15 | Arzhel


Cela faisait moins de cinq heures que nous avions tous reçu la nouvelle d'une façon ou d'une autre. Cinq heures que Nokomis faisait les cent pas dans mes quartiers. Elijah tentait de la rassurer et de lui expliquer certains éléments en ce qui concernait les Seekers, mais mon anchor ne semblait pas prête à entendre tout ça.

Je n'avais malheureusement pas le temps d'en parler plus avant avec elle, car j'avais deux autres personnes qui venaient de s'introduire dans le Deity sans que les protections de Siobhane ou celles de Merlin pour celles qui restaient n'agissent pas sur eux. L'Impératrice semblait aussi confuse que moi, mais les Ombres qui suivaient l'un de des deux hommes n'étaient pas son terrain de prédilection.

Je tenais donc à avoir une discussion avec Liam, qui était un Chasseur, un Maître, si je ne m'abusais. Ce n'était pas lui qui m'inquiétait le plus dans les faits. Celui qui m'inquiétait était le second. Prénommé Zarkan, mon lycan avait senti immédiatement ce qu'il était. C'était un chasseur par extension, tout comme Amalia en était une. C'est-à-dire qu'elle avait été une lycan avant d'être un Chasseur. La composante qui prenait le dessus en ce moment se trouvait être son côté Chasseur. Cependant, l'homme en face de moi n'était pas qu'un Chasseur et la composante qu'il maintenait en avant n'était pas Chasseur.

J'avais bien d'autres problèmes à gérer que leur présence ici, mais tous deux étaient liés d'une certaine façon à Amalia et Elijah. Et que je le veuille ou non, ils avaient fait fuir Vyara. Que ce soit une apparition ou non, elle avait fait son effet.

— Vous, dis-je, comment puis-je être sûr que vous n'allez pas vous nourrir de la première personne que vous allez croiser ? Et ne me dites pas que vous vous nourrissez de lycans, ou je vous mets moi-même à la porte.

Le dénommé Liam eut un petit sourire malin. Le même qu'un certain Tarek. S'ils avaient un quelconque lien de parenté, je ne répondais plus de rien.

— Comment sais-tu que c'est un vampire ? grogna Amalia.

Zarkan joua avec une mèche de cheveux de la lycan et frôla la boucle d'oreille qui pendait à son oreille. Ils étaient proches. Tous les quatre. Entre Liam, Zarkan, Elijah et Amalia.

— Je n'ai pas beaucoup d'affinités avec les dirigeants vampires de ce monde, remarquai-je. Mais je sais que la plupart d'entre eux tiennent leur Nid de la façon la plus fermée possible. Ça évite des bains de sang parce que des jeunes vampires se nourriraient d'innocents et de personnes non consentantes. Il n'y aucun vampire sur ce territoire et je n'accepterais aucun écart de votre part.

— Il est fort, grogna Liam à Amalia. Tu t'es déjà battue avec lui bout de chair ? Je peux le prendre ?

— Je t'en prie, risque-toi à lui effleurer l'oreille, idiot, grogna Amalia en retour. Que je savoure ta raclée.

— Attaquer un dirigeant d'un pays n'est pas la meilleure étape pour se faire bien voir, marmonna Zarkan, le vampire.

Je ne voulais surtout pas avoir de problèmes avec le Nid à qui appartenait ce vampire. J'avais trop de soucis sur les bras pour en plus devoir replonger dans de vieilles négociations.

— Il n'y aura pas d'écart, m'annonça Zarkan. Je suis avec eux. Je ne fais pas de conneries.

— Tu ne disais pas ça l'autre jour devant cette belle nana avec des...

Zarkan fusilla du regard Liam. Je me pinçai l'arête du nez avant de pivoter vers Amalia.

— Peux-tu les surveiller ? S'il te plaît ?

— Pas de souci, m'annonça-t-elle.

— Qu'ils ne se baladent pas partout dans le Deity où je m'énerve, ordonnai-je.

J'entendis Liam ricaner, mais n'en tins pas compte. Je sortis de la salle de réunion dans laquelle je nous avais installés et pris la direction de mon bureau.

