54- Lalaty
Je cligne des yeux plusieurs fois, et le regarde. Son air sérieux m'indique qu'il n'est clairement pas en train de mentir. En même temps, comment pourrait-il ? J'ouvre la bouche, mais aucun mot n'en sort. Je suis perdue. Totalement perdue. Et en même temps, pas si étonnée que ça.
-Je viens de me taper la honte de ma vie, c'est ça ? dit-il en riant, l'air mal à l'aise au possible.
Je secoue la tête rapidement, et cherche mes mots. C'est lui Music66. Bien sûr que c'est lui. Comment aurait-il pu en être autrement ? Tout était là, je n'ai simplement rien vu. Ils sont tous les deux aussi attentifs, prévenants, rassurants, et surtout de bon conseil. Bon, certes, je connais un peu mieux Matt, parce qu'on était proche IRL, mais sinon, leurs caractères sont pratiquement identiques. Même les messages que l'on s'envoi auraient dû me mettre la puce à l'oreille. J'ai le même genre de discussion avec Matt que celles que j'avais avec Music66. Est-ce que j'ai délibérément fait comme si de rien était ? Décidément, j'ai l'impression d'être une personne qui se voile souvent la face.
-Alors t'es bien elle ? Enfin... C'est toi Lalaty ? Tu écris des textes sur Siquy sous ce pseudonyme ?
-Oui... dis-je doucement, en évitant de le regarder.
Il écarquille les yeux, avant de rire nerveusement en passant sa main dans ses cheveux. Il passe sa langue sur ses lèvres, tandis que mon cœur bat à tout rompre. Vu comment s'est déroulée notre dernière conversation, l'idée que ce soit lui Music66 ne m'enchante pas autant que ça le devrait. Disons qu'après notre petite « dispute », on a pas repris contact, je ne me suis pas excusée, et il n'a rien fait non plus de son côté. Niquel tout ça.
-Et... Tu sais qui je suis ?
J'hoche la tête.
-T'es Music66. C'est ça ?
Il acquiesce. Il ne me regarde pas, depuis tout à l'heure. C'est à cause du choc, ou parce qu'il m'en veut ? Je savais que cette histoire ne m'apporterait rien de bon. C'est d'ailleurs pour ça que j'ai pas vraiment cherché à savoir qui était vraiment Music66. Ça aurait beaucoup trop compliqué les choses. Enfin autrement dit, j'ai fait comme d'habitude : j'ai eu peur, et j'ai fuis.
-Pourquoi me l'avoir caché ?
-De quoi ?
-Tout ça. dit-il en faisant de grands gestes avec ses mains. Je savais que t'aimais écrire, mais pas que t'avais un compte Siquy là-dessus ! Surtout que t'y es super active. Et puis si c'est toi Lalaty... Enfin, d'un côté je suis content que ce soit toi, mais en même temps c'est hyper bizarre. Surtout que je t'en veux un peu. Enfin, j'en veux à Lalaty, mais du coup c'est toi, et... C'est trop bizarre.
Je me mords l'intérieur de la joue. Merde, il m'en veut. Et il est content. Mon cerveau m'envoie un millier de signaux différents et je suis perdue au milieux d'eux. Je suis contente, triste et un peu angoissée, aussi. Très angoissée. J'aime pas quand les choses ne se passent pas comme je l'avais prévu. Et putain, là ça se passe vraiment pas comme prévu. C'est lui Music66. Ce qui signifie que c'est aussi lui que j'ai mit de côté ces derniers temps. Et un sentiment de culpabilité est en train de naître en moi. J'aurais dû faire plus attention.
-Ne fais pas cette tête... dit-il en soupirant.
-Quelle tête ? demandé-je en levant les yeux vers lui.
