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Ça aurait pu être un calvaire de tout mettre en place, mais le petit groupe ne tenait plus. Ils brûlaient d’impatience à l’idée d’utiliser leurs futurs pouvoirs, mais aussi de trahir leurs plus proches amis. Plongés dans la pénombre d’une chambre, celle de Youngjae, ils reçurent leur carte. Bien évidemment, Youngjae dut s'y reprendre à plusieurs fois avant de satisfaire Jackson et Kunpimook qui n'avaient toujours pas fini de rire comme des crétins et qui ne cessaient de dévoiler leur identité. Pour leur défense, personne n’aimait le rôle de villageois. C’était ennuyeux, et un Jackson et un Kunpimook ennuyés, c’était surtout très agaçant pour le reste du groupe.
Certains étaient avachis les uns sur les autres, d'autres étaient encore debout et cherchaient une place libre, alors que les plus efficaces avaient déjà fermé les yeux, impatients de commencer le jeu. Le tableau était parfait du point de vue du maître du jeu. Enfin s’ils ne prêtaient pas attention à deux de ses amis, bien trop occupés à se foudroyer du regard, chacun d’un côté de la pièce. Il n’avait aucun doute quant à la discussion houleuse qu’ils tenaient en silence. Mais Youngjae frappa des mains, clama haut et fort les premières paroles et le village s'endormit.
Un brouillard couvrit les yeux d'un grand noiraud, brisant ainsi l’échange avec son vis à vis, et en moins d’une seconde, son esprit partit dans un autre monde.
*
Je n’avais jamais senti mon cœur aussi proche du bord de mes lèvres. Au début, j’avais simplement l’impression qu’une chaleur me prenait la poitrine, comme lorsque l’on avale une bouchée brûlante et qu’il est impossible de stopper cet incendie sans boire. Alors j’y avais fait abstraction, pensant que cette douleur allait s’évanouir. Mais elle n’a été que plus forte. Bientôt, mon organe vital prit feu. Il s'enflamma complètement, me brûla les entrailles et assécha ma gorge. Je pouvais le sentir s'affoler comme s'il tenait entre mes mains. Des gouttes de sueur dégoulinèrent sur mes joues. Je pouvais les sentir. Puis un sursaut me prit. J’ouvris brusquement les yeux, l’air égaré, complètement perdu. Il me fallut un moment avant que je ne comprenne où j'étais. Je venais d'émerger de mon sommeil, c'était le matin et j’étais dans une chambre tout en bois.
Étrangement, un soupir de soulagement vibra contre mes lèvres, j'étais encore en vie. Cette seule pensée traversa mon esprit alors que je me redressais sur les coudes. Je repris petit à petit une respiration saine tout en fixant la porte en face de moi. Mes cheveux noirs se collaient contre mon front transpirant alors que mes lèvres tremblaient encore. Je ne savais pas ce qui s'était passé pour que je sois dans un tel état, mais je pouvais encore sentir cette angoisse sourde m'étreindre le cœur. Je me sentais étouffer comme si l'on ne voulait plus me lâcher et puis.. il y avait une odeur. Une odeur nouvelle qui volait autour de moi. Loin d'être désagréable, elle m'entourait comme ancrée dans mes draps, dans ma peau et dans mon âme. Âme qui aurait du mal à supporter plus de sensations si ça continuait ainsi.
Lentement, je me glissai hors de mon lit, mais à peine avais-je posé le pied sur le sol, qu'un frisson me parcourut l'échine. Il était froid, et je n'étais qu'en caleçon. La brise qui occupait la pièce était fraîche et la fine couche de sueur qui recouvrait mon corps n'aidait pas à la supporter. Sans réfléchir davantage, je me dirigeai vers le seul meuble de la chambre ; une armoire.
Pourtant un petit doute me prit au moment d’attraper la poignée. Et s'il y avait quelque chose à l'intérieur ? Un petit sourire se dessina sur mes lèvres. J’étais bêtement en train de flipper. Qu’est ce qui pourrait se cacher dans cette armoire ? Au vu de l'allure, elle ne devait pas être très grande de l'intérieur. Y avait-il un gobelin ? Rien de bien méchant alors, si ? Je me souviens de ma peur bleue des elfes et des trolls de jardin lorsque j’étais enfant. Ces songes hantaient mes nuits, m'effrayaient et me faisaient hurler aux moindres petits bruits. J'étais un enfant particulièrement peureux. Seulement maintenant j’étais grand et je ne pouvais plus laisser ce sentiment d'impuissance m'emprisonner. J'ouvris l'armoire.
Un jean noir, un t-shirt blanc et une paire de convers, c’était tout ce que contenait cette armoire. J'attrapai les vêtements d'une main avant de regarder à nouveau autour de moi.
N’y avait-t-il rien pour se rincer ? Je sentais encore la peau de mes mains moites et mon dos mouillé. Seulement ma cabane était dépourvue de salle d’eau. Je lâchai un nouveau soupir avant d'enfiler les vêtements. Cela restait collant.. Je me mis ensuite en quête de relever mes cheveux devenus des chiffes molles, en vain. A quoi bon après tout, ils étaient crasseux.
