❦ 10.

— Oh my God ils sont trop mignons, il faut ab-so-lu-ment que je les prenne en photo...

Cet éclat de voix réveilla Changbin, qui se mit à battre des paupières.

— Jeewon ? bredouilla-t-il.

— Oh salut Bin ! s'exclama joyeusement celle-ci. Je t'ai réveillé ?

— Hmm...

— Je vous ai préparé un goûter. Je file vous attendre dans la cuisine !

Le jeune homme poussa un soupir, mais n'osa pas faire le moindre geste, de crainte de brusquer l'être magnifique qui était allongé contre lui.

S'il connaissait désormais l'étendue de ses sentiments pour l'adolescente, il ne comptait pas les lui dévoiler. En tout cas, pas avant qu'il n'ait percé son mystère.

Il n'avait jamais été aussi proche d'elle. Ses effluves embaumaient la pièce d'un parfum odoriférant si délicat que le noiraud s'en sentit tout chamboulé.

Enfin, il eut l'impression de déceler la moindre étincelle de sa délicieuse senteur.

De Lexie émanaient de douces exhalaisons vanillées, des rubans musqués mêlés d'une odeur sucrée, presque suave.

Elle fleurait mille et un effluves qui serpentaient autour d'eux, s'entremêlant en une délicate couleur rosacée et formant des arabesques d'où perlaient des fleurs de larmes.

Changbin n'avait jamais expérimenté quelque chose d'aussi incroyable.

Il voyait les odeurs.

Lorsqu'elles atteignirent ses narines, il fut en proie à des sensations vertigineuses. Un immense sentiment de bien-être l'envahit.

Il ressentit le bonheur, le chagrin, la hargne, la terreur, tout cela amalgamé en une émotion indicible, chatoyant comme un joyau.

Lexie sentait l'amour.

Des effluences d'un rose tirant sur l'incarnat envahirent la salle sous le regard émerveillé de Changbin. Incapable de réagir, il prit une profonde inspiration. Ils le submergèrent subitement.

« Oh... »

— Changbin !

L'enchantement disparut aussi vite qu'il s'était manifesté.

— Euh o-ouais, j'arrive !

Le noiraud se remit de ses émotions. Son esprit était clair, désormais. Il secoua doucement le corps roulé en boule comme un chaton contre lui.

— Floette ? Viens manger.

— Hmm... oui..., murmura Felix d'une voix âpre.

Changbin pouffa avec amusement. Il se pencha, jusqu'à ce que son souffle effleure délicieusement son cou.

— Tu sens bon.

— Hmm... Binnie... Tu me fais des chatouilles...

— Viens, avant que je te mange toi parce que t'es adorable.

Sans crier gare, il déposa un bisou sur sa peau immaculée.

Cela eut l'effet escompté. L'Australien piqua un fard, et se redressa vivement.

Le noiraud le gratifia d'un sourire espiègle.

— Espèce de malade, grommela Felix en se levant.

Il courut jusqu'à la cuisine, et son ami eut ainsi tout le loisir d'observer à la dérobée ses longues jambes glabres. « Ça lui a plu », se réjouit-il intérieurement.

Le jeune homme quitta le canapé bien à regret, et s'avança dans le couloir en faisant bien attention de ne pas rouvrir ses plaies. Il constata avec satisfaction que Lexie les avait bien traitées, malgré son inexpérience en la matière.

Il s'assit à table et croqua dans une pomme. Ayant difficilement passé sa paille sous son masque, son vis-à-vis à la chevelure rose buvait son chocolat chaud avec extase, ce qui lui arracha un rire.

Jeewon remarqua avec bonheur qu'ils avaient une excellente influence l'un sur l'autre. Changbin lui paraissait moins abrupt, il souriait beaucoup plus qu'auparavant. Quant à Felix, il gagnait en confiance en soi et osait s'exprimer plus librement.