-Celle que tu fais maintenant. Quand je dis que je t'en veux, c'est trop gros par rapport à ce que je ressens vraiment. Ne te casse pas la tête avec ça, OK ? Ça m'a un peu blessée que tu me parles plus, mais maintenant que je sais que c'est toi, Lalaty... Je comprends pourquoi tu l'as fait. Avec le mariage qui arrivait, et tout le reste... T'étais vachement stressée ces derniers temps. Alors c'est rien, vraiment.
-Pourtant, t'as le droit de m'en vouloir. J'ai pas été une super amie.
-En temps que Lalaty, peut-être pas. Mais en tant que toi, Alatariel, t'as été une super amie. Et c'est ça qui importe.
Je sens mon cœur s'emballer, et j'ai presque envie de pleurer. Parfois, je comprends vraiment pas mes réactions. Mais ce qui est sûr, c'est que ce qu'il vient de me dire me fait un bien fou. Encore une fois, je me suis montée des films toute seule. Faut que j'arrête de faire ça.
-Du coup... Ça veut dire qu'on se connait depuis plus longtemps que je le pensais. Et puis, ça veut dire que t'es pas tout à fait la fille que je pensais que tu étais. Même si j'imagine (j'espère ?) que t'étais plus naturelle avec moi qu'avec... L'autre moi.
Je pouffe, et plonge mes yeux dans ses iris bruns, avant de détourner les yeux, gênée.
-Sincèrement, j'en sais rien. Je crois que j'étais pareil. J'étais peut-être plus rapidement à l'aise avec Music66 qu'avec toi. A cause de la distance et de l'anonymat.
Il hoche la tête, l'air de comprendre tout à fait ce que je dis. Puis il se met à rire doucement.
-N'empêche, quel est le taux de probabilité pour que ça arrive ? Pour que tu sois Lalaty, et moi, Music66 ?
-Alors là, aucune idée. dis-je en riant, moi aussi.
Il me regarde ensuite pendant un instant, en s'humectant de nouveau les lèvres. J'ai remarqué qu'il faisait ça, quand il réfléchit. Je trouve ça mignon. Et peut-être un peu sexy, aussi.
-Ça changera rien, entre nous, pas vrai ?
-Je pense pas, non. Pourquoi ?
-Je sais pas, ça pourrait. Je suis content que ce soit pas le cas. dit-il, un sourire étirant ses lèvres pleines.
-Je suis contente aussi. dis-je, en répondant à son sourire.
En même temps, je ne peux jamais résister à son sourire. Je crois même que je suis tout simplement incapable de lui résister.
***
Cet imbécile à insisté pour m'accompagner jusqu'à mon point de rendez-vous. Et pour une fois, j'ai vraiment résisté. Inutilement, puisqu'il m'a quand même suivi. Nous voilà donc devant le Jardin des Tuileries, à attendre l'arrivée de mes frères. Matt est emmitouflé dans sa longue doudoune, un bonnet noir couvrant ses cheveux décolorés. C'est la première fois que mes frères vont rencontrer un de mes amis autre que Brook, Abi et Hope. C'est assez gênant, surtout en sachant que ce dernier est aussi le garçon qui me plaît en ce moment. Et c'est aussi très gênant de penser à Matt de cette façon.
Il fait beau, aujourd'hui. L'immensité du ciel bleu nous domine, même si le froid est toujours bien présent. J'ai hâte que mes frères arrivent, et en même temps, pas tellement. Je sais pas vraiment sur quel pied danser. Hier a été un véritable fiasco, et j'espère qu'aujourd'hui, sans la présence de nos parents et de nos grands-parents, tout ira bien. A vrai dire, je sais pas si c'était une si bonne idée que ça de leur proposer qu'on se voie.
-Arrête de gigoter, tout va bien se passer. lance Matt, alors que je sautille (presque).
-Je peux pas m'en empêcher ! Ça me rend folle, d'attendre.
-Je vois ça. Moi, ça me rend fou de te voir sauter partout. Calme-toi !
