40- « Happy Birthday »

 Une nouvelle fois, on se retrouve sur le palier de leur appartement. Depuis qu'on a peut-être découvert que Music66 était l'un des leurs, je suis un peu gênée quand je les vois. Bon, pas énormément non plus, mais j'ai l'impression d'accorder de l'attention à tous les petits signes qui passent. D'autant plus que même Brook n'arrive pas à trouver quoi que ce soit qui relie nos amis à Music66.

À la demande d'Abi, je sonne à la porte, et presque instantanément Luke ouvre la porte, tout sourire. Il dépose un bisous sur mon front, avant de me laisser entrer.

-SURPRIIIIISE !!!!!


J'écarquille les yeux, et un rire mi-nerveux, mi-joyeux sortit de ma gorge. Un nuage de confetti vole autour de moi, et un concert de rire me donne des frissons dans le dos. Mon cœur se met à battre à tout rompre, tandis qu'un énorme sourire naît sur mes lèvres. Impossible de dire que que ce soit. Impossible de penser quoi que ce soit. Je ne comprends rien, comme si l'information n'était pas arrivée à mon cerveau. Je regarde simplement en riant mes amis, qui remplissent mon cœur de bonheur.

Ashton, Luke, James, Élise, Cole, Isaac, et Matt me font face. Je me retourne un instant, rencontrant les visages souriants de mes meilleures amies. Bon sang, qu'est-ce que je les aime. Je saute dans les bras d'Abi, avant de faire un câlin à tout le monde. Oui, tout le monde, y compris les garçons. Y compris celui-auquel-on-ne-doit-pas-penser. Tous affichent un immense sourire, probablement le même que moi, tandis que je répète « Je suis perdue ! », ce qui les fait bien rire.


Le cœur gonflé d'amour, j'avance un peu, histoire de faire rentrer les filles dans l'appartement. Je découvre une grosse guirlande au dessus de la bée vitrée, sur laquelle est écrit « Happy Birthday ! ». Je souris en la découvrant. Ils sont vraiment adorables.

-Alors, tu t'y attendais ? me demande Abi, un sourire jusqu'aux oreilles.

-Mais tellement pas ! Vraiment, je pensais qu'on irait simplement boire un coup, ou que du coup on boirait ici ! Mais alors ça !...

Elle rit, suivie d'Hope et Brook, et je fais de même, beaucoup trop heureuse. J'ai envie de rire et de pleurer en même temps. Un millier de sentiment différents se mélangent en moi.


Les garçons ont commandé des pizzas, qui sont arrivées une demi-heure après nous. Pour la manger, on décide de tous s'asseoir autour la grande table basse, la moitié d'entre-nous assis sur le sol, le reste sur le canapé et le fauteuil. Je suis euphorique. Finalement, je me suis mentis à moi-même, en me disant que simplement faire quelque chose avec les filles c'était parfait. 

En soit, j'aurais vraiment été heureuse, parce que leur présence me suffit amplement ; mais fêter mon anniversaire entourée de tous mes amis, c'est comme un rêve qui se réalise. Je ne suis pas le centre d'attention, et c'est parfait, car ils sont tous là, autour de moi.


-Alors, ça fait quoi d'avoir l'âge légal pour boire de l'alcool aux États-Unis ? demande Isaac en riant.

-À vrai dire c'est pareil au Japon... dis-je, un sourire aux lèvres.

-Sérieux ?

-Oui ! D'ailleurs on va pouvoir penser à partir là-bas, maintenant ! Enfin, on attend encore mon anniversaire et on se penche là dessus ! dit Abi en souriant.

-Ouiiiii ! Beaucoup trop bien.

-Vous voulez partir aux Japon ? demande de nouveau Isaac. Ben ça, pour une surprise !

-Oui, on se l'est promis quand on était plus jeunes !

-Je voudrais trop y aller aussi !


Je pouffe, en entendant son enthousiasme. Ils sont vraiment devenus proches, avec Abigaëlle, et ça me fait plaisir, à vrai dire. Enfin je suis aussi un peu jalouse, mais je garde ce sentiment pour moi. De toute façon, je suis un peu du genre possessive passive, tandis qu'Abi est possessive agressive. Un sourire étire mes lèvres en pensant ça. Je suis débile, parfois.

À côté de moi, Ashton semble écouter notre conversation sans vraiment y prendre part, et lance de temps en temps des petits regards vers Abi. Beaucoup trop mignon. Celle-ci ne semble pas s'en rendre compte, mais je suis persuadé qu'il lui plaît aussi. C'est totalement son genre de mec. Mais j'ai décidé de rester en dehors de cette histoire. Abi n'aime pas trop quand on bouscule les choses pour elle, et je la comprends. Enfin parfois.