Pour ne pas trahir la promesse qu'elle avait faite à son neveu, la quadragénaire ne dit presque rien, se contentant de les écouter bavarder allègrement. Pourtant, elle était certaine que la lueur qui brillait dans les iris du noiraud lorsqu'il regardait son vis-à-vis ne s'estomperait jamais, pas même quand il apprendrait sa véritable identité.

« La vérité finit toujours par se savoir », se souvint Madame Lee en observant les traits délicats du jeune homme à la chevelure acajou rose.

Il riait aux éclats, et ce son semblait adoucir le noiraud rayonnant qui ne pouvait plus arrêter de sourire.

« Il est complètement sous son charme, s'aperçut-elle avec amusement. J'avais raison... »

Les deux adolescents se tenaient sur le balcon, les yeux levés vers la voûte céleste constellée d'étoiles.

Changbin repoussait le moment où il devrait rentrer chez lui. Il avait la chair de poule rien qu'à l'idée de revoir sa mère, mais il n'avait pas le choix. Du moins, jusqu'à ce que la police se décide enfin à la prendre en charge.

Il faisait frais, mais agréable. Le noiraud adorait l'odeur grisante de la nuit, et encore plus lorsqu'elle était mêlée à celle de Lexie.

Felix avait fermé les paupières pour profiter de la douce brise qui effleurait sa peau et jouait avec ses cheveux roses. Sa jupe d'un noir d'encre semblait comme danser autour de ses jambes, et parfois, il rougissait lorsqu'elle s'élevait un peu trop haut.

Les feuilles des arbres bruissaient en chœur sous l'effet de la bourrasque. Une chouette hululait au loin, les grillons stridulaient dans les prés.

Il profita de chaque son qui ne se réveillait qu'après le couvert de l'obscurité.

Une main chaude enroba la sienne dans un geste si doux qu'il frémit. Leurs doigts s'enlacèrent tendrement, formant un lien ineffable entre leurs deux âmes.

Il les unissait, faisait naître en eux l'émotion enivrante qu'était le bonheur.

Les jeunes hommes n'avaient pas besoin de mots pour exprimer ce qu'ils ressentaient.

Seules les étoiles furent témoins de la scène qui se joua ensuite entre eux.

Changbin porta sa main tremblante à l'oreille de son vis-à-vis et détacha le cordon. Il réitéra son geste de l'autre côté, puis fit glisser le masque qui s'écrasa sur le sol. Il était incapable de distinguer complètement son visage à cause de l'obscurité environnante, mais il pouvait deviner ses courbes d'une délicatesse exquise.

Sans un mot, le noiraud se mit sur la pointe des pieds et posa ses lèvres sur les siennes. Instinctivement, Felix porta sa deuxième main sur sa taille pour rapprocher leurs corps.

Leur premier baiser fut électrique.

L'aîné inclina la tête afin de mieux épouser sa bouche parfaite, sucrée comme la vanille, comme pour lui offrir sa tendresse inopinée.

Il se détacha pour plonger son regard dans celui de l'Australien, cherchant de l'assentiment dans ses yeux de velours.

Ils chatoyaient plus fort que les milliers d'étoiles étincelantes qui piquetaient le firmament.

L'amour qui enflamma le cœur de Felix effaça momentanément sa raison. Il n'avait plus peur de qui il était, de ce qu'il était. Il n'y avait plus que Changbin, lui et Changbin, seuls sous les astres qui leur souriaient.

Le noiraud passa ses bras autour de ses hanches et le serra contre son torse.

Des myriades de frissons coururent sur la peau de l'androgyne sous le souffle chaud du plus âgé qui effleurait sa peau de porcelaine. Le doux frôlement de son nez sur son lobe le fit frémir.

Pour la première fois depuis longtemps, il se sentit apprécié, aimé.

Changbin mit fin à leur étreinte à contrecœur. Il caressa doucement la joue de son vis-à-vis et vint lui voler un dernier doux baiser capiteux, exaltant leur amour.

Aussi silencieux qu'une ombre, il s'enfonça à nouveau dans la maison pour se rendre à la porte d'entrée. Il quitta la demeure subrepticement, veillant à ne faire aucun bruit.

