10- Amis
J'ai vraiment pas hâte de retourner à la fac, entre les cours, les devoirs, et les révisions. Je suis stressée à l'idée de revoir Luke et Isaac, me demandant s'ils vont venir me dire bonjour, ou me parler... Ou bien si tout va redevenir exactement comme avant : ennuyeux à mourir.
Le calendrier dans l'escalier m'indique que dans à peine une semaine c'est l'anniversaire de maman, et un petit élan de nostalgie me submerge. Mes souvenirs sont douloureux, autant les joyeux que les tristes, et j'ai l'impression d'y pense de plus en plus, ces derniers temps. Moi qui me croyait forte pour fuir mes problèmes, me voilà déçue.
La routine que j'ai perdue durant ses trois semaines de vacances se réinstalle, et je me retrouve beaucoup trop tôt dans ma cuisine, en train de me préparer un petit déj', et de nourrir Hime. Je mange silencieusement, perdue dans mes pensées, la vision de cette date ayant éveillé beaucoup trop de choses en moi. Le visage souriant de ma mère me vient à l'esprit, et je ferme un instant les yeux, tentant tant bien que mal de me remémorer le son de sa voix, et la sonorité de son rire. J'ai presque du mal à m'en souvenir, tient. Ça fait une éternité que je ne l'ai pas appelé, ni vue. Mon plus jeune frère, Jonah, est venu me rendre visite durant les vacances d'été, en coup de vent. Mais mis à part lui, Grana et papy, je n'ai pas vu quelqu'un de ma famille depuis au moins deux ans. Voir plus.
Je soupire, avant d'aller rapidement me préparer. J'enfile un jean et un pull, me maquille assez soigneusement, puis attrape mes affaires de cours. Hime m'attend en bas, comme si elle savait déjà que j'allais la laisser seule pendant 5 heures. Je dépose un baiser sur le sommet de son crâne, avant de grattouiller le coin de son cou, en lui promettant qu'on ira faire une super balade quand je rentrerais.
La laisser dans ce minuscule appartement à chaque fois que je vais en cours me tord le ventre. À Toulouse, elle avait un jardin dans lequel s'amuser toute la journée, pendant que j'étais en cours. J'insulte ma mère par la pensée, avant de me reprendre. Sur ce coup là, c'est pas de sa faute. Hime est à moi, et elle est sous ma responsabilité, donc c'est normal qu'elle soit venue à Paris avec moi. C'est de ma faute si elle vit dans un endroit aussi petit.
Quand j'arrive devant la salle de cours, encore fermée, Luke et Isaac viennent me saluer. La pression que j'avais accumulée inutilement disparaît tout d'un coup, lorsque je les vois quitter leur groupe d'amis pour s'approcher de moi. Ils me font la bise, et avant même de pouvoir commencer à parler, il faut entrer dans la salle. La porte s'ouvre juste après que Luke m'ait demandé comment j'allais depuis la dernière fois, ce à quoi je réponds évasivement que ça va. Ce qui, en soit, n'est pas faux : je ne vais pas bien, mais je vais pas mal non plus.
J'ai toujours trouvé cette question un peu ambiguë, et c'est la réflexion que je me fais lorsque j'entre dans la salle blanche, sertie de quatre rangés de tables, qui font toutes face au bureau du professeur. Je vais m'asseoir dans l'avant-dernière rangée, tout au fond, près des fenêtres. Marie vient rapidement me rejoindre, c'est la seule à avoir ce cours en commun avec moi. Elle aussi me demande comment je vais, et je réponds la même chose que tout à l'heure.
C'est étrange cette formule de politesse qui fait que l'on demande à l'autre comment il se sent, et qui est donc très attentionné ; mais en même temps, on peut tout à fait ne ps s'intéresser à réponse de l'autre. Finalement, ce n'est que de la politesse, où une attention particulière ? L'arrivée du professeur coupe court à mes réflexions débiles, et je me concentre sur ce qu'il dit durant le reste du cours.
En sortant de la salle, Isaac m'interpelle, accompagné de Luke, et me demande mon numéro de portable. Luke évoque le fait que Cole non plus, ne l'a pas. Ainsi, ils l'auront tous les trois. J'acquiesce, et leur dicte.
-Je tiens à préciser que je te drague pas, même si on pourrait le penser.
Je pouffe, mal à l'aise, en regardant Luke lever un sourcil. Lui non plus ne s'attendait pas à cette réplique de Isaac, apparemment.
-Je dois t'avouer que j'y avais même pas pensé.
-Ah, parfait ! Non mais voilà, on me dit souvent que je suis ambiguë, mais je m'efforce juste d'être pareil avec tout le monde... continue-t-il en lançant un regard à Luke, qui hausse cette fois-ci les deux sourcils.
-Haha, je comprends. Mais t'en fait pas, j'avais compris que c'était par amitié, que vous me demandiez mon numéro ! dis-je en riant, et en pensant sincèrement mes paroles.
Même s'ils sont tous les deux très beau, on peut pas dire que je sois vraiment attiré par eux.
-Bon, parfait. Il faut qu'on y aille, on se voit plus tard ? demande Luke, avant d'embrasser mes deux joues et de partir, sans même vérifier ma réponse. qu'est-ce que je disais sur les formules de politesses !
Sur le chemin jusqu'à la maison, mes deux nouvelles rencontres tournent dans mon esprit, tandis que je parcours au fil des feux de circulations les rues de Paris, toujours sous un ciel approximativement couvert. J'ai pas pour habitude de me faire des amis de cette façon, et je suis vraiment heureuse de les avoir rencontrés. Ça me rappelle étrangement ma rencontre avec Abigaëlle, Brook et Hope, qui remonte désormais à un certain moment.
