47- Changements

PDV Hope


Mon train part de Toulouse à 16h30, et mes affaires sont déjà toutes rangées, alors que je pars dans seulement quatre heures. Et je n'ai absolument pas envie de rentrer. Je suis bien, ici. Tous mes problèmes sont loin, et rien ne m'empêche de respirer la nuit. Aucune angoisse. Pourtant, le visage de Cole, mais aussi ses paroles et sa personnalité me reviennent souvent en mémoire. Comme si partout où j'allais, il me suivait. Comme si j'avais beau vouloir m'en débarrasser, il était plus encré en moi que je ne le soupçonnais. Et ça aussi, ça m'effraie un peu. Savoir qu'il a les mêmes sentiments que moi m'effraie d'autant plus. Pour une raison que j'ignore, ça m'a toujours angoissé quand j'apprends que quelqu'un a des vues sur moi. Même si c'est réciproque. Et même si la personne en question a bien plus que des « vues » sur moi.

Je soupire, et observe Brook, assise sur le canapé, à côté de moi, rire pour un imagine qu'elle est en train de lire. Être près d'elle me manque beaucoup. Et je suis vraiment déçue de pas avoir pu voir Abi. Je ne sais même pas quand est-ce que j'aurais l'occasion de les revoir. Je sens ma gorge se nouer, et respire un grand coup. Il faut que je me calme, tout va bien. Je n'ai simplement toujours pas eu le courage de parler avec Brook, ni de régler mon problème, mais si on regarde bien, je me sens beaucoup mieux que quand je suis partie.

A croire que même si ma décision n'est toujours pas prise, ma simple présence ici m'a fait du bien. Je tente de me reconcentrer sur la télé, et sur la série qui passe. Ce sont des épisodes que j'ai déjà vus, cela dit. Avec Cole, d'ailleurs. Pas plus tard que cet hiver, un peu avant qu'il rencontre Alata. Je crois que cette journée passée tous les deux dans son appartement restera toujours dans ma mémoire. Une chaleureuse sensation reste associée à ce moment. Nous deux, emmitouflés dans un plaid, des chocolats chauds et une série.

J'ai pas du tout envie de le perdre. Et petit à petit, je me rends compte qu'en le repoussant, je le perdrais inévitablement.


Brook se racle la gorge, me sortant de mes pensées, avant de prendre la parole, l'air de rien. Je suis pourtant certaine qu'elle a réfléchit un millier de fois avant de me poser la question.

-Dis-moi... Je me demandais pourquoi t'étais venue à Toulouse ?... Disons que j'ai l'impression qu'il s'est passé quelque chose... Enfin hier j'ai cru comprendre ça, mais si tu voulais juste me voir c'est parfait aussi. dit-elle en riant.

Je pouffe, avant de baisser les yeux. C'est le moment où jamais. J'ai déjà joué cette scène un million de fois dans ma tête, mais je ne sais toujours pas comment aborder le sujet. Alors, au lieu de tergiverser, je me jette à l'eau.

-C'est un peu des deux, je pense.

-Un peu des deux ? Il s'est vraiment passé quelque chose, alors... Tu t'es disputée avec ta mère ? Ou c'est les cours ?

-Haha, non rien de tout ça. C'est... C'est à propos de Cole.

Je relève les yeux vers elle, et ris doucement devant son visage étonnée. Elle doit croire que je me suis disputé avec lui. Elle ne pourrait pas être plus loin du compte.


-Tu sais que le jeudi je finis tôt... Et il se trouve que ce jeudi, lui aussi, il a fini les cours à 14h. Donc on s'est retrouvé chez lui pour travailler, comme on le fait assez souvent. Il m'aide, et j'essaie de voir si je peux l'aider de temps en temps. Mais cette fois-ci... Je sais pas comment expliquer. dis-je en détournant les yeux vers la télé.

-Me dis pas que t'as vu le loup ? lance Brook, l'air presque offusquée.

Je ne peux m'empêcher de rire, non seulement pour l'expression vieillotte qu'elle a employée, mais aussi pour avoir pensé que j'aurais pu faire ma première fois sans leur en parler dans les heures qui suivent. Elle rit avec moi, tout en essayant de me calmer pour savoir la suite de l'histoire.

-Non, non j'ai pas... J'ai rien fait avec lui, que ce soit sexuel ou simplement s'embrasser. Mais il m'a fait une... espèce de déclaration.

-Une « espèce de déclaration » ? C'est pas du tout vague, ça. Raconte !

-Je sais plus de quoi on parlait, et tout d'un coup il m'a dit un truc du genre « c'est pour ça que je t'aime ». Puis il est devenu écarlate (vraiment je ne l'avais jamais vu aussi rouge), et on est resté comme des cons hyper gênés.

-Et c'est tout ? Tu vas pas me dire qu'il a démenti après, sinon je monte avec toi à Paris pour le tuer ! dit-elle en riant.