J'y trouvais Ambrose. Il était visiblement contrarié et moi je commençais à en avoir vraiment ras le bol.

— Crois-tu vraiment qu'on peut accepter tous ces inconnus dans le Deity ? Je ne peux pas assurer votre sécurité à tous. Je suis désolé, lança-t-il. J'ai déjà Tarek sur le dos qui s'amuse. Même quand sa compagne n'est pas là. Il suit sa sœur à la trace. Il a essayé de descendre.

Je fis la moue. Tarek ne passerait pas le barrage de l'Entité. Elle était protégée là où elle était. Elle se chargeait de sa propre sécurité de toute façon.

— Et je ne peux pas lui mettre quelqu'un aux fesses pour suivre ses faits et gestes. Donc, dis-moi. Comment je le gère ? Comment je gère les autres chasseurs ? hein ?

Je l'observai pendant plusieurs longues secondes avant de secouer la tête.

— Je vais m'arranger avec Elijah pour qu'ils soient hébergés dans une certaine partie du Deity. Ils seront fortement invités à y rester le temps de leur séjour ici. Est-ce que ça te convient ?

— Oh. Je ne sais pas. Demandons à Tarek si ça lui convient. Tarek ?

Ce dernier se matérialisa malgré moi dans l'ombre d'Ambrose. Il s'ébroua les épaules et me jeta un coup d'œil.

— Sûr que Marcellus tiendrait cette garderie mieux que vous, grommela-t-il.

— Ni Liam ni Zarkan ne sont une menace pour nous. Elijah ne le permettrait pas.

— Ne sois pas si sûr de toi sur ça.

— Tu sais qu'il est comme toi ? remarquai-je.

— Gentil ? ricana Tarek.

— C'est un Maître des Ombres. Ne souhaites-tu pas le rencontrer ?

Tarek disparut sans un mot de plus. Ambrose poussa un gros soupir.

— Génial. Maintenant, on va avoir deux idiots qui vont se chatouiller les oreilles pour savoir qui est le plus fort. Merci Conseiller.

Une heure plus tard, Aslander, Lothar et moi nous nous retrouvâmes dans une salle de conférence. De l'autre côté de l'ordinateur, il y avait tous les Krigs du pays, ainsi que le reste des Konings. Tous étaient très concentrés sur les ordres donnés par l'Empereur et moi-même.

— Quant à toi, Naata, je veux que tes forces viennent par la mer.

Perth était sur le littoral, il y avait même un port et beaucoup de spots de surf. Naata arriverait par la mer et si nous avions la nécessité de sortir les troupes en force, nous aurions du monde en attente et en renfort.

— Ne vous faites pas voir pour l'instant. Nous garderons l'élément de surprise si attaque il devait y avoir, ajoutai-je.

— Concernant les mouvements de foule, remarqua Gaius, comment doit-on agir ? Devons-nous pousser les gens à retourner chez eux ?

— Nous avons ouvert des refuges supplémentaires, nous annonça Acelin. Lothar aussi. Nous pourrons héberger nombre de personnes. La seule chose qui m'inquiète ce sont les Terras pacifistes. Ils ne veulent pas bouger, ce qui est compréhensible, mais certains Seekers se sont cachés là-bas.

— Nous n'intervenons pas sur les camps, trancha Aslander.

Je fis un tour de table pour savoir si tout le monde savait quoi faire et terminai par l'annonce que la Prima avait faite. Il y eut un long silence parmi les personnes présentes. Gaius fut celui qui tenta sa tête.

— Pouvons-nous faire confiance à la Princesse, Conseiller ? Si elle voit ce que fait la Prima. Peut-être que la Prima ce que nous faisons. Non ?

— Une espionne ? souffla Richard Mortensen, le Krig de Lothar.

Je serrai mes dents, mais Aslander posa sa main sur mon épaule.

— La Princesse ne donne aucune information à l'ennemi. Au contraire, elle nous en donne. Prenons les éléments que nous avons et avançons comme ça. Vous avez des questions ?