Au départ, c'était un peu bizarre, entre nous. On était pas aussi proches. On s'est rencontrées dans un collège public de Toulouse, un établissement dans le centre, qui possédait 5 classes à chaque niveau. Autant dire qu'on se côtoyait, mais qu'on ne se connaissait pas vraiment. Je suis cependant rapidement devenue amie avec Abi, quand on s'était retrouvées dans la même classe en cinquième. À la fin de cette même année, on était les meilleures amies du monde. Brook et Hope, de leur côté aussi, sont devenues proches, même si chacune d'entre elles avaient des meilleures amies extérieures au collège. Puis en quatrième j'ai rapidement fait la connaissance de Brook, avec qui on a tout de suite sympathisé, et idem pour Abi et Hope. Je ne connaissais pas plus que ça Hope, même si on avait déjà discuté rapidement.
En attachant mon vélo dans le hall d'entrée de mon immeuble, je me rappelle qu'Abigaëlle détestait vraiment Brook au début. Elle me disait qu'elle l'aimait pas à chaque fois que je parlais d'elle, et ça me fait rire, en y repensant. Et dire que maintenant elles s'entendent aussi bien ! On avait toutes des styles très différents à cette époque là, que ce soit en matière de vêtements ou de caractères. La seule chose que nous avions alors en commun, et ce sans le savoir, c'était la musique qu'on écoutait.
En fait, on était des filles totalement différentes. Abi était carrément un garçon manqué, alors que maintenant, même si elle a toujours un petit côté masculin, personne ne pourrai dire ça d'elle. Brook était une kikoo, comme quoi les gens peuvent vraiment changer du tout au tout, et ce jusqu'en troisième, à peu près. Et Hope et moi étions les filles bizarres, mais que généralement les gens aiment bien. Heureusement que j'étais comme ça d'ailleurs, sinon je pense qu'avec le poids que je faisais, les gens n'auraient pas été aussi gentils.
Hime saute sur moi dès que j'ouvre la porte de la maison, et je la prend dans les bras, reculant la tête du mieux que je peux pour qu'elle ne me lèche pas la figure comme une folle. Vraiment, j'adore ce chien, même si habituellement j'ai une préférence pour les chats. Brook adore Hime, d'ailleurs ! Abigaëlle est la seule à avoir du mal avec elle, mais elle fait beaucoup d'efforts pour l'aimer.
Une photo de nous quatre en troisième, juste après les résultats du brevet est affichée dans l'entrée de chez-moi Elle atteste justement de ces styles tellement différents que nous avions autrefois. Nos habits sont maintenant pourtant tellement similaires ! Mais peut être que c'est justement le fait qu'on se soit rapprochées, et que notre relation ait évolué, qui fait que naturellement nos vêtements sont peu à peu devenus pareils. En tout cas, c'est en troisième qu'on est réellement devenues proches les unes des autres.
C'est au cours d'une soirée un peu étrange, à laquelle Hope n'est pas allée, et que j'ai dû quitter pour je ne sais plus vraiment quelle raison, qu'Abi et Brook se sont retrouvées sans nous. Et c'est là, vraiment je le pense, que tout a changé. Certes, Hope et moi n'étions pas là, et les deux autres se détestaient, mais le lendemain tout avait changé. Le fait de se découvrir sans nous, Abi a compris que Brook était une bonne personne. Et à partir de là, nous avons commencé à être amies.
La relation que nous avons maintenant ne s'est pas construite en un seul jour, loin de là, et même si au lycée elle a évolué, on aurait jamais pensé qu'elle allait devenir comme ça. Mes yeux se remplissent de larmes rien qu'en repensant à tout ça, et un sourire fugace apparaît sur mes lèvres. Je suis heureuse d'avoir vécu autant de choses avec elles. Et je ne me serais jamais vu vivre toutes ces choses avec d'autres. C'était certainement la même chose que ressentent Cole et Luke avec leurs amis d'enfance.
Mon portable, posé sur le bar de ma cuisine commence à sonner, et le surnom Grana apparaît sur l'écran. Je me dépêche de l'attraper, et décroche.
-Oui, allô ?
-Bonjour ma chérie, c'est Grana ! répond la voix chaleureuse de ma grand-mère à l'autre bout du fil.
-Coucou ! Comment tu vas ?
-Je suis un peu fatiguée, mais je récupère doucement de ce rhume. Et toi, tes examens se sont bien passés ?
-Ah, tant mieux alors. Et oui, je pense que j'ai à peu près réussi, mais après j'aurais probablement une ou deux matières à rattraper, comme d'habitude. Papy va bien sinon ?
-Et bien écoutes oui, très bien. On se demandait juste quand-est-ce que notre petite fille viendrait nous voir, puisque ses examens sont terminés. dit-elle en riant.
-Ah, justement j'y pensais l'autre fois ! Hum je sais pas, quand vous voulez à vrai dire. Je suis libre tous les soirs, si vous voulez que je vienne manger ! dis-je en réfléchissant à quel moment ce serait le plus avantageux que j'y aille.
-Et bien pourquoi pas demain ou après-demain ? On pourrait même venir te chercher et te ramener si tu le souhaite !
-Oh, non, non ! C'est pas la peine, j'habite a à peine 20 minutes de chez vous ! répondis-je, n'ayant pas très envie de les déranger plus qu'il ne le fallait.
-Bon, comme tu voudras. Donc on dit plutôt quel jour ?
-Hum... demain soir ça me va.
-D'accord, parfait ! À demain alors ! dit-elle, un sourire dans la voix.
-Oui, à demain, bisous ! dis-je, avant de raccrocher.
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