-C'est marrant Alata, j'avais l'impression que t'étais plus du genre à aimer la Corée du Sud... Enfin vu comment tu t'habilles, et tout. lance Ashton.

-Pfff tu m'as bien cernée ! dis-je en riant. Mais le Japon c'est un rêve d'enfance, c'est pas pareil !

-Hummm, je comprends... Abi aussi, t'aimes bien la Corée du Sud ?

-Oui, même si moins qu'Alata ! Mais je suis d'accord avec elle, le Japon avant tout. Vous avez pas des pays que vous rêvez de visiter, vous ?

-J'aimerais bien voir l'Australie... Les kangourous, les déserts, et tout ça, je crois que ça me plairait vraiment.

Je plisse les yeux, et regarde Ashton. Étrangement, je trouve que c'est un pays qui lui va plutôt bien. Détendu, buveur et cool. Ça lui va carrément.

-Pas mal l'Australie ! Je pense que ça me plairait aussi ! dit Abi, l'air d'y réfléchir vraiment. Grimper les falaises rouges d'Australie, ça doit être le pied !

-Ah oui, c'est vrai que tu fais de l'escalade ! Ça doit être carrément cool. acquiesce Ashton en souriant.

-Et toi Isaac ? demandé-je.


Il met un instant à répondre, l'air profondément concentré.

-Je crois que ça me plairait de voir la Norvège... Ou la Scandinavie, peut-être. Enfin, un pays Nordique, quoi.

-Ooooh c'est trop beau la Norvège ! Une série que j'aime trop se passe là-bas ! lance Abi, en écarquillant les yeux.

-Dis-moi que c'est Skam et je t'épouse sur le champ. dit Isaac, en lui attrapant les mains, l'air vraiment sérieux.

-Oui ! Oui c'est Skam !

-Oh non je craque. dis-je en pouffant.

Ça fait des années qu'Abi nous rabâche les oreilles avec cette série, et le fait qu'Isaac l'aime aussi est vraiment trop drôle. Vraiment. Trop. Drôle. Je regarde vers Hope et Brook, ayant envie de leur faire découvrir cette coïncidence beaucoup trop marrante, mais elles sont en pleine conversation avec Cole et Luke.

Au moment où je tourne la tête vers elles, Luke est en train de regarder Isaac, avant de s'apercevoir que j'ai les yeux posés sur lui. Il se détourne, avant de revenir vers moi et de me lancer un sourire gêné. Je soupire, avant de retourner à ma conversation. Lui aussi est mignon, mais vraiment agaçant. Ils n'ont pas avancés, je m'en suis rendue compte à la fac. OK, Isaac n'a plus de liens autre qu'amicaux, avec Élise. Mais pour autant, rien n'a changé avec Luke. Et je vois bien qu'ils sont tous les deux gênés de cette situation. Surtout Isaac, qui a l'air d'avoir beaucoup de mal à accepter ses sentiments. Ils m'épuisent.


Vers 23h, alors que tout le monde commence à être plus ou moins alcoolisé (surtout James, Isaac, Abigaëlle, et Élise), Brook et Hope me proposent d'ouvrir mes cadeaux. Croyant toujours qu'elles les a oubliés chez Hope, je les regarde un instant, interdite, avant de réaliser.

-Vous avez mentis là dessus aussi ?! dis-je en riant.

-Bah bien-sûr ! Comment est-ce que tu a pu croire qu'on ai oublié tes cadeaux ! Ceux d'Abi aussi sont là depuis un bon moment, d'ailleurs.

-Mais non ?

-Si, si ! dit cette dernière en riant. T'es vraiment naïve, par moments, Alata !

-Il y a aussi des affaires pour que vous dormiez tous ici ! rit Matt. On avait tout prévu !

Je les regarde, la bouche bée, toujours aussi étonnée. Ils ont vraiment fait ça pour moi ? Je ne suis pas une amie incroyable, ni même une fille incroyable. Mais pourtant, j'ai des amis qui m'aiment comme je suis. Même si certains d'entre eux ne me connaissent que depuis trois semaines. De nouveau, je sens mon cœur s'emballer, et le rouge me monter aux joues. Je rougis vraiment n'importe quand.

-Allez, au lieu de faire des plaques viens sur le canapé. me dit Abi en riant, me traînant par la main.


Nous nous étions déplacées sur la table à manger, pour une raison inconnue, Abi, Ashton, Isaac et moi. Nous retournons donc à nos places initiales, dans le coin du canapé, tandis que Cole et Matt vont chercher les paquets cadeaux, qui se trouvent dans la chambre de ce dernier.

Je suis beaucoup trop excitée, et j'ai de nouveau envie de pleurer. J'ai des amis géniaux. Je n'aurais pas pu rêver mieux.