Je mis mes chaussures et me dirigeai vers la porte. À nouveau, une vague de frisson me parcourut alors que mes doigts effleuraient la poignée. Mon épiderme la touchait à peine quand cette sensation me prit. C’était comme si une présence me chuchotait de faire attention, d'être discret. Et aussi contradictoire que cela puisse paraître, je me sentais également protégé, comme si l'on veillait sur moi. C'était à la fois désagréable et d'une douceur extrême.
Perdu dans mes pensées, j'ouvris la porte lentement, le plus silencieusement possible.
Il faisait encore nuit. Une nuit noire et oppressante. L’ambiance était.. mortelle, et pas dans le bon sens du terme. La situation n’avait rien de normal. J'aurais dû me réveiller automatiquement le jour, du moins je le pensais. Et alors que tout s'assemblait petit à petit dans mon esprit, je compris. Je n’étais pas un simple villageois.
- Très bien.., lâchai-je dans un souffle peu rassurant.
C’était pas faute d’avoir essayé.
Je ne pouvais plus reculer de toute façon. Mes pieds avancaient sans mon contrôle et à chaque fois que je parvenais à ralentir, la peur s’accentuait. Je ne pouvais pas me laisser submerger par mes émotions, mais je sentais bien que si je m'arrêtais, j’allais mourir. L'intuition était beaucoup trop forte pour être ignorée, mais jamais je ne me cacherai sous mes draps en priant pour disparaître. Jamais plus je ne serai lâche, j'affronterai quoi que ce soit. Grâce à cet honorable courage, je me retrouvais dehors, seul dans un village glauque et dangereux.
Mais qu'est-ce que je foutais la.. ?
Je m’approchais toujours du centre du village à pas de loup, les poings serrés et mon faible courage au travers de ma gorge, quand j’aperçue une lueur.
Et pas seulement. Bientôt je perçu des voix se chamailler, et peut-être rire. Je ne saurais faire la différence d’où je me tenais. Elles fusaient dans la nuit mais restaient très brouillonnes. Tout ce qui s’en dégageait n’avait juste pas l’air sain. Puis un rire sordide résonna brusquement jusqu’à mes oreilles. Je me figeai. On aurait dit des hyènes.
Je devais voir à qui elles appartenaient.
Me glissant alors entre les murs et les arbres, j'approchai lentement. Lorsque ma présence fut correctement dissimulée, je me penchai légèrement vers l’avant, la main contre le bois dur d’une autre cabane. Là, un immense feu brûlait les étoiles et juste en dessous, les loups.
Ma main se crispa.
De loin, je vis leurs yeux destructeurs et leurs sourires sadiques éclairés par les flammes. Ils avaient beau être loins, ils ne paraissaient pas moins fous. Mon souffle se coupa quelques instants, coincé entre ma gorge et mes poumons. Je ne pouvais plus bouger. La peur avait repris possession de mon corps. Les loups étaient devant moi. Il ne me fallut pas longtemps avant de distinguer clairement Kunpimook, Minho, Chan et Jaebum. Bizarrement, cela ne m'étonnait même pas.
Je serrai les dents sans pouvoir les lâcher du regard une seule seconde. J'étais hypnotisé par cette anarchie qu'ils dégageaient et par la peur qui ne voulait plus me quitter. Elle serrait mon t-shirt entre ses maigres doigts et tirait dessus de plus en plus fort. J’allais suffoquer.
Les monstres faisaient la fête pendant que le village dormait. La vérité me frappa de plein fouet : Bientôt, quelqu'un allait mourir. Ma mâchoire se contracta de colère, j'aurais pu sortir de ma cachette et me jeter sur eux, leur arracher le cœur et puis mourir quand leurs sourires se seraient éteints. Mais ils n'avaient sûrement pas de cœur.. et puis je n’aurais pas fait long feu face à quatres loups affamés.. Un grognement passe sur mes lèvres. Je n’avais plus rien à faire ici. Je connaissais l’identité des loups et j’allais devoir user de stratégie pour les éliminer un par un sans me faire griller. En tant que petite fille, j’étais un atout indispensable pour le village. D’ailleurs, quelque chose clochait avec mon rôle. Je ne parvenais pas à mettre la main dessus mais il semblait qu’il y avait quelque chose en plus. Cette étrange impression de protection, je ne savais d’où elle venait, mais elle ne cessait de croître autour de moi. Il y avait forcément une raison ! Si seulement..- Je me stoppai brusquement. Alors que je m'apprêtais à m’éloigner pour réfléchir à toutes mes incertitudes au chaud sous la couette, je le vis.
Je le vis lui et son air insolent, ses yeux perçants. Il s'approcha des autres loups, un petit sourire arrogant au coin des lèvres. Tous se turent en le voyant. Ils semblaient attendre quelque chose, mais quoi ?
- Bon les gars, tuons.
Un ordre. C'était le loup blanc.
A votre avis, qui est le loup blanc ? Dans la tête de qui nous sommes ? Quelle peut bien être cette sensation de protection que ressent la petite fille ( qui est un petit garçon ) ?
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