Fébrile, Felix étouffa un cri de joie et regagna sa chambre. Il se changea à la vitesse de l'éclair et se glissa sous sa couette.

Il jubilait tellement qu'il ne parvenait pas à fermer les paupières. Il serra sa peluche koala avec force contre lui, cherchant à calmer sa joie débordante.

Finalement, le jeune homme s'endormit, un sourire béat accroché aux lèvres.

Le petit Australien faisait tourner sa cuillère dans son bol de céréales sans se décider à en prendre une bouchée.

Jeewon l'observa un long moment avec une pointe d'amusement et d'inquiétude.

— Lix ? s'enquit-elle finalement. Ça va ?

L'adolescent ne répondit pas, le regard vissé vers la nourriture, comme s'il pouvait lire le contenu de son lait.

— Felix !

— Euh oui ! Oui, c'est moi !

— Lix, pouffa Madame Lee, qu'est-ce que tu as, aujourd'hui ?

— Comment ça ?

— Tu sembles plongé dans tes pensées.

Les joues du jeune homme prirent instantanément une teinte cramoisie. Sous la mine inquisitrice de sa tante, il baissa vivement les yeux.

— C'est Changbin, n'est-ce pas ? demanda la femme en s'amusant de son comportement.

— O-Ouais... il... Il m'a... embrassé.

Jeewon était tellement abasourdie qu'elle resta sans voix suite à cette annonce. Puis, exultante, elle poussa un cri de joie qui prit Felix de court.

— Finally ! Yes !

L'adolescent jugea préférable de se taire. En fait, il ne partageait pas sa joie. Maintenant qu'il avait repris le contrôle de ses émotions, il se sentait pris au piège.

En apercevant la mine basse de son neveu, la quadragénaire se calma instantanément.

— C'est génial, non ? questionna-t-elle prudemment.

— Oui, évidement. Mais... je culpabilise terriblement..., bredouilla son interlocuteur. Je me dis que... il ne m'aurait pas embrassé s'il savait que je suis un...

— Je pense que tu paniques pour rien, Lix. Changbin t'as embrassé parce qu'il aime qui tu es, pas parce qu'il croit que tu es une fille. Crois-moi, il n'est jamais sorti avec quiconque.

« J'espère que tu ne regretteras pas ces baisers, Binnie... », souhaita Felix en acquiesçant aux dires de sa tante.

Mais plus il cogitait, plus il comprenait qu'il n'avait pas le choix. Il fallait qu'il lui dise toute la vérité, et qu'il affronte les conséquences de ses mensonges.

« L'amour est un sentiment magnifique qui ne devrait jamais s'embarrasser de ce genre de considérations, songea tristement Jeewon en apercevant la mine tourmentée de son neveu. Tu seras heureux, Lix, je te le promets. »

Pendant le restant de la journée, l'adolescent aux cheveux rosacés s'enferma dans un mutisme inquiétant. Il cherchait vainement un moyen d'annoncer à Changbin qui il était vraiment sans causer tout un émoi, ou pire encore, du dégoût. Il n'était pas sans savoir qu'il vivait dans un pays bien plus fermé d'esprit que l'Australie.

Même Madame Lee ne parvenait pas à le réconforter. Celle-ci comprit alors qu'elle était la seule à pouvoir arranger les choses.

Changbin⭐️ :
> Comment tu vas ?

LiXorne🌈 :
Bien, et toi ? <

Changbin⭐️ :
> Ça va :)
> Je m'inquiétais juste pour toi...
> Noona m'a dit que tu te sentais mal

LiXorne🌈 :
Non, je vais bien... <
Je cherche juste un moyen <
Pour <
Enfin <
*sigh* <
Laisse tomber, d'accord ? <

Changbin⭐️ :
> Est-ce que c'est à cause de moi ?
> Ou de ce qui s'est passé hier ?

LiXorne🌈 :
Binnie... <
Ne t'en fais pas <

Changbin⭐️ :
> Si j'ai mal interprété ce que tu voulais
> Tu peux me le dire, tu sais...