Je secoue la tête, et fais de nouveau quelques pas dans la rue pour voir s'ils arrivent, avant de retourner près de Matt. Ça doit faire six fois que je fais ça. On est arrivés y a pas plus quinze minutes. Je comprends que ça le rende fou. Mais le fait qu'il soit là m'angoisse d'autant plus ! J'ai peur, alors que ça n'a aucun sens d'avoir peur. Qu'est-ce qu'il peut arriver ? Mes frères vont lui frapper dessus parce qu'on est amis ? Y a un truc qui doit pas tourner rond, chez moi. Mes peurs sont stupides et incompréhensibles.
Je me frappe mentalement : c'est pas le moment de penser à des trucs déprimant. Je crois que cette rencontre va déjà être assez déprimante comme ça. Je pense à Ezra, qui aurait détesté nous voir comme ça. Si éloignés les uns des autres. Pour lui, la seule chose bien dans le fait d'être une famille nombreuse, c'était le fait qu'on puisse se soutenir dans les moments difficile. Et pour le coup, c'est vraiment pas ce qu'on a fait. On s'est tous recroquevillés sur nous-même, et on a fui cette histoire. Ou du moins, j'ai fui. Encore.
Je m'avance de nouveau pour regarder qu'ils n'arrivent pas. C'est plus fort que moi, j'ai la bougeotte quand j'angoisse. Enfin, ça dépend des situations. J'essaie de voir si je ne les reconnais pas au loin, mais pour la septième fois, ce n'est pas le cas. Je tente tant bien que mal d'apercevoir la bouche de métro, mais c'est peine perdue, elle est cachée par des bâtiments. Je soupire, tandis que Matt ricane, et me demande d'arrêter une nouvelle fois. Il se moque de moi, me répétant que c'est pas en bougeant partout qu'ils vont arriver plus vite.
-Merci Matt, mais je suis au courant. dis-je en faisant la moue.
Il m'énerve. En fait, c'est probablement pas lui qui m'énerve, c'est juste le stress. Mais du coup, sa réaction « cool » m'énerve. Je soupire une nouvelle fois, et m'apprête à m'avancer un peu, mais Matt en décide autrement. Il m'attrape par la taille, et me colle à lui en riant, tandis que je couine.
En fait, il m'énerve. Mon cœur n'est pas du même avis. Il fait des bons de joie dans ma poitrine, et colore mes joues instantanément. Hyper discret comme réaction, en tout cas.
-Arrête-toi, et respire. Ils vont plus tarder à arriver, on était en avance, je te rappelle. dit-il en s'écartant un peu de moi, me permettant de lui faire face.
Je souffle, suivant son conseil, et pose ma tête sur son torse, tandis qu'il m'enserre de nouveau la taille. Je passe aussi mes mains autour de lui, et pour la première fois je crois, je me rends compte à quel point il arrive à m'apaiser. C'est marrant qu'il puisse me rendre angoissée par moment, et au contraire détendue à d'autres. La fois où je me suis disputée avec Abi, il avait déjà eu cet effet sur moi. Même si je ne m'en était pas forcément rendue compte.
-Ne panique pas, mais je crois qu'ils sont en train d'arriver. dit-il en se penchant, beaucoup trop proche de mon oreille.
Mon cœur rate un battement, et me retourne un peu, pour en effet voir arriver Jonah et Evan. Ils m'ont vu, et Evan me fait un petit signe de la main. Gênée par la position dans laquelle il me trouvent, je m'écarte rapidement de Matt. Comme par hasard ils arrivent maintenant, ça aurait pas pu être 5 minutes plus tôt ?
Une silhouette qui ne m'est pas inconnue les accompagne, et je me rends compte qu'ils sont accompagnés de notre père. Qu'est-ce qu'il fait là ? Je lance un regard qui doit être désespéré à Matt, puisqu'il me sourit, avant d'ébouriffer mes cheveux. J'ai à peine le temps de râler, que mes frères et mon père nous ont déjà rejoint.
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