-Non, même pas... Justement il a continué dans ce sens-là. Et c'est probablement moi qui suis devenue rouge tomate. Et j'ai pas réussi à lui donner de réponse quand il m'a demandé de sortir avec lui. Il m'a dit qu'il savait qu'il faisait peut-être une grosse connerie en m'avouant ses sentiments, mais qu'il arrivait plus à les supporter. Et donc... Je suis platement rentré chez moi, j'ai pris un billet pour venir te voir, et depuis jeudi soir je réponds plus à ses massages. Enfin, à vrai dire je ne les lis même pas.


Le silence se fait, et je jette un regard en coin à Brook. Elle a l'air absolument choquée par ce que je viens de lui dire, et si raconter toute cette histoire ne remuait pas autant de choses en moi, j'aurais ris en voyant son visage. Elle ouvre la bouche à plusieurs reprises, l'air d'avoir envie de dire quelque chose, mais de ne pas savoir comment le formuler.

Puis, finalement, je vois ses sourcils se froncer, et elle prend la parole, énervée comme je l'ai rarement vue.

-Attend, tu veux me dire que le garçon qui te plait t'as fait une déclaration et que tout ce que tu trouves à faire c'est disparaître ? Enfin, je comprends que t'ai besoin de temps pour réfléchir, j'ai mis du temps avant d'accepter mes sentiments et de sortir avec Ange. Mais... Même si je suis très attirée par lui, et lui par moi (j'espère ?), aucun de nous n'est amoureux de l'autre. Alors que si je ne me trompe pas, tu ressens la même chose que lui, non ?

-Je... Oui, je crois.

-Alors tout ça, c'est juste une histoire de confiance en toi ? Parce que si c'est ça, il faut que t'arrête. Sache que tu es très jolie, personne ne pense le contraire. Et je ne parle même pas de ta personnalité, que j'adore. Il faut que tu lui donne une réponse. Et positive, si possible. Lance-t-elle en riant sur la fin de sa phrase.

-Non, je pense même pas que ce soit une question de confiance en moi. Enfin, il doit y avoir de ça, quelque part, mais je ne crois pas que ce soit le plus gros problème. J'ai juste peur. Tu vois ce que je veux dire ?

Elle acquiesce, l'air de voir parfaitement de quoi je parle. J'imagine qu'elle aussi, a dû passer par cette période de doute avant de se mettre avec Ange. Et je suis triste qu'elle n'ait pas partagé tout ça avec nous. Même si en même temps, je comprends qu'elle n'ait rien dit. Le même dilemme m'a longtemps habité. Et je suis contente d'en avoir finalement parlé.


-Tu pense refuser, du coup ? demande-t-elle d'une petite voix.

-J'en sais rien. J'aimerai bien sortir avec lui, vraiment. Mais toutes les choses qui vont avec m'angoissent. Et m'attirent en même temps. C'est assez étrange comme sentiment.

-Oui, je crois que je vois ce que tu veux dire. Saches en tout cas que quoi que tu décides, je te soutiendrai. Et les filles aussi.

-Haha, je sais, merci. dis-je, la gorge nouée.

-Bon, changeons de sujet.

-Bonne idée.

-Juste, quand t'aura pris ta décision, dis-le-moi, d'accord ?

J'hoche la tête en lui souriant, et essuie mes yeux embués de larmes. Elle me prend dans ses bras, avant de me dire qu'à force de pleurer autant, je vais finir par être déshydratée, ce qui me fait rire. Et par la même occasion, penser à autre chose.


***


-Bon, alors on se revoit... Je ne sais pas quand, d'ailleurs. Mais à la prochaine !

-Haha, t'es con. Mais oui, j'ai déjà hâte qu'on se revoie.

-Moi aussi... Tu feras un bisous à tout le monde en arrivant ?

-Sans faute ! Et toi t'en fera un à Abi ? Dis-lui que je suis vraiment désolée qu'on se soit ratées.

-Haha, oui, sans faute. dit-elle en reprenant mes mots.

Je prends Brook dans mes bras pour la deuxième fois de la journée, et la serre fort contre moi. Elle va vraiment me manquer. Je soupire, et m'éloigne d'elle. Et dire que c'était déjà le même cinéma y a tout juste deux semaine. C'est toujours aussi dur de se dire au revoir, en tout cas. Surtout quand on ne sait pas quand on va se revoir.


-Bon, vas-y, tu vas rater ton train.

J'hoche la tête, et lui fais la bise une dernière fois, avant de monter dans mon wagon. Je pose ma valise dans l'espace prévu à cet effet, avant de m'avancer pour chercher mon siège. J'ai l'agréable surprise de trouver ma place à côté de la fenêtre, du côté où se trouve Brook. Elle me fait des signes sur le quai, que je lui rends, et lui sourit. Elle fait de même, puis le train démarre, m'éloignant d'elle doucement.

Je lâche un soupire, le cœur serré, et m'installe confortablement, avant de sortir mon portable et mes écouteurs. Je m'appuie contre la fenêtre, et regarde le paysage défiler pendant presque tout le trajet.