Personne ne parla et tout le monde raccrocha. Je me laissai aller sur le siège. Lothar quitta la pièce sans un mot de plus, visiblement agacé par les paroles de Gaius. Même s'il n'avait pas tort. Qu'en savions-nous ? Vyara avait peut-être vu des choses par l'intermédiaire de Nokomis et cette dernière n'en savait peut-être rien.

— Je ne peux rien garantir pour Nokomis, avouai-je après un silence pesant. Elle n'en a pas conscience ? Qui sait ? Si elle voit des choses dans un sens, pourquoi pas l'autre ?

— Elle le sentirait, souffla Aslander.

Il s'installa dans le siège en face de moi et pencha doucement la tête sur le côté.

— Je sais à quoi tu penses, soupirai-je.

— Vraiment ?

— Tu penses à ta liaison avec Vyara, acquiesçai-je. Tu as couché avec la mère de ta sœur. Et ça tourne là-dedans.

Je tapotai sa tempe pour insister sur mon propos.

— Ce n'est pas agréable de savoir ça. Je crois...

Je ris, sans joie. Ma nervosité prenait un cran supplémentaire au fur et à mesure des jours qui passaient. Et des annonces qui tombaient. Je devais rester maître de mes pensées.

— Je suis sûr que ça n'a rien d'agréable, admis-je avec une grimace. Néanmoins, nous nous en doutions. Nokomis ne pouvait pas être aussi puissante sans que son ascendance soit une complète inconnue.

— Kyriana la détestait pour ça, murmura Ani.

Je déglutis et hochai la tête.

— Je pense que ta mère savait très bien avec qui ton père avait eu cette enfant.

— Certes. Ça ne change rien au fait que Vyara était dans mon entourage très proche avant les Raids Sombres. Et Nokomis n'a...

— La Princesse n'avait aucune confiance en Vyara. Et il y avait peut-être une raison à tout ça.

Aslander secoua ses épaules, visiblement perturbé par cette nouvelle. Si mes souvenirs étaient corrects, il était même tombé amoureux de Vyara. Pas autant que de Siobhane, mais assez pour réfléchir à son avenir avec elle à l'époque où ils avaient eu une liaison.

Mais Vyara avait toujours désiré le pouvoir avant l'amour.

Toujours.

Et ça ne changeait pas. Pourquoi voulait-elle Nokomis ?

Pourquoi avait-elle engendré cet enfant avec un Valen'dyr ? Tellement de questions, d'interrogations qui ne menaient nulle part.

Dans la soirée, nous reçûmes le Prime avec Aslander dans une pièce sécurisée. Le dirigeant des humains. Celui qui s'inquiétait pour son peuple tout comme nous le faisions des lycans. J'avais un point de vue différent d'Aslander et du Prime. Pour moi, mon travail consistait à ce que tous les êtres vivants qui se trouvaient ici en Australie soient pris en charge. Malheureusement, certaines personnes ne le souhaitaient pas. Tout comme les humains, pour être traités de façon égale, souhaitaient être gouvernés en première façade par le Prime.

Mais le Prime nous répondait à nous. Il recevait ses ordres de nous, même si sa marge de manœuvre était très large et pas caduque.

— Les humains sont très inquiets. J'ai d'ailleurs vu que les Contingents ont pris en charge la population, peu importait si c'étaient des humains ou des lycans.

— L'armée prend en charge tout le monde, le rassurai-je.

Il hocha la tête.

— Si le règne de Thatcher arrive à sa fin, je dois penser aux humains de ce territoire. La peur s'installe et je ne pense pas pouvoir inverser la tendance. Si toute la population de l'Australie-Occidentale, humain et lycan comprise, venait à s'enfuir, nous aurions des problèmes.

Aslander lui expliqua les quelques mouvements de masse que notre Contingent nous avait reportés et cela sembla inquiéter un peu plus le Prime. Nous échangeâmes pendant une heure de plus avant de trouver des lignes d'engagements les uns envers les autres. Il repartit aussi vite qu'il était arrivé pour retourner se mettre au travail.

