52- Mariage
« Parfois, je me rends compte de mon incompétence. Je suis incapable d'agir par moi-même. Incapable de penser par moi-même. J'ai besoin qu'un autre soit là pour me soutenir, pour s'occuper de moi. Et dans ces moments-là, je me rends compte de ma stupidité. Je suis stupide. Le monde est stupide. C'est comme si j'étais une marionnette, et que quelqu'un s'amusait avec moi.
Je n'ai aucune volonté propre. Ou si j'en ai une, elle est tellement bien enfouie au fond de mon cœur, que je n'arrive pas à l'atteindre. Alors j'appelle à l'aide, sans cesse. Parce que oui, ce sont des appels à l'aide. J'ai peur de sombrer dans cette noirceur que j'ai en moi et qui parfois remonte à la surface. J'ai peur de me noyer dedans, et d'y trouver un réconfort glauque.
Ce serait pourtant si simple... »
Ça y est, c'est aujourd'hui. Le jour du mariage de mon cousin. Le jour où je vais revoir mes parents et mes frères. Ce jour qui me stresse à un point inimaginable. J'ai pleuré en m'habillant. Pourtant, ça fait une semaine que ma tenue est prête, et que je l'ai essayé au moins une dizaine de fois, histoire de savoir si elle me plaît ou pas. Mais le stress me fait faire n'importe quoi. Mes sentiments sont exacerbés, et bordel ça devrait pas être possible d'être aussi horrible. Voilà ce à quoi je n'arrête pas de penser. J'en ai marre de tourner en rond, de toujours en arriver au même point. Mon physique ne devrait pas être une telle obsession.
Je me regarde tout de même une dernière fois dans le miroir en attendant mes grands-parents. J'ai lissé mes cheveux, qui tombent sur mes épaules, et arrivent presque au creux de mes reins. Je me suis légèrement maquillé les yeux, avec du mascara et un discret trait d'eyeliner, tout en intensifiant ma bouche avec un rouge à lèvres matte rouge intense. Mes yeux sont encore un peu rouges, il ne me reste plus qu'à espérer que ça s'apaisera dans la voiture.
J'ai enfilé un pull cache-cœur gris foncé, qui dégage ma poitrine et mes clavicules, laissant apparaître mon tatouage, ainsi une jupe taille haute en tulle fine, un peu plus claire que mon haut, qui m'arrive à mi-cuisse. J'ai enfilé des collants fins, ainsi que des bottines à talons noirs. J'ai accessoirisé ma tenue d'un béret noir, et de quelques bijoux. Ma veste, mon écharpe, mon sac et mes gants m'attendent en bas. J'ai laissé Hime chez mes grands-parents hier soir, et je la récupérerais demain dans la journée. Elle sera mieux là-bas que dans mon appartement, ou qu'au mariage, entourée de pleins de gens.
Grana finit par m'appeler, et je descends rapidement dans la rue, avant de m'engouffrer dans la voiture en bas de chez moi. Je salue Grana et Papy, avant de m'attacher, et attendre que le moment fatidique arrive. Fatal serait peut-être même un meilleur adjectif. On est à une heure et demie de route de la salle loué par mon ''cousin'' pour son mariage. Une heure et demie de souffrance. Je remercie par la pensé Grana, qui tente de détendre l'atmosphère, pendant que Papy conduit. Mais même ça, c'est pas suffisant. J'arrête pas de regarder l'heure, et chaque minute qui passe me torture.
Il est autour de 14h30 quand on arrive enfin sur le parking de la salle de mariage de la mairie. Et je ne suis toujours pas prête pour cette rencontre. Je décide d'envoyer un message sur la conversation Siquy avec les filles, essayant par tous les moyens possibles de trouver un soutient, mais même leurs messages d'encouragement ne suffisent pas. Je soupire en sortant de la voiture, me resignant peu à peu. Maintenant que je suis là, je vois pas comment je vais pouvoir y échapper. Il fallait y penser avant, Alata. T'as été un peu idiote sur ce coup-là.
-Chéri, tu veux pas appeler Jean pour savoir où il est ? demande Grana.
