16- Ezra
-Toulouse, 22 juillet 2016-
Le soleil tape fort au dessus de nos têtes, et il fait une chaleur à crever. Brook a eue la merveilleuse idée d'aller à la rivière, au lieu nous retrouver, comme à chaque fois, autour d'une boisson dans notre Clombus fétiche. Et franchement, même si comme à mon habitude j'ai d'abord dit non, cette idée relève du génie.
Nous sommes en plein mois de juillet ; nous avons, Brook, Abigaëlle et moi réussi notre BAC. Mais surtout, c'est le début des vacances d'été. C'est en bus qu'on est venues, il nous a déposé loin, et on a dû un peu marcher, pour arriver jusqu'à la rivière. C'est principalement grâce à Hope qu'on peut apprécier cette belle journée, c'est clairement elle, la reine pour organiser des trucs.
C'est la meilleure journée qu'on passe ensemble depuis un sacré bout de temps. Entre la bronzette et chahut d'enfants dans l'eau, je suis comblée. Il faut dire qu'avec les examens, ça a été un peu compliqué de se voir dans un autre cadre que les cours ou les révisions. Mais là c'est enfin l'été de nos 18 ans -sauf pour Brook qui en a déjà 19-, autrement dit, c'est l'été de toutes les folies.
-Alata, qu'est-ce que tu fous ? crie Brook, ses longs cheveux trempés depuis le lit de la rivière. Viens nous rejoindre, elle est bonne !
-J'avoue ! Aller, bouge ! renchéri Abi, juste à côté d'elle.
Et Dieu sait que si Abigaëlle peut entrer dans l'eau, frileuse comme elle est, c'est que l'eau est vraiment chaude.
-J'arrive, il faut juste que j'appelle ma mère, on a toujours pas réglé cette affaire de qui vient me chercher ! je répond sur le même ton.
-OK, mais viens quand t'as fini ! dit Hope, un sourire chaleureux sur les lèvres.
J'hoche la tête en guise de réponse, puis attrape mon portable. Il fait chaud, et c'est dans un effort surhumain que je me lève et me rends à l'ombre pour passer mon coup de fil. La tonalité retenti quand je clique sur le contact de ma mère. J'attends, assise sur les galets chauds, qu'elle finisse par répondre.
-Oui, allô ? décroche-t-elle après que je l'ai appelé deux fois.
-Coucou, c'est moi ! Hum... on a pas réglé cette histoire à propos de la personne qui m'amène chez Nanie, au final... Du coup je me demandais si t'y avais pensé.
-Aaah oui, c'est vrai... écoute, je sais pas, on est tous déjà chez Nanie, donc ça risque d'être un peu compliqué à organiser...
Un peu choquée qu'ils ne m'aient pas attendus pour y aller, je met un instant à répondre. C'est pas vraiment le genre de choses qu'on fait à sa fille ça, non ?
-Quoi ?! Vous êtes partis sans moi ! Mais maman... je commence, vite coupée par ma mère.
-Oui, oui je sais, tu peux m'en vouloir.
Je souffle, réellement énervée. Je déteste quand elle fais ce genre de trucs. À croire qu'elle ne comprend pas à quel point c'est énervant qu'on ne me respecte pas. Non mais vraiment, tout ça parce que je suis sortie avec les filles alors qu'on a un repas de famille chez Nanie ce soir ! J'ai beau y réfléchir, je comprends pas ce qui l'énerve à ce point dans ce que j'ai fait. C'est pas comme si j'avais commis un délit ou je ne savais trop quoi, quand même ! Et puis quand j'ai demandé si ça la dérangeait, tout ce qu'elle a répondu, c'est « T'as 18 ans tu peux faire ce que tu veux, mais essaie de te débrouiller pour rentrer seule, s'il te plaît ». Bon, je suis quand même en tort puisque du coup je n'ai pas trouvé le moyen de rentrer, mais quand même !
