1 | Nokomis
Quelque part en Australie-Occidentale,
Le long des côtes.
La déflagration heurta la surface et des ondulations coururent loin, loin, jusqu'au large.
Le ciel, voilé par l'obscurité, déversa une pluie torrentielle, un rideau impénétrable et opaque.
Les gouttes s'écrasèrent contre l'océan, eau contre eau, colère contre tempérance.
Et le bruit, l'espace d'un moment, fut si assourdissant qu'il sembla couvrir un hurlement lointain. Une vocifération qui prenait en puissance et en force.
Mais dans mon esprit, chaque goutte était l'un d'eux.
Chaque goutte devenait Seeker, vestige d'une prison limpide où le silence
Rompait
Tout
Et
Nous
Tuait.
D'abord, je sentis mes doigts.
Je humais l'eau. Dans ma gorge. Une onde vorace. Je voulais respirer.
R E S P I R E R
Mais c'était froid. Humide. Mon corps s'arcbouta et il craqua.
Il
Craqua
Dans un bruit terrible. Dans un bruit... inhumain.
Chaque os
Chaque tendon.
Tout
Repris
Vie.
Dans un souffle
Dans un râle.
L'eau jaillit et se déversa sur mon menton, le long de mon cou et enfin, enfin, je sentis l'air. Pénétrer en moi, remplir mes poumons et me
Redonner
Vie.
S'accrocher à ma gorge pour la taillader.
Mon souffle devint tambours erratiques. Je roulai sur le côté, sentis quelque chose sous mon dos.
Tout me brûlait.
Mon enveloppe, ma chair, mon cœur. Chaque organe me tiraillait. Et je sus, je sus, je sus.
Plus de Rêve.
Plus de silence.
Plus de Sommeil.
Et là, là, les lettres me revinrent, dans un accès soudain.
Mon cœur tambourina.
Boom boom boom boom boom boom boom boom boom boom.
Arzhel.
Arzhel.
Arzhel
Arzhel
A R Z H E L
Et j'ouvris les yeux.
Pour de bon. Pour de vrai. Pour voir le ciel, pour chasser le Rêve et m'ancrer dans la réalité.
Et là, là, je pleurai.
Parce que je savais
Je savais
Que je
Ne dormais
Plus.
Et je me souvenais.
De mon nom.
Mon nom.
Mon
Nom.
Et du sien. Du sien, encore, encore, encore. Et encore.
Le Rêve n'existait plus. Et chaque goutte était mon peuple. Qui tombait.
Qui se réveillait.
Qui hurlait.
Et la douleur
La douleur
Elle fut
Elle fut
I
N
T
O
L
É
R
A
B
L
E
Térébrante, pernicieuse.
Elle me laboura. M'écartela. M'étripa.
Je hurlai.
Je hurlai comme jamais je n'avais hurlé.
Je hurlai parce que je
Vivais.
Je hurlai parce que je
Me souvenais.
Du Rêve
Du silence
D'Arthur
De Merlin
D'Aslander
De mes enfants
De Lothar
Et d'Arzhel.
Arzhel. Arzhel.
ARZHEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEELLLLL
Je me souvenais des paroles de Merlin. Da sa promesse que je souffrirais.
Je me souvenais
De l'absence
De tout
Et
De
Tout le monde.
Plus un bruit. Pas un ploc. Juste un plic.
Le dernier.
Plus de hurlements au loin. Plus de pluie.
Je le vis. L'oiseau. Ses battements d'ailes. Il passa au-dessus de moi sans me voir, sans me craindre.
J'entendis la chanson du vent.
La rumeur de la
Vie.
La vie. La vie. Parce que je vivais.
Plus de Rêve.
Notre Prison brisée.
Par qui ? Comment ?
Ma bouche s'ouvrit.
En grand. Immense. Un trou.
Un son.
Un cri.
Juste un appel.
Juste un prénom.
Le sien. Pas le mien.
Pas moi. Pas moi. Lui, lui, lui.
Toujours
Lui.
— Arzhel. Arzhel. Arzhel.
Je sanglotai.
Je l'appelai. Jusqu'à ce que je commence à reconnaître ma voix.
Jusqu'à ce que ce soit trop douloureux et que tout, tout, ne s'effrite.
Les mots.
Ma voix.
Ma gorge.
Mais mon cœur pulsait au rythme de mon invocation.
Et dans ce presque jour, je vivais.
Cette sensation était atroce.
Atroce
Et
Magnifique.
S'il te plaît
S'il te plaît
Ne
Me
Laisse
Pas
Dans
Le silence.
Mes doigts dans le sol.
Mon courage.
Ma force.
Je me levai.
Et je pris conscience de mon corps. De mon être.
De moi.
Mon nom.
Nokomis.
J'étais Nokomis. Princesse Val'endyr. Sœur de l'Empereur, fille du Roi Fou.
Nokomis.
Princesse Val'endyr.
Sœur de l'Empereur.
Fille du Roi Fou.
J'étais Nokomis.
Mes pieds traînèrent.
Râpèrent sur le sol.
J'étais Nokomis.
Nokomis. Nokomis.
Et j'étais Réveillée. Après un Sommeil de plusieurs siècles.
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