J'étais personnellement épuisé, mais j'avais encore plusieurs sujets sur le feu. Je passai rapidement par mes quartiers pour embrasser les jumeaux et Nokomis. Cette dernière semblait un peu ailleurs et je me promis de revenir la voir pour l'aider à dormir.

Gann et Lothar me demandèrent une visioconférence juste avant que je ne décide que ma journée était vraiment terminée. Je décrochai rapidement et les deux me parurent à la fois inquiets et un peu consternés. Qu'est-ce qu'il se passait encore ?

— J'ai discuté avec beaucoup de mes Freiherrs et Herres sur le terrain, engagea Lothar. Certaines me remontent des informations en ce qui concerne les Seekers.

— Tu te doutes que j'ai la même chose et qu'on t'appelle pour la même raison, remarqua Gann.

Je hochai la tête.

— Certains sont prêts à aider au combat, continua Lothar.

J'en fus agréablement surpris d'une certaine façon.

— Ils ne sont pas en état de combattre, soufflai-je.

— Ils disent que si Nokomis prend position en tant que nouvelle Prima des Seekers, ils la suivront.

Je me figeai, inquiet de cette dénomination. C'était le rang ultime pour le Peuple des Seekers, mais cela m'inquiétait quand même. Nous n'étions plus à la Princesse du royaume, mais bien à la Prima d'un peuple entier.

— Je pense que Nokomis devrait prendre position, ajouta Gann. Cela permettrait aux Seekers qui ont besoin d'un dirigeant ou d'une dirigeante dans ce cas-là d'avoir une figure d'autorité vers qui se tourner.

On en revenait toujours à ça n'est-ce pas ?

— D'autres cependant veulent être en paix. Ils sont faibles et ne veulent pas d'histoires supplémentaires. Ils reviennent presque des Raids Sombres eux-mêmes. Ils ne veulent plus rien sacrifier au nom d'une politique étrange qui ne les a jamais aidés.

Lothar et Gann discutèrent entre eux pendant quelques secondes. Je leur demandai de faire au maximum une liste pour que je sache qui voulait se battre ou non. Nous avions déjà commencé à identifier les Seekers pour leur faire des papiers administratifs et leur redonner la possibilité de vivre ici, mais de là à lister les soldats ? Je raccrochai avec les deux Konings et me levai prêt à rejoindre Nokomis.

Ce fut à ce moment-là que Dogan pénétra dans mon bureau. Je m'avançai vers lui pour le prendre dans mes bras et lui offrir une accolade vive.

— Toi tu m'as manqué, coquin, ricana-t-il.

Il me pressa contre son torse et quand il recula, son front rencontra tendrement le mien. Je souris et lui offris le même salut.

— Merci, merci d'avoir protégé les jumeaux, soufflai-je.

Il tapota ma joue avec un sourire.

— Comment se porte Nokomis ? Arrive-t-elle à dormir ?

Il tira une petite fiole de son pantalon et me la tendit.

— N'hésite pas à essayer ça sur elle. Ce n'est que palliatif, ça ne réglera pas le problème, mais ça pourrait lui offrir un peu de répit.

Je glissai la fiole dans ma poche et invitai Dogan à s'asseoir. Il repoussa sa natte derrière lui et se frotta le menton.

— J'ai réfléchi à ce que tu m'as demandé la dernière fois. Si nous pouvions éviter les dommages collatéraux que la guerre engendre d'une quelconque façon.

Je haussai un sourcil.

— Il faut que j'arrête de te donner ce genre de sujet, maugréai-je contre moi-même.

Il haussa ses épaules. Son visage restait un peu chiffonné.

— On dit que le Temps du Rêve peut protéger les individus qui s'y réfugient pour les bonnes raisons, murmura-t-il.

Je clignai des yeux.

— Qu'essayes-tu de dire ?

— Que je peux permettre à ceux qui ne veulent pas se battre d'avoir un refuge. Certes temporaire et invasif, car il les endormira le temps de la guerre, mais ... Le Temps du Rêve peut être une solution.

— Une autre forme de Sommeil ? C'est ça ? soufflai-je.

Les cris de Nokomis sifflèrent dans mes oreilles.

Dans une réminiscence pas si lointaine que ça. 

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