-Oh, et pas besoin de souffler, je t'avais dit de pas y aller, mais comme t'en as fait qu'à ta tête.
-C'est pas ce que t'avais dit, mais bref. Tu peux vraiment pas venir me chercher, alors ? je demande sèchement, énervée par sa façon de parler.
-Non, j'aide Nanie à faire à manger, et Boris aussi.
Maintenant qu'elle le dit, j'entends la voix de papa en fond sonore de puis le début de la communication. Il y a de drôles de bruits, aussi, qui sont probablement le bruit d'un couteau sur une planche en bois.
-Ah, papa aussi... Et aucun des garçons peut venir me chercher ? Bon je sais que Evan peut pas parce qu'il bosse, mais Ezra et Jonah peuvent, non ? dis-je, en réfléchissant pour le coup à une solution.
-Jonah est allé faire les courses avec pépé donc... Ezra est là, mais je sais pas s'il voudra.
-Tu peux lui demander s'il te plaît ?
Ezra a toujours détesté conduire, au contraire de Jonah et Evan, qui pourraient pu passer leurs vies sur la route. Il dit qu'il n'a pas assez de concentration pour conduire longtemps. Enfin, il va quand même tous les jours à son école d'art en voiture, donc il est probablement pas aussi distrait qu'il le dit.
Quoi qu'il en soit, il est actuellement mon dernier espoir. Sinon, j'irai probablement dormir chez une des filles, et maman me tuera demain quand je rentrerai à la maison. Pas un super programme, en somme. Mais bon, Ezra a toujours été le premier à m'aider quand j'ai des problèmes, donc je suis certaine qu'il acceptera de venir me chercher.
Je suis la plus petite de notre fratrie, et j'ai 6 ans de différence avec Ezra, 4 ans avec Evan et 2 avec Jonah. Donc autant dire qu'il m'a toujours vu comme sa petite protégée. Si bien que quand on était petits, Jonah et Evan ne pouvaient s'amuser à me martyriser, en tout bon frères qu'ils étaient, que quand Ezra n'était pas à la maison.
Ma mère met un temps fou à me reprendre au téléphone. Je repense pendant ce temps au nombre incalculable de missions commando contre moi que mes deux frères ont dû mener pour m'embêter, quand Ezra était à la maison. J'ai toujours été proche de mes frères, même si un peu moins d'Evan peut-être, et encore j'en suis même pas sûre. Mais Ezra et moi, on a cette connexion spéciale qui existe entre nous.
C'est lui qui m'a initié aux mangas, au dessin, à la science-fiction, et que sais-je encore. Bien entendu nos parents ont aussi beaucoup à faire là dedans, puisqu'ils en sont eux-aussi passionnés -mon prénom, qui vient de l'œuvre de Tolkien, le montre bien-. Mais il n'empêche, c'est différent. Ce qui fait qu'on est si proche, c'est surtout qu'il adore dessiner, peindre, lire, écrire, et rêver ; tout ce que j'adore faire, moi aussi. Il est même le seul, avec Brook, Hope et Abi, avec qui je partage mes écrits.
-Bon écoute, il a dit que ça le saoulait mais que s'il n'y avait pas d'autres solutions il le ferait. T'as de la chance d'avoir un grand frère qui se souci de toi, hein ! m'annonce maman, me coupant dans mes divagations à propos de mes frères, et faisant de moi la fille la plus heureuse du monde.
-Ouiiiiiii super !!! Dis lui merci beaucoup de ma part !! Et je crois que le beau-père de Hope vient les chercher vers 18h, donc si Ezra peut être là pour (à peu près) cette heure là... dis-je, au summum de la joie.
-Pas de soucis, je lui transmet le message. Mais j'espère que t'as bien compris la leçon, et que la prochaine fois quand tu sais qu'il y a quelque de déjà prévu le soir avec la famille, tu diras non à tes copines, même si ça fait longtemps que vous vous étiez pas vues comme ça. je lève les yeux aux ciel en entendant sa dernière phrase, mais acquiesce tout de même.
