17 | Arzhel


J'avais toujours su qu'un jour je devrais me battre pour sauver la vie de Nokomis. C'était la seule et l'unique vérité que mon père avait désiré me cacher.

Parce qu'il savait que la loyauté en moi me pousserait à me sacrifier pour elle.

À me sacrifier pour le bien-être du royaume.

L'épée dans ma main était plus lourde que mes sabres, mais les lames avaient toujours été mon domaine.

— Un petit lycan qui a oublié qui j'étais ! s'exclama Vyara.

Je croisai rapidement le regard de Nokomis. Je ne dis rien, mais elle s'exécuta. Elle partit sur sa droite pour se mettre à l'abri, mais déjà un homme me heurta brutalement de la droite.

Artesidas me plaqua au sol et son poing frôla ma tête.

Je vis Nokomis hésiter au loin et elle n'eut pas le temps de s'échapper que Vyara réduit la distance entre elles pour lui parler.

Ou pour la tuer ?

— Bonjour petit Conseiller. Je reconnais cette épée. Cette petite épée qui n'a pas pu me tuer.

Je sentis qu'il bloquait mes mains de ses jambes. Sa force était incroyable pour quelqu'un qui sortait du sommeil. Mon lycan puisa dans notre calme intérieur pour réfléchir rapidement à notre position. Là, sous mes doigts. L'épée.

Ma prise se raffermit dessus et soudain Artesidas agrippa mon menton pour croiser mon regard.

— NON ! cria Nokomis.

Les bruits de la bataille autour de nous rageaient.

— Tu ne m'auras pas comme ça, soufflai-je.

Mon ambidextrie me permis de surprendre Artesidas. La dague dans ma main gauche s'enfonça dans sa côte et il bondit sur le côté. Il la lança et elle se ficha dans le sol à côté de ma joue.

Je fus sur mes pieds la seconde suivante et il chargea.

Je ne pouvais pas laisser Vyara attaquer Nokomis, mais si Artesidas me prenait du temps, je ne pouvais pas me dédoubler.

Je tentai de voir où était Evy, mais rien. Elle devait être occupée ou prise au piège pour l'empêcher de venir aider Nokomis.

— Lui as-tu appris quelques tours, Nokomis ? demanda Vyara. Où vais-je pouvoir tout lui voler sous tes yeux ? Il sera appétissant. Tellement puissant ! Ce sera un délice !

— Tu ne le toucheras pas ! cracha Nokomis.

— Elle semble à te protéger, minauda Artesidas.

Il sortit une autre lame de son haut et joua avec. Il agita la main et me fit signe d'approcher.

— Je vais te tuer, souffla-t-il. Regarde-moi une seule fois et je te promets de plonger en toi. De racler les bords de ta conscience et d'en grignoter jusqu'aux derniers souvenirs de la petite princesse sans défense.

— La croire sans défense sera ta première erreur, murmurai-je.

Je plongeai sur lui et nous échangeâmes plusieurs coups. Il était très fort à la lame et je sentis à quel point le Sommeil l'affectait encore. Car je réussis à le blesser très rapidement par rapport à mon dernier combat contre lui.

— Toutes ces années, j'ai pu apprendre, soufflai-je. Pendant que tu dormais. Pendant que tu n'apprenais plus rien.

J'avais déjà combattu contre lui. Et il avait dû être présent pendant le massacre d'Edyrm s'il reconnaissait l'arme.

L'épée frôla son torse et il tomba en arrière avant de rouler pour s'éloigner. Je n'attendis pas qu'il se relève. J'étais déjà dans les airs, prêt à attaquer, quand un coup de feu résonna. La balle traversa mon épaule et je fus projeté au sol. Mon cri traversa ma bouche et soudain, Artesidas fut sur moi.

Ses deux mains agrippèrent mon visage et ses yeux croisèrent les miens.

Sa présence écrasa la mienne si vite que je le sentis jusque dans mes os.

Je fermai mes paupières, mais son doigt dans ma blessure me fit cligner des yeux.

Des souvenirs défilaient devant moi.

Mon lycan paniqua et élabora les nombreux mécanismes de défense que Nokomis lui avait appris. Rapidement.

Pas assez cependant pour qu'Artesidas me vole mon dernier souvenir d'Imriel.

Il sourit et ses doigts crochetèrent un peu plus mes tempes.

Ce fut Evy qui le délogea de mon torse. Elle le traina sur plusieurs mètres avant qu'il ne la blesse pour s'échapper.

Je me redressai et vis Vyara presque au-dessus de Nokomis.

Blessé et plein de sang de ma blessure, je me redressai pour courir sur elles.

Vyara le vit et soudain, l'espace-temps dans lequel nous nous trouvions se brisa.

Nokomis hurla et je heurtai un sol dur.

Le sol d'une grotte ?

Le son résonnait autour de nous.

Je voulus me relever, mais Vyara frappa mon crâne.

Elle tira sur mes cheveux pour redresser mon visage vers elle.

— Nokomis, Nokomis, souffla-t-elle.

Je crachai mon sang à sa figure et elle me lâcha. Elle me frappa de nouveau de toute sa force et je vis bientôt flou. Mon bras blessé était complètement engourdi à présent. Je n'avais pas été assez prudent.

J'aurais dû être plus prudent.

Mais ne pas regarder quelqu'un dans les yeux dans un combat m'avait toujours semblé être le pire. La moindre expression visible sur le visage se retrouvait hors de portée.

Et je n'étais qu'un lycan.

Nokomis avait une marque sur la joue, comme si on l'avait claquée. Très fort. Elle rampa jusqu'à moi.

Il n'y avait plus Evy autour de nous.