Papy hoche la tête, et sort son téléphone datant de mathusalem de sa poche, avant de composer un numéro, et de coller l'appareil à son oreille. Grana vient près de moi, pendant ce temps, et me frotte gentiment le dos. C'est fou, parce qu'elle a tout de suite compris que j'étais angoissée. A se demander qui de ma mère ou de ma grand-mère me sert de figure maternelle. Je secoue la tête, asseyant de ne pas me laisser envahir par ce genre de pensés. Il faut que je pense plutôt à Jonah, à Evan, et à papa. J'ai hâte de voir à quel point ils ont changé. Et si peur en même temps. J'ai peur qu'ils me rejettent. Que maman me rejette.
-Bon, apparemment on est au bon endroit, il faut qu'on aille dans la salle. nous dits Papy.
-Allons-y alors.
J'hoche la tête, sentant mon cœur battre à une vitesse folle. J'ai l'impression de le sentir raisonner dans tout mon corps. J'ai les mains qui tremblent, mais je tente de me concentrer sur mes pieds. Tout va bien se passer.
-Comment s'appelle la mariée, déjà ? demandé-je, essayant de me détendre.
-Callista. Tu vas voir, elle est très belle. Je suis sûre que sa robe va être incroyable, elle a de très bons gouts.
-J'ai hâte de voir ça ! dis-je avec un sourire tordu.
J'ai peur un instant que Grana ne me fasse la remarque, mais elle continue simplement de parler de Callista et Jean, qui sont apparemment le couple parfait. On s'avance doucement mais surement vers la salle, traversons le parc, et croisons des gens que je pense avoir déjà vu. Ma Grand-mère s'arrête parfois, et je rencontre des cousins, des cousines, des grandes-tantes, et des grands-oncles, que je n'avais pas revu depuis mon enfance.
Puis, enfin, nous arrivons devant le bâtiment. On entre, et nous dirigeons vers la salle, qui est indiqué par des petits panneaux. La cérémonie de mariage commence à 15 heures, et il est maintenant 14h50. Nous sommes parmi les derniers à rentrer, et on s'assoit dans le fond de la salle. J'essaie de ne pas chercher ma famille dans la foule de personne, mais mes yeux semblent ne plus dépendre de ma volonté propre, et papillonnent à droite et à gauche. Mais je ne trouve personne. Et suis trop petite, et il y a trop de gens pour que je puisse voir quoi que ce soit, de toute manière.
Mon portable vibre dans ma poche, et je découvre un message réconfortant de Matt, répondant à celui que je lui ai envoyé un peu plus tôt dans la journée :
- 16 mars, 14 : 58 -
[Je connais pas tous les détails, mais je suis sûr
que ça va aller. Viens me parler si vraiment t'es
stressée, ou quoi, je comptais juste lire mes
fiches de révisions aujourd'hui, donc tu me
dérangera pas. Et si jamais t'es vraiment pas
bien, tu sais que je peux venir te chercher ?
C'est un peu loin certes mais je m'en fous.]
[Merci... ça me touche beaucoup. Et oui, je sais que
t'es assez fou pour faire ça, mais je vais faire en
sorte que t'en ai pas besoin. Révise bien, et
j'essaierait de t'envoyer des messages que si ça
devient critique, promis !]
[T'as rien compris, je t'ai dit quand tu voulais x)]
[Oui mais tu dois travailler. Bon, je te laisse, les
mariés arrivent, merci encore !]
Je range rapidement mon portable, un sourire planant sur mes lèvres, et observe le couple qui s'avance dans l'allée principale. La mariée porte une robe blanche magnifique, qui me fait penser à celle que portait Kate Middleton lors de son mariage. Jean, quant à lui a opté pour un costume noir, une chemise blanche et un nœud papillon. C'est étrange de rencontrer des gens pour la première fois de cette façon.
Je lance un coup d'œil à Grana, qui a les yeux pétillants et la bouche grande ouverte. Elle a toujours adoré les mariages, pour une raison que je ne m'explique pas. Et j'avoue bien aimer ça aussi. Pendant tout le reste de la cérémonie, elle a toute son attention porté par ce qui se déroule sous ses yeux, pendant que j'essaie de me détendre. Papy, quant à lui mitraille avec son appareil photo, et semble s'amuser à nous prendre en photo, Grana et moi, par surprise. Ce qui ne m'amuse que très peu. J'ai peur de voir les images du mariage, maintenant.