-Oui, oui je le ferait plus. C'est chiant pour vous.
-Voiiilà ! Bon, puisque t'as l'air d'avoir compris, je te laisse. Amuse-toi bien mon chaton, à ce soir !
-Merci maman, bisous à ce soir !
-Bisous ! fait-elle en raccrochant.
Je suis enfin débarrassée de ce problème, et c'est tant mieux. Mes jambes sont toutes ankylosées d'être restée assise trop longtemps sur le sol dur, lorsque je me lève pour poser mon portable dans mon sac. Je peux enfin rejoindre les filles dans l'eau.
Je met quand même du temps, avant d'arriver à y rentrer. Elle n'est finalement pas aussi chaude que je le pensais, même si elle n'est pas gelée non plus. Mais la différence entre l'air chaud qui se trouve autour de moi, et l'eau, qui ne doit pas être à plus de 23°, rend difficile mon entrée dans l'eau. Mes trois amies se trouvent un peu plus loin, au milieux de la rivière, tandis que je tente tant bien que mal à me baigner entièrement.
Au bout d'un moment, trouvant probablement que je met trop de temps à me lancer, je les vois s'avancer vers moi. Au départ, j'ai simplement l'impression qu'elles viennent discuter près de moi. Mais le regard rieur d'Abigaëlle, tout comme le sourire de Hope, m'indiquent que ce n'est pas pour ça qu'elles me rejoignent. Ces débiles vont m'arroser !
Je me met à reculer, et à rire comme une idiote, aillant un peu peur de ce qu'il va m'arriver. Mais elles sont plus rapides que moi, et quand je me décide finalement à me retourner et courir vers la berge, Brook m'arrose en balançant de l'eau dans mon dos. Je glapis, avant de me mettre à rigoler. Hope et Abi se mettent elles aussi à m'arroser, et je leur envoie de l'eau en retour. Je suis vraiment trop facilement influençable. Mais j'aurai probablement fait la même chose à leurs places, donc bon...
Après s'être chamaillées dans l'eau pendant une bonne demi-heure, on retourne sur nos serviettes, épuisées.
-Du coup, ta mère va venir te chercher ? demande Hope, les yeux fermés, allongée sur le ventre.
-Non, c'est Ezra qui vient. Imaginez-vous que ma mère veut tellement me prouver que j'aurais mieux fais de décider de pas venir qu'elle est déjà chez ma grand-mère !
-Hahaha ! Tellement digne de ma mère ! fait Abigaëlle, morte de rire. Au moins elle va pas te tuer parce que tu l'aura fait en rentrant.
-Ouais, c'est sûr qu'au niveau des punitions j'ai de la chance, elle aime pas gronder. Mais bon, elle fait peur ! dis-je en riant, et en me disant que la mère d'Abi fait encore plus peur.
-T'as même carrément de la chance meuf ! ris avec nous Brook, en connaisseuse.
-Mais malgré tout ça, qu'est-ce qu'on ferait sans nos mères ? dit Hope, sur le même ton, mais en ayant pourtant totalement raison.
-Exact. dis-je, un peu calmée.
-Enfin, Merci d'avoir eue cette super idée Hope, c'était une journée magnifique. dit Abigaëlle, en changeant de sujet.
-Haha, de rien, c'est pas comme si j'avais cherché pendant des heures et des heures pour trouver l'endroit adéquat !
On rit toutes les quatre. Puis, un silence se fait pendant plusieurs minutes. C'est bizarre, mais quand on est toutes les quatre, ça nous angoisse pas de ne pas parler, et de laisser de longs silences. Ils ne sont jamais gênant, c'est même le contraire. C'est comme si le simple fait d'être ensemble suffisait à nous faire du bien. La parole ne rajoute finalement rien au moment présent.
C'est Abi, d'une voix un peu hésitante, qui rompt ce silence :
-Tu vas vraiment partir à Paris parce que ta mère va déménager ?
