12- J'en ai marre
Mes grands-parents habitent près du parc de Belleville. Ils possèdent une belle maison, cachée dans une impasse, à l'abri du bruit de la ville. C'est tellement calme que quelques fois, on se croirait dans une toute autre ville que Paris. En vélo, avec Hime bien calée dans mon sac à dos exprès pour transporter les chiens, je met en moyenne une vingtaine de minutes pour arriver chez eux.
Je ne les voyais pas souvent quand j'étais petite, même s'ils venaient quelques fois à Toulouse pendant les vacances. J'ai toujours été plus proche de la famille du côté de ma mère. Alors je dois avouer que c'est un peu étrange depuis que je suis ici, puisqu'ils sont ma seule famille sur Paris. Je crois bien qu'un cousin éloigné du coté de ma mère vit aussi sur Paris, mais je ne l'ai jamais rencontré, mis à part une fois à un mariage, et je devais avoir 7 ou 8 ans. Autant dire que c'est un inconnu.
L'entrée de leur impasse n'est accessible qu'à pieds, et est fermée par un portail en fer noir. Quiconque passe à côté ne se rend même pas compte que l'on trouve derrière cette porte deux villas, l'une en face de l'autre. Elles sont entourées de trois immeubles, qui font le tour complet des deux terrains. D'après ce que Grana m'a raconté, dès qu'elle et papy sont entré dans l'impasse ils sont tombés amoureux de ce petit coin de paradis. Ils avaient décidé d'acheter la maison avant même de l'avoir visité.
En tout cas, les immeubles de ce quartier semblent plus récent que ceux autour de chez moi. À vrai dire j'y connais pas grand-chose, en architecture, alors je dis peut-être n'importe quoi. En tout cas, ce ne sont pas des immeubles haussmanniens, comme on peut en trouver autour de mon appartement. Lorsque j'arrive devant la porte, je sonne à l'interphone, après être descendue de mon vélo. La porte s'ouvre rapidement, et j'entre.
La maison de mes grands-parents est sur la gauche, devancée par un beau jardin, certes un peu terne en hiver, mais toujours verdoyant. Grana sort de la maison, alors que je m'apprête à sonner à leur portail ; et un grand sourire éclaire son visage. Hime, que j'ai relâché, se met à aboyer et à se tortiller, toute contente de retrouver une odeur familière. Avant de dire quoi que soit et directement après avoir ouvert le portillon, Grana me prend dans ses bras et me fait entrer dans le jardin, pour y déposer mon vélo et Hime.
-Alors, comment vas-tu ? Ça faisait longtemps qu'on ne t'avait pas vu ! me dit-elle, tout en m'amenant vers la maison.
-Oui, désolée avec les partiels et mes révisions j'ai été un peu débordée ! mentis-je à demi en triturant mes bracelets. Sinon, oui je vais bien, et toi ?
-Et bien écoute très bien ! J'ai un peu mal aux reins ces derniers temps, mais le docteur a dit qu'il ne fallait pas s'en inquiéter, c'est l'âge qui veut ça !
-Oh, tant mieux si c'est rien. Et Papy va bien ? demandé-je, en me rappelant que la dernière fois il m'avait semblé fatigué.
-Ça va, ça va. Il est toujours un peu fatigué, mais les médecins ne lui trouvent rien. Il vient d'avoir 85 ans tu sais, il n'est plus tout jeune. elle me répond, l'air un peu désolée.
Voir son visage triste à chaque fois qu'elle fait un commentaire sur la santé de Papy me rend toujours incroyablement nulle, et je me gifle intérieurement de ne pas aller chez eux aussi souvent que je ne le devrais. Je sais qu'ils ne m'en tiennent absolument pas rigueur, mais il y a tellement de fois où j'aurais pu venir, juste pour leur tenir un peu compagnie.
