13.1 | Arzhel

Règne d'Aslander Val'endyr

Tout le royaume se trouvait là.

Il regardait.

Observait.

Adulait la Princesse qui se mariait aujourd'hui.

Tout le monde l'aimait.

Tout le monde l'idolâtrait.

Elle était celle qui représentait l'espoir, la nouveauté, l'innocence d'une certaine façon.

La petite sœur de l'Empereur.

Celle qu'on avait appris à aimer malgré ses différences.

Malgré LA différence.

Elle n'était pas lycan et pourtant, tout le monde l'aimait comme si elle l'était.

Il n'y avait qu'elle pour ne pas le voir.

Pour ne pas le comprendre.

Un royaume en joie et en paix.

Voilà ce à quoi aspirait ce mariage. À donner des envies, des espoirs et même des désirs de se marier à la population. Il y avait toujours un message derrière un mariage dans la royauté. Que ce soit un message sur les prochaines années, ou sur ce qu'il s'était passé avant.

Vers quoi nous tendions.

Vers quelle direction toutes ses décisions nous menaient.

Elles devaient bien nous mener quelque part n'est-ce pas ?

L'habit d'apparat que je portais ne m'avait jamais semblé aussi lourd.

Je suffoquai.

Mon lycan heurtait les murs de ma psyché. Il essayait d'assommer les dernières barrières que j'avais mises sur son chemin.

Car accepter qu'un autre lycan prenne la main de Nokomis dans la sienne pour lui jurer fidélité ?

Jamais.

Nokomis fit son entrée dans la cour royale qui n'avait jamais accueilli autant de personnes depuis le mariage d'Aran lui-même.

Un silence se fit quand elle s'avança vers Edyrm qui se tenait aux côtés d'un de nos grands prêtres qui tenaient la cérémonie. Un homme d'une grande tribu. Celle d'Aslander. Ce dernier se trouvait aux côtés de Nokomis et l'accompagnait jusqu'à l'arche qui abriterait leurs vœux l'un envers l'autre.

Une goutte de sueur glissa dans le creux de mon dos.

Mes mains tremblaient. Je sentais le contrôle que Marcellus tentait de m'imposer s'effriter.

Je ne devais pas perdre le contrôle.

Je ne devais pas tuer Edyrm.

Je ne devais pas le tuer.

Mon lycan ravagea une fois de plus mon crâne et je grimaçai. Je prétextai le soleil quand Ashelia et Lothar m'observèrent.

Tous les Konings se trouvaient là, alignés à côté de moi. Ils étaient tous dans leurs plus belles tenues. Ils attendaient comme moi de voir la Princesse Valendyr prendre sa responsabilité en tant que membre de la famille royale.

— Arzhel, souffla Lothar.

Je déglutis et fermai un instant les yeux. Quand je les rouvris, après plusieurs profondes inspirations, Nokomis se trouvait en face d'Edyrm et Aslander rejoignit Dogan de l'autre côté de l'arche. Je serrai ma mâchoire. Mon lycan devait attendre.

J'étais le Conseiller de l'Empereur.

Je me devais d'être là et de soutenir l'alliance qui se faisait entre la famille Valendyr et celle d'Edyrm, qui restait une famille noble très importante pour notre équilibre.

— Arzhel, insista Lothar.

Ses doigts se refermèrent sur le pommeau de mon couteau. Depuis combien jouais-je avec ? Je déglutis et le fis disparaître dans mon dos, à sa place.

— Tu n'es pas...

— Tais-toi, soufflai-je.

Le chef de la tribu prit la parole et caressa les visages ouverts et souriants de Nokomis et Edyrm. Je restai stoïque. J'attendis. Encore et encore que la cérémonie se termine.

Elle fut interminable.

La robe de Nokomis s'étalait autour d'elle et une magnifique fleur et d'un rose pâle éblouissant. Ses yeux violets faisaient ressortir sa beauté intemporelle et son sourire était étincelant.

Une femme magnifique.

Une Princesse honorable et fière.

Quand Aslander et les Konings suivirent le nouveau couple royal vers le bout de la cour pour saluer le reste du peuple, je restai à ma place. Je ne bougeai pas jusqu'à ce que Raad pose sa main sur mon épaule.

— Les herbes de Shady ne feront pas effet plus longtemps, murmura-t-il.