-Oui, j'en ai bien peur... je passerai mon Bac en candidat libre là bas, puisque je l'ai raté, et dans deux ans je continuerai mes études. répond Hope, d'une voix qui me semble calme.
-Comment on va bien pouvoir survivre sans toi... demande Brook, à moitié sérieusement, à moitié en rigolant.
-C'est clair... je renchéris doucement.
-Oh arrêtez, c'est déjà assez dur comme ça. Profitons pleinement de notre été avant de déprimer pour ça, non ? propose Hope, des émotions plein la voix.
-Ouais, t'as probablement raison. répond Abi, un peu gênée d'avoir parlé de ce tabou.
Le soleil décline peu à peu dans le ciel, alors qu'on continue de parler de tout et de rien, et de rire pour des raisons totalement étranges. On a plus du tout parlé du fait que Hope ne sera plus à Toulouse avec nous l'année prochaine, mais c'est bizarre de se rendre compte qu'on est toutes très affectées par ça, alors même que c'est pas encore d'actualité. L'émotion que l'on ressentait toutes les quatre était palpable dans l'air autour de nous quand on a abordé le sujet.
Il commence à se faire tard, et c'est d'un commun accord on se rhabille. Non pas qu'il fasse froid, mais l'air se rafraîchît considérablement quand on est près de l'eau. Et puis, mine de rien, notre journée nous a épuisé. En même temps, on est resté la moitié de la journée dans l'eau, et l'autre partie à marcher pour atteindre la rivière.
Même s'il est pas encore 18h, on décide de s'avancer vers le point de rendez-vous : là où le beau-père de Hope va venir les chercher. Pour ma part, j'ai envoyé un message à Ezra pour lui expliquer où il doit venir me chercher. Normalement, il devrait avoir compris, mais vu mon don pour expliquer les choses, j'en suis pas certaine. Enfin, si il à le moindre problème, il m'appellera.
Nous marchons donc vers l'endroit qu'on a indiqué à nos famille, pas très loin de l'arrêt de bus auquel on s'est arrêté à l'aller. On s'est dit que ce serait plus simple à repérer en voiture que n'importe où d'autre.
-Il faut que je vous dise quelque chose. annonce Brook, alors que plus personne ne parlait depuis un moment.
-Oui ? Qu'est-ce qui se passe ? T'as encore fais une connerie ? Tu saoules on avait dit que tu devais arrêter ! je répond en rigolant, pas sérieusement du tout.
-Désolée maman j'ai encore recommencé... avoue Brook avec une voix d'enfant, en riant elle aussi.
-Haha mais qu'elles sont connes ! ris Hope, sur ma droite, rejointe par Abigaëlle.
-C'est mal, tu seras punie ce soir ! je continue sur le même ton.
-Haha ! ris Brook, se rendant compte elle aussi qu'on a l'air de folle à lier. Enfin... C'était d'un truc sérieux que je devais vous parler à la base.
-De quoi ? demande Abi, totalement calmée.
-Et bien... à vrai dire, Hope est pas la seule à partir l'année prochaine.
-Quoi ?! on répond en même temps avec Abi, tandis qu'Hope à l'air déjà totalement au courant.
-Je savais pas trop quand il fallait que je vous le dise, et oui, Hope est déjà au courant. Je... Aucun lycée de Toulouse qui propose mon BTS communication ne m'a accepté, et celui de Bordeaux, que j'avais demandé parce que ma tante y vit et pourrait m'héberger... A été le seul à m'accepter.
Dans la surprise, on s'est toutes arrêtés. Je regarde Abigaëlle, qui a l'air aussi perdue que moi. Le choc est vraiment immense, et je crois qu'elle le ressent à peu près de la même façon. Et sans que je puisse rien faire, les larmes me montent aux yeux. Si elle part, ça signifie qu'on sera plus que deux sur Toulouse. On sera séparées pour un temps indéfini, et ça, c'est vraiment dur à concevoir. De plus, avec Brook on avait comme projet de se mettre en collocation toutes les deux. Et savoir que tout ça tombe à l'eau, c'est douloureux.
