir leur souffle, avant que la nuit ne s'installe définitivement. C'est ce moment empreint de calme, de mystère, où chaque couleur se fond dans l'autre, et où tout semble baigné d'une lumière douce, presque irréelle. Tout semble suspendu dans l'air, même le bruit des vagues paraît plus doux, comme un murmure. Il fait bon, et il n'y a presque plus de monde. C'est le moment parfait, et je sens mon cœur battre plus fort en regardant Jungkook dans cette lumière, comme si tout cet instant lui était dédié.
Je le regarde dans les yeux, et je sens que je dois lui dire à nouveau. Je ne peux plus garder ça pour moi, pas après tout ce qui s'est passé aujourd'hui.
— Mon cœur n'a attendu que toi, tout ce temps, dis-je, doucement, presque dans un souffle. C'était vrai, tout ce que je leur ai avoué. Je me demandais souvent qui mon cœur pouvait attendre et j'avais déjà la réponse en moi depuis toutes ces années. En avouant, tu m'as aussi libéré de tout ce que je m'imposais. Et je m'excuse pour-
— Je suis heureux moi aussi, et c'est tout ce qui compte, me coupe-t-il. Je ne sais même pas comment tu avais pu imaginer que ta famille réagirait mal...
Il me regarde, et pendant une fraction de seconde, j'ai l'impression de voir une nouvelle lueur de désir passer dans ses yeux. Il se mord la lèvre, de façon sensuelle, et je m'approche de lui en me doutant qu'il va poser ses grandes mains sur mes hanches pour qu'il me rapproche à lui.
Ce qui bien sûr ne loupe pas, pour mon plus grand plaisir. J'aime nos deux corps musclés qui se percutent, j'aime sentir sa force rencontrer la mienne. Et ses grands yeux qui me dévorent déjà l'âme.
— Il faut vraiment que j'aille prendre une douche même si j'ai encore envie de toi, me chuchote-t-il dans mon cou avec ses mains baladeuses. Ton pote m'a fait rire, mais je comprends qu'il soir protecteur. Je respecte ça.
— Oui, lui et moi, c'est à la vie, à la mort.
— Et ça ne sera que la vie qu'on célébrera ! me répond-il avec son grand sourire de lapin. Je suis si fier de toi et tellement soulagé qu'on soit ensemble maintenant.
Je l'aime. Lui ai-je déjà dit ?
— Je sais qu'on se croise tous les jours, mais dans quelques jours, osé-je nerveusement, il y aura le feu d'artifice pour la fête de la ville. Ça serait bien d'y aller tous les deux... ensemble, enfin, tu vois...
Mon visage est avenant, mais Jungkook ne réagit pas comme je l'espérais. Son visage se ferme légèrement, son sourire disparaît. Il baisse les yeux un instant, comme s'il réfléchissait à ce qu'il va dire.
— Je... je ne peux pas, dit-il finalement, la voix un peu hésitante. J'ai quelque chose de prévu ce soir-là.
Je le regarde, surpris, ayant déjà envisagé ce moment avec lui. Surtout que mon temps est compté ici et bientôt on m'appellera pour repartir en mission. Il a déjà quelque chose de prévu, alors que tout le quartier et même la ville ne parlent que de cette fête ?
Il évite mon regard. Mon cœur se serre. Il y a quelque chose qu'il ne me dit pas, je le fixe, essayant de comprendre. Mon esprit commence à se perdre en suppositions, et peut-être que je fabule.
Jungkook me cache peut-être quelque chose, mais je le découvrirai et je ferai tout pour qu'il soit à mes côtés ce soir-là.
🫧𓇼𓏲*ੈ✩‧₊˚
Voilà pour ce chapitre !
Alors, à votre avis, qu'est-ce que Jungkook a prévu ce soir-là ? J'aime trop avoir vos idées.
J'essaie de finir et poster au plus vite le dernier chapitre "Le feu d'artifesse" avant samedi, pour pouvoir ensuite poster l'épilogue !
Merci encore de me suivre dans cette aventure ! À très vite 🌅✨️❤️🎆
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