Plus le train se rapproche de Paris, plus une étrange angoisse m'habite. J'imagine que c'est le fait de me rapprocher de Cole. Je sais que lundi il sera devant la fac, à m'attendre. Et je ne sais pas comment je vais me comporter. J'ai envie d'être avec lui, à un point inimaginable. Mais... J'ai bien peur qu'il y ait encore un « mais ». Que je ne saurais d'ailleurs même pas expliquer. Peut-être que Brook a raison. C'est juste une histoire de confiance en moi. Encore et toujours. S'il y a un truc qui nous fait défaut, à Brook, Abi, Alata, et moi, c'est ça. Bien qu'Abigaëlle soit celle qui semble arriver à faire plus d'efforts que nous en ce sens-là.


Quand le train arrive à quai, je récupère rapidement mes bagages, et sors au milieu de la foule qui se déverse du train. Le dimanche soir, c'est toujours une angoisse pour sortir de là. J'avais oublié à quel point. Je rejoins le hall de gare, suivant les indications, et sors, en quête de la station de métro la plus proche. Je n'ai qu'une envie, c'est rentrer chez moi, travailler un peu, puis dormir. Je regarde autour de moi, histoire de vérifier que je prends la bonne direction, mais mes yeux accrochent quelque chose d'inattendu.

Ses prunelles se fixent aux miennes, et un léger sourire déforme son visage. Il n'atteint pas ses yeux, et je sens des larmes affluer et obstruer mon champ de vision. Il a l'air horriblement triste, et penser que je suis la cause de son état me brise le cœur. Je couvre mon visage dans mes mains, honteuse d'être dans cet état avec tous ces gens autour de moi. Et alors que le premier sanglot me secoue, je sens ses bras m'entourer dans une chaleur apaisante. Son parfum fruité chatouille mes narines, et me donne encore plus envie de pleurer.

Il embrasse ma tempe, ma mâchoire, et le haut de mon cou, tentant de me calmer. Je m'en veux. Mon Dieu, je m'en veux infiniment de lui avoir fait subir ça. Je m'en veux d'être aussi tordue. Il ressert son emprise autour de moi, et mon visage se retrouve enfouit dans son cou. Je l'entoure de mes bras, n'ayant pas le moins du monde envie de le lâcher, et respire de tout mon saoul son odeur envoûtante. Il m'a manqué. Beaucoup plus que je ne le pensais. Ignorer ses messages a été une vrai torture, et j'imagine même pas ce qu'il a pu ressentir.


Je me calme doucement, alors qu'il me frotte doucement le dos en me murmurant des mots réconfortants à l'oreille. Je finis par me décoller doucement de lui en reniflant, essuyant les dernières larmes échouées sur mes joues. Je ris doucement, mal à l'aise, tandis qu'il entoure mon visage de ses mains. J'ose enfin le regarder dans les yeux, et surprend de la tristesse dans ses prunelles sombres. Je ne sais pas si c'est pour moi, ou à cause de moi, mais dans tous les cas, je m'en veux.

Il me pince la joue, et mon regard remonte vers son visage, alors que je sursaute. Je frappe son bras, et il rit cette fois-ci. Un rire qui dévoile sa fossette et plisse ses yeux. Un rire qui s'engouffre en moi comme un vent frais. Il réveille toutes mes terminaisons nerveuses, et un sourire gagne mes lèvres sans même que je le commande.

-Désolé, je voulais pas te faire mal. dit-il finalement.

Je secoue la tête, avant de lui répondre que ce n'est rien. Je passe un doigt sous mes yeux, histoire d'être sûre que mon maquillage n'a pas coulé, et je suis ravie de voir qu'il n'en est rien. Parce que je dois déjà avoir une tête horrible, alors j'ai pas envie qu'en plus de ça mon visage se transforme en celui du Joker.

-Tu es très jolie, arrête de t'en faire pour ça. dit-il doucement, retirant mes mains de mes joues.

Je me sens rougir, et lève les yeux au ciel.

-Mais bien sûr...


Il passe sa main gauche sous mon menton, et m'oblige à le regarder. Je détourne tout d'abord les yeux, avant de me perdre dans l'immensité de son regard brun. Ses paupières bridés m'ensorcellent, tandis que je sens ses yeux à lui ensorcelé par quelque chose de plus bas sur mon visage. Je ne peux m'empêcher de sourire, et de sentir mon cœur accélérer. Un sourire étire ses lèvres, tandis que son regard croise de nouveau le mien.

Puis, doucement, comme s'il voulait s'assurer que j'ai la même envie que lui, son visage s'approche du mien, et nos lèvres se scellent. Les siennes sont douces et sucrées, comme s'il avait dévoré des bonbons juste avant de venir. Elles se mettent à bouger contre les miennes, et je me sens transporté au-delà de cette gare, de cette ville, de cette vie. Comme si, durant cet instant, plus rien n'avait d'importance. Son baiser est très doux, comme s'il avait peur de me casser, et je sens son cœur battre à la chamade contre ma main, posé sur sa poitrine. 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top