Sentir l'air frais sur mon visage me fait plus de bien que je ne l'aurais pensé. Il faisait une chaleur à crever dans la salle, au bout d'un moment, si bien que finalement je suis pas si angoissée à l'idée d'en sortir. C'est même le contraire. Ma grand-mère semble du même avis, contre toute attente. C'est par contre beaucoup moins choquant pour Papy, qui est déjà presque arrivé à la voiture. Je sais pas si c'est possible d'être plus impatient que lui. Mais de cette façon, il m'évite d'avoir à voir ma famille tout de suite, et probablement pour la première fois de ma vie, je le remercie d'être comme ça.
La salle de réception est à une trentaine de minutes, et on arrive dans les premiers. Jean et Callista, ainsi que ceux que j'imagine être leurs parents sont déjà là, et mes grands-parents vont les saluer en entrant. Je fais de même, et me présente. La musique de fond donne une ambiance chaleureuse, et je trouve la salle bien agencée et bien décorée. Il y a pleins de tables rondes, ainsi qu'une scène au fond de la salle, et une piste de danse au milieu.
Je détaille la mariée, aussi belle que me l'avait vendue Grana. Ses cheveux roux sont ramenés en un chignon travaillé, et son maquillage très léger font ressortir ses yeux verts et ses taches de rousseurs. Jean aussi, est très beau, avec sa peau caramel, ses boucles brunes, et son sourire à fossettes. Ils doivent avoir un peu moins de la trentaine, je pense.
- 16 mars, 17 : 47 -
[Alors ?]
[Pas grand-chose, la cérémonie était très mignonne.
On vient d'arriver à la salle de réception. J'ai faim.]
[Haha tant mieux. Toujours personne de
désagréable en vue ? Et mange si t'as faim.]
[Nope, toujours personne. Et je voudrais bien mais y a
rien, j'attendrais. T'es révisons se passent bien ?]
[J'en ai marre, mais ça va.]
[Bon courage !]
[Merci 😊]
-Ah, les jeunes, toujours sur leurs téléphones. soupire Grana, alors que justement je m'apprêtais à le ranger.
-Désolée ! dis-je en lui tirant le langue, ce qui la fait rire.
-Enfin, je me demande quand même où sont tes parents et tes frères. Ils devraient déjà être là.
-J'avoue que ça m'arrange, qu'ils aient du retard. dis-je en riant.
-Ils arrivent, ne t'en fait pas Camille. lui répond Papy, faisant revenir mon malaise en un clin d'œil.
-Bon, je vais aller élire domicile aux toilettes, alors.
Papy se met à rire, tandis que Grana fronce les sourcils. Je ris aussi, mais garde à l'esprit cette fuite possible. Aller aux toilettes, c'est pas si bête, j'ai de bonnes idées parfois. La salle se remplie de plus en plus, et comme tout à l'heure, des gens viennent nous parler.
Ils viennent surtout parler à mes grands-parents, mais en découvrant qui je suis, ils ne se privent pas de me dire « Qu'est-ce que t'as grandi ! la dernière fois que je t'ai vue t'étais petite comme ça : », tout en désignant la taille en question. Je ris avec eux à des souvenirs dont je ne me rappelle que de bribes, et écoute leurs histoires. J'étais encore plus timide qu'aujourd'hui apparemment, et aussi plus grosse, puisque beaucoup me disent que j'ai minci. En même temps j'étais souvent un bébé ou un bambin la dernière fois qu'ils m'ont vu.
Toutes ces conversations finissent par me lasser, et j'ai hâte de rentrer chez moi. Je sais pas quelle idée j'ai eu de venir ici. J'aurais dû suivre mon instinct, qui me disait de ne surtout pas venir. Ou alors était-ce ma peur ? Qu'importe, le résultat est le même. Je stresse, et en plus je m'ennuie.
Mon portable m'occupe pendant une dizaine de minutes, grâce à mon post de ce matin sur Siquy, mais très vite je me lasse de ça aussi. Et pour une raison que j'ignore (ou que je veux ignorer), j'ai envie de parler à Matt. Je lui ai pourtant parlé aujourd'hui, mais je suppose que c'est pas assez.
-Ah, ma chérie, vous voilà enfin ! lance Grana, me glaçant le sang.
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Désolée, ce chapitre est super court, mais promis je me rattrape sur celui d'après.
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