-Pleure pas kiki ! Je suis désolée de pas vous l'avoir dit avant, mais je trouvais pas de bons moments... En plus on n'a jamais été aussi proche, et on va toutes être séparées... dit Brook, en attrapant ma main et en la serrant, l'air vraiment très touchée.
-Mais c'est pas possible... répond Abi, l'air hangar, alors que je tends ma main libre pour prendre la sienne. je vois les larmes monter dans ses yeux, tandis qu'elle regarde Brook, totalement perdue. Alors il restera plus que nous, ici ?
-Désolée... répond Brook.
Cette fois-ci, c'est elle qui est à deux doigts de pleurer. Nous voyant toutes dans un état lamentable, Hope aussi s'y met. Et on se met à se regarder comme des idiotes, blessées au plus profonds de nos êtres par ces nouvelles. On sera séparées, et on ne se verra plus aussi souvent.
On se prend chacune dans les bras, frottant le dos de l'autre, tandis que des larmes silencieuses coulent sur nos joues. Chacune de nous sait qu'on arrivera probablement toujours à s'accrocher, et à se voir. Mais en même temps, on ne sait jamais ce que nous réserve l'avenir. Alors pour l'instant, on pleure parce qu'on a peur de ce qui nous attend.
***
Quand on arrive à l'arrêt de bus, après qu'on ait finalement réussi à se calmer, il est 17h55. Autant dire que le beau père de Hope et mon frère ne vont plus trop tarder à arriver. On a toutes les quatre les yeux rouges, et si Ezra nous voit comme ça il va encore se moquer de nous. Il dit qu'on fait peur, à être aussi proches les unes des autres.
On a essayés le plus possible de changer de sujet en faisant des blagues nulles, et surtout pour ne pas finir cette belle journée sur une note négative. Pourquoi gâcher une si belle journée alors qu'on pourrait encore en profiter ? En plus, Hope a dit sur le chemin « Tant qu'à faire, autant profiter du temps qu'il nous reste toutes les 4, non ? On pleurera quand le moment sera venu », et on a toute acquiescé. Après tout, elle a raison.
C'est Mark, le beau-père de Hope qui arrive en premier, et malgré mes protestations, elles décident d'attendre Ezra avec moi. À vrai dire, il est tellement peu souvent en retard que je suis certaine qu'il sera là d'une minute à l'autre. Et en effet, trois minutes plus tard, le voilà qui arrive. Je serre les filles dans les bras comme si on allait pas se revoir avant un millier d'années, alors qu'on va probablement se voir dans la semaine.
-Bon, rentrez bien ! Kiss ! je leur dis en montant dans la voiture de ma mère, une Renault Capture, qu'a emprunté Ezra pour venir me chercher.
En entrant dans la voiture, j'embrasse mon frère sur la joue avant de m'asseoir convenablement et de m'attacher. Il me demande gentiment comment s'est passé notre journée, avant d'allumer le moteur.
Ezra est (d'après moi) le plus beau de mes frères. Je ne sais pas vraiment s'il sort avec quelqu'un actuellement, mais le contraire m'étonnerait. Ça fait longtemps qu'il a fait sont coming out, et personne n'a été étonné d'apprendre qu'il était gay. À vrai dire, c'est même le fait qu'il soit hétéro qui nous aurait le plus choqué. Il n'est pas particulièrement grand (1m76), très fin, et n'a pas grand-chose en commun dans sa corpulence avec Evan, Jonah et moi. Ces deux là sont carrés, et ont hérité ça de la famille de ma mère. Ezra, contrairement à nous, a hérité de la morphologie de notre père.