Les garçons et Élise se sont cotisés pour m'acheter un magnifique Polaroid vintage, ainsi que trois cartouches. J'en rêve depuis vraiment longtemps, alors je suis trop contente qu'ils aient pensé à ça comme cadeau. Hope m'offre un livre, ainsi que des chokers vraiment adorables. J'ai eu de Brook un notebook, ainsi qu'un chemisier, et d'Abigaëlle, j'ai une figurine Le Seigneur des Anneaux, et un artbook The Legend of Zelda. Je suis aux anges. Je les serre de nouveau tous dans mes bras, beaucoup trop touchée par tous leurs cadeaux.

Vient ensuite le gâteau, et je reconnais tout de suite que c'est une pâtisserie faite par Hope. Il a l'air absolument délicieux, et me fait saliver d'avance. Je m'en veux de manger gras encore une fois, mais je laisse ça dans un coin de ma tête. Après tout, on a pas 21 ans tous les jours !


***


Le noir m'entoure enfin, et je ferme les yeux. J'entends de la musique venant de la pièce d'à côté, ainsi que leurs voix. Par contre, je ne comprend pas vraiment ce qu'ils disent, les pièces semblent assez bien insonorisées, de ce point de vue là. Je soupire, avant de me tourner vers le plafond. Et voilà, je n'ai plus sommeil. C'est toujours comme ça avec moi, une vraie gamine. Déjà, je vais dormir la première, et c'est vraiment triste. Mais en plus, j'arrive même pas à dormir une fois couchée.

Des images de la soirée repassent devant mes yeux, pourtant fermés. C'est la première fois que je fête mon anniversaire de cette façon, et je suis vraiment contente de l'avoir fait au moins une fois. Comment est-il possible d'avoir des amis aussi formidables ? Ils ont tout organisé, et m'ont fait énormément plaisir. Adorables. Ils sont adorables. Et je ne mérite probablement pas des amis pareils.


Mon cœur se serre à cette pensé. Pourquoi ai-je si peu confiance en moi ? Je serre mes points sur mon cœur, tout en traçant des cercles autour de mon tatouage sur le poignet. Je me trouve laide, inutile et grosse. Je me sens comme ça. Je suis mal dans mon corps. Mal dans ma tête. Mal dans ma vie. Mais pourquoi ? À quoi cela m'avance-t-il de ressentir tout ça ? Je me plains tout le temps, et je deviens insupportable. Et ce pour moi-même. Je soupire de nouveau, et ouvre les yeux. Mon estomac se noue. J'ai envie de pleurer. Je le sens dans ma gorge, dans mon nez, dans mes yeux. Mon menton se met à trembler, puis mes yeux se remplissent de larmes. Pourquoi c'est comme ça que mon anniversaire doit systématiquement se passer ? Parfois j'ai envie de me frapper. Mon cœur se serre d'autant plus à cette pensée. Je suis pitoyable.

Puis, sans prévenir, un sanglot me secoue. Alors ça, je ne l'ai pas vu venir. Je me relève d'un coup, m'asseyant sur le lit, enfouissant mon visage dans mes mains. Pitoyable. Pitoyable. Pitoyable. Pitoyable. Pitoyable. Je ne suis pas capable de penser à autre chose. Je deviens vielle. Je vais perdre tout ce qui compte pour moi. Peu à peu, les gens autour de moi vont disparaître. La vie est éphémère. Je vais disparaître comme les autres. On meurt, on vit. On vit, on meurt. On vit pour mourir. On meurt pour vivre. Je veux disparaître. Souvent. Tout le temps. Un sanglot sort de ma gorge. Puis un deuxième. Puis un troisième.

Je remonte mes genoux sur ma poitrine, et me met à pleurer de tout me saoul. Pour tout. Pour rien. Je pleure parce que j'ai peur, parce que je suis heureuse, parce que je suis en colère. Mais pourquoi je pleure ? Ça n'apporte rien. Je suis pitoyable. Une moins que rien.


La porte s'ouvre doucement, me faisant sursauter. Je ne peux plus m'arrêter de pleurer, et en me faisant surprendre, les larmes coulent de plus belle.

-Alata ?... dit-il, après avoir refermé la porte derrière lui.

Pourquoi lui ? Pourquoi maintenant ? Je gémis, avant de me recroqueviller sous la couette. Je n'ai pas envie qu'il me voit comme ça. Je ne veux pas qu'il sache mes faiblesses. Je veux que personne ne les découvre jamais. Je veux les enfouir au fond de moi, pour moi-même oublier leurs existences.