Une bonne odeur de plat mijoté me chatouille les narines lorsqu'on rentre dans la maison. Rien n'a changé depuis la dernière fois que je suis venue. Il y a les mêmes photos accrochées aux murs, qui dégouline de nostalgie. Je m'efforce de me concentrer plutôt sur le beau secrétaire en bois de chêne qui trône dans l'entrée. J'enlève mon écharpe, mon manteau et mes gants, avant de suivre Grana dans le salon, où attend probablement Papy.
Il est en effet dans le salon, en train de lire son journal, confortablement installé dans leur canapé. Tous les meubles du salon, et de la maison toute entière à vrai dire, sont de vieux meubles que Papy a réussi à trouver dans des brocantes ici-et là. Leur maison est semblable à un musée, et chaque meuble a une histoire bien à lui. Tout est en harmonie. Chaque meuble répond à un autre, et j'adore ça. Il baisse son journal et me sourit en me voyant arriver, comme à chaque fois que je viens ici. Il semble avoir maigri depuis la dernière fois que je l'ai vu. Mais lorsqu'il se lève pour venir me prendre dans ses bras, il parait toujours aussi jeune qu'il y a 15 ans.
Sa barbe grisonnante me pique la joue lorsqu'il me serre contre lui, et il me demande comment je vais. Je lui répond vaguement, et Grana nous rejoint dans le salon, apportant l'apéritif, avant que je ne développe ma réponse. Je sais très bien la discussion que l'on va avoir, et je sais qu'elle ne va pas me plaire. Papy tapote la place entre eux deux, et je m'y assois, non sans anticipation de ce qui va suivre.
-Tu compte descendre sur Toulouse pour l'anniversaire de Jeanne ? me demande Grana, l'air de rien, et entrant directement dans le vif du sujet.
-Non, je pense pas. je répond doucement.
Grana souffle, et Papy pose sa main sur mon genou, en un geste d'apaisement. Il connaît sa femme comme personne.
-Alatariel, tu sais bien que vous n'allez pas pouvoir continuer comme ça. Il faut que tu y ailles ! Et tu manques aussi énormément à Boris, Jonah et Evan. elle renchérit.
-Dis pas n'importe quoi. S'ils avaient voulu me voir, ils seraient venu, ou ils m'auraient appelés.
-Allons, ils n'ont simplement pas le temps.
-Grana ! Ça fait deux ans maintenant que... enfin que c'est arrivé, et absolument aucun d'entre-deux n'est venu me voir, où m'a dit quoi que ce soit sur le fait qu'ils passaient à Paris pour vous voir ! Bon, Jonah l'a fait une fois, mais c'est à peine si on s'est parlé...
-Mais ils attendent simplement que tu viennes vers eux ! dit-elle avec un sourire adorable.
-Non Grana, ils attendent pas ça. Maman m'a bien fait comprendre qu'elle voulait plus me voir.
-Mais non, je t'assure que... commence-t-elle, avant que je ne la coupe.
-J'en ai marre, je veux pas parler de ça, je veux même plus y penser. dis-je sèchement.
Un long silence empli la pièce. Je sais que j'aurais pas dû lui parler sur ce ton. Mais c'est vrai, j'en ai marre, c'est comme ça à chaque fois que je viens. Et c'est exactement pour cette raison que je ne viens pas plus souvent. Je sens dans ma gorge que j'ai envie de pleurer, juste en abordant le sujet. Je regarde mes mains, attrape mon poignet droit, et passe mon pouce par dessus mon petit tatouage en forme de croissant de lune à l'interieur de mon poignet. C'est Papy qui reprend la parole d'une voix très douce le premier.
-Toute cette histoire est stupide, que ce soit ta réaction où celle de Marie et des autres. Mais en plus d'être stupide, elle vous empêche à tous d'être à nouveau heureux et de faire votre deuil. Il faut que vous passiez à autre chose, pour que ton frère puisse enfin arrêter de se retourner dans sa tombe.
Bon, j'ai plus ou moins essayé de me rattraper, mais finalement j'ai un peu posté mes chapitres n'importe quand x) N'hésitez pas à me laisser des commentaires, ça fait toujours plaisir ! Et puis surtout j'espère que ça vous a plu :)
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