Je ne dis pas que mes deux autres frères sont laids, je les trouve beaux eux-aussi, mais il se dégage de lui un tout autre sentiment, une toute autre aura que celle de Evan et Jonah. Il est calme, et très doux (bien qu'Evan le soit aussi), mais a surtout ce quelque chose en plus qui nous fait dire qu'une personne est vraiment exceptionnelle. Ses cheveux bruns mi-longs reposent sur ses épaules, et entourent son visage angélique. Il fait beaucoup plus jeune que son âge, mais ne semble pas s'en rendre compte. Il a de grands yeux verts foncés, qui le différencie de nous trois, qui avons les yeux marrons ; mais les mêmes cils longs et épais les entourent. On dirait presque des yeux de biche.
Quand les filles viennent à la maison, et qu'il est là, Brook peut pas s'empêcher de me dire qu'il est canon, et idem pour Abi. Ça me gêne un peu à vrai dire, mais je comprends qu'on puisse le penser, puisque je le pense aussi.
-Au fait ! je brise le silence au bout d'un moment. Merci beaucoup d'être venu me chercher, t'assures !
-Haha de rien, j'allais pas te laisser dans la merde en même temps. il me dit en souriant, les yeux toujours fixés sur la route.
-Bah, on sait jamais !
Il rit doucement, sans rien répondre, mais l'air de dire que j'ai des idées sacrément bizarres parfois. Je sais pas pourquoi, mais ça me fait penser au nouveau texte que j'ai écrit. Il faut absolument que je lui fasse lire. Je suis un peu débile, mais parler du fait que j'écrive me rends toujours mal à l'aise, je sais pas vraiment pourquoi. Du coup, j'essaie de tourner dans tous les sens possible la question que je vais lui poser, avant de finalement me décider à lui dire. C'est toujours comme ça avec moi, soit je réfléchis trop pour absolument aucune raison, soit je réfléchis pas assez alors que je devrais.
-Dis, j'ai écris un début d'histoire hier, tu voudra la lire quand on rentrera ?
-Ouais, pas de problème, Lala. il me répond en m'appelant par mon surnom. Mais tu sais, faudrait que tu t'ouvres un peu plus, et que tu fasses lire ce que t'écris. Et pas seulement à moi et aux filles....
-Je sais, tu me le répètes sans arrêt. Mais c'est juste que je trouve ça gênant... dis-je, en me mordant l'intérieur de la joue, et en regardant par la fenêtre.
-T'es chiante avec tes « mais c'est gênant ». T'arrivera jamais à rien comme ça, tu le sais ? En plus je pense que tu t'améliorera en écrivant pour d'autres que nous! Donc c'est tout benef'.
-Oui, oui je sais. Mais bon il faut juste que je trouve le courage, quoi.
-Je suis sûr que t'en es capable.
-Haha c'est trop mignon, merci !
-De rien ! Sinon, je peux savoir pourquoi exactement t'avais les yeux rouges en entrant dans la voiture ?
Et le voilà qui joue son rôle de grand-frère surprotecteur. Je lui explique rapidement la situation, sans trop rentrer dans les détails de peur de pleurer. Il m'écoute attentivement, avant de finalement déclarer que ce sont des choses qui arrivent. Il pense sincèrement que ce n'est pas un truc du genre qui pourra changer quoi que ce soit à notre amitié. Ce sur quoi, même avec mon pessimisme, je suis d'accord.
Ça me fait rire quand il est comme ça, et ça me met aussi, d'une certaine façon, de bonne humeur. Je laisse le silence envahir l'habitacle, et regarde la route. Il fait toujours aussi beau, et toujours aussi chaud. Ezra déteste mettre la clim, de sorte qu'on a toutes les fenêtres ouvertes, et que le vent chaud fouette nos visages. Par la fenêtre, j'observe le paysage tranquillement. On est actuellement en train de monter une petite colline, et il y a un sacré ravin en dessous de la route.
D'un coup, une ombre passe devant la voiture. Je comprends pas ce qu'il se passe. Je jette un coup d'œil à Ezra, qui a l'air totalement paniqué. Je sens mon cœur accélérer d'un coup, probablement causé par une montée d'adrénaline. Je sais e qu'il se passe, tout va beaucoup trop vite. Je sens que la panique monte, très rapidement, en à peine un quart de seconde, tandis que Ezra tente de contrôler la voiture. Il braque, et freine rapidement. Je sens ma tête cogner contre un truc dur. Puis, tout devient noir.