Je l'entend s'approcher de moi, tandis que je suis toujours secouée de sanglots, qui me semblent impossible à arrêter. J'ai l'impression qu'il se déshabille, avant de soulever la couette sous laquelle je me suis réfugiée. Je le sens s'allonger près de moi, alors que je cache mon visage dans mes mains. Il pose ce que je pense être un paquet de mouchoir sur ma tête, avant de passer un de ses bras sous ma tête, et l'autre dans le creux de mes reins. Sans que j'oppose de résistance, il me tire contre lui, et ma tête se retrouve contre son torse.


Matt est resté un long moment, sans bouger, alors que mes larmes se sont calmées doucement. C'est tellement humiliant de pleurer dans ses bras...

Je suis là, comme une petite fille fragile qu'il faut protéger et réconforter. Je déteste cette partie de moi, trop faible et émotive. Mais en même temps, je suis étrangement bien. Il me rassure, comme si il me connaissait depuis toujours, alors que cela ne fait que trois semaines. J'ai enfouie mon visage dans son cou, si bien qu'à chaque fois que j'inspire, je peux sentir son odeur, mélange de gel douche et de lui.

Finalement, alors que je ne suis plus secouée que de faibles hoquets, il rompt le silence en parlant d'une voix douce :

-Alors, qu'est-ce qui va pas ?

Je répond pas tout de suite, ne sachant pas exactement de quoi j'ai envie de lui parler. Je finis par opter pour l'option de facilité.

-J'aime pas mon anniversaire... dis-je en réprimant un sanglot.


Alors là, pour avoir l'air d'une gamine, j'ai passé le cap des simples similitudes. Je suis devenue une petite fille. Je me fusille mentalement, alors que Matt me serre un peu plus contre lui, de son bras qui enserre ma taille. Mon cœur s'emballe, alors que je n'ai envie que d'une chose : qu'il s'arrête.

Je sens que Matt arrive à me mettre parfaitement en confiance. Comment fait-il ça avec autant de facilité ? Ça me trouble énormément.

-Explique-moi, j'ai tout mon temps, tu sais ? me dit-il dans un souffle.


Il me De son bras libre, il se met à décrire des cercles sur la peau de mon bras. Ce n'est pas la première fois qu'il fait ça, et de nouveau j'arrête de respirer. Peut-être qu'en dire au moins un minimum m'aiderait ?

-Ça me déprime. De vieillir, autant que de grandir... J'ai peur de perdre ma sensibilité, ou ma créativité... J'ai peur de me lever un jour et de découvrir que je suis incapable de rêver. Alors je me sens jamais bien le jour de mon anniversaire.

-...Je vois... me répond-il, l'air de réfléchir sérieusement à ce que je disais. Je pense pas que vieillir ait jamais empêché personne de créer, tu sais ? Regarde tous les grands artistes, que ce soit en musique, en peinture ou en littérature, j'ai jamais entendu parler de quelqu'un qui aurait perdu sa créativité avec le temps.

-Je sais. Mais même en le sachant ça me fait rien, je finis toujours par être déprimée. Que ce soit pour une raison où pour une autre, d'ailleurs. dis-je doucement, consciente que c'était totalement idiot.

-Alors tu es tous les ans déprimée le jour de ton anniversaire ? Même si tu sais que c'est débile ? dit-il, alors que je devinais un sourire dans sa voix.

-Oui... Enfin je sais pas je ne pense pas que ce soit depuis plus de 4 ans. Avant ça, j'avais juste pas réalisé ce que ça pouvait signifier "grandir".


Il pose sa joue sur le sommet de mon crâne, semblant réfléchir. Je sais que tout ça est idiot. Je n'ai même pas de raison réelle de pleurer et de déprimer. C'est juste comme ça : idiot. Mais voilà, par dessus ça, il y a Ezra. J'ai peur de l'oublier, lui. J'ai l'impression que mes souvenirs de lui disparaissent petit à petit. Qu'il disparaît petit à petit.

Il y a peu, je me suis rendue compte que je ne me souvennais plus de sa voix. Pourtant, j'adorais sa voix. Son odeur aussi, a disparue. Comme si il n'avait jamais existé. Comme si il n'était plus qu'un fantôme de mon esprit, qui n'avait jamais eu de vie réelle. Je sens mon cœur se serrer une nouvelle fois. Je suis amputée d'une partie de moi, et je ne veux qu'une chose : qu'elle me revienne. Je veux le voir, rire avec lui, parler, lui faire lire mes histoires, regarder ses dessins... Je veux qu'il revienne.

Une boule se reforme dans ma gorge, et je sens affluer des larmes dans mes yeux. S'en est trop. J'ai envie de voir ma famille, de tenir mes frères, ma mère et mon père dans mes bras, je veux que tout revienne comme avant. Pourquoi cela doit-il être aussi dur ? Je les aime. Et cette séparation m'est insupportable.

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