Je croisai le regard d'Arthur Pendragon à l'autre bout de la cour. Il pencha doucement la tête sur le côté. Je déglutis et détournai mon regard.

— Allons-y, haletai-je.

Raad et moi marchâmes d'un bon pas jusqu'aux cachots du Deity. Celui qui était le plus loin de la surface. Celui qui nous permettait d'agir d'une certaine façon. Sans limites particulières.

— Tu es sûr ? souffla Raad.

Je secouai la tête et il attacha la seconde attache en métal sur mon poignet droit. Je fis jouer les chaînes et sentis qu'elle tiendrait assez longtemps pour laisser mon lycan souffrir un peu.

— N'abîme pas mon visage. Nous y retournons après.

— Shady ne va pas vouloir te droguer toute ta vie.

— Elle fera ce qui doit être fait pour protéger Nokomis, sifflai-je en retour.

Son premier coup m'envoya brièvement dans un noir satisfaisant proche de l'inconscience.

Le second arracha un cri de douleur à mon lycan qui se mit à se débattre.

Je frémis quand je m'assis et soupirai quand enfin, mes fesses furent en contact avec le banc. Même mon cul était douloureux à ce stade, mais je n'en avais rien à foutre.

— Tu sens le chanvre, grogna Arthur quand il s'assit à mes côtés, de façon beaucoup plus souple.

Je lui jetai un coup d'œil peu amène.

— Et une autre odeur. Tu devrais rester plus longtemps dans les bains, une fois que tu as fumé ça.

Je ne dis rien et tentai de manger quelque chose. Cela faisait deux solstices que Nokomis était partie. Mon état s'était stabilisé. Probablement grâce au tabac que Shady me donnait. Ça m'aidait à méditer. Mon lycan avait probablement accepté l'idée que nous ne la reverrions pas tout de suite de toute façon. Il attendait, conscient que la chasse ne serait pas lancée demain. Mais bientôt.

Bientôt.

Je grimaçai et me frottai les tempes.

— Je devais en demander aussi à Shady, afin de dormir la nuit, grogna Gauvain.

Il se laissa tomber devant moi. Depuis qu'Aslander était rentré et prospérait dans le royaume, Arthur restait. Il restait et aidait à sa façon. Pour moi, il surveillait que son poulain ne faisait pas n'importe quoi. Surtout avec un Conseiller comme moi.

— Je peux lui demander pour toi, ricanai-je.

— Il parle ? souffla Arthur.

Je fis la moue.

— Je me suis toujours demandé ce que ça faisait de fumer comme un idiot et d'aller me battre le jour suivant, marmonna Bohort.

Les différents Chevaliers s'installèrent autour de nous et bientôt, ce fut une joyeuse tablée qui se restaura sous mes yeux. Mes côtes me faisaient souffrir et mes différentes blessures laissées par Lothar cette fois-ci me donnèrent du fil à retordre. Galaad fut le dernier à arriver et poussa Gauvain à se rapprocher de Bedivere pour avoir de la place. Il me jeta un coup d'œil et grimaça.

— Tu dis toujours à ceux qui te fracasse de laisser ton visage propre ? grogna Arthur.

Son regard me fusillait de toute la culpabilité possible.

— Brute, marmonnai-je.

— Si tu as besoin de parler, tu sais que nous sommes là, Conseiller, remarqua Gauvain en face de moi.

Je hochai la tête et agitai ma main. Je n'étais qu'un corps qui fonctionnait encore bien trop pour me rendre compte de ce que j'avais perdu.

Et de ce que je continuais à perdre quand je demandais à Lothar de me battre pour calmer mon lycan.

Pour calmer sa colère.

— Vous allez rester longtemps sous mon nez ? J'ai un Empereur à aider, grommelai-je.

— Ani sera celui qui nous informera de notre départ, répondit Arthur, sérieux.

Tous acquiescèrent d'un seul homme face à la parole de leur propre Roi.

Le regard d'Arthur voyait au-delà de mon masque et au-delà du beau parleur que j'étais. Il fallait qu'il parte. Qu'il arrête de fouiller.

Il fallait qu'il me laisse accepter le fait que je serais seul.

Et que j'allais donner ma vie à Aslander.

De toute façon, plus personne ne m'attendait maintenant.

Alors, je pouvais me consacrer uniquement à mon devoir.

Peu importe ce qu'il m'en coûtait.

Si elle aidait son frère, alors je ferais la même chose.

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