***
Je me sens bizarre et un peu pâteuse. J'ouvre les yeux, et suis éblouie par la lumière de la pièce dans laquelle je suis. Mais où suis-je ? Je me souviens pas de ce qu'il s'est passé. Je crois qu'Ezra et venu me chercher à la rivière, et j'ai du m'endormir dans la voiture. Je ferme les yeux, et essais de réfléchir, mais j'y arrive pas. Je sais pas pourquoi.
Quand je rouvre les yeux, j'arrive mieux à discerner ce qu'il y a autour de moi. Je suis dans une chambre blanche... Une chambre d'hôpital ?! À ma droite, je vois une perfusion, qui est reliée à mon bras. Un mal de crâne atroce me fait fermer les yeux, et je porte ma main à mon visage. Mais qu'est-ce qu'il s'est passé ? On a eu un accident ? Je soulève doucement le draps, qui repose sur mon corps, et le plâtre que j'ai à ma jambe droite me confirme que c'est bien ce qu'il s'est passé. Je relève un peu ma blouse d'hôpital, et même si je suis gênée en percevant ma nudité, je veux vérifier que je n'ai rien de trop grave. J'ai un gros bandage au niveau de la cage thoracique, et maintenant que je regarde vraiment bien, j'ai des gros hématomes sur tout le corps.
Une bouffée de chaleur me monte au visage, et je commence à paniquer. Et si Ezra n'avait pas survécu ? J'essaie de respirer doucement, mais j'arrive pas à me calmer. Quand j'étais petite, je faisais souvent des crises d'asthme, mais c'est passé avec le temps. Pourtant, ce qui est en train de arriver ressemble beaucoup à ça. J'essaie de me relever, de me calmer, mais mes pensées s'emballent. Que c'est-il passé ?! J'ai beau essayer de réfléchir, je ne me souviens de rien !
La porte s'ouvre rapidement, et me fait sursauter. Je suis toujours en pleine panique, et un médecin entre. Mais quand je m'aperçois que c'est ma mère qui entre à sa suite, je sens un sourire naître sur mon visage. Je ne suis plus seule dans ce cauchemar. Puis je me rends compte que son visage est en larme. Le médecin vérifie des trucs, et voyant que je suis pas en super état, il va chercher de quoi me calmer. Il me laisse seule, face à ma mère.
Elle me regarde, avec un air que je ne comprends pas tout de suite, que je n'ai jamais vu sur son visage, et moi, je me contente de sourire, même si je commence un peu à stresser à cause de son visage qui ne présente rien de bon. J'ai envie de la serrer dans mes bras, et d'enfin me sentir un peu en sécurité.
-Ezra est mort, et c'est toi qui l'a tué. elle me dit en se détournant, une larme coulant sur sa joue.
Je reste abasourdie. Je sens mon cœur qui tambourine jusque dans mes tempes, et entends ma respiration qui est beaucoup plus forte que la normale. Les bruits autour de moi se brouillent, et tout autour de moi devient plus clair, comme si quelqu'un avait augmenté la luminosité de la pièce. Les larmes me montent aux yeux, et j'ai l'horrible sensation de suffoquer.
J'ai l'impression que mon monde vient juste de s'effondrer, là, devant mes yeux, et que j'y assiste sans pouvoir y faire quoi que ce soit. Mon frère est mort, et ma mère me déteste. J'entends vaguement le médecin revenir, mais je perds connaissance avant même qu'il plante la seringue dans ma perfusion.
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Bonjour, bonjour ! Ce chapitre est différent des précédents, mais j'espère que vous avez quand même aimé :P On en sait enfin un peu plus sur le passé d'Alatariel, beaucoup de choses s'éclairent, non ?
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