LiXorne🌈 :
Non ! <
C'est pas du tout ça ! <
C'est juste que... <
Je te cache quelque chose <
Et ça me bouffe <

Changbin⭐️ :
> Je sais que tu me le diras un jour
> Et j'attendrai autant qu'il le faudra

LiXorne🌈 :
Je ne te mérite pas... <
Tu es si gentil avec moi <
Alors que je vais te blesser <

Changbin⭐️ :
> Si ça te fais autant mal que ça
> Si tu as peur pour nous
> Tu devrais me le dire, tout simplement
> Ça te déchargerait d'un énorme poids ^^

LiXorne🌈 :
Binnie... <
Je ne peux pas <
Je sais que tu vas me détester <
Et ce serait égoïste de ma part d'oser espérer le contraire <

Changbin⭐️ :
> Floette...
> Je t'ai déjà promis que je t'accepterai comme tu es
> Et je suis un homme de parole

LiXorne🌈 :
J'ai si peur de te perdre... <

Changbin⭐️ :
> Tu ne me perdras pas
> Parce que je t'aime
Vu.

Felix explosa en sanglots déchirants. Il étreignit son doudou alors que des torrents de larmes sillonnaient ses joues. Il trémulait, mais pas de chagrin, car son corps tout entier suintait de terreur.

Il aurait tellement voulu croire son aîné, croire qu'il puisse l'accepter et l'aimer malgré tout, mais il savait au fond de lui que c'était impossible.

Une fois que le noiraud connaîtrait son secret, il le rejetterait. Mais l'Australien ne pouvait s'en prendre qu'à lui-même de lui avoir menti sur son identité.

Le souvenir des baisers qu'ils avaient échangés était doux dans son esprit, si doux... Il aurait tant voulu en connaître davantage.

— C'est de ma faute, de toute façon..., balbutia l'adolescent en berçant sa peluche. Je suis horrible... Je n'aurais jamais dû me rapprocher de Binnie... Je vais le blesser, et il va me haïr... Me haïr...

Il fondit à nouveau en larmes, et enfuit son visage dans son oreiller pour étouffer ses pleurs.

Lorsque Felix quitta son lit, il était un peu plus de quatorze heures. Sa tante étant partie travailler, il était seul dans la maison.

Déprimé, il enfila un jeans et un hoodie sombres, et passa une main dans sa chevelure pour tenter de lui donner un semblant de forme. Il n'avait absolument aucune envie de se maquiller, alors il quitta la salle de bain et descendit à la l'étage inférieur.

L'adolescent alla chercher une glace au parfum vanille et s'installa sur le canapé. Il mangea en silence, les larmes recommençant à glisser sur ses pommettes.

Il alluma la télévision, mais le souvenir d'avoir regardé un film avec Changbin devint insupportable. Une fois qu'il eut terminé de manger, l'Australien se mit à hoqueter. Il n'avait rien envie de faire, pas même écrire. Il voulait juste se laisser mourir sur le sofa.

Son portable vibrait sur la table, mais Felix n'y accorda pas même un regard. Il avait peur de voir le contact de son ami apparaître sur l'écran.

Il s'allongea et saisit un coussin entre ses bras. Il s'y essuya les yeux, mais les larmes ne voulaient pas s'arrêter.

Le jeune homme n'en pouvait plus. Il se leva et traversa le couloir tel un fantôme. En passant devant un miroir, il aperçut son reflet dépravé. Il avait vraiment mauvaise mine avec ses prunelles rougies, sa chevelure échevelée et les taches brunâtres qui parsemaient chaque parcelle de sa peau tannée par le chaud soleil australien.

Pour s'arracher à son désespoir, il détourna le regard en réprimant d'autres pleurs. Au moment où il décida d'aller se recoucher, la sonnette retentit dans la demeure.

Sans réfléchir, l'adolescent exerça une légère pression sur la poignée de la porte d'entrée pour l'ouvrir.

Il comprit trop tard son erreur.

Le visage inquiet de Changbin lui apparut, et son cœur s'emballa dans sa poitrine.

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