Vyara avait forcément un mage ou un sorcier à sa botte pour nous faire bouger de la sorte.

Vortigern ?

— Un couple maudit ! se mit à rire Vyara. Vous ne vous vous êtes jamais trouvé et nous resterez deux âmes séparées.

Elle s'éloigna légèrement pour marcher dans l'endroit où nous étions.

Les mains de Nokomis se posèrent tremblantes sur mon torse.

— Tu... tu...

Ses doigts touchèrent le sang sur mon épaule.

— Je suis là, murmurai-je. Tout ira bien. Il faut que tu t'échappes.

— Tellement de bons sentiments entre vous ! continua la Prima. Mais je ne peux pas accepter plus longtemps que la Princesse ne prenne pas ses responsabilités. Je pensais tellement que te laisser avec Aran ferait de toi une plus grande Seeker. Mais j'avais tort. C'est ma première et dernière erreur !

— Je ne te laisserais pas, chuchota Nokomis.

Son visage se fit plus pâle et soudain, dans sa main, elle regarda une petite fiole.

— Noko, murmurai-je.

— Je ne la laisserai pas te prendre, souffla-t-elle, si bas que je crus avoir mal compris.

Mon corps douloureux se mit à frissonner à cause de la perte de sang. Je pouvais m'en sortir.

— Laisse-moi me battre.

— Elle te volera, Zhel, murmura Nokomis.

— Elle a raison, Conseiller, s'amusa Vyara. Dès l'instant où tu croiseras mon regard, rien ne m'arrêtera. Pas même les petites barrières qu'elle t'a appris à poser. N'est-ce pas Nokomis ? Alors que vas-tu faire pour le protéger ? Le tuer serait une bonne idée.

Je plongeai mon regard dans celui de Nokomis.

— Qu'est-ce que tu as là ?

La voix de Vyara se fit plus curieuse.

— Je... je suis désolée, souffla Noko.

— Laisse-moi t'aider, murmurai-je.

— Tu ne peux pas Conseiller. La meilleure des deux vaincra. Mais ta douce Princesse va te mutiler avant de voir si elle a une chance de me battre. N'est-ce pas ?

— Tu ne peux pas mourir, soufflai-je.

Nokomis trembla en ouvrant la petite fiole. L'odeur de l'argent fit peur à mon lycan. Tout mon corps se rebella contre cette simple odeur.

Cette simple fiole qui pourrait me tuer très rapidement.

— Ne bouge pas, m'ordonna Nokomis.

— Tu vas vraiment le faire, s'étonna Vyara. Tu le mutilerais pour que je n'aie pas accès à sa psyché.

Nokomis arracha un bout de sa robe et elle l'imbiba rapidement d'argent. Elle ne me laissa pas respirer, elle appliqua immédiatement le linge humide d'argent liquide sur mon visage, sur mes yeux.

Je me mis à hurler.

Je voulus m'écarter d'elle, mais mon lycan bien plus conscient du problème se figea de terreur.

Si nous devenions aveugles... Si nous ne pouvions plus rien voir après ça...

Les mains tremblantes et mouillées de Nokomis voulurent me toucher, mais nous nous écartâmes dans un sursaut de peur.

Mon lycan fit retomber le vêtement par terre, mais l'argent avait grignoté notre nerf optique, tout comme ils avaient brulé toute la peau autour de mes yeux.

— Je suis désolée mon amour. Je suis tellement désolée...

— Tu es bien plus intéressante que prévu, Princesse. Tu mutiles ton Anchor sans une once de remords.

— Tu le tuerais, souffla-t-elle.

J'entendais à peine leur conversation, abasourdi par la douleur que cela procurait dans tout mon crâne.

À quatre pattes, je tentai de naviguer dans le noir qui se trouvait devant moi.

Ma main tenta d'attraper Nokomis, mais je l'entendis se lever.

— Je t'aime. Je t'ai toujours aimé. Je t'ai promis. Je te l'ai promis il y a longtemps. Je te protégerais toujours.

— NOKOMIS ! hurlai-je.

— Il ne me sert plus à rien dans cet état. Alors concentrons-nous sur notre combat toutes les deux, n'est-ce pas, ma fille ?

— Noko... Noko...

Ma propre voix résonnait dans ma tête.

JE ne voyais plus rien.

Plus rien.

Je heurtai un caillou et tombai en avant.

Le ricanement de Vyara heurta mes oreilles qui elles aussi étaient un peu abîmées avec l'argent qui avait coulé.

— NOKOMIS ! hurlai-je. Ne te sacrifie pas de cette façon. Je ... Je t'en supplie...

— Pathétique petit lycan.

— Tu ne l'auras pas, cracha Nokomis. Alors, concentre-toi sur moi. Tu n'auras rien de plus de ma famille.

— Tu crois, petite fille ? Tu crois vraiment que je n'ai pas prévu d'exterminer les tiens ? Quoi que. Je garderais peut-être Imriel. Elle semble avoir du potentiel. Elle fera une magnifique Aclayri.

— Noko... s'il te plaît... Noko...

Ma main se tendit dans du vide.

Le sanglot de Nokomis résonna, mais rien ne toucha ma main en retour.

Elle allait se sacrifier.

Elle allait de nouveau m'abandonner.

Tout ça parce que je n'étais pas un Seeker.

Que je ne pouvais pas me défendre.

Que je ne pouvais battre cette traitresse de Vyara.

— NOKOMIS ! criai-je.

Ne me quitte pas.

Ne me quitte plus.

Ne disparais pas.

J'allais encore la perdre.

J'allais encore échouer.

Jamais je ne m'en remettrais.

Jamais je ne verrais son visage de nouveau.

NOKO !